mardi 30 septembre 2008

Soutenons George Bush

Ce que montre la crise actuelle c’est le discrédit du processus démocratique.

Pourquoi étais-je aussi enthousiaste pour la démocratie américaine (De la démocratie en Amérique) ?
11 septembre et unanimité qui avait suivi. On allait la voir se refaire. Ne disait-on pas que ce que voulait ben Laden n’était pas l’effondrement des tours mais celui du capitalisme ? De l'Occident ? N’est-ce pas justement ce qui menace ?
Or me voilà parlant de conduite du changement. Mais il ne devrait pas y avoir de conduite du changement ! Le peuple américain devrait suivre son président comme il l’a toujours fait dans les moments difficiles. Pourquoi ça ne marche pas aujourd’hui ?

Peut-être parce que George Bush a perdu toute crédibilité. Le critiquer n’est-il pas le fonds de commerce de John McCain, pourtant républicain. Les démocrates ne le maudissent-ils pas ? Le monde entier ne vote-t-il pas Obama, en réaction à sa politique ?

Le succès de ces assauts a discrédité la fonction présidentielle. Un nouveau président n’y changera rien : c’est l’élite américaine, quel que soit son bord, qui n’est plus crédible. Elle avait oublié que, vue de loin, il est impossible de faire la différence entre bons et mauvais. De même que l’étranger ne fait pas de différences entre les confessions libanaises.
Or, dans les moments difficiles, ce qui compte n’est pas la seule bonne direction, mais une décision. L’anarchie c’est la mort.

George Bush est coupable ? Au milieu de cette crise, il reste le seul droit dans ses bottes. Il coule avec le bateau. L’erreur irakienne ? C'est la politique américaine de toujours. Celle qui n’a jamais supporté les pays fermés sur eux-mêmes, et qui a expédié le commodore Perry ouvrir le Japon à coups de canons. D’ailleurs, Kennedy est infiniment plus coupable que Bush : non seulement, il a engagé l’Amérique dans la guerre du Vietnam (argument : la théorie des dominos), mais il a poussé le monde dans l’escalade de l’armement. Et ce alors que les Américains savaient que c’était inutile, et que son prédécesseur, Eisenhower, avait tout fait pour l’éviter.

C’est une faute de frères ennemis. Une guerre fratricide entre intellectuels américains, mais aussi une guerre entre démocraties : les élites françaises, anglaises… ont couvert George Bush d’insultes. Résultat : la démocratie s’est totalement discréditée. Pour le reste du monde, l’axe du mal, c’est elle.

Si ce changement doit nous apprendre quelque chose, c’est la modération du propos. Nous ne sommes pas seuls dans le monde. On nous regarde et on nous écoute.

Compléments :

Plan Paulson et techniques de changement

Mettre en œuvre un changement c’est concevoir un exercice d’apprentissage.

C’est terrible comme cette crise (Enthousiasme prématuré) me rappelle mon expérience du changement.
Plus exactement un type bien particulier de changement : celui qui, justement, doit être fait avant qu’une crise ne survienne. Alors qu'un doute subsiste encore sur la nécessité du changement. Si la situation se détériore, unanimité en faveur du changement. Dès qu’elle s’améliore le front explose. Les intérêts personnels se réveillent et paralysent la transformation. Il faut avoir les nerfs bien accrochés. La tentation de laisser crever cette bande d’inconscients est difficile à résister. Premier enseignement : conduire le changement, c'est naviguer au plus près de la crise.

Voici l’erreur que fait tout leader du changement, et probablement aussi celle qu’a commise la classe dirigeante américaine. Concevoir une stratégie demande très longtemps. Beaucoup de réflexion. La lumière se fait. C’est évident. Et vous pensez que l’évidence est pour tous. Pas du tout : chacun doit refaire, en accéléré certes, le chemin que vous avez parcouru.

Or, pour vouloir éviter la fameuse « résistance au changement », nous mâchons le travail de l’organisation, nous voulons qu’elle se trouve devant le fait accompli, sans qu’elle l’ait vu venir. Pas de chance, on a besoin d’elle pour mettre en œuvre les mesures qui résultent du changement. Si elle n’a pas compris leur raison d’être, elle fait n’importe quoi.
Dans le cas américain, la moitié de la chambre des représentants va être élue dans quelques semaines. Elle doit tenir compte des angoisses des électeurs.

Concevoir un changement c’est donc construire une expérience d’apprentissage pour l’organisation. Elle augmente « l’anxiété de survie », elle montre pourquoi le changement est capital pour la société. Elle diminue « l’anxiété d’apprentissage » : le changement ne demande pas de prouesses extraordinaires à l’individu. Il est dans ses cordes.
Quel exercice d’apprentissage alors ?

Ici, il s’agit de faire comprendre au peuple américain, et au reste du monde, que les bons et les mauvais, ça n’existe pas. Nous sommes tous dépendants des uns des autres. Qu’il le veuille ou non, le fermier texan a sa retraite investie en actions. Qu’il le veuille ou non, chacun a participé à la crise, ne serait-ce qu’en s’endettant outre mesure.
Transformer cette idée en un plan opérationnel dépend des caractéristiques uniques d’une culture, d’une organisation, d’une situation.

Compléments :

lundi 29 septembre 2008

Enthousiasme prématuré

Que ça marche ou pas, c’est toujours du changement.

Je découvre que le plan Paulson a été repoussé par la chambre des députés américaine. Majoritairement par les républicains. Mes conclusions (De la démocratie en Amérique ) étaient prématurées.

Parmi les explications que j’ai lues : l’électorat est peu enclin à vouloir sauver les escrocs de Wall Street, et le député n’a pas envie de le décevoir.
Justification de la théorie qui veut qu’un grand groupe d’individualistes n’arrive pas à obtenir ce qui lui est nécessaire ? (The logic of collective action.) Globalement les députés ont intérêt à ce que la loi soit acceptée, mais pas à ce que leur nom lui soit attaché ?

Comment s’en sortir ?

  • Classique du changement : par la crise. Plus « l’anxiété de survie » est grande, plus le changement est facile. C’est vrai pour l’entreprise comme pour le monde. L'expérience montre qu'il n'est pas efficace de vouloir trop épargner une organisation : le changement est un apprentissage, et un apprentissage doit être douloureux.
  • Second classique : en abaissant « l’anxiété d’apprentissage ». Le député ne sait pas comment se justifier auprès de son électeur. Le moindre coup de pouce facilitera le changement.

Complément :

De la démocratie en Amérique

Ce blog compare fréquemment les USA et la France. Nous nous ressemblons beaucoup. Pas en termes de démocratie.
  • Qu’est-ce que la démocratie en France ? Un Président qui impose. Une majorité qui le suit, mécaniquement. Une opposition qui s’oppose, systématiquement. Et dont l’originalité se limite à quelques idéaux tellement élevés qu’ils en sont incompréhensibles. En dehors de leaders inamovibles, aucune personnalité ne se dégage. Leur caractéristique ? Leur capacité à se hisser dans l’appareil du parti. La volonté de pouvoir, l’effort surhumain nécessaire pour l’obtenir, n’ont pas permis l'émergence d'une pensée : ils en restent à des idées scolaires. La seule qui pense, qui ait une conviction, est l’administration. D’ailleurs, c’est elle qui écrit les lois. Pas étonnant qu’elles soient aussi mal fichues et difficiles à appliquer. S’il faut trouver un régime proche du nôtre, c’est du côté de la Russie ou de la Chine qu’il faut regarder.
  • Aux USA, de nouvelles personnalités émergent à chaque élection, tous les 4 ans. Le moindre élu a une histoire. S’il a rejoint la politique, c’est généralement tardivement, et parce qu’il avait des convictions grosses comme ça. De quoi, parfois, inspirer un scénariste d’Hollywood. Il décide en conscience. Il peut ne pas aller dans la direction de son parti : une coalition républicaine a failli saborder le plan Paulson. Contrairement à la France d’avant guerre, cette démocratie, où chacun peut tout faire rater, marche. Unité nationale dans les grands moments. Et même en dehors : la majorité actuelle est démocrate. Le président Bush semble-t-il en souffrir ?
Montesquieu (De l’esprit des lois) disait que le principe des démocraties était la vertu. USA exemple de vertu ? Chacun y est poussé par son intérêt, mais, quand il le faut, il sait le mettre de côté. Il sait écouter l’autre, même s’il est opposant. Comprendre sa pensée, faire des compromis (dont le nouveau plan Paulson est un modèle)…

Par contraste le Français en est resté au principe de l'honneur monarchique. Il est enfermé dans ses certitudes. Il n’entend rien. Il émet, mais il ne reçoit pas. Seule une vague de fond peut bousculer son autisme. Et encore, elle doit s’être bruyamment annoncée. La barricade et le pavé demeurent les fondements de notre démocratie.

