dimanche 30 novembre 2008

Parti socialiste et faillite démocratique

La démocratie, telle que nous la pratiquons, faisait une peur bleue à quelques-uns des plus grands esprits de notre temps. Hegel et Tocqueville en tête.

Pourquoi ? Parce qu’elle se prête à toutes les malversations et notamment à la domination de la minorité par la majorité. Or, la minorité peut avoir raison. Ou la majorité peut être sous influence. Surtout, dans le cas ou une « nation » est faite de multiples communautés hostiles, pourquoi donner le pouvoir à celle qui est la plus nombreuse ? Bien des guerres qui ravagent la planète viennent de là.

Mais il y a plus subtile. Martine Aubry, apparemment à la tête d’une coalition hétéroclite, dont le seul dénominateur commun est la haine de Ségolène Royal ?, vainc cette dernière - qui, elle, semble représenter 50% homogènes.

Manœuvre brillante : jouer sur des divisions pour gagner le pouvoir aux dépens d’une majorité. Ce pouvoir n’est pas forcément instable : diviser pour régner est aussi vieux, et efficace, que le monde. Ni mal intentionné : Martine Aubry pense probablement mieux savoir que le Français ce qui est bon pour lui. (Nous penserions comme elle, à sa place.)

Mais a-t-on le choix ? La démocratie n’est-ce pas le vote à la majorité ? Le dernier sommet du G20 montre une autre voie.
  1. Identifier les valeurs qui sont les fondements de la communauté et les problèmes à résoudre. Ici il y a consensus.
  2. Ce qui divise est la méthode pour les résoudre. Ou, plus exactement, quelques détails de sa mise en œuvre. Or, une fois que la masse de ce qui rapproche a été dégagée (notamment l’énormité des enjeux), que ces quelques sujets de désaccord ont été repérés, ils apparaissent comparativement ridicules.
  3. Il devient facile de les régler : le sentiment d’urgence ressenti par tous amène la communauté à contraindre les quelques égoïsmes résiduels à suivre le chemin du bien collectif.
Compléments :

Autre biais du vote : qui vous élisez dépend du mode de sélection. Ce résultat déprimant a été étudié en long, en large et en travers par les économistes depuis Condorcet, et même avant. Une très simple introduction au sujet : WEISS, Robert O., Four Methods of Computing Contest Results, The National Forensic Journal, II (Spring l984), pp. 1-10. Une citation :
Arrow demonstrated that once you get beyond a simple majority decision between two alternatives, any procedure for computing social choices on the basis of data drawn from individual choices becomes exceedingly difficult to justify and invariably generate conflicts among basic values and definitions of rationality.

Crise : la culpabilité des geeks

Quelques événements qui ont facilité le crash, selon Scientific American de décembre (After The Crash) :
  • Les banques d’affaires convainquent, étonnamment facilement, la SEC, leur organisme de régulation, de relaxer les règles concernant la constitution de garanties contre les risques (réserves et limites d’endettement), ce qui leur permet de dégager et d’investir des sommes colossales.
  • Dorénavant le risque est contrôlé par leurs propres logiciels. Autocontrôle !
  • Non seulement ces logiciels partent d'hypothèses fausses (ce que l’on sait depuis longtemps !), mais l’ivresse du moment pousse leurs utilisateurs à y entrer des données optimistes ou fantaisistes, afin d’éviter que leurs conclusions ne nuisent à l’enthousiasme général.

Scientific American est troublé : ces scientifiques dévoyés étaient formés pour devenir l’élite de la recherche mondiale. Celle dont elle chante les louanges à longueur de pages. Celle qui doit porter le progrès triomphant. Des anges transformés en démons.

Pour ma part, j’y vois le risque de faire croire à des jeunes gens qu’ils sont des génies, qui écrasent l’univers de leur supériorité, et de donner les commandes d’un pays à une minuscule communauté de comparses qui partagent les mêmes idées. La démocratie c’est aussi cela : éviter qu’une minorité n’entraîne la communauté dans une folie destructrice.

Compléments :

Changement = crise ?

Citation de Jean Monnet trouvée sur le blog SurtoutChangezRien :
"Les hommes n'acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise."
Ce qu'explique Transformer les organisations sans bouleverser les hommes, mon livre 3, est exactement cela : si l'homme doit changer pour que l'entreprise ou la nation changent, vous êtes mal parti.

Apprendre à conduire le changement c'est apprendre à faire bouger les organisations sans demander l'impossible à l'homme. C'est comme cela que des entreprises peuvent changer sans arrêt et devenir plusieurs fois centenaires. C'est aussi pour cela que nos personnes âgées ont pu traverser d'énormes transformations, sans les ressentir comme des remises en cause douloureuses.

samedi 29 novembre 2008

Crise : les économistes en accusation

Richard Dale accuse (The financial meltdown is an academic crisis too Vox du 27 novembre) :

What we have witnessed in recent months is not only the fracturing of the world’s financial system but the discrediting of an academic discipline. There are some 4000 university finance professors worldwide, thousands of finance research papers are published each year, and yet there have been few if any warnings from the academic community of the incendiary potential of global financial markets. Is it too harsh to conclude that despite the considerable academic resources that go into finance research our understanding of the behaviour of financial markets is no greater than it was in 1929/33 or indeed 1720?
Les économistes n’avaient pas compris que la multiplication des activités des organismes financiers augmentait exponentiellement leur susceptibilité au risque moral, comme en 29. Lorsqu’il a soulevé la question, il y a 15 ans, on lui a répondu que, pour éviter la crise de 29, il aurait suffi d’augmenter les réserves des banques. Pas de quoi s’inquiéter. Dangereuse erreur.

Et on a persévéré dans l’erreur. Les sauvetages récents ont créé des monstres multinationaux d’une énorme complexité, un grand mélange d’activités financières diverses. Il ne semble pas que la stratégie de 29 (démantèlement) soit sur le point d’être adoptée. Il faudra donc inventer un contrôle d’une nouvelle trempe : notamment régulateurs extrêmement agressifs et inamicaux + un coordination internationale (pour éviter que certains pays ne soient tentés d’attirer une activité lucrative par quelque petite entorse à la rigueur).

Voir aussi : Doutes sur le plan de relance américain

Why fairly valued stock markets are an opportunity

Dans l’article au titre ci-dessus Martin Wolf (FT.com du 25 novembre) pousse à l'investissement.

Il reprend des graphiques dont je parle plus bas (Crash de 29 : contrôle possible), et que je n’avais pas vus remis à jour depuis 2000. Ils montrent des oscillations périodiques dans la valorisation des entreprises, qui correspondent aux grandes crises financières.

On y apprend que la bulle Internet était quasiment au double du pic de 29, et que le regonflement opéré par le gouvernement américain a été plus modéré qu’on aurait pu le craindre : on en est resté à la hauteur de 29, bien au dessous de la bulle Internet. Aujourd’hui ? Niveau moyen. On pourrait donc s’attendre à ce que l’on nous dise d’attendre le fond du creux (une dizaine d'années), dont la taille est approximativement celle du pic. Non, il est temps d’investir : il est probable que sur le long terme, un investissement fait aujourd’hui sera raisonnablement rentable. Mieux : si les gouvernements investissent maintenant :
  • Ils sont sûrs que leur investissement sera rentable.
  • Ils bloquent la décrue.
  • Ils transforment en cercle vertueux, le cercle vicieux qui creuse le précipice : beaucoup d’organismes financiers sont obligés par la baisse des cours de vendre, ce qui accélère la baisse…

vendredi 28 novembre 2008

406

Nouvelle réflexion sur l’art du blog.
  • Le billet que je préfère: la synthèse de livre. Mais je n’ai pas beaucoup de temps pour lire.
  • Le billet ordinaire : une sorte d’aide mémoire, des références qui serviront peut-être un jour.
  • La rédaction d’un billet. 2 temps. 1) masse critique de nouvelles, 2) des idées apparaissent spontanément, si j’ai l’esprit libre. En fait, les unes suscitent les autres. Pose un problème d’organisation du temps, pas encore bien résolu.
  • Le commentaire utile : celui qui me donne de nouvelles idées.
  • Le problème que pose le suivi de l’actualité : quelle masse de mauvaises nouvelles ! Les médias nous soumettent au traitement que Martin Seligman a fait subir à ses chiens de laboratoire. Quand un animal reçoit des décharges électriques auxquelles il ne sait comment échapper : « learned helplessness ». Si on le met à nouveau au milieu de décharges, mais qu'il peut faire cesser, en s’agitant, il ne fera rien. Il restera prostré. Je me demande si l’effet délétère des médias n’est pas là : non seulement susciter une prédiction auto-réalisatrice mais surtout nous convaincre qu’il n’y a pas d’issues.

SELIGMAN, Martin, Learned Optimism: How to Change Your Mind and Your Life, Free Press, 1998.

Leader d’opinion et lanceur d’alertes

Discussion avec Yanne Boloh. Utilité sociale des leaders d’opinion et des lanceurs d’alerte. Et quelques théories.

Leader d’opinion

Il me semble que « leader d’opinion » sous entend incorrectement une supériorité innée (cf. Führer), ou une aptitude particulière à la manipulation des esprits.
En fait, la société spécialise ses membres de façon à ce qu’elle puisse se tourner vers eux quand elle a besoin d’un avis autorisé. Avant d’aller voir un film, je regarde ce qu’en disent les critiques.

Lanceur d’alertes

Lanceur d’alertes ? Personnes qui annoncent très tôt (signaux faibles) des risques ou des crises et qui sont difficiles à identifier (les fous hurleurs, les prophètes mais aussi les associations de défense de l'environnement selon le cas et les époques).

Association d'idées :
  • Un cas particulier du leader d’opinion : c’est la vigie ? C’est le rôle de l’Institut Pasteur.
  • La société tend à nous contraindre par des règles fortes, et ceux qui ont des idées originales sont souvent des semi-marginaux, des « hybrides » (Edgar Schein). Ils tiennent à la société, mais ils voient que ses jours sont comptés.
  • Emile Durkheim : la société génère naturellement de l’innovation. Celle-ci va dans les deux sens. Une société très innovante (au sens positif du terme) aura beaucoup de délinquance. L’innovation veut dire jouer avec les règles communes.
  • Chester Barnard. L’entreprise est faite d’égoïstes tenus ensemble par des executives qui, eux, n’ont pour intérêt que l’intérêt du groupe. Il leur est insupportable que son code de loi (ce que les ethnologues appellent sa culture) soit brutalisé : ils forcent l’entreprise à respecter ce code de loi, à trouver ce que Robert Merton appelait des « solutions conformes ». Est-ce les hurleurs ? En tout cas, je crois que ce sont les principaux résistants au changement. En fait, le vrai executive ne fait pas que hurler, il sait aussi résoudre le problème qu’il a soulevé. Cas particulier : le leader. Un executive qui renouvelle le code de loi. Ce faisant il crée une nouvelle motivation en transformant l’identité de l’organisation (il transforme la Gazette de Tulle en Défenseur des libertés universelles).