Compléments :

Crédit Foncier de France et le changement

Encore un exemple de notre inaptitude au changement ?

Le billet précédent me rappelle mon dernier contact avec le Crédit Foncier de France. Il se trouve que j'y ai un compte. J'aimerais le résilier. Mais comment m'y prendre ? J'appelle le numéro que me donnent les renseignements. Un répondeur exige mon numéro de prêt. Impossible de discuter avec un humain sans cela. Visiblement le client n'est pas le bienvenu.

SFR et la mise en œuvre du changement

Nouvel exemple de l’inaptitude française au changement ?

Je reçois de SFR un SMS me disant que si je ne veux plus recevoir de SMS de publicité, il faut que j’appelle le 4275. J’appelle : le numéro n’est pas attribué…

dimanche 28 septembre 2008

L’intellectuel, fondamentaliste de la raison

Les commentaires d’Hervé Kabla sur Neocon et mes observations sur les économistes américains me rappellent quelqu’un qui a marqué l’histoire : l’intellectuel. Portrait d’un fléau moderne.
  • Tocqueville n’en pensait pas grand bien. L’intellectuel croit trouver la vérité dans sa pensée, ou dans ses équations. Il n’a aucune hésitation à risquer notre vie pour ses idées. La guerre d’Irak est un élément de la liste interminable de ses méfaits. À lui s’applique ce que disent les religions des sectes : leur erreur est de croire qu’elles ont trouvé la vérité.
  • Bizarrement, la croyance en l’existence d’une vérité accessible à l’esprit humain a été trahie par ce qui aurait dû la justifier : la Mécanique classique. À la fin du 19ème siècle Poincaré a étudié le problème des trois corps. Résultat ? Pour savoir si, par exemple, Mercure ne va pas être éjecté du système solaire, il faut connaître la position des planètes avec une infinie précision. Début de la théorie du chaos : un écart microscopique peut avoir un effet macroscopique.
  • Pas besoin de faire appel à la météo pour en voir des manifestations. Vous réformez la Russie, brutalement des phénomènes inattendus surviennent. Des forces ignorées se réveillent. Le pays éclate, une mafia apparaît… Vous déréglementez l’énergie californienne, vos fournisseurs utilisent les failles du marché pour vous ruiner (et plongent votre Etat dans le noir). Vous réorganisez votre entreprise en unités indépendantes, leurs luttes paralysent son fonctionnement… Le changement c’est le chaos !
  • C’est pourquoi la science du changement est le contrôle : c’est se donner les moyens d’intervenir quand un phénomène imprévu menace de déstabiliser l’édifice. C’est pourquoi le « deleveraging » de l’économie va demander de la vigilance.
Compléments :
  • PETERSON, Ivars, Le chaos dans le système solaire, Pour la Science, 1995.
  • EKELAND, Ivar, Le chaos, Flammarion, 2002.
  • Sur la Russie : Changement en Russie.
  • Sur la Californie : voir l’article que Wikipedia anglais consacre au sujet de la déréglementation de son énergie.
  • Sur le deleveraging de l’économie : Meilleure stratégie ? Serrer les fesses.
  • TOCQUEVILLE (de), Alexis, L’Ancien Régime et la Révolution, Flammarion, 1985.

Meilleure stratégie ? Serrer les fesses.

Exemple de changement ordinaire : un effet de levier à l’envers.

Principe économique : les risques doivent être garantis. La garantie est une fraction des sommes qui peuvent être risquées. Par conséquent, réduire les garanties stimule de manière disproportionnée l’économie.
Je me demande donc si le jeu auquel notre élite économique s’est livrée ces derniers temps n’a pas été un formidable « effet de levier ». Par des théories plus ou moins fumeuses, elle a justifié la réduction des niveaux de garantie.
Ce qui expliquerait le consensus des économistes sur le plan Paulson : injectez de l’argent dans les réserves, vous profiterez d’un effet de levier. L’économiste persiste et signe. L’homme confronté au danger s’agrippe à ses certitudes, disent les psychologues.

The Economist affiche un graphique terrifiant. L’endettement national américain oscille depuis un siècle autour 150% de son PIB. 2 exceptions : 1929, 300%, Aujourd’hui : 350%.

Bref, plus de garde-fous : un rien et c’est un cercle vicieux qui fait tomber le château de cartes économique. Il va falloir faire preuve de réactivité…

Compléments :
  • L'article dont sortent ces réflexions (où l'on parle de deleveraging) : A fate worse than debt, The Economist, 27 septembre – 3 octobre.
  • Mon opinion des consensus entre économistes : Doutes sur le plan de relance américain.
  • L’homme face à l’incertitude : CIALDINI, Robert B., Influence: Science and Practice, Allyn and Bacon, 4ème édition, 2000.

La logique de McCain

McCain, joueur de poker ?

Qui est John McCain ? Peut-on le déduire de ses actes ? Une technique pour ce faire est le « paradoxe » : chercher l’explication d’un comportement étrange.

Dernier comportement étrange : il stoppe sa campagne. Il est urgent qu’il intervienne dans le plan de sauvetage du ministère des finances. Il part à Washington. On rapporte qu’il serait derrière l’action d’un groupe de républicains qui fait capoter la mesure. Puis il débat avec son adversaire, alors qu’il avait laissé entendre qu’il ne le ferait pas. Dans la discussion il dit approuver le plan (qui n'a pas changé !). Il revient chez lui. Dorénavant il va suivre les événements par téléphone.

Un article avance une théorie : la stratégie de McCain est le « coup ». Si ça marche il a fait avancer sa candidature, sinon, il cherche autre chose. Cette fois-ci ça a raté, il avait l’opinion contre lui.
Sa campagne : il est en retard, il réussit un pari inattendu et risqué, il reprend de l’avance. Aujourd’hui, il a perdu du terrain et il recherche à se refaire.

McCain aurait une seconde arme : l’émotion. Il touche le cœur de l’Américain. Son concurrent est trop théorique. McCain penserait-il qu’il peut dire n’importe quoi, pourvu que ce soit avec émotion ?

Compléments :
  • L’article : MARINUCCI, Carla ; Risky moves could define McCain’s leadership, SFGate.com, 28 septembre 2008.
  • Sarah Palin comme coup de poker : Sarah Palin, la parole est à la Défense.
  • Je vois aussi dans cette analyse le fait qu’une saine démocratie peut ramener l’aventurier dans le rang : Blocage américain, qui explique le blocage du plan Paulson.

RSA

Une amie m’envoie le texte suivant :

Avec le revenu de solidarité active (RSA), la France va construire une nouvelle usine à gaz. Ce substitut au RMI (revenu minimum d'insertion) coûtera plus cher, avec des effets limités sur l'incitation au travail, la création d'emplois et surtout des effets pervers sur les disparités entre salariés ! C'est sans doute le plus grave : une personne travaillant à 60 %, en contrat de RSA, peut disposer de ressources équivalentes à celles dont dispose un salarié à temps plein payé au SMIC, et même supérieures si l'on tient compte des avantages connexes au RMI dont continueront à bénéficier sans limite de temps les bénéficiaires du RMI. Les ouvriers et employés payés juste au-dessus du SMIC (16 % des salariés) vont vivre très mal cette situation au quotidien.

Comme d’habitude, je pourrais voir dans le RSA un exemple de notre incapacité à la mise en œuvre du changement. Nous théoriciens idiots. Inconsistance ? Ce n’est pas l’interprétation que je retiens.