DURKHEIM Émile, Les Règles de la méthode sociologique, Flammarion, 1999
SCHEIN, Edgar H., Organizational Culture and Leadership, Jossey-Bass, 2004.
BARNARD, Chester, The Functions of the Executive, Harvard University Press, 2005.
MERTON, Robert K., On Social Structure and Science, The university of Chicago press, 1996.

ArcelorMittal : très bonne affaire ?

J’entends qu’ArcelorMittal restructure. Il y a quelques années, je menais une mission dans le secteur automobile. On disait alors qu’Arcelor avait une situation de monopole concernant un grand nombre d’aciers et qu’il en profitait. J’étais allé lire les rapports annuels de la société, qui semblaient exceptionnellement bons. Usinor et la coûteuse restructuration de l'industrie française de l'acier étaient loin. Que s’est-il passé depuis ?

Ce que disent les rapports annuels de la société. Chiffre d’affaires : de 88,576 md$ en 2006 à 105,216 en 2007, sur les 3 premiers trimestres de l’année, il est de 102,847. Résultats nets respectifs : 7,994, 10,368, 12,031.

Sur le 3ème trimestre 2008, la société réalise un CA de 35,2md$ et un résultat de 3,8. Par comparaison Total fait 48,849md€ et 3,151. ArcelorMittal est plus rentable que Total.
Le management du groupe déclare :
“We have announced today strong results for the quarter with EBITDA of US$8.6 billion. Looking forward, we have also announced necessary and responsible measures to ensure we are well adapted to the current environment. Our focus remains on cost-leadership and service to customers. The current period of de-stocking requires that we make appropriate production cuts to seek to rebalance supply and demand, and we are also accelerating efforts to pay down debt. ArcelorMittal, with its diversified business model, strong cash-flow and cost leadership position, is well placed to weather the challenging economic environment we currently face. We remain optimistic about the industry's medium-term growth prospects, but it is appropriate to pause our growth strategy until we have a more settled economic outlook."
Rentabilité exceptionnelle, Mittal fait mieux en 3 trimestres que durant toute l’année précédente. Il prend les devants de la crise. Il restructure, et il rembourse en avance ses dettes.

Et si c’était une stratégie de monopole ? Une rentabilité qui ne fait que croître. Capacité de production maintenue au dessous de la demande. Concurrents (Arcelor) achetés. Les restructurations détruisent les compétences de production des pays concernés, qui deviennent dépendants. Mais ils n’ont pas tout perdu : ils vont payer le chômage des personnes licenciées.

L'Inde meilleur élève de la classe ? Le maître anglo-saxon est dépassé ? Et même ridiculisé sur son terrain, l’hypocrisie ? Fact Book 2007 « Bold Future » :
Sustainability
We are guiding the evolution of steel to secure the best future for the industry and for generations to come. Our commitment to the world around us extends beyond the bottom line, which is why we invest in the people and support the communities and the world in which we operate. This long-term approach is central to our business philosophy.
Quality
We look beyond today to envision the steel of tomorrow. Because Quality outcomes depend on Quality people, we seek to attract and nurture the best people to deliver superior solutions to our customers.
Leadership
We are visionary thinkers, creating opportunities every day. This entrepreneurial spirit brought us to the forefront of the steel industry. Now, we are moving beyond what the world expects of steel.

jeudi 27 novembre 2008

La Poste

Débat sur la conduite du changement organisée par Mondissimo. Régis Lozet, de La Poste, fournit l’exemple pratique. Je joue les techniciens du changement. François Enius anime.

De ce que j’entends, l’évolution que subit La Poste est plutôt bien menée. Je n’ai pas de conseils à lui donner. Certes ce n’est pas le type de changements que je vois ordinairement. Mais c’est quand même une évolution apparemment délicate. Ça paraît confirmer ce que j’ai vu ailleurs (notamment chez France Télécom en 96) : nos organismes publics ont un savoir-faire efficace pour mener ce type de transformation.

Il ne semble pas qu’il y ait de menace à l’horizon : les positions des opérateurs européens sont solidement établies. Peu de velléités d’empiètement sur les territoires adverses, d’une concurrence suicidaire ? Leur problème : susciter la concurrence, pour éviter l’accusation de monopole ?

Si l’histoire est un guide, quels sont les risques que court une entreprise qui passe du public au privé ?
  • Ne pas comprendre que sa force est sa culture de service public. Ce qui fait le succès d’un commerçant c’est son « esprit de service public ». Dépenser son temps sans compter quand un client est en difficulté vous l’attache indéfiniment. De même la SNCF et la RATP ont une culture de la sécurité étonnante. Elle peut être facilement menacée (elle coûte cher, elle force les personnels à une spécialisation que refuse le plan de carrière moderne…). Il faut comprendre ce qui arriverait si elle n’existait plus (l’étranger donne des exemples), et l’expliquer au marché. Principe de base de la vente.
  • Ne pas comprendre ce qui fait la force du privé. C'est-à-dire l’optimisation de l’emploi de ses ressources. Exemple du marché. Le service public tend à s’éparpiller, à perdre un temps fou avec des clients qui ne demandent rien. Et surtout à éviter les clients difficiles (cf. traitement kafkaïen des réclamations). Or, c’est ceux qui annoncent le marché de demain. Bien employer ses ressources n’est qu’une question de technique, pas de génie. C’est une des raisons d’être du contrôle de gestion.
  • Stratégie = être le plus gros. Champion national. Course en avant. On sort de ses zones de compétence. On s’engage dans des aventures hasardeuses, que l’on est incapable de maîtriser (cf. France Télécom, Crédit Lyonnais).
  • Penser que l’herbe est plus verte ailleurs. Notamment que le privé a des compétences qui manquent au public. Recruter sans distinction des personnels du privé, et ne pas les contrôler. Risque ? Laisser la maison à des apprentis sorciers.
  • Gouvernance : le passage d’une gouvernance de type public à une gouvernance de type privé induit un instant d’hésitation que le dirigeant peut mettre à profit pour régner sans partage (France Télécom, Crédit Lyonnais). Le monde est trop complexe pour qu’un seul homme puisse prendre seul des décisions. Et lorsqu'elles engagent des milliards, les erreurs coûtent très vite très cher.

Le dirigeant doit-il dire la vérité ?

François Enius s’interroge sur les limites de la « transparence » qui est due à l’entreprise.

Il conclut que l’on peut tout dire mais peut-être pas immédiatement. Mon commentaire :
Question fondamentale ! Mon expérience est que l’entreprise communique très mal. Exemples :
1) Omerta, généralement lors d’une acquisition. On ne dit rien, mais tout le monde sait, ou plutôt s’imagine. Résultat : vent de déprime, les concurrents en profitent…
2) La direction veut rassurer. Elle berce d’illusions. Personne n’est dupe. Et le jour venu, elle devra se contredire.
Pour arranger le tout, la menace de délit d’entrave conduit à des situations invraisemblables, extrêmement défavorables à l’employé. À l’exact envers des intentions de la loi.
Après pas mal d’années, j’en suis arrivé à être d’accord avec Kant : il ne faut avoir qu’un discours. Autrement dit il faut être transparent, immédiatement transparent, mais intelligemment transparent.
Si l’on creuse bien, ce que fait l’entreprise, un fonds d’investissement… est tout à fait légitime. Aucune raison de cacher ses intentions. De plus, les employés, parce qu’ils sont mieux placés que le management (ils sont au cœur de ses mécanismes de création de valeur), connaissent bien mieux la situation de la société que lui. Ils ne se font pas d’illusions. Donc, il est possible de dire quelque chose qui est à la fois vrai et juste. Et même stimulant (même en cas de licenciements). Le Français estime généralement que ses dirigeants sont incompétents. Or, il les aime à poigne. Or, voilà que l’on annonce à l’entreprise que son management fait son travail avec courage et intelligence !
Évidemment l’exercice est délicat. Mais une fois que le management l’a réussi, il est très fier, il se sent solide. En fait, c’est dans la formulation du projet de transformation que se joue la partie la plus critique de tout changement. Le fameux stretch goal des universitaires anglo-saxons.
Il me semble que ce stretch goal doit être une courte phrase, qui donne la logique du changement. Pas besoin d’entrer dans le détail : quand l’entreprise a compris le nœud du problème, elle en déduit logiquement ce qui va se passer et ce qu’elle doit faire. Pour le reste, elle jugera son management sur ses actes. Elle a la plus grande méfiance pour ce qu’il dit.
Complément :

mercredi 26 novembre 2008

Obama construit son équipe (2)

Citation de Gatesgate.
He has now handed out the three top jobs to an admired barely-partisan technocrat, his bitterest primary rival and the Republican who has run the Iraq war these last few years. Its almost as if he prized competence above all.
Obama construit son équipe.

La vie est belle : redémarrage économique américain

L’économie américaine n’est pas totalement mal en point. Article de la BBC : les ventes d’armes au particulier explosent.

L’Américain soupçonne le président Obama, qui a dit le contraire, de vouloir réglementer les ventes d’armes. Bousculade pour en acheter. Favori : fusil d’assaut (russe !). Explication officielle : droit de l’Américain. Sa tendance à en faire usage montre aussi que c’est un craintif. Une interviewée :
"Being a single mum, I can't imagine not having a gun for home protection because that makes me a more confident parent, knowing that if someone intrudes into my home I know exactly what to do and my son knows what I'm going to do. I'm going to shoot to kill."
12000 Américains passés par les armes, J’irai dormir à Hollywood.

La vie est belle : collaboration européenne

Que les gouvernements européens cherchent une solution commune à la crise, sans apparemment se disputer, m’encourage à l’optimisme.

Quand l’entreprise traite ainsi une question, et la résout, c’est toute son organisation qui en profite. Elle apprend à maîtriser une situation qu’elle n’avait pas rencontrée. Sa structure en sort modifiée.

Alors, est-on en train de construire des mécanismes de gestion de crise européens ? Vont-ils conduire à une plus grande solidarité de l’édifice ? Densification de la culture commune ? Moins marché commun, plus communauté européenne ?

Compléments :

La crash stratégie de l’automobile française

Discussion avec Serge Delwasse, DG de Panhard, et Denis Debaecker, directeur associé de Vinci consulting. Et suite du billet précédent.

Serge remarque que lorsqu’il y a échec d’un modèle automobile français c’est presque toujours par méconnaissance du marché. Quand aux Allemands, leurs contre-performances sont techniques (modèle trop lourd…).

Denis : les Japonais évitent l’erreur française en nommant comme patron de projet des spécialistes techniques et en les immergeant dans leur marché (le patron du programme Lexus a commencé sa mission par 100.000km passés avec des automobilistes américains). De ce fait, ils connaissent les besoins du marché et sont écoutés des techniciens, leurs anciens collègues.

Curieusement, c’est le chemin que j’ai suivi chez Dassault Systèmes : j’étais responsable des « algorithmes généraux », je suis parti à la direction de la stratégie de la société, où j’ai essayé de comprendre le marché. S’intéresser au client était difficilement concevable pour mes collègues. Mais ils m’ont toujours considéré comme un original sympathique. C'est probablement pour cela qu'ils ont suivi mes recommandations.

Fabricant automobile : mauvaise passe

Il n’y a pas que les fabricants américains qui soient mal partis.

RFI ce matin. L’industrie automobile européenne est en situation difficile. Elle produit beaucoup trop (2m de véhicules), et des voitures qui ne correspondent pas aux exigences du développement durable. De plus leur prix n’a pas cessé d’augmenter, contre tous les principes de la science économique.

Les Américains avaient parié leur chemise sur une sorte de monstre poids lourd. Les français ne sont pas mieux : ils sont dans le « ventre mou » du marché. Beaucoup trop cher pour le gros de la demande, et en dehors du haut de gamme très solvable.

Plus facile d’être en dehors de la réalité que de s’y mesurer ?

Autre parallèle France / Amérique, par opposition à l’Allemagne / Japon. Les constructeurs américains et français se sont débarrassés de leurs compétences de conception d’équipements automobiles, les ont données aux équipementiers et les ont mis en concurrence. La concurrence, il n’y a que cela de vrai. Et ça ne fatigue pas l’intellect du donneur d’ordre. Par contraste Japonais et Allemands ont conservé ces compétences. Ils aiment les travaux ingrats.

Il est tentant de penser que ce qui explique les malheurs franco-américains est une gestion financière, qui ne prête pas attention aux fondamentaux de son métier : le marché, et la compétence de l’entreprise. Ce n’est pas longtemps viable.

Ceci semble corroborer les thèses de Le gouvernement promeut le tutorat et de Idéologie et théorie économique.

Idéologie et théorie économique

Réflexion sur l'importance de l'hypothèse dans la théorie économique.

La seule chose que l’économiste ne donne pas, ce sont ses hypothèses, or, elles conditionnent ses résultats.

Le modèle anglo-saxon.

La théorie économique dominante fait l’hypothèse que l’entreprise appartient à l’actionnaire, et que le management doit servir l’actionnaire. Le problème de l’économie devient alors : comment faire que le management ne vole pas le titulaire du droit de propriété ?

Le modèle du droit français.

Pour le droit français, l’entreprise est un être vivant. Par conséquent tout ce qui nuit à ses intérêts est condamné. Ceux qui participent à sa vie ont donc des devoirs avant d’avoir des droits.
Quelle théorie pourrait s’appliquer à ce modèle ? Probablement celui du bien commun. Dans cette théorie, on ne tire du bien commun qu’en fonction de son apport. Et la liberté d’entrée sortie est sévèrement réglementée. C’est un modèle « communiste ».
Bizarrement, il semble que ce modèle soit plus scientifique que le précédent. La sociologie et la théorie de la complexité considèrent que le groupe d’hommes est autre chose que ses composants, qu’il n’est la chose de personne, qu’il est une fin, et non un moyen, selon la terminologie de Kant.

Le modèle danois

Le modèle de la flexisécurité danois fait l’hypothèse implicite que le sort de l’employé n’est pas lié à une entreprise. En cela, il ressemble à l’investisseur, qui investit où bon lui semble. Tous les deux servent l’économie. C’est le modèle précédent, mais étendu à l’économie nationale.

Comment choisir le bon modèle ?

Pour choisir le « bon modèle » (en imaginant qu’il y en ait un) l’argument scientifique n’est pas adapté. D’ailleurs, je soupçonne que dans le cas anglo-saxon, le rôle de la théorie économique est moins d’atteindre la vérité scientifique que de d’affirmer qu’elle est respectée afin d’assurer la stabilité de l’édifice social, dont la base est probablement le droit de propriété. La science est l’opium du peuple. Marx n’avait-il pas appelé son socialisme « scientifique » ?

Celui qui gagnera sera le plus fort.

Par contre, les contradictions internes d’une culture peuvent lui être fatales. La tendance du modèle anglo-saxon à la « lutte des classes » est incompatible avec ce qu’il semble entendre par « valeurs démocratiques ». De même, il ne peut pas en même temps prêcher la religion de la science et aller contre ses conclusions. La solution trouvée jusque-là a été l’hypocrisie. Elle n’est pas durable.

Complément :
  • On se méprend souvent sur le rôle de la science. Par exemple la classe ouvrière anglaise a voulu montrer à ses gouvernants qu’ils n’étaient pas cohérents avec les principes qu’ils prêchaient. On lui a répondu que c’était sans importance. THOMPSON, E.P., The Making of the English Working Class, Vintage Books USA, 1966. La particularité de la pensée anglo-saxonne est qu’elle paraît non symétrique : elle ne s’applique pas à celui qui la formule. Et Dieu créa l'Anglo-saxon.
  • La théorie économique dominante semble cohérente avec un modèle d’organisation en classes sociales. Grande illusion. Les sociétés américaines et françaises tendent à s’organiser suivant ce modèle. Parallélisme France USA. Le jeune de la classe supérieure occupe une position élevée dans l’entreprise (cf. l’Ancien régime). De ce fait il n’en connaît pas le métier. Il ne peut donc pas la développer. Il enrichit son actionnaire, et lui-même, par d’autres moyens (Le gouvernement promeut le tutorat) : réduction salariale, bulles spéculatives qui le déconnectent un instant de la réalité (Crash de 29 : mécanisme).
  • Dans le modèle du bien commun, tous ceux qui contribuent à son entretien en sont propriétaires. Governing the commons
  • Sur les fondements du modèle anglo-saxon (et notamment l’importance du droit de propriété) : Droit naturel et histoire.
  • La nature que le droit français prête à l’entreprise surprend toujours l’entrepreneur qui ne comprend pas pourquoi on lui reproche de taper dans la caisse de l’entreprise qu’il a créée. MIELLET, Dominique, RICHARD, Bertrand, Dirigeant de société : un métier à risques, Editions d'Organisation, 1995.
  • Flexisécurité : Contre la participation de Laurence Parisot.

mardi 25 novembre 2008

Le gouvernement promeut le tutorat

La Tribune : le gouvernement veut encourager les entreprises à garder le savoir-faire de leurs personnels les plus anciens.

Étrange. S’il y a un intérêt à ce savoir-faire, pourquoi les entreprises ne l’ont-elles pas compris ? Vieux démon français qui veut que l’état soit un tuteur, qu’il fasse notre bonheur, par la force s’il le faut ? Mal qui affectait déjà l’Ancien régime (cf. L’Ancien régime et la Révolution de Tocqueville) ?

Mais pourquoi la France emploie-t-elle si peu de gens « âgés » (plus de 50 ans !) ?
La France fait partie des pays de l'Union européenne qui emploie le moins ses seniors avec seulement 38,3% des 55-64 ans actifs en 2007, soit très en-deçà de la moyenne européenne (44,7%), et loin de l'objectif de 50% fixé au niveau communautaire, selon Eurostat, l'organisme européen de statistiques.
  • Illustration d’un biais français : on n’apprend qu’à l’école ? L'employé n'accumule pas de savoir-faire ?
  • L’entreprise n’a pas besoin de gens compétents et expérimentés ? Est-ce que, comme le préconisait Taylor, l’entreprise française demande à ses employés d’appliquer des « programmes » ? Muscle plus que cerveau ?
  • Application de la théorie économique (de l’agence) : « aligner » les intérêts des actionnaires et du management ? Une population d’employés sans qualification, donc mal payée, permet une répartition des revenus générés par l’entreprise favorable au management et à l’actionnaire ? Certes l’entreprise n’est pas durable mais 1) ce n’est pas le problème de l’actionnaire, qui peut facilement vendre ses actions, 2) pas plus que celui du management s’il évite le désastre final (cf. actuels dirigeants de GM). Serait-ce pour ce dernier cas qu’il a inventé les « golden parachutes » ?

Compléments :

lundi 24 novembre 2008

J’irai dormir à Hollywood

La sorte de fraicheur gentille du Huron Antoine de Maximy révèle un peu de la nature des personnes qu’il rencontre.

Son échantillon est-il significatif d’un segment de population américaine ?

On y voit beaucoup de méfiance (fondée ?) envers les autres. Michael Moore (Bowling for Columbine) aurait-il raison d’expliquer la tendance américaine à utiliser les armes à feu hors de propos par le fait que l’Américain est craintif ?

On y voit surtout beaucoup de gens dans une situation précaire. Contraste avec l’immense richesse de George Clooney, dont Antoine de Maximy traverse la propriété.

Bizarrement, dans ce pays il semblerait que l’on soit bien moins à l’abri d’une malchance qu’à portée de la fortune. Ceux qui sont en difficulté n’ont rien de marginaux inadaptables. C’est plutôt des américains moyens. Très dignes. Ils savent que leur situation est sans issue, mais ils ont décidé de ne pas flancher. Ils se veulent forts dans leur tête. Des gens respectables. « Decent people » diraient les Anglais.

dimanche 23 novembre 2008

Obama construit son équipe

Obama : architecte avant tout ?