Je rencontre des SDF tous les jours, et je suis désolé de leur état. Beaucoup de gens me disent qu’ils ont eu des moments difficiles dans leur vie et qu’ils s’en sont tirés. Que les SDF sont coupables de leur sort. Je ne suis pas convaincu. Je suis trop influencé par ce que j’ai lu de l’Angleterre du 18ème et du 19ème siècle. Elle aussi cherchait tous les moyens de rentabiliser ses pauvres (Workhouses - a mill to grind rogues honest, and idle men industrious), y compris à la maternelle. Leurs conditions de vie étaient abjectes.

Il est étrange que nous ne nous intéressions qu’aux hommes pour leur capacité de production. Mais être capable de fabriquer des bombes, de perdre son temps en réunion, ou de ficeler des bulles spéculatives, est ce que cela fait de nous des élus ? L’homme, même SDF, n’est-t-il pas infiniment plus complexe, et admirable, que toutes les machines que nous avons créées ?

Je vois dans cette mesure la manifestation de la solidarité (bien maigre) que nous devons à des êtres respectables que nos règles imparfaites éjectent du jeu.

Tout ce que produit l’Etat français est complexe et mal fichu. Est-ce pour autant qu’il ne doit rien faire ? D’ailleurs, n’est-il pas temps que nous arrêtions d’être des spectateurs critiques, et impuissants, et que nous réparions ce qui a besoin d’être réparé ?

Compléments :
  • GODET, Michel, Non au RSA et à ses effets pervers, Le Monde.fr, 25 septembre 2008.
  • PORTER, Roy, English Society in the 18th Century, Penguin books, 1991. (La citation est de Jeremy Bentham.)

samedi 27 septembre 2008

Régulation mondiale

Comment éviter les crises ? Vieille question : Joseph Schumpeter disait que la crise était le propre du capitalisme ! Jusqu’ici les plus beaux esprits occidentaux se sont cassé les dents sur la question. Mais ce n’est pas pour cela que l’on doute de lui trouver une solution :
  • Dominique Strauss-Kahn, dans la tradition française, explique que « la question structurelle la plus fondamentale est celle de la régulation (…) cette crise est la crise de la réglementation ». Indiscutable. Pas tout à fait. Henri Bouquin, directeur du CREFIGE de Dauphine, parle du « paradoxe du contrôle de gestion » : quand vous imposez des règles à une organisation, elle fait le contraire de ce que vous attendiez. Et Michel Crozier explique pourquoi : l’homme va contre ce qui menace sa liberté. Autrement dit, il ne suit que les règles qu’il accepte. D’ailleurs le talent de l’Amérique est de contourner les lois.
  • La Chine semble suivre une vieille stratégie. Celle qui lui permettait d'appaiser ses voisins : elle utilise les vices des USA pour les contrôler. Elle s’attire les faveurs des puissants, elle finance le déficit du pays. Mais est-ce suffisant ? L’Américain est plus rapide et infiniment plus redoutable que le Mongol. La Chine aurait pu profiter du bref moment de panique du système financier américain pour y entrer, et le contrôler. Le faire était dangereux : ce n’est pas une bonne idée de partager la voiture d’un chauffard…

Non, Monsieur Strauss-Kahn, contrôler n’est pas le seul moyen de faire face à l’incertitude :

  • Le moyen le plus efficace est sans doute de posséder les capacités de s’adapter aux chocs. C’est ainsi que Schumpeter expliquait pourquoi les entreprises tendaient à être des monstres : pour survivre en cas de disette. Dans notre cas, s’adapter c'est être capable de corriger un dysfonctionnement du marché qui pourrait le faire s’enfoncer dans un cercle vicieux. C’est ce qu’a réussi, à mon avis, le gouvernement américain. Il faut s’entraîner à la crise, et prévoir des institutions (et des moyens), pour venir au secours des apprentis sorciers en péril.
  • Autre possibilité : apprendre. Pour réagir intelligemment, il faut comprendre ce qui se passe. Ce blog parle « d’institut Pasteur ». Chaque nation devrait en permanence analyser de manière critique les innovations de l’économie. Elle y chercherait ce que l’on peut en tirer, et ce qui est dangereux. Et arrêtons de copier servilement ce qui semble marcher à l’étranger !

Et puis, il y a l'idée fixe de ce blog : on ne peut pas changer l’homme. Il faut faire avec ses défauts. L’Américain et l’économie me semblent dangereux parce qu’ils ont pour stratégie « diviser pour régner ». Ils attaquent les fondements de la société, comme nous avons attaqué la nature : en la détruisant pour en tirer quelques gravats. Mais il y a un moyen de gagner encore plus. L’union fait la force. Comprendre les mécanismes qui font de la société ce qu’elle est, et se demander comment les talents de l'entreprise, uniques, peuvent la servir au mieux.

Compléments :

  • Le Web 2.0 comme exemple de ce que l’on peut faire, ou ne pas faire, avec la société : Erreurs 1.0.
  • Autres exemples de stratégies « sociales » : Google et Microsoft III
  • Sur la stratégie chinoise : Péril jaune.
  • Dominique Strauss Kahn : Strauss-Kahn : « une crise systémique implique une solution globale », Le Monde.fr 23 septembre 2008.
  • L’Institut Pasteur : Institut Pasteur et innovation
  • L’Amérique increvable, et incontrôlable : Changement made in USA.
  • Les stratégies possibles face à un avenir incertain : Se diriger dans l’incertain
  • Le paradoxe du contrôle de gestion : Références en contrôle de gestion.
  • SCHUMPETER, Joseph, Capitalism Socialism and Democracy, HarperPerennial, 1962.
  • CROZIER, Michel, Le phénomène bureaucratique, Seuil, 1971.
  • Sumantra Ghoshal, gourou du management prématurément disparu, pensait que les comportements économiques dangereux provenaient d’une réglementation qui, en considérant comme irresponsable le dirigeant, le rendait irresponsable. GHOSHAL, Sumantra, Bad Management Theories Are Destroying Good Management Practices, Academy of Management Learning and Education, 2005, Volume 4, n°1.

Aventures au Pakistan

De l’influence de la culture sur le commerce.

Un ami construit un réseau de distribution au Pakistan.
Il rencontre un distributeur important, lui propose un nouveau produit. Est-il intéressé par une exclusivité ? Pas du tout : il faut absolument que ce produit soit distribué par ses concurrents ! Immédiatement, l’ami en question s’est trouvé avec un accès à près de la moitié de la population locale !

Plus le nouveau produit sera connu, plus il se vendra, et plus le distributeur gagnera d’argent ? Façon d’entretenir des relations amicales avec ses collègues ?

Est-ce une stratégie inférieure à la nôtre, qui veut que tous soient en concurrence avec tous, ou nouent une entente illicite pour exploiter leur client ?

Plan Paulson, complément d’enquête

Remettre l’économie sur pied ? Le prix d’une guerre.

Le jeu de ce blog est de commenter des faits mal connus. L’exercice a ses limites. Un complément d’enquête sur Blocage américain.

  • La position des économistes, à qui je fais des procès d’intention (Doutes sur le plan de relance américain), a ses raisons. Le problème à résoudre : éviter que les banques arrêtent de prêter. Ce qui mettrait l’économie à genoux. Mais, pour prêter, elles ont besoin de réserves, de garanties de leurs actifs à risque. Elles en manquent, ou pourraient en manquer en cas de malheur. Les économistes estiment que le plus efficace est d’injecter du cash dans ces réserves : ce qu’une banque prête est plusieurs fois ce qu’elle doit garder en réserve. Effet de levier.
  • Le coût du redressement serait équivalent à celui de la guerre d’Irak. Pas si terrible que ça. Surtout en comparaison avec celui d’une crise de type 1929. C’est la grosseur du trait. Faut-il finasser ?

Dans le débat d’hier soir, on a demandé aux candidats à l’élection américaine quelles économies ils feraient, pour compenser ces dépenses. Ce que j’ai lu de leurs réponses ne m’a pas semblé très percutant. Je me demande s’ils ne sont pas passés à côté du plus évident : une nouvelle guerre.

vendredi 26 septembre 2008

Tous coupables

Dans la crise des subprimes, y a-t-il des bons et des mauvais, comme l'affirment John McCain et les économistes ?

Je crois que s’il y eut des « bons » ils furent seuls contre tous. Comme dans les films d’Hollywood. Depuis longtemps on savait que le système était malsain. Peu de gens s’en plaignaient. À commencer par l’élite économique américaine. Selon Jacques Mistral, elle affirmait que l’industrie financière était « innovante », qu’il ne fallait pas brider cette innovation : c'est la force de l’Amérique. Cette « innovation » c’est l’escroquerie que l’on dénonce aujourd’hui.