Le contraste avec Clinton frappe l'observateur :
And in 1992, newly elected President Clinton waited too long to hire his top White House staff and moved too quickly and sloppily to begin hiring Cabinet officials, according to his aides. The result was that Clinton relied too heavily on campaign advisors to build a government, aides said.
Obama, in contrast, has named most of his top staff aides -- including veterans from that Clinton White House -- and is working with those staffers to help build out the rest of the administration. His chief of staff, Rahm Emanuel, a Chicago congressman and former Clinton aide, is considered an expert in policy and the politics of Capitol Hill.
"What Obama has done is to build the circle around him responsible for managing the decision-making, and now he is working from there," said Terry Sullivan, an associate professor of political science at the University of North Carolina at Chapel Hill and a member of a consortium of scholars who study White House transitions.
Los Angeles Times.
Plutôt qu'au dirigeant de droit divin, confiant en ses seules forces, Obama paraît ressembler à un navigateur de la transat, qui compte plus sur la conception de son bateau que sur ses capacités de navigateur. Il semble procéder en deux temps :
  1. Il construit une organisation qui lui permettra d’agir. Il définit le type de problème que devra résoudre chaque membre de son équipe, le type d’environnement dans lequel il devra évoluer, et recherche la personne qui a les qualités requises.
  2. À ce point, il peut se lancer dans la course.

Compléments :

Idéologie et crise

The Economist (All you need is cash) : problème de l’entreprise : elle crève faute de cash.

Cela voudrait-il dire que les gourous de l’économie et des sciences du management, qui nous enjoignaient de ne pas garder d’argent dans l’entreprise avaient tort ? Certainement, mais ce n’est pas si grave que cela, conclut The Economist :
Rash though some of them seem today, the Western management fad of the past 30 years improved productivity (one years’s outperformance doesn’t prove the Japanese model was right).
Humour ? Que pensent les entreprises victimes des « management fads » ? Et leurs personnels ? Nous sommes à la rue, mais nous avons fait de beaux gains de productivité ?
Pangloss disait quelquefois à Candide : Tous les événements sont enchaînés dans le meilleur des mondes possibles; car enfin si vous n’aviez pas été chassé d’un beau château à grands coups de pied dans le derrière pour l’amour de mademoiselle Cunégonde, si vous n’aviez pas été mis à l’inquisition, si vous n’aviez pas couru l’Amérique à pied, si vous n’aviez pas donné un bon coup d’épée au baron, si vous n’aviez pas perdu tous vos moutons du bon pays d’Eldorado, vous ne mangeriez pas ici des cédrats confits et des pistaches.
Les générations de nos grands parents manquaient de cet humour : elles estimaient que c’était de tels incidents qui avaient déstabilisé l’Allemagne. D’où guerre mondiale.

Mais peut-être ai-je tort. Et si, effectivement, les dernière années avaient été exceptionnellement fastes pour certains ? J’ai entendu dire qu’elles auraient massivement profité à un petit pourcentage de la population américaine, le reste s’enrichissant à crédit. Ce petit pourcentage lirait-il The Economist ?

Compléments :

  • Sur le danger de manquer de cash : Crise : que faire ? rendre l’entreprise flexible.
  • Effectivement l’enseignement de l’Insead, il y a 15 ans déjà, affirmait que l’entreprise devait se débarrasser de ses réserves et se concentrer sur ce qu’elle savait le mieux faire. Le marché était plus compétent qu’elle. À lui de gérer ses ressources. La caractéristique de l’enseignement de MBA c’est d’être idéologique, non scientifique. Et encore moins basé sur l’expérience.

samedi 22 novembre 2008

Protectionnisme : Allemagne 1, Angleterre 0 ?

Retour à l’histoire de l’industrie anglaise et de la turbine d’éolienne (Énergies renouvelables anglaises).

La théorie économique généralement acceptée parle d’avantage comparatif. Lorsque des pays commercent, l’échange ne fait péricliter aucune de leurs industries, aussi pitoyable soit-elle. Leurs places respectives dans l’économie nationale est simplement fonction de leur efficacité relative (au sein du pays).

Par contre, les théoriciens allemands des origines croient qu’une industrie est comme un enfant : elle doit être protégée quand elle grandit. Sinon elle est éliminée. Une fois forte, elle se défend seule. Justification du protectionnisme.

L’exemple de la turbine leur donne probablement raison : l’Allemagne a encouragé ses talents naissants, ils risquent d’avoir tué dans l’œuf toute velléité anglaise d’entrer sur ce marché.

Le cas déplorable de Détroit parle aussi de l’importance de l’avantage culturel. The Economist est contre tout sauvetage : l’industrie automobile américaine a fait la preuve de son incompétence. Qu’elle parte en faillite, d’autres s’en sont sortis ragaillardis. Certes, mais si ce n’est pas le cas, c’est tout le savoir-faire du pays qui crève. Demain, il ne saura plus fabriquer de voitures. Il devra créer, en marche forcée, une nouvelle industrie qui emploie les victimes de ce remaniement.

Il est capable de tels miracles. Mais faut-il jouer avec le feu ? Alors, pour une incitation habile à construire un nouveau type de véhicules adaptés à ce que semble exiger l’avenir de la planète (l’objet des politiques d’aide proposées) ? Mais les Américains savent-ils aussi bien que les Allemands tirer parti du protectionnisme ?

Le reste du monde a-t-il intérêt à de telles mesures ? Jusqu’à nouvel ordre, la règle du jeu mondial est l’économie. Elle ne marche que par l’échange. Donc, plus les USA peuvent produire, plus ils peuvent nous acheter. Par conséquent, nous avons grand intérêt à ce que leur industrie ne subisse pas de défaillances irréparables.

Si les Allemands sont aussi malins, pourquoi sont-ils en récession ? Parce qu’ils exportent beaucoup, et donc sont associés aux maux de la planète. Le commerce ne fonctionne que sur la confiance, et les crises sont des trahisons de cette confiance. Une saine politique nationale = se constituer des « zones de confiance » et ne pas se mettre en péril en s’en éloignant trop ? (Contre exemple : l’Islande, et probablement l’Angleterre ? - Waterloo anglais ?).

Compléments :
  • LIST, Friedrich, Système national d'économie politique, Gallimard, 1998.
  • De l'intérêt que tous produisent, en économie de marché : La France nouvel Eldorado des biocarburants brésiliens.
  • Je me demande si la définition que la France donne au protectionnisme n’est pas inspirée par sa culture de l’assistanat (cf. l’agriculture) : ses industries sont en permanence en enfance, donc doivent être protégées.

Angela Merkel au secours de l’orthodoxie libérale

Article de The Economist (Where’s Angela) appelant Angela Merkel à un rôle moins effacé dans la politique mondiale.

Si je comprends bien, The Economist en attend un contrepoids à l’hyperactivité dirigiste (crypto soviétique ?) de Nicolas Sarkozy. Angela Merkel a vécu en pays communiste. Elle connaît les méfaits de la gestion planifiée.
Terrible période pour The Economist, voix de l’élite économique mondiale, néoconservateur, anglais épidermiquement francophobe. Non seulement le modèle économique anglais triomphant, celui que l’on montrait en exemple à une France désespérément obtue, s’effondre pour cause de malversations, mais le monde est pris entre le Charybde de la folie socialisante démocrate et le Scylla d’un Napoléon Sarkozy, maître de l’Europe.
Et question concernant les ex pays soviétiques. Qui sont-ils ? Comme je le dis ailleurs (Faut-il dépoussiérer Marx ?), Marx n’était pas un rebelle, une sorte de hippie ne pensant qu’à l’amour et à l’eau fraiche. C’était un solide bourgeois épris de biens matériels, qui approuvait la Révolution industrielle de vouloir tirer le plus possible de la nature. Seulement il voulait partager équitablement ces richesses. Ce qui était aussi l’idée d’Adam Smith, avec qui il a énormément en commun. Seulement, comme Hegel, Marx était épaté par l’efficacité de l’administration prussienne, et pensait qu’elle serait plus efficace que la main invisible d’un marché laissé à lui-même. Les désastres écologiques commis par les dirigeants soviétiques et chinois seraient donc conformes à sa pensée, qui aurait été assez peu trahie.
Quelle trace cette expérience peut-elle avoir laissée à ceux qu’ils ont conduits ? Vaccinés contre toute intervention de l’Etat ? Façonnés pour être des fous du matérialisme ? De parfaits homo economicus ?
Autres remarques sur la culture des pays de l'Est de l'Europe : Et si l’UE était une communauté ?

vendredi 21 novembre 2008

De la rationalité

Suite de Kant pour les nuls. Les philosophes des Lumières voient l’avenir comme l’émergence d’un univers piloté par la raison. Première réaction : débat poussiéreux. Peut être pas tant que ça.

Que dis-je de la concurrence ? Illusion. Sorte d’accord tacite entre prétendus concurrents, qui ne tient pas compte des intérêts véritables du marché. Les ordinateurs et les voitures deviennent inutilement complexes.
L’innovateur, par contraste, attaque le besoin du marché et ignore les conventions. L’innovateur est l’homme rationnel des Lumières.

Qu’est-ce que ceci signifie ? Que l’homme est massivement ritualiste, qu’il suit des règles qu’il ne comprend pas. Mouton de Panurge. Envers de ce que Kant appelait de ses vœux.

Kotter dans sa théorie du changement ne dit pas autre chose. Il sépare le « leader » celui qui conçoit le changement, espèce rare et menacée, du « manager », qui exécute. Triste Kant.

En fait, les règles en elles-mêmes n’ont rien de criminelles, elles empaquettent le savoir partagé. Ce qui ne va plus, c’est lorsqu’elles nous mènent à notre perte. Que la pensée unique nous pousse à produire de l’effet de serre, et à nier que nous le faisons.

D’ailleurs, il ne s’agit pas de s’abstraire de ces règles, quand elles divaguent, mais de les faire évoluer. Nous sommes condamnés à suivre des règles. Ça nous économise l’intellect. Simplement, comme le dit le Yi Jing, il arrive qu’il y ait des embranchements. Alors nous devons réfléchir.

Il est rare que la décision ne concerne que nous. Plus souvent, nous sommes une pièce d’un édifice. Impossible de rien faire sans lui. À cela, Kant répond que si chaque homme se comporte rationnellement, il doit trouver, en quelque sorte, une solution collective. Ce qui résout le problème de coordination.

Je ne le crois pas. C’est du travail de groupe que sort la solution à ses difficultés (cf. débat des démocraties). Et c’est parce que le groupe a trouvé cette solution collectivement que ses membres savent l'appliquer. La rationalité n’est pas une qualité individuelle, mais collective. S’il existe des leaders, ce sont des catalyseurs de la réaction. Ils voient la nécessité de nouvelles règles, ils organisent le travail collectif de la société pour qu’elle conçoive ces règles, puis qu’elle les applique.

Complément (remarque) :
  • Une subtilité : le besoin du marché peut être crée. Le fait que toutes les entreprises fassent la même chose définit ce qui est attendu (exemple de prédiction auto-réalisatrice). La tâche de l’innovateur est donc compliquée. Jusqu’à ce que l’offre s’éloigne par trop de contraintes réelles (par exemple que les dépenses médicales ruinent les ménages).

jeudi 20 novembre 2008

Les gestes qui sauvent : opinion de Michel Berger

Je retrouve ce compte-rendu de lecture fait par Michel Berger, président de l'AFPLANE, sur Les gestes qui sauvent :
Conduire le changement les gestes qui sauvent, Christophe Faurie, Maxima Laurent du Mesnil ed 2008
Ce livre est un plaidoyer pour l’apprentissage par l’exemple et suggère de déduire la théorie de l’exemple, au lieu de l’inverse. Pragmatique l’auteur constate que souvent l’entreprise est spontanément maladroite dans ses évolutions, et s’engage de fait dans des impasses. Il constate aussi que les cadres intermédiaires détectent très tôt les futurs obstacles au changement et sont souvent les mieux placés pour dégripper les mécanismes.
S’appuyant sur de très nombreux exemples et sur la complexité normale du fonctionnement d’une organisation, l’auteur démontre que le changement n’est pas nécessairement compliqué si on prend en compte sa dimension humaine, si on s’appuie sur un « électron libre » pour faciliter la propagation du changement ; il insiste sur la nécessité de processus de contrôle du changement. Il estime qu’en réalité la conduite du changement apparaît moins compliquée que ce que souligne la savante littérature sur le changement qui ne s’intéressait généralement qu’a des cas désespérés et médiatiques. On n’a pas besoin de techniques très sophistiquées pour manager les changements.
Livre optimiste, rempli de petits trucs simples. A lire par tous les responsables engagés dans une évolution d’entreprise.
Michel Berger Mai 2008.
Surprenant. Ce n'est pas ce que je dis de mon livre et pourtant, c'est clairement ce que j'ai écrit. Et, finalement, ce point de vue est peut être meilleur que le mien. En tout cas, il me rend fier de mon oeuvre !

mercredi 19 novembre 2008

Google, Microsoft et Olivier Ezratty

Petit déjeuner du Club Télécom. Lumineuse analyse d’Olivier Ezratty de Google et Microsoft. Ce que j'en retiens :

Ces deux entreprises sont aussi concurrentes que la carpe et le lapin. Leur croissance est liée mécaniquement à celle du marché très particulier sur lequel elles vivent, et qu’en partie elles ont créé.
  • Microsoft, 60md$ de CA, possède 40% du marché du logiciel. Elle vend essentiellement aux entreprises. Son marché croit organiquement de 8 à 13% par an.
  • Google, 20md$ de CA, possède 40% du marché de la publicité sur Internet. Elle vend essentiellement au grand public. Son marché croit organiquement de 30%. Google suit la courbe de développement de Microsoft, avec quelques années de retard.

Pourquoi ne peuvent-elles pas s’attaquer l’une l’autre ? L’exemple de Microsoft. Le marché de la publicité sur Internet est divisé en 3.

  1. Moteur de recherche : 30 à 40$ par client (Google a 70% du marché).
  2. Sites de contenu (bandeaux publicitaires de sites tels que Le Monde.fr…) : 2 à 8$ par client.
  3. Contextualité / relation (Facebook, Hotmail…) : 0.

Microsoft est présent sur le 3ème segment et voudrait pénétrer le premier. Mais en dépit de milliards de $ d’investissement est incapable de mettre au point un moteur de recherche qui apporte autre chose qu’un avantage marginal par rapport à celui de Google. Acquérir Yahoo! serait une erreur: les cultures des deux entreprises sont tellement différentes, que la fusion s'achèverait en bain de sang pour un gain de part de marché illusoire.

Quant à Google, attaquer le logiciel d’entreprise lui demande d’acquérir un savoir faire de vente à l’entreprise du type de celui d’IBM. Au mieux difficile et long. Le tout pour une rentabilité beaucoup plus faible que celle à laquelle Google est habitué.

Les entreprises sont comme les êtres humains, elles ont une morphologie qui les dispose naturellement à certains métiers, mais pas à d’autres.

Autre trait. Pragmatisme alpha et omega pour ces deux monstres. Aucun souci de stratégie impeccable, de produit parfait : ils mettent au point par essais et erreurs, ils testent en permanence. Vision à long terme n'appartient pas au vocabulaire anglo-saxon.

mardi 18 novembre 2008

Et si l’UE était une communauté ?

Sarkozy’s attempted EU coup fails – for now affirme que Nicolas Sarkozy a proposé de diriger la zone Euro durant les deux prochaines présidences de l’Europe.

Raison : les prochains pays présidents n’appartiennent pas à la zone Euro. Et, les Tchèques, nos successeurs immédiats, semblent même anti-UE. (Que se serait-il passé s’ils avaient été aux commandes il y a quelques mois ?)

N’y a-t-il pas quelque chose de curieux dans la constitution de l’Europe ?
  • Donc (Waterloo anglais ?) l’Angleterre pourrait désirer rejoindre la zone Euro. Mais la zone Euro a-t-elle intérêt à compter l’Angleterre parmi ses membres ? Sa propension à déclencher des crises financières n’est-elle pas inquiétante ?
  • Et les pays de l’Est qui ont rejoint l’UE récemment ne se comportent-ils pas étrangement ? Ils ne semblent penser qu’à s’enrichir. Ils font leur marché à droite, à gauche, au gré de leurs intérêts. Jusqu’à la crise, ils avaient bien plus d’affection pour l’Amérique que pour l’Europe.

Alors, deux conceptions de l’UE ?

  1. Celle des membres fondateurs. L’étonnement que suscite le comportement des nouveaux adhérents à l’UE montre que ses premiers habitants suivaient des règles. Règles qui, comme pour l’entreprise, résultent des valeurs de fondateurs. Leur projet était de mettre un terme aux guerres européennes. Le marché, pour eux, n’était probablement qu’un moyen, et non une fin.
  2. Celle de l’Angleterre et des nouveaux adhérents, pour qui c’est un Far West, sans foi ni loi, où l’individu est laissé à ses seuls appétits. Un marché.

Insensiblement, on est passé du premier modèle au second. Normal. L’individualisme disloque les structures communautaires. Certes, mais celles-ci se sont étonnamment peu défendues.

L’erreur de l’UE 1er modèle a peut-être été de ne pas faire ce que fait l’entreprise : elle s’assure que tout nouveau recruté adhère à sa culture. 1) par des entretiens d’embauche 2) par une acculturation.
En fait, l’UE n’a pas compris qu’elle était une communauté. Elle n’a pas vu que ses membres partageaient des valeurs communes. Et ces valeurs n’étaient pas celles du marché.

Waterloo anglais ?

Pour How likely is a sterling crisis or: is London really Reykjavik-on-Thames? et Why the British may decide to love the euro, l’Angleterre est dans une position qui ressemble beaucoup à celle de l’Islande (Islande en difficulté). Ou même à celle d’un hedge fund :

the UK, with gross foreign assets and liabilities of well over 400 percent of annual GDP does look like a highly leveraged entity - like an investment bank or a hedge fund. By contrast, gross external assets and liabilities of the US straddle 100 percent of annual GDP.
  • Des banques, très mal en point, qui représentent plusieurs fois la richesse nationale. Que faire si elles s’effondrent ?
  • Petit pays, très endetté, qui n’inspire pas confiance : ses créditeurs vont exiger des taux d’intérêts importants. Le crédit va devenir cher en Angleterre.
  • Une monnaie, qui, contrairement à l’Euro ou au Dollar, n’est pas une monnaie de réserve. Donc elle est (très?) susceptible d’être attaquée.
  • L’avantage concurrentiel que je voyais dans un précédent billet n’existe peut être pas : une réglementation plus scrupuleuse de l’activité financière pourrait pousser une partie de l’activité continentale de la Cité de Londres vers le continent. La force de la finance anglaise était-elle, finalement, sa capacité à s’abstraire de la rigueur financière ?
  • Un gouvernement, en grande créativité financière, tente de masquer l'état réel de l'économie.

Tout cela pourrait amener l’Angleterre à demander asile à la zone Euro.

La situation anglaise, il y a quelques mois : Perfide Albion.

lundi 17 novembre 2008

La vie est belle : vive les entreprises qui perdent

On m’a proposé de travailler pour Usinor, tout au début de ma carrière. Gestion de production, je crois. Argument, en substance : ça va tellement mal que si vous apportez quelque chose vous serez un héros. Sinon ? Ça ne se verra pas.

Parallèle avec ce que vit Barak Obama, dont j’ai surestimé la tâche (Une pensée pour Barak Obama) ?
Pour un dirigeant, il est comparativement facile de prendre une entreprise en crise (Crédit Lyonnais, France Télécom, Alstom, Alcatel...) : les options qui lui sont ouvertes sont limitées. S’il échoue, on accusera la situation qu’il a trouvée. Celui qui est aux commandes d’une société bien portante doit être un visionnaire. Ce qu’il est rarement, sauf cas du fondateur. Mais qu'il se console : s'il échoue, il aura fait un heureux.

La vie est belle !

Énergies renouvelables anglaises

Mode du développement durable (Les énergies renouvelables à la rescousse ?) : l’Angleterre pense que l’industrie de l’énergie renouvelable va créer 160.000 emplois dans les prochaines années.

Observations de The Economist (Green pound) :
  • Le gouvernement anglais comptait créer une industrie maison de l'éolienne. Pas de chance, Allemagne, Espagne et Danemark ont pris une grosse avance (et auraient créé 133000 emplois).
  • Par contre avantage décisif anglais : toute une gamme de produits financiers autour des énergies renouvelables et des droits à polluer.

Chaque pays a ses compétences propres : l’Angleterre, c’est la finance et le laisser faire, l’Allemagne, l’ingénierie et le dirigisme intelligent.
Conséquence : d’un côté quelques financiers extrêmement fortunés, et des petits boulots qui assurent les services dont ont besoin ces élus ; de l’autre des ingénieurs et des employés ?

Sur la notion de compétence clé (pour l’entreprise) : HAMEL Gary, PRAHALAD C. K., Competing for the Future. Harvard Business School Press, Édition,1996.