Et pourtant on était prévenu : elle avait terrassé la très admirée Enron, la gloire de l’Amérique. Un coup de tonnerre, un drame, une tâche sur l’honneur national. Pourquoi personne n’en avait-il tiré de conséquences ? Et que dire des insolvables qui ont profité des conditions que leur faisaient les banques ? Je me souviens que quelques entreprises n’avaient pas été victimes de la folie de la Bulle Internet . Génie ? Non, maladroites. Elles n’avaient pas su lever des fonds (LDCOM, à ce qu'on disait alors). Elles avaient dû gérer sainement leurs affaires. Ici aussi je pense que ceux qui n'ont pas cédé à la tentation de la malversation n'y ont, pour l'immense majorité, pas été soumis.

Quand une armée n’avait pas été à la hauteur de leurs attentes, les Romains la décimaient. Une leçon pour les survivants. Si l’on veut que de nouvelles crises ne se reproduisent pas, c’est la nation américaine et le monde, qui doivent comprendre que leur comportement est dangereux. Désigner des boucs émissaires est contreproductif, déresponsabilisant. Il faut un apprentissage de groupe.

Compléments :

Blocage américain

Henry Paulson, ministre des finances américain et ancien dirigeant de Goldman Sachs, conduit le changement. Un plan de sauvetage du système bancaire. Il fait face à des difficultés.

Il veut retirer aux institutions financières leurs actifs les plus dangereux. Ils sont dangereux parce qu’on ne sait pas ce qu’ils valent. Je soupçonne qu’il pense que c’est ce qui fait peur au marché. Surtout cela peut amener les banques à la frilosité. Devant couvrir un risque inconnu, elles garderont leur argent plutôt que de le prêter. D’où faillites en série des entreprises les plus fragiles, rétrécissement du marché…

Un « consensus » d’économistes critique ces mesures. Ils sembleraient craindre une crise de liquidité. Mauvais esprit ? Je me demande s’ils ne craignent pas surtout une menace pour un système qu’ils croient parfait ne serait-ce les malversations de quelques-uns (qui leur ressemblent comme des frères, pourtant).

Les démocrates semblaient estimer la mesure injuste : elle va grever le budget américain, qui n’était pas brillant. S'ils gagnent les élections, plus de moyen de faire une politique sociale, rigueur financière nécessaire, mécontentement du pays et risque consécutif de victoire républicaine à mi-mandat.

Mais c’est une coalition de Républicains qui a fait capoter l’affaire. Au grand désespoir du Président Bush. Est-elle le porte-parole d’une Amérique d’en bas qui trouve injuste de gaspiller son agent pour sauver quelques escrocs ? Une Amérique d'en bas qui a la sollicitude de John McCain? Il n’a, bien sûr, rien à voir avec ce mouvement.

Le changement révèle les idéologies des uns et des autres, ce à quoi ils croient le plus, leurs ambitions. Le risque ? C’est qu’ils n’en démordent pas. C’est la surdité. C’est que l’individu fasse passer son intérêt avant celui du groupe. C’est le dilemme du prisonnier de la théorie des jeux. C’est ce qui est arrivé à la France de l’avant guerre de 40. Voilà pourquoi un changement ne peut pas passer en force.

Comment se tirer d’affaires ? « Ordinateur social ». C’est un mode de négociation, qui n’est pas une négociation, parce qu’on ne cherche pas un compromis, mais l’unanimité, et ce rapidement. Pourquoi ? Parce que si chaque parti est honnête, ses raisons représentent une part de la vérité. Elle doit figurer nécessairement dans la solution aux difficultés du moment. Et s’il y a des malhonnêtes ? Leur argumentation ne tiendra pas. Ils seront alors sous la pression de la réprobation publique, qui est insoutenable. Ce qui fait l’ordinaire de la résistance au changement, le « lien social », est ici la meilleure arme du changement.

Il y a dans les forces qui sous-tendent la société, des mécanismes qui permettent le changement. Conduire le changement, c’est apprendre à les utiliser. Je pense que la démocratie américaine l’a compris depuis longtemps.

Compléments :

jeudi 25 septembre 2008

Obama rend fou ?

John McCain partirait-il perdant ?

Le candidat McCain arguerait de la crise actuelle pour ne pas débattre avec son adversaire Obama. Ce dernier semble surpris : en période de difficultés, la nation n’attend-elle pas des explications ?
McCain refuse l’affrontement ? Depuis le début de la campagne, il se comporte bizarrement. Il semble avoir renié les opinions qui en faisaient un Républicain modéré. En choisissant Sarah Palin il aurait joué la tactique de Nixon, tentant de diviser l’Amérique. Matthew Yglesias (on trouve un lien vers son blog sur celui-ci) lui reproche de parler sans arrêt de son passé héroïque...

L’homme s’enferme facilement dans des interprétations dangereuses, qu’il est incapable de remettre en cause. Ça le conduit dans une spirale qui peut lui être fatale. Le dirigeant est souvent victime de ce mal : il se croit à tort incompétent. Et il prend des décisions d’incompétent. Pour le plus grand désagrément de ceux qui dépendent de lui.

Et si McCain se demandait comment il peut affronter Obama à la loyale ? Certes Obama est extrêmement brillant. Mais, après tout, John McCain est un homme estimable. Il a 72 ans, il a beaucoup vécu. Tout ceci n’est quand même pas réduit à néant par le simple talent de Barak Obama !

Compléments :
  • Sur le surprenant comportement de John McCain, et sur la stratégie du président Nixon : Obama ou McCain ? et Amérique: intello contre bouseux.
  • La prédiction auto-réalisatrice dont il est question ici : Hara-kiri.
  • Si McCain était un bon négociateur, il saurait qu’avant d’affronter un autre négociateur il faut se construire une certitude en béton sur sa force. Ce qui signifie trouver où elle se situe. FISHER, Roger, URY, William L., Getting to Yes: Negotiating Agreement Without Giving In, Penguin, 1991.
  • Sur les raisons qui font que l’on parle des ses exploits passés lorsque l’on est mal en point, l’exemple du polytechnicien : A lire absolument II.

Chine nationaliste

J’entends ce matin parler un astronaute chinois. Fierté du pays. La Chine s’est déjà réjouie de son triomphe aux JO. N’était-ce pas suffisant ? Pourquoi tant de nationalisme ? Plusieurs moyens de voir le problème :
  • Expérience russe. La dictature soviétique était à peine relâchée que les nationalités de l’URSS se soulevaient, que le pays était en pièces (Changement en Russie). Le modèle capitaliste, les droits de l’homme, la démocratie, l’individualisme… tout cela est extrêmement destructeur pour une communauté. Les récents troubles tibétains montrent la fragilité de la Chine.
  • L’interprétation de Norbert Elias. La Chine semble s’être traditionnellement organisée en réseaux, en clans. Le « nous » c’est le clan. L’empereur chinois, lorsqu’une personne lui déplaisait, détruisait son clan, sans exception. Plus de risque de vengeance. Par contre, dans la nation occidentale, le « nous » est national. Entrer dans ce mode d’organisation peut donc signifier un changement de système d’appartenance. Les lois du marché réclament une qualité uniforme, donc un respect pour l’autre.
Le pouvoir chinois peut, consciemment, chercher à unifier son peuple de manière à ce qu’il absorbe les valeurs occidentales sans risque d’implosion.

Compléments :
  • Le pays le mieux uniformisé est la France. Elle a utilisé pour cela un outil d’une redoutable efficacité : l’éducation nationale. En peu de temps, il n’y a plus eu qu’une langue en France, et un unique sentiment d’appartenance : à la France.
  • Les pratiques des empereurs chinois : LOUO, Kouan-Tchong, Les Trois Royaumes, Flammarion, 1992.
  • Sur les dangers de la démocratie : Démocratie et changement.

Lait frelaté et Chine

Je me pose la question suivante : Problème de lait frelaté. Morts de nourrissons. Que peut-on faire pour enrayer le manque de fiabilité de l’industrie chinoise ?