HIV Financier

Curieux (et brillant) parallèle...


Oeuvre de Jean-Pierre Bove (Cliquer sur l'image pour voir le dessin).

dimanche 16 novembre 2008

Combattre l’individualisme

Un thème de ce blog : notre problème actuel est l’individualisme. D'accord. Mais que faire ?

Un petit bonhomme croit qu’il est plus intelligent que le monde, et il commet des désastres d’autant plus importants que la société lui a donné du pouvoir (Il n’y a pas que les subprimes). Mais le danger n’est pas tant là que dans son comportement : il joue contre la société, il cherche à la disloquer pour en tirer un bénéfice. C’est un parasite.

On nous a dit qu’il était bien d’exploiter les ressources de la nature. Le progrès c’est cela. Il n’y avait qu’un pas à franchir pour penser qu’il en était de même de la société : l’individu doit exploiter ses semblables. Les utiliser comme « moyens », suivant l’expression de Kant. L’individualisme ce n’est pas le mal d’une personne, mais celui d’une société.

Peut-on corriger ce défaut, en évitant les effets néfastes des précédentes tentatives (notamment le nazisme, et le communisme) ? La science, en particulier la théorie de la complexité, donne deux pistes :
  1. Modifier le comportement de l’individu.
  2. Modifier le comportement de la société : transformer les règles qu'elle suit, de façon à ce qu’elles éliminent ce qui la menace.
Bizarrement, ces deux angles sont aussi chez Philippe d’Iribarne (La logique de l’honneur), et Michel Crozier (Le phénomène bureaucratique). L’un analyse ce qui pousse l’individu, l’autre ce qui contraint la société. Ces deux aspects se retrouvant d’ailleurs chez Montesquieu (De l'esprit des lois). Application.

Comportement individuel

Richard Dawkins et sa théorie des « memes » (The selfish gene) pensent que la sélection naturelle choisit les comportements les plus efficaces, de même qu’elle choisit les meilleurs gènes. Un comportement non individualiste a-t-il des chances de survivre ?
  • L’Impératif catégorique de Kant, s’il est adopté par tous, construirait effectivement une société solidaire. Mais l’homme devient alors prévisible. Donc vulnérable au parasite.
  • Robert Axelrod observe que la stratégie du « dent pour dent », qui conduit à la collaboration, est majoritairement victorieuse. L'individualisme n'est pas durable.
  • Pour ma part, je crois que le mécanisme précédent intervient dans la constitution des groupes (Le respect ou la mort ?). Mais qu’il y a un second niveau de collaboration. Une fois qu’il s’est fait respecter, l’homme peut utiliser une technique de type « ordinateur social » : faire résoudre les problèmes qu’il se pose par les membres de la société qui sont le mieux à même pour cela. Pour réussir, il faut que chacun y trouve son compte. Comme il représente une partie de la société, il y a des chances qu’il représente ses intérêts, son point de vue. Si réussite, donc, on aboutit à une solution qui satisfait tout le monde, y compris la société. Et elle est plus efficace que la solution parasitaire (« l’union fait la force »), donc probablement promise à un bel avenir.
Comportement collectif
  • Governing the commons montre que les sociétés se donnent des règles et les font adopter collectivement par leurs membres. Pour cela, il semble qu’il faille un gros cataclysme. Par ailleurs, le problème doit être exprimé sous la forme d’un « bien commun » que l’on se répartit de manière plus ou moins égalitaire, suivant des règles acceptées par tous. Le bien commun en évidence est la richesse mondiale, le PIB. Un mécanisme de contrôle de sa répartition préviendrait les excès. Mais comment s’y prendre ? D’ailleurs, le bonheur est-il dans le bien matériel, ou dans l’immatériel (esthétique, relations humaines…) ? Comment mesurer ce dernier ?
  • Une autre possibilité serait d’étendre au monde une technique que j’applique à l’entreprise (cf. mon livre 1) : la cellule d’animation du changement. C’est un peu la façon dont a procédé le G20 (Sommet du G20 : bravo ?). On procède crise par crise (quitte à susciter les crises). Dès qu’un problème survient, on délègue une équipe « d’animateurs du changement », préalablement repérés. Ils réunissent des représentants des intérêts concernés (ordinateur social) et, ensemble, ils essaient de résoudre la question. Une fois fait, la solution est appliquée. Et le problème définitivement résolu (on est immunisé). On construit les règles de pilotage de l’ensemble progressivement.
Compléments :

Sex, lies and subprime mortgages

Titre d’un curieux article publié par BusinessWeek.

Subprimes, phénomène beaucoup plus complexe que l’image que l’on en a en Europe. Ce ne sont pas quelques banques qui ont fait des affaires frauduleuses, mais une part significative de la population qui s’est corrompue. En effet de celui qui prête de l’argent à celui qui en demande, il y a toute une chaîne d’intermédiaires qui s’est développée et enrichie colossalement en quelques années.

Mécanismes de changement pris à l’envers. Pourrissement parti d’en haut et qui utilise à son profit les régulations de la société. C’est le système auto-immunitaire qui attaque l’individu.
Appât du gain qui pervertit tout. On gagne énormément (le smicard devient millionnaire du jour au lendemain), mais on est prêt à se prostituer, littéralement, pour gagner encore plus (un phénomène à grande échelle). On triche beaucoup, sans arrêt. On vit au jour le jour. Tout est bon pour enfler ses chiffres, et ce de Lehman Brothers au moindre intermédiaire. Les rares résistants plient sous la masse de collabo.

L’Amérique fascine nos élites. Elles ne doivent pas oublier que, dans ses valeurs, il y a aussi cela.

Pour un autre exemple de ce phénomène, réduit à une seule société, Enron : EICHENWALD, Kurt, Conspiracy of Fools: A True Story, Broadway Books, 2005.

Sommet du G20 : bravo ?

Expectations for the weekend summit of global leaders from the Group of 20 countries in Washington, D.C., were low. And they were fully met dit Business Week.

Sentiment général : peu semble être sorti du sommet du G20.

Pas tout à fait. Les anglo-saxons estiment, avec soulagement, que les Européens en ont rabattu beaucoup sur leur ardeur collectiviste. Mais RFI semblait penser que les Américains avaient considérablement modéré leur ultralibéralisme habituel.

Pour ma part je trouve que nos gouvernants ont été habiles. Au lieu de se battre sur un plan d’action, sur « comment faire », on s’est mis d’accord sur les problèmes à résoudre. Or, il n’y avait pas de désaccord là-dessus. Pour chaque question, on a fait une liste de dysfonctionnements et de points à régler. Mais aussi des solutions proposées pour cela. On a donné jusqu’à avril aux organismes compétents pour arriver à un compromis satisfaisant, suivant ces lignes. On se retrouvera alors.
  • Parmi les questions soulevées : comment poursuivre la stimulation des économies ? Comment améliorer les systèmes de régulation ? Notamment des produits complexes (CDS), ou des acteurs dont les dysfonctionnements ont créé la crise, tels que les organismes financiers transnationaux et les agences de notation.
  • Parmi les solutions avancées : constituer des comités de régulateurs des pays concernés par les organismes financiers internationaux ; donner un rôle accru au FMI, seul organisme capable d’apporter une réponse globale à des problèmes mondiaux. Mais pour cela, il lui faut plus d’argent, donc un abondement des pays émergents, donc qu’ils partagent sa direction. Une révolution. Mais on est d’accord pour discuter. Tout n’est plus qu’une question d’ajustement de curseurs.
J’appelle ce mode de fonctionnement Ordinateur social. Qu’il réussisse ou pas dépend de la qualité de l’animation du changement.

Banque postale et subprimes (2)

Conseil à une petite banque qui voudrait grandir. Ou apprendre des erreurs des autres est souvent la politique la plus efficace.

Mes conversations du moment résonnent avec mon expérience. Je me demande si les financiers français n’ont pas cédé ces dernières années à leurs démons anciens (cf. Crédit Lyonnais).

La Société Générale semble avoir connu un succès qui a fasciné la profession. Ses concurrents plus petits ont voulu l’imiter. Pour cela ils sont sortis des marchés qu’ils connaissaient pour s’aventurer là où l’herbe était plus verte. Ils auraient aussi cru qu’ils n’avaient pas la taille critique. Bizarre. Depuis des décennies j’entends cet argument. Pourtant, je n’ai jamais vu de corrélation claire entre taille et succès (GM nous en donne un magnifique exemple). Une question d’ego ?

Dangereuse illusion. Entrer sur de nouveaux marchés c’est acquérir des compétences que d’autres ont mis des décennies à construire. Lorsqu’Enron est entré sur le marché du traitement d’eau, elle s’est mise à acheter des usines à deux fois leur prix… Et puis comment recruter des gens dont vous ne connaissez pas le métier ? Les bons vont-ils venir chez vous où rester là où ils sont appréciés ? Que vont faire les seconds couteaux que vous aurez recrutés, à qui vous aurez laissé la bride sur le cou en leur disant que vous voulez devenir gros ? Et puis, l’organisation de la société, sa culture, le contrôle implicite qu’elle exerce sur le travail de ses employés, ne sont-ils pas une grosse partie de son succès ? Alors, pourquoi les processus budgétaires de certains se sont-ils mis en panne l’année dernière ? Chacun pouvant dépenser comme bon lui semblait ?

Conseils :
  • Éviter de mettre à la tête d’un nouvel organisme financier un dirigeant qui pense que « big is beautiful » (généralement ego démesuré).
  • Développer son avantage concurrentiel patiemment à partir de métiers connus.
  • L’entrée sur un nouveau marché est un changement. Et la règle d’or du changement est le contrôle. (Geste qui sauve : contrôlez le changement.)
  • D'une manière générale : contrôle, contrôle, contrôle.

Banque postale et subprimes (où l'on trouvera des références au Crédit Lyonnais et au sens de la démesure du dirigeant de l'époque de sa faillite). Société Générale et contrôle culturel.

Syndrome de la victime

Un employé claque la porte d’une entreprise. Grief ? Pas clair.

Objectivement, les dirigeants sont des gens honnêtes et charmants. Manque de reconnaissance ? Il est vrai que l’organisation de l’entreprise est désastreuse. On promet, mais on ne tient pas. Mauvaise volonté ? Oubli, plutôt. Manque de méthode. L’employé se venge. Grève du zèle impeccable. Il n’assure plus ses responsabilités, alors que l’on comptait sur lui. Il joue avec talent sur les dysfonctionnements qu’il dénonçait. Et, il le fait légalement. Il va beaucoup perdre (va-t-il retrouver un travail ?). Mais il a la satisfaction d’avoir infligé de sévères dégâts.