Je retiens d’une conférence sur la Chine le modèle (hypothétique) suivant. Il semblerait qu’il y existe un processus du type :
  1. l’homme est accepté dans un groupe (parce qu’il en partage les valeurs ?)
  2. ses membres travaillent ensuite collectivement à résoudre les problèmes qui leur sont posés.
Par conséquent, ce que dit l’homme pour entrer dans un groupe, n’est pas corrélé à ce qu’il peut faire puisqu’il attend l’aide du groupe. En Occident, au contraire, l’homme est seul. Quand il s’engage il tient (au moins approximativement) parole. Application :

  • Le Chinois dit ce qu’il faut pour entrer dans un groupe (signer un contrat) ; se retrouvant seul, il ne sait comment se débrouiller, et fait avec les moyens du bord. Ce ne serait pas arrivé si on était resté à ses côtés. Il se serait ouvert de ses difficultés et, ensemble, on y aurait trouvé une solution.

Le Japon a longtemps eu ce type de problèmes. Comment l'a-t-il résolu ?

  • L’occupant américain lui a délégué ses experts (notamment Juran et Deming). Ils n’avaient pas grands succès chez eux, ils sont devenus des héros japonais. Leurs techniques ont triomphé. Boomerang : elles sont revenues vers nous.
  • Exemple de technique. Imaginez vous ouvrier. Vous et vos collègues êtes assaillis par les dysfonctionnements. Attention : vous allez prendre une décision malheureuse. Et c’est au moment où vous l’attendez le moins que ses conséquences vont vous agresser. Juran conseille : arrêtez-vous, faites la liste des problèmes que vous avez identifiés, associez-leur les moyens nécessaires à les résoudre. Maintenant, vous les classez par ordre de priorité. Vous ne retenez que les principaux. Vous visez à faire le maximum d’effet, avec le minimum de moyens. Sans aide vous éliminez vos difficultés.

On ne peut pas changer l’homme. Du moins pas rapidement. Mais de modestes mesures organisationnelles font des miracles. Peuvent-elles être utiles en Chine ?

Compléments :
  • Sur Deming et Juran : voir les articles que leur consacre Wikipedia.
  • Industrial Diagnostics. A Systematic Approach to Management Problem-Solving, selected papers n°3, 1957, Juran Institute.
  • Le peu que j’ai travaillé avec les Japonais m’a montré une sorte de mouvement brownien. La mise au point d’un projet se fait dans un échange de tout le monde avec tout le monde. Mais il est encadré par des procédures : la phase brownienne débouche, dans un temps donné, sur un résultat, les spécifications (hyper) détaillées du projet. Elle est devenue prévisible. Sur ce sujet : NONAKA, Ikujiro, Toward Middle-Up-Down Management : Accelerating Information Creation, Sloan management Review, Printemps 1988.
  • Par ailleurs, les Japonais observent comment opèrent leurs équipes, et utilisent les outils du management pour corriger leurs défauts. Par exemple, si le dirigeant veut réduire le nombre de pièces utilisées dans ses produits, il va augmenter artificiellement le coût de la diversité. Les produits que l'entreprise concevra feront appel à beaucoup plus de pièces communes. Si un effet pervers apparaît, on modifiera à nouveau la comptabilité de la société. HIROMOTO, Toshiro, Restoring the Relevance of Management Accounting, Journal of Management Accounting Research, automne 1991.

Frédéric Laîné, senior dealmaker d’IBM

Frédéric Laîné est un des « senior dealmakers » d’IBM. Il travaille sur des grandes affaires d’infogérances internationales.

Une expérience de 19 ans

« quand j'ai développé cette nouvelle offre de services à valeur ajoutée pour Digital Equipement France. A l’époque, l’outsourcing en était encore à son balbutiement. »
« Du serveur vocal d’une grande banque française de mes débuts, j’en suis arrivé à conduire des affaires internationales de plusieurs centaines de millions d’Euros. J’interviens dans le monde entier. »

« L'infogérance (très souvent appelée outsourcing) se définit comme la gestion par un prestataire de services de tout ou partie de l'informatique d'une entreprise (ou de ses processus), dans des conditions de durée, de coûts et de qualité de service définies contractuellement. Les contrats d’infogérance sont généralement négociés pour des durées pouvant s’échelonner entre 5 et 10 ans.

Historiquement, l’objectif d’un projet d’infogérance était de réduire les coûts. A présent, les entreprises utilisent de plus en plus l’outsourcing comme vecteur de transformation de leur système d'information et de leurs processus afin d'améliorer leurs performances. Les grandes affaires d’externalisation sont donc le résultat de décisions stratégiques prises au niveau des Directions Générales des Clients et sont intimement liées à une réorganisation de l’entreprise (« reengineering »).
»

Il possède un savoir faire rare, critique. Il veut le faire partager : « En plus des affaires que je dirige, j’anime des formations à la structuration et la conduite d’affaires complexes pour les employés d’IBM en Europe. J’envisage à terme d’élargir son champ d’activités dans le cadre de cursus universitaires. » J'en profite :

Ses trucs :

    « Dans une première étape de « business development », beaucoup d’écoute et une préparation extrêmement minutieuse au plus haut niveau de la direction du Client. Cette étape a pour objets 1) de définir les principes généraux d’une solution d’externalisation qui répond aux attentes de l’entreprise et 2) de permettre à la DG du Client d’entériner une décision stratégique en faveur d’une démarche d’externalisation. Cette décision sera le point de départ d’une étape de développement détaillé de la solution qui conduira à la signature d’un contrat. L’étape suivante consistera à mettre en œuvre la solution et à la piloter dans la durée. »
      « Tout est important. La solution développée est pluridisciplinaire et doit répondre à des attentes techniques, organisationnelles, financières, légales, fiscales et aussi humaines car, dans la majorité des cas, le personnel informatique du Client sera transféré chez le prestataire de service, une fois le contrat conclu. Les équipes engagées côté Client et prestataire représentent différentes fonctions de l’entreprise. Ainsi, informaticiens, chefs de projets, financiers, fiscalistes, acheteurs, responsable des Ressources Humaines, juristes et, dans certains cas, consultants, travaillent de concert pour arriver à un accord satisfaisant pour les deux parties. Durant tout le cycle de développement de l’affaire, la dimension économique et sociale et le « cultural fit » sont au sommet de mes préoccupations. »
        « Un des facteurs clés de succès : Construire la solution conjointement avec les équipes du Client afin qu’elles s’approprient le projet le plus tôt possible. Le développement de l’affaire se traduit par la mise en œuvre d’une démarche pas à pas avec des étapes de validation successives qui évitent de trop grands nombres d’itérations ou de retours en arrière. »
          Avantage de l’expérience, il sait débusquer les fausses évidences. Exemples. La facturation centralisée d’une prestation internationale que réclame tout client. Tarte à la crème du métier. Elle n’est pas optimisée et il existe des solutions, plus efficaces, robustes et faciles à mettre en œuvre.

          Autre Exemple : « Une gouvernance qui ne tient pas compte des cultures locales des pays concernés par le projet a toutes les chances de se heurter à un mur… Ou encore, le fait de ne pas communiquer suffisamment tôt avec les partenaires sociaux sur le projet, plus particulièrement en Europe, peut générer plus tard de graves problèmes… »
          Le « risk management », c’est s’efforcer de tout prévoir. Une fois que le plan de transformation est conçu. « Ça déroule. A condition d’avoir prévu les bons jalons et un suivi attentif de sa mise en œuvre, qui ne laisse rien passer. »
            Plus subtile : un tel projet ne peut réussir que s’il s’inscrit dans une « dynamique de transformation de l’existant ». Une des principales motivations de l’outsourcing, c’est la réduction de coût. Et la réduction de coût ne motive personne. Surtout, un outsourcing suppose un gros investissement initial ! L’apprentissage d’un mode de fonctionnement totalement nouveau. Si l’organisation joue les perdants, échec assuré. « 70 % du succès de tels projets résident dans la motivation des personnes impliquées (Client et prestataire). Le projet doit donc comporter des volets comme « réinvention de l’organisation concernée » et « définition de la situation cible», pas un repli défensif. » Mais pas question de masquer l’objectif économique.Le « risk management », c’est s’efforcer de tout prévoir. Une fois que le plan de transformation est conçu. « Ça déroule. A condition d’avoir prévu les bons jalons et un suivi attentif de sa mise en œuvre, qui ne laisse rien passer. »

            Une chose que je ne connais pas dans mon métier, c’est la très longue phase de négociation qui précède la mise en œuvre de la solution. Le cycle de vente de ce type d’affaires peut en effet durer entre 12 et 24 mois. « L’entreprise du Client n’étant pas « figée », il faut donc également savoir gérer le changement pendant le développement du deal… » Ça semble l’enchanter. Et il est bien le seul : il a un mal fou à trouver des juniors qui résistent à plus d’un ou deux projets. « Dans ce métier, on apprend en marchant et à la vue de la complexité croissante des affaires et de la diversité des métiers qui doivent être maîtrisés, peu de nouvelles recrues sont prêtes à monter la colline, maintenant que ce marché est devenu plus mature ».

            Sa technique ? Ne pas plier sur l’essentiel. « Identifier les « deal breakers » le plus tôt possible et les résoudre conjointement avec le Client. Il faut savoir dire non en motivant son refus ». «On a expliqué, on s’est fâchés, ils nous ont rappelés 3 mois plus tard et on a finalement conclu ».

            Clients les plus difficiles ? Les fonds d’investissement. Ils tendent à aller vers le moins disant. Et il se trouve toujours un concurrent en situation délicate prêt à promettre n’importe quoi pour sauver sa société. C’est dans ces moments qu’il faut du talent.

            Et les délocalisations ? « Cela dépend des fonctions concernées. » Pas toujours évident. Il faut gérer les coûts cachés (« en particulier, il faut considérablement renforcer les couches de management pour pallier à la différence de culture »). Gros travail de préparation pour réaliser une économie significative. Vaut-elle le risque pris à chambouler les processus de l’organisation ? Une crise sociale ? La mauvaise presse qui en est une conséquence naturelle (un boycott aux USA) ?... « Chaque affaire doit être traitée de manière spécifique. Si l’on adresse des domaines bien standardisés, c’est jouable. »

            Qu’est-ce qui fait le succès d’une négociation ? La confiance. Sans elle rien n’est possible. Au début : méfiance. « Le prospect me regarde du coin de l’œil ». Jusqu’à ce qu’il lâche « à ma place qu’est-ce que vous feriez ? ». « La confiance est établie et on peut réellement se mettre au travail... »

            Remarque finale. « L’entreprise classique est organisée « top down ». Le dirigeant décide, le RetD conçoit, l’usine produit, le commercial vend. Dans l’entreprise de service, celle vers laquelle nous allons, la pyramide est inversée. La solution se conçoit au contact du Client. La décision se prend avec lui, en local. Le haut de la pyramide n’est plus qu’un compteur. Il est à la remorque de ses équipes. »

            Mes observations :

            • La conception du plan d’action (pas détaillée ici) suit la technique dite de « donneur d'aide ».
            • La phase suivante, avec son suivi attentif, correspond à ce que je crois essentiel dans la mise en œuvre d’un changement.
            • Sa description de la dynamique nécessaire au groupe est celle d’un « Stretch goal », la redéfinition de l’identité de l’organisation.
            • Le processus qui lui permet d’obtenir la confiance de son client a été décrit presque dans les mêmes termes par Edgar Schein. C’est la « construction d’une relation d’aide ». Frédéric Laîné est probablement un « donneur d’aide », le profil type de l’animateur du changement.

            mercredi 24 septembre 2008

            Doutes sur le plan de relance américain

            Fronde des génies américains de l’économie ?

            On pensait que le gouvernement américain avait trouvé la parade à la crise financière. Mais des doutes s’élèvent quant au plan en question. Le marché s’inquiète. De deux choses l’une : soit le plan est mauvais, soit il est bloqué. Dans les deux cas il y a risque d’effondrement de la planète capitaliste.
            Nos parents ont gardé un mauvais souvenir du dernier effondrement, en 29 : ils lui attribuaient le nazisme et la seconde guerre (outre ses dégâts directs). Ils croyaient qu’il s’agissait d’une crise du capitalisme et avaient renforcé massivement, partout dans le monde, les structures de solidarité sociale (cf. sécurité sociale).
            Les économistes américains semblent tous d’accord pour dire que le plan est mauvais. Je cite in extenso un texte qui apparaît sur un blog de The Economist.

            As economists, we want to express to Congress our great concern for the plan proposed by Treasury Secretary Paulson to deal with the financial crisis. We are well aware of the difficulty of the current financial situation and we agree with the need for bold action to ensure that the financial system continues to function. We see three fatal pitfalls in the currently proposed plan: 1) Its fairness. The plan is a subsidy to investors at taxpayers’ expense. Investors who took risks to earn profits must also bear the losses. Not every business failure carries systemic risk. The government can ensure a well-functioning financial industry, able to make new loans to creditworthy borrowers, without bailing out particular investors and institutions whose choices proved unwise. 2) Its ambiguity. Neither the mission of the new agency nor its oversight are clear. If taxpayers are to buy illiquid and opaque assets from troubled sellers, the terms, occasions, and methods of such purchases must be crystal clear ahead of time and carefully monitored afterwards. 3) Its long-term effects. If the plan is enacted, its effects will be with us for a generation. For all their recent troubles, Americas dynamic and innovative private capital markets have brought the nation unparalleled prosperity. Fundamentally weakening those markets in order to calm short-run disruptions is desperately short-sighted. For these reasons we ask Congress not to rush, to hold appropriate hearings, and to carefully consider the right course of action, and to wisely determine the future of the financial industry and the U.S. economy for years to come.

            Tout ceci paraît plein de bon sens.
            Le troisième point est cependant bizarre. Les USA ont-ils vécu 20 ans de prospérité, ou 20 ans de bulle spéculative ? Est-ce très sain ?
            Bizarrement il y a déjà eu un consensus entre économistes américains (le Consensus de Washington) : il a conduit à une vague de réformes des pays en développement qui se sont traduites par dix crises majeures, dont une (sud-est asiatique) qui a failli être mondiale.
            Et si ce que les économistes craignaient était, justement, outre les bugs du modèle, de ne plus pouvoir mettre librement en œuvre les idées qui leur tiennent tant à cœur. Celles qui semblent à l’origine des crises de ces dernières décennies ?

            Compléments :
            • Le billet de The Economist : Crisis roundtable: The economists' position.
            • Sur l’opinion de nos parents et sur la socialisation de l’économie qui a marqué le monde de l’après guerre : SASSOON, Donald, One Hundred Years of Socialism: The West European Left in the Twentieth Century, New Press, 1998.
            • Sur le désespoir de l’économiste Hayek, qui voyait dans cette socialisation la promesse d’un totalitarisme mondial : HAYEK (von) Friedrich A., The Road to Serfdom, University of Chicago Press, 1994.
            • Le Consensus de Washington et un exemple de conséquence : Changement en Russie.

            Banque postale et subprimes

            Informations. Un journaliste parle du développement de l'activité bancaire de La Poste. Il espère qu’elle ne sera pas victime d’une (future) crise de type suprimes.
            • À la réflexion, la remarque n’est pas gratuite : beaucoup d’organismes financiers ayant un rôle de quasi service-public ont été atteints. Je n’ai pas vu d’études sur le sujet. Mais les quelques cas particuliers dont j’ai entendu parler semblent se rejoindre. Les dirigeants de ces entreprises trouvaient leur métier naturel par trop gagne-petit.
            • La France a eu ses crises bancaires propres. Crédit Lyonnais, Crédit Foncier, etc. J’en attribue la cause non à des malversations, mais à des changements accélérés menés par des théoriciens peu familiers du métier de la banque (dans les deux cas cités, des hauts fonctionnaires).
            Conseil à la Banque postale ?
            • Acquérir une profonde culture bancaire. Ça ne va pas de soi : il faut une énorme compétence pour arriver à faire des affaires dans un métier vieux de plusieurs siècles et hautement concurrentiel.
            • Ne pas s’aventurer massivement dans l'inconnu. Ce qui ne signifie pas ne pas y aller, ce serait une condamnation à mort. Au contraire, il faut une exploration systématique. Une exploration avec pour objet unique de détecter de nouvelles opportunités et d'apprendre à les exploiter. Pour cela, il y a des techniques sans risques : l’expérimentation limitée.
            Dans le prolongement :
            • Un exemple de malheur du parapublic : voir la référence citée par IKB.
            • Sur ceux du Crédit Lyonnais et du Crédit Foncier : Les flambeurs du Crédit Lyonnais, le scandale financier du siècle, Dossier du Canard Enchaîné, juillet 1997.
            • De l’importance de bien faire son métier quand on est banquier : Incompétent banquier.
            • Sur ce que l'on doit attendre d'une culture d'entreprise (la gestion du risque) : Société Générale et contrôle culturel.
            • Les techniques de navigation dans l'incertain (la technique de l'option correspond à l'expérimentation limitée) : Se diriger dans l’incertain.