Ce comportement est typique du Français. On le retrouve, par exemple, chez Tocqueville (Souvenirs) et Chateaubriand (Mémoires d’outre-tombe). Alors que tous les deux sont des favoris de leurs régimes respectifs, tous deux accusent les puissants d’être ce qu’ils sont, et leur jettent leur démission à la figure, se retirant sur leurs terres, pauvres mais fiers d’avoir gâché leur génie en martyrs.

Mais la victime a une responsabilité. 2 exemples :
  1. Marc Bloch (L’étrange défaite) sur la défaite de 40. D’un côté des usines paralysées par la grève, de l’autre des dirigeants militaires convaincus qu’ils sont entourés d’incapables. On accusait Dassault, semble-t-il, de faire de mauvais avions. Bizarrement, quand la guerre survient, on se rend compte qu’il en aurait fallu peu pour ne pas se faire balayer. Comme l’ont montré les quelques chars de De Gaulle (cf. biographie par Jean Lacouture), et une Angleterre, qui n’était pas tellement mieux préparée que la France. Et les Allemands ont voulu faire travailler Dassault pour eux. Ils trouvaient ses avions excellents !
  2. Cantines de mes lycées. Toutes dégueulasses. J’ai passé des années à manger des sandwiches. Avec le reste de ma classe (grande période de tarot !). Criminel de traiter aussi mal des enfants. Je suis sûr que les employés de la cantine nous auraient expliqué qu’ils étaient victimes. De qui ? D’une mairie communiste ?
Qu’auraient dû faire Tocqueville et Chateaubriand ? Croire en leurs idées. Et se demander comment les mettre en œuvre. Ils avaient certainement suffisamment d’amis pour cela. Mais c’étaient des individualistes. Ils ne savaient pas jouer collectif. Drame national.

Il est temps de changer. De comprendre que la victime peut faire plus de mal que le tortionnaire. Qu’elle n’est pas seule, et que si elle combine ses efforts avec ceux de ses alliés de fait, ils feront évoluer leur sort collectif pour le mieux. Il y a alors des chances qu’ils découvrent que leur tortionnaire est honnête et charmant.

samedi 15 novembre 2008

L'innovation est une courte folie

Un échange avec quelqu'un qui veut transformer radicalement (révolution) le système bancaire, pour éviter les crises, m'amène à synthétiser une vieille idée : toute innovation est précédée d'une phase de folie, c'est elle qui fait les crises. Commentaire en VO :
  1. I suspect that people can always find a way to create bubbles. During the Internet bubble new valuation techniques were introduced to inflate company prices. Companies were supposed to own a part of their customers’ incomes...
  2. I have learned you can’t predict the future. Those who have tried to build a better world (French revolutionaries or neocons) have ended up engineering disasters. I have also learned that you can make work nearly everything. Even if it seems broken. I believe in evolutions not revolutions.
  3. I suspect that most crises come from “irrational exuberance”, they start with an innovation (anything: Internet, stem cells, properties in Florida…). Some people are extremely fast at finding uses for them and at marketing them. Hence bubbles. Once blown up, the innovation is no longer dangerous. I tend to believe that preventing this irrational phase is unlikely. In a way there is nothing wrong about it: enthusiasm is a kind of useful engine. However if we were able to detect bouts of exuberance earlier, we could manage it better.
Sur ma vision des crises : Capitalisme et destruction.

Faut-il aimer Mao ?

Depuis des décennies, les Chinois se demandent si Mao était plus bon que mauvais. Actuellement on en serait à 70 / 30 selon Cyrille Javary (Le discours de la Tortue).

Difficile de trouver sympathique quelqu’un qui a fait disparaître des dizaines de millions de personnes. L’ordre de grandeur de la population française. On imaginerait mal peser le pour ou le contre de Staline ou d’Hitler.

Ce que Mao a d’intéressant pour moi est qu’il s’est livré à de la conduite du changement, avec des techniques qui ressemblent à celles de mes livres. Il voulait transformer la culture chinoise (au sens ethnologique du terme), y inscrire les règles que demandait le monde moderne. Pour cela il procédait par révolutions culturelles. Deux techniques :
  1. apprentissage de groupe, donner un « stretch goal » au peuple (produire le plus possible) ;
  2. « rectification », faire s’exprimer les foules et éliminer ou rééduquer ceux dont les propos s’éloignaient de la ligne désirée.
Il avait un talent exceptionnel : il mettait en ébullition le peuple chinois. Et ce beaucoup plus par art de la dynamique de groupe, que par la force. Peut-être était-ce l’électro choc qu’il fallait à une nation pour s’extraire de siècles d’apathie ? Sans cela, les gouvernants plus mesurés qui l’ont suivi n’auraient pas réussi ?

Pas sûr. Les dirigeants qui entouraient Mao étaient des gens remarquables, fort peu murés dans des idées anciennes ou dans celles de Mao. En outre, Mao a montré qu’il avait les moyen de mettre en mouvement la Chine, aussi arriérée soit-elle. Un processus plus démocratique, qui aurait consisté à fixer des lignes directrices et à faire construire un plan de mise en œuvre par cette équipe rapprochée, était possible, et beaucoup plus efficace. Il aurait évité à la Chine l’aveuglement de Mao. Mais il était probablement beaucoup trop sûr d’avoir raison pour cela. Mao était un esprit totalitaire : il a voulu imposer ses idées au peuple.

Mais peut-être ne faut-il pas trop lui en demander ? Après tout il semble avoir réveillé la Chine. Et, vues les épreuves qu’il a dû traverser pour cela, peut-on être exigeant ? Idem pour nos gouvernants, d’ailleurs : se faire élire est tellement complexe qu’il serait mal élevé de faire la fine bouche quant à leurs talents de dirigeants.

SHORT, Philip, Mao: A Life, Owl Books, 2003.

GM : nationalisation ?

Auto bailout backers offer to cut $25 billion size explique que les démocrates veulent sauver General Motors. Les républicains, eux, laissent sombrer.

Pas de chance, Barak Obama démissionne, les sénateurs démocrates sont à 50 contre 49. Heureusement, quelques sénateurs républicains ont des usines GM sur leurs terres.

On voit que l’Américain devient un spécialiste de la nationalisation : un prêt (25md ? on débat du montant) semble devoir être accompagné de garanties : prise de participation, de façon à ce que si l’affaire est redressée le contribuable rentre dans ses fonds. Les parlementaires américains vont-ils faire subir la méthode Bagehot à GM ? (Comment faire payer le banquier ?)

En tout cas, je leur suggérerais de demander à la nouvelle équipe dirigeante un plan d’action crédible. C’est une des bonnes pratiques des affaires : ne mettre de l’argent que dans un bon business plan.

Par ailleurs, l’article montre que GM avait réduit de 43,5% ses effectifs aux USA entre 2005 et 2008. À croire que les syndicats américains ne sont pas aussi redoutables que le dit The Economist (Le syndicat, mal américain). Il n'aurait probablement pas fallu beaucoup de temps à GM pour ne plus compter que des dirigeants américains. Mais alors quel état aurait sauvé GM ?

La vie est belle : bio vent en poupe

RFI dit que, comme celles de la Mafia, les affaires du bio ne se sont jamais aussi bien portées. Et que la France ne produit que 50% de ses besoins.

J’y vois le fait que lorsque l’on se donne le mal d’essayer de comprendre quels sont les besoins importants de la nation, on en retire de bénéfices durables.
J’ai vu d’autres d’exemples de cela dans la fonderie, l’équipement automobile et l’imprimerie.

L’imprimerie. On dit souvent qu’elle va mal. En fait, elle me semble divisée en 2. D’un côté des « usines » ayant une stratégie d’achats de machines de plus en plus performantes. Elles vivent souvent d’expédients. De l’autres des petites unités numériques fondées par un grand professionnel qui fait du sur mesure pour un marché de niche auquel il est indispensable. Grosse rentabilité.

Effet pervers. La stratégie machine est une stratégie prix, à QI minimal. L’entrepreneur achète une machine, très cher, en pensant qu’elle lui donnera un avantage coût. Pour la rentabiliser au plus vite, il « casse les prix », attaquant tous azimuts. N’étant pas le seul dans son cas, le marché adopte des prix qui sont au dessous des niveaux de rentabilité de la profession. D’où nécessité de machines encore plus performantes. Quand les banquiers ne veulent plus prêter, faillite. Un repreneur récupère les machines à bon compte, ce qui lui permet de continuer à casser les prix.

La petite entreprise numérique se cache bien, mais son marché fait saliver. Risque : attaque par un champion de la machine. Sa situation précaire fait qu’il est prêt à tout promettre. Il vit au jour le jour. Malheureusement, le petit imprimeur se défend mal. Il ne sait généralement pas ce qu'il apporte à son client. Il est en grand danger de croire que son salut est dans une course en avant de baisse de prix.

De la stratégie de l’agriculteur : Stretch goal de l’agriculteur.
Thème proche : Succès de la Logan.
La vie est belle !

vendredi 14 novembre 2008

Le syndicat, mal américain

The Economist (Obama and organised labour) s’inquiète de voir les syndicats prendre du poids. Obama va les remercier de leur soutien à sa candidature. Et le syndicat, ce n’est pas loin d’être le mal absolu :
With American carmakers nearing extinction the argument that unions are bad for business carries more heft than usual. While it may not be fair to judge all of organised labour by one industry, one has to wonder about the role unions are playing in the car industry's current impasse.
GM now has a market capitalisation less than its cash on hand, so it seems odd that we haven't heard buyout rumours. A plausible explanation would be that potential buyers fear that the labour obligations that come with the company make profitability impossible. If unionised jobs begin to vanish, even Mr Obama will have a hard time explaining union certification as a working man's issue.
Curiosités :
  • Pourquoi faire tant de cas des syndicats en ce qui concerne GM ? L’entreprise n’a pas attendu la crise pour être dans son état actuel. Jadis la plus puissante entreprise du monde, depuis deux décennies elle titube. Son mal ? De mauvais produits. Pensez-vous que ses employés soient les seuls responsables d'un tel cataclysme ?
  • George Bush veut laisser s’effondrer GM. Beaucoup pensent qu’elle ne pourra pas se relever de la faillite. Barak Obama semble prêt à lui accorder 25md$ de prêts, pour éviter un choc que l’économie ne pourrait pas supporter. Ne pourrait-on pas lui en être reconnaissant ? Comme le banquier, le manager de GM va-t-il être sauvé par les personnels pour qui il a tant de haine ? Insupportable ? (C’est dur d’être sauvé par des cons ou la finance internationale relève la tête.)
  • Bizarres relations sociales : il semble que l’Amérique des entreprises ne connaisse que le rapport de force. J’ai rencontré de très performantes entreprises qui avaient de très puissants syndicats. Mais il y avait accord entre les deux : par exemple, gains de productivité oui, licenciements non. Comment se fait il que la très bien payée élite du management qui dirige GM ne soit pas capable d’obtenir de tels accords ?