            The logic of collective action

            Soit des être humains poussés par leur seul intérêt et procédant de manière rationnelle ; supposons qu’ils veuillent acquérir un « bien commun », un bien qui, lorsqu’il est obtenu, profite à tous. Que se passe-t-il ? Voici le problème que pose le livre dont il va être question.

            Préliminaire. Qu'est-ce qu'un bien commun : un pont, un salaire élevé pour des employés… il n’y a pas beaucoup de biens qui ne soient pas communs…

            Le comportement du groupe d'individus rationnels
            Plusieurs situations peuvent se présenter :
            • S’il y a un acteur qui a la capacité de payer le coût (total) nécessaire à l’obtention du bien, il aura tendance à le faire. Du coup, il acquerra une quantité optimale eu égard à ses intérêts. Les autres en profiteront gratuitement. Le faible exploite le fort. Mais la quantité de bien commun obtenue ne sera pas aussi élevée que s’ils avaient coordonné leur action. Par exemple un industriel local fera bâtir une route pour ses camions, mais la route sera étroite et mal entretenue.
            • Un petit groupe aura tendance à acquérir le bien commun. Alors qu’un groupe important ne fera rien : l’action de chacun de ses membres a si peu de conséquence qu’il ne bougera pas. Deuxième conséquence inattendue : la force d’un groupe est fonction inverse de sa taille.
            • Le petit groupe tend à se coordonner d’autant mieux que le bien commun est « exclusif », c'est-à-dire que sa quantité est finie. Si un industriel ne joue pas l’équipe et que ses concurrents tentent de maintenir un prix de vente élevé en ajustant leur production, il finira par occuper la totalité du marché, les autres étant à 0. Dans ces conditions : ils ont tous intérêt à s’observer de près. C’est ainsi que les groupes de pression les plus puissants semblent être les oligopoles industriels. Mais ils ne sont efficaces qu'en ce qui concerne leur activité (par exemple leur pouvoir n’en fait pas nécessairement une menace pour la démocratie).
            Comment un grand groupe peut-il être efficace ? Par la contrainte, ou l’incitation. Par exemple l’adhésion à un syndicat peut être obligatoire, ou il peut apporter des bénéfices (assurance…) qu’on ne trouve pas ailleurs.

            Commentaires: 
            • Les lois du marché sont naturellement instables. Ce texte signifie qu'il est idiot de penser qu'un marché puisse s'équilibrer naturellement et donner le meilleur des mondes. Soit vous avez un grand nombre de concurrents et ils se massacrent, c'est instable. Soit vous avez peu d'entreprises et elles s'entendent, il n'y a plus de concurrence.
            • L'explication de la lutte des classes ?  Ce que j'ai compris de la Révolution industrielle.
              • Un des actes marquants de la révolution industrielle anglaise a été la suppression des corporations qui protégeaient les artisans. Par ailleurs la société anglaise est individualiste, elle s’est donc retrouvée avec une masse de gens non coordonnés, donc incapables de défendre un quelconque intérêt commun. En face d’eux il y avait un petit nombre de personnes que leur intérêt naturel  poussait dans la même direction, sans besoin d'alliance explicite.
              • Parler de « classes » serait donc faux. Il n’y a pas de réelle appartenance à quoi que ce soit. Un riche peut devenir pauvre, sans être secouru. Un nouveau riche sera accueilli favorablement par ses nouveaux pairs. Ce modèle concentre la richesse entre les mains d’un petit nombre. Dès que ce groupe s’étend trop, il perd tout pouvoir.
            Intriguant.

            Compléments :
            • OLSON, Mancur, The logic of Collective Action : Public Groups and the Theory of Groups, Harvard University Press, 1971.
            • Cette analyse est complémentaire de celle de Governing the commons, qui explique comment un grand groupe peut contraindre ses membres à coût minimal (auto organisation)
            • Révolution industrielle : THOMPSON, E.P., The Making of the English Working Class, Vintage Books USA, 1966.
            • Adam Smith, dans La Richesse des Nations, penche pour des accords explicites entre concurrents. Ce qui n’en fait pas une classe : aucun d’eux ne sacrifierait son intérêt pour celui de ses partenaires.

            mardi 23 septembre 2008

            Changement made in USA

            Deuil n’est pas un mot Américain.

            Ce blog dit que le changement américain, c’est détruire pour reconstruire du neuf. Je ne pensais pas en avoir une telle démonstration.

            Je n’ai pas de comptes à jour, mais (beaucoup) plus d’une centaine d’organismes financiers américains ont fait faillite. Dont quelques monstres.

            Goldman Sachs et Morgan Stanley abandonnent leur statut de banque d’affaires, pour adopter une structure qui leur permet d’être éligibles à l’aide de l’état. Plus de grandes banques d’affaires, donc. Contrepartie : elles entrent sous le contrôle de la Fed. Les pitreries deviendront plus difficiles (jusqu’à une prochaine innovation).

            Ruines fumantes. Bourse en yoyo. Mais pas de temps pour l’hésitation. Toutes les banques américaines changent leur stratégie à 180°. Et se réinventent en leader d’un nouveau métier. En marche forcée. Nouveau métier ? La banque de dépôts. Elles vont se frayer un chemin à coups de milliards. Goldman Sachs s’annonce très agressif.
            La force de l’Amérique ? Jamais abattue. Le passé ne compte pas, l’avenir est toujours riant. Et il faut s’y précipiter à la vitesse maximale.

            Mes informations viennent de :
            • Morgan Stanley et Goldman Sachs changent de structure pour surmonter la crise financière, La Tribune.fr, 22 septembre 2008.
            • HARPER, Christine, TORRES, Craig, Goldman, Morgan Stanley Bring Down Curtain on Wall Street Era, Bloomberg, 22 septembre 2008.

            Hervé Kabla : Corporate blogging à effet de levier

            Corporate blogging et communication de crise. Petit déjeuner Club Télécom des anciens de l'Insead. Invité : Hervé Kabla, pape du Corporate Blogging. Séance de conseil particulière. Passionnant. Et remarquablement brillant.

            Un exemple, extrait du compte-rendu de son intervention (réponse à une question) :
            Les blogs sont devenus un moyen de communication très lu. Une attaque un peu virulente peut effacer votre société des premières pages de Google : ceux qui se renseigneront sur vous vous découvriront par le mal qu’on dit de vous. Que faire ? S’emparer de l’affaire sur votre blog. Si vous faites correctement votre travail d’explication (et éventuellement de remise en cause), vous accaparerez les commentaires et l’attention. Les autres blogs disparaîtront du radar de Google.
            Un argument inattendu en faveur de l'acquisition d'un blog par l'entreprise. Et un effet de levier tout aussi imprévu.

            Pour en savoir plus :

            Président modèle ?

            Différence culturelle France USA : image et rôle du Président.

            Minter Dial se demande quel est le « rôle model » des présidentiables américains. A quel grand ancien ils peuvent s’identifier. Il se livre à l’exercice pour son propre compte.

            Cet exercice marcherait-il en France ? Ne sommes-nous pas trop critiques ? Même de Gaulle, qui a réussi des exploits surhumains (convaincre le monde de la victoire de la France en 45, et éviter une guerre civile lors de la guerre d’Algérie – voir sa biographie par Jean Lacouture), nous semble un peu ridicule. Et si nos présidents étaient des anti-modèles ?

            Et si le Président américain jouait un « rôle » ? Il matérialise les valeurs des USA, ses idéaux ? Source d’inspiration par construction ?
            Et le Président français ? Que représente-t-il ? Lui-même ? Un simple mortel ? Un autre nous-mêmes, l’amour de l’altitude en plus ? Découvrons-nous en lui ce que nous ne voulions pas voir en nous ? Nos défauts ?