Ce qui coule GM serait-il ici : le rapport de force ? Sous-traitance maximale puis appels d’offres. Que le meilleur gagne. Mais construire une voiture demande le génie de tous, un travail d’équipe. Et surtout une amélioration continue d’un modèle sur l’autre, donc une relation de confiance à long terme. Pas étonnant que GM ne sache faire que de grosses voitures peu optimisées.

Pas étonnant que ses employés aient besoin de syndicats forts : comment travailler correctement, si vous devez en permanence vous préoccuper de vos intérêts ? Le management à l’américaine a les syndicats qu’il mérite.

Plus ils seront puissants, meilleur ce sera pour lui : il finira par comprendre qu’il n’est pas de taille à passer en force, et qu’il doit désormais faire usage de son intellect. Douloureux changement, toutefois.

Le talent de GM : la communication, Cinquante milliards pour GM, Ford et Chrysler, GM et Chrysler : la fin ?

Barak Obama en role model ?

Dans Hillary Clinton's future, un blog de The Economist cite Barak Obama :
It was a biography of Lincoln. And [the author, Doris Kearns Goodwin] talks about Lincoln's capacity to bring opponents of his and people who have run against him in his cabinet. And he was confident enough to be willing to have these dissenting voices and confident enough to listen to the American people and push them outside of their comfort zone. And I think that part of what I want to do as president is push Americans a little bit outside of their comfort zone. It's a remarkable study in leadership.
J’ai tendance à penser que tout le monde a une partie de la vérité, et que la démocratie, c’est justement utiliser ces vérités conflictuelles pour construire des vérités qui les transcendent.
Aux USA les gens qui réussissent sont assimilés à des demi-dieux (cf. le culte de Jack Welsh), et on copie jusqu’à leur moindres défauts, supposés être l’explication de leur succès (cf. les « n règles du succès »). Espérons que Barak Obama réussira et qu’il sera copié.

Non au traité de Lisbone.

Effet délétère de la télévision : Barak Obama approuve.

Grâce à un blog de The Economist, je découvre que Barak Obama semble approuver ce que Dominique Delmas et moi disons de la télévision :
We're going to have to parent better, and turn off the television set, and put the video games away, and instill a sense of excellence in our children, and that's going to take some time.
Étonnant qu’autant de gens aient voté pour lui. Soit il n’a pas été compris. Soit il s’agit d’un nouvel exemple de Nous sommes tous des hypocrites !

Des effets délétères de la télévision

jeudi 13 novembre 2008

Discrimination positive : solution à un problème mal posé

J’entends que l’on montre l’élection de Barak Obama en exemple, et que l’on aimerait qu’il y ait plus de représentants de minorités parmi l’élite dirigeante et politique. Des mesures sont réclamées.

Paradoxe. Barak Obama n’a fait l’objet d’aucune discrimination positive, nulle part dans sa vie. Il a fait de brillantes études, parce qu’il était un élève exceptionnel… Et il a été élu, parce qu’il était un candidat exceptionnel. Mauvais argument. Ce qui ne veut pas dire que les minorités n’aient pas besoin d’un coup de pouce. Comment s’y prendre ? Par quota ?

Le quota est une mauvaise solution, parce qu’il déshabille Pierre pour habiller Paul.
La majorité n’est pas homogène. Elle est faite d’une petite élite qui s’auto entretient, et d’une majorité dont la situation est mal assurée. Comme le montre l’exemple américain, c’est cette dernière qui fait les frais de la discrimination positive. Son horizon étant bouché, elle réagit en rejetant ceux qu’à tort elle voit comme la cause des ses maux (les minorités). Et elle tend à aller vers les partis politiques qui semblent l’écouter. Ce sont généralement les partis extrêmes. Le parti communiste a ainsi longtemps été le parti des « mal lotis », c'est-à-dire de petits capitalistes mécontents de leur sort.

Paradoxalement, ce sentiment de société inégalitaire est récent. J’ai passé ma lointaine jeunesse dans le 95. Ma classe de terminale était issue de 3ème génération d’immigrés, ou de 2ème génération de provinciaux venus à Paris (comme les immigrés, le Français était la seconde langue de leurs grands parents). Il y avait des élèves d’origine maghrébine et africaine, et ils étaient promis à des études brillantes. J’avais l’impression que le succès scolaire effaçait la différence. De même qu’aujourd’hui Carlos Ghosn est perçu comme un X-Mines non comme un Libanais.

Ce modèle d’ascenseur social a été démantelé, bien que ses résultats aient été infiniment plus justes que ceux de notre système actuel, les moyens qu’il employait ont été jugés injustes. Il n’est pas possible de le remettre en marche.

Quoi faire ? Poser le problème avant de lui trouver une solution. Ce n’est pas un problème de minorité, mais d’élite. Celle-ci ne se renouvelle plus. Elle s’appauvrit intellectuellement. Elle gère mal le pays, auquel elle ne se sent plus redevable. Et elle bouche tout espoir d’évolution au reste de la population. Elle se donne bonne conscience en offrant ce qui appartient à d’autres pour réparer les injustices les plus criantes (phénomène « Bobo »).

Complément :

mercredi 12 novembre 2008

Suivons l’exemple de la Mafia

Mafia 'boosted' by credit crisis explique que les affaires de la Mafia vont très bien (6% du PIB italien), elle n’a pas été touchée par la crise financière. Elle ne fait pas dans le spéculatif et l’illusoire, mais dans l’éternel.

Mieux. Cette crise est une chance. Les banques ne prêtent plus, les entreprises ont besoin de cash, et elle en a. Période idéale pour se diversifier. Investir à contre-cycle, c’est ce que dit Warren Buffett ! Les « meilleures pratiques » de la Mafia seront étudiées demain en MBA.

Compléments :

Kant pour les nuls


Quelques idées issues de : SCRUTON, Roger, Kant A Very Short Introduction. Oxford University Press, 2001.
  • J’ai l’impression qu’une des grandes idées des Lumières a été de donner une validation scientifique à la culture de son milieu. Adam Smith a voulu montrer que l’idéal était l’univers du commerçant et que l’on pouvait organiser le monde suivant ce modèle. Pour Hegel, c’était la société prussienne. Quant à Kant, il me semble qu’il nous a dit qu’il fallait chercher l’inspiration dans la mécanique classique.
  • Le monde est tel que le voit la physique. La connaissance résulte de l’interaction entre raison et expérience. L’homme ne peut rien déduire du seul travail de la raison, s’il n’est validé par l’expérience. (Critique du philosophe qui échafaude des empilages de raisonnements ?)
  • Pour que ce monde soit tel que le voit la physique, il faut que les hypothèses implicites qu’elle fait soient justes. Elles sont vraies, a priori. (Déduction transcendantale.)
  • En fait, il existe deux univers : l’un est celui de l’expérience, de ce que nous voyons ; l’autre est transcendantal, il abrite les lois qui font que le monde est tel qu’il est. Il nous est inaccessible.
    La médiation de l’esthétique (spectacle de la nature, art) nous amène à sa limite. L’esthétique résonne avec la nature humaine ; l’artiste, en recréant le sentiment que l’on éprouve en face de la nature, passe au plus près de ce monde transcendantal.
  • Étrangement, la morale de Kant ressemble à celle de Confucius. C’est une morale du devoir, de la décision judicieuse. L’homme libre doit être guidé par sa raison, non par son instinct ou une pression extérieure. Le progrès est là : c’est la raison de l’homme qui s’éveille et qui transforme le monde.
  • Cette « raison pratique », elle-même, doit suivre des lois (impératif catégorique) : décisions universelles (et si tout le monde prenait à l’envers un sens interdit ?) ; respecter la liberté des autres, ne pas les considérer comme des moyens, mais comme des fins ; être guidé par la volonté de construire un monde idéal. Par le travail de sa raison, l’homme fait œuvre de législateur. Ses décisions sont des précédents.
    Dans ce monde, rien n’est caché, toute décision peut être rendue publique.
  • Tout détruire, pour le remplacer par un univers rationnel idéal (le rêve de la révolution française), n’est pas possible. Le monde doit se rationaliser progressivement.
Commentaires
  • Je me demande si un argument de Kant ne se retrouve pas chez beaucoup de physiciens modernes : le monde est tel qu’il est parce qu’un être comme nous ne pourrait pas être concevable dans un autre univers.
  • Comme pour Durkheim, je me demande s’il n’y a pas quelque chose de commun entre la pensée de Kant et la théorie de la complexité : les groupes d’individus génèrent spontanément (émergence) des lois qui les guident. Le monde transcendantal inaccessible à l’esprit humain serait celui de ces règles.
  • L’impératif catégorique me semble être exactement le critère de jugement d’une stratégie (« stretch goal »). C’est une question d’efficacité, plus que de bons sentiments. En particulier, si elle a quelque chose à cacher elle n’est pas efficace.
  • L’impératif catégorique me semble aller à l’inverse d’un pilotage de l’homme par son seul intérêt (modèle d’Adam Smith et de la théorie économique dominante). Il semble résoudre le dilemme du prisonnier, qui fait que l’homme lorsqu’il joue perso, joue contre le groupe, et, finalement, contre son intérêt. Par contre, si tout le monde suivait Kant, il serait facile pour un parasite (l’égoïste du modèle d’Adam Smith) d’exploiter des lois aussi prévisibles à son profit. La société doit développer des mécanismes de défense.
  • Les Lumière n’ont-elles pas surestimé le pouvoir de la raison individuelle ? Seul dans sa chambre, l’homme n’est pas capable de résoudre des problèmes bien compliqués. Il a besoin de l’aide des autres hommes pour cela.
Compléments :