            Compléments :

            Greed and fear

            Après l’euphorie de l’annonce du plan de sauvetage américain de l’économie, les bourses cèdent à la panique.Toutes les crises ont suivi le même scénario : des mouvements de balanciers violents. Dans certains cas il y a eu dévissage. Dans d’autres stabilisation. Réflexions :
            • « Greed and fear » le moteur que l’Anglo-saxon prête à l’économie me paraît à l’œuvre. Dans la phase ascendante de la spéculation, l’investisseur est aveuglé par l’appât du gain. Puis, il se demande s’il ne devrait pas céder à une saine panique.
            • Baisses boursières brutales = messages envoyés aux gouvernements ? Pouvons-nous croire en vous, ou devons nous prendre nos jambes à notre cou ?
            • Spectacle de l’abjection humaine ? Ou spectacle d’un homme laissé à lui-même et qui prend peur comme l’enfant dans le noir ? Qui appelle sa maman à l’aide, après avoir joué les matamores quand il se croyait en sécurité ?
            Message récurrent dans ce blog : la crise c’est le drame de l’individualisme. Le businessman doit se faire des amis hors de son cercle. Il doit se rabibocher avec la société. C’est une gentille maman.

            Compléments :
            • Pour revivre d'autres crises: GALBRAITH, John Kenneth, The Great Crash 1929, Mariner Books, 1997 ; KRUGMAN, Paul, The Return of Depression Economics, Princeton 1999 ; CASSIDY, John, Dot.con: How America Lost Its Mind and Money in the Internet Era, Harper Perennial, 2003.
            • Comment traiter une crise ? Par la communication de crise : comprendre ce qui terrorise le petit financier (attention : c'est irrationnel) et y répondre. Le livre de Paul Krugman montre cette technique à l’œuvre lors de la crise asiatique de 1997. Présentation technique : Communication de crise.

            lundi 22 septembre 2008

            Attali ne fait pas boum

            Je tombe sur une critique de Pierre Assouline (la République des livres – Une affaire d’assurances) d’une pièce de théâtre de Jacques Attali. Salle remplie d’hommes politiques : c’était l’endroit où se montrer. L’argument est bizarre. Au lendemain de la nuit de Cristal, le pouvoir nazi découvre que les victimes étaient assurées. Les assurances doivent-elles acquitter leurs engagements (ce qui sera ruineux) ? Le sens de l’ordre, de la rigueur et de l’éthique allemands aura le dernier mot.

            Alors que l’on aurait pu attendre une réflexion sur la complexité insondable et effrayante de l’âme humaine, on a droit, semble-t-il, à une lourde caricature, bien appuyée, bien hurlante, bien scolaire, de l’ignoble nazi. Couronnée par une douteuse tentative de réécriture de l’histoire.

            Cette critique m’a rappelé une réflexion que m’inspire régulièrement Jacques Attali. Il accumule énormément de connaissances, mais sans rien leur apporter. C'est l'anti effet de levier.
            Exemple. La commission qu’il dirigeait il y a quelques temps a émis une liste interminable de recommandations. Par contraste Charles Wyplosz et Jacques Delpla n’avaient fait qu’une seule proposition : éliminer les privilèges français. Comment ? En les achetant.

            Compléments :
            • Sur Jacques Delpla et Charles Wyplosz : Jacques Delpla et la Commission Attali.
            • Pour quelqu’un qui n’est pas tombé dans la caricature, en dépit de la charge émotive que représentait son sujet, et de la proximité des faits : ARENDT, Hannah, Le système totalitaire : Les origines du totalitarisme, Seuil, 2005.

            Flexisécurité portugaise

            Réforme du code du travail au Portugal. Esprit : flexisécurité. J’ai dit plus bas que son principe est de dégager l’employé du risque de l’actionnaire. Ça marche très bien au Danemark. Pas l’air terrible au Portugal.
            • Difficile de mettre en œuvre de telles mesures en claquant des doigts. Elles supposent une organisation qui remet le salarié licencié en selle extrêmement vite. En effet, il y a alors tentation de licenciements massifs et le chômage étant payé quasiment au prix du salaire, l’assurance chômage peut vite se retrouver à genoux.
            • Ce qui signifie 1) un système d’incitation à la recherche d'emploi très stimulant 2) des méthodes de requalification (formation du chômeur) particulièrement efficaces, c'est-à-dire proches des besoins des entreprises qui ont le vent en poupe.
            • Je pense que la France n'a ni l'un ni l'autre.
            Compléments :

            Incompétent banquier

            Dirigeants : apprenez votre métier. Ce n’est pas compliqué !

            Revue de presse de RFI. J’entends parler d’un article des Echos qui critique les financiers : comment se fait-il qu’ils soient tombés dans la magouille, alors qu’il y a partout dans le monde des projets à financer ?
            Thème récurrent : nous formons une classe managériale incompétente. Comment ? En farcissant la tête de jeunes gens de leur supériorité et en les propulsant au sommet d’une entreprise au métier de laquelle ils ne comprennent rien.

            En fait, le problème n’est même pas là. J’ai vu beaucoup de dirigeants entrer dans des industries qu’ils ne connaissaient pas. Et transformer leur destin. Je consacre même quatre chapitres de mon dernier livre à une histoire que j’ai vécue. Que s’est-il passé ? Le dirigeant veut réveiller un entreprise en contraction endémique. Il fixe des objectifs, qui font hurler ses équipes. Et leur demande un plan de mise en œuvre. Résultat ? L’entreprise a un potentiel que personne n’aurait pu imaginer.

            Cette histoire montre que l’on en demande relativement peu au dirigeant : il doit comprendre où sont les compétences de sa société, et se relier à elles. Son rôle est de donner des orientations, et de résoudre les problèmes organisationnels qui empêchent de les mettre en œuvre.
            Or, pour le coup, la formation que j’ai tant critiquée est idéale pour cela.
            Le problème du manager moderne est qu’il ne fait même pas ce strict minimum syndical qui lui donnerait les leviers du pouvoir. Il se comporte comme un noble d’Ancien régime.

            Compléments
            • La banque se réinvente
            • La technique dont il est question dans mon exemple, qui consiste à donner des objectifs à une entreprise et à demander à ses managers de proposer un plan de mise en oeuvre, qu'ils suivront dans un second temps, s'appelle « ordinateur social ». C'est ce qu'étudie en particulier mon dernier livre transformer les organisations.

            dimanche 21 septembre 2008

            De l’utilité de l’État

            Dans The beginning of the end game (www.voxeu.org), Daniel Gros et Stefano Micossi observent que la banque centrale américaine, la FED, a nationalisé le système financier américain. Devant l’énormité des moyens nécessaires, elle a dû demander l’aide de l’Etat. Perte d’indépendance.
            • J’observe que durant quelques décennies les hommes d’affaires anglo-saxons se sont demandé à quoi servait l’Etat. Quand ils ne voulaient pas l’éliminer, ils pensaient qu’il serait bien mieux entre leurs mains. Aujourd’hui ils découvrent son rôle : sauver leurs entreprises de leurs erreurs. Eux qui se croyaient indépendants du monde, c’est parce qu’ils ont pris la planète en otage qu’elle vient à leur secours.
            • D’où question inattendue : certaines nations européennes (Allemagne, Belgique, Grande Bretagne) seraient trop petites pour sauver leur principale banque ! L’article conclut qu’il va falloir passer au niveau supranational : la BCE doit se préparer à jouer le rôle de la FED.
            Ce qui laisse l’Angleterre en dehors du système. Un encouragement à y entrer ?

            Triste radio

            Radio : voix de l'élite française ? Discussion concernant la radio. Les informations sont effroyablement déprimantes. J’étends le débat aux émissions de France Culture et France Inter (ce qui n’est pas très scientifique : j’ai arrêté de les écouter il y a quelques années).

            Lointain souvenir : alors, je rentrais chez moi vers 20h, crevé. Par habitude, j’écoutais France Inter. Moins de 5 minutes. Au-delà, la présentatrice de l’émission du moment m’aurait conduit au suicide. Je l’avais surnommée la « Mouette rieuse », en hommage à Gaston Lagaffe. Un soir, elle annonce, très satisfaite, qu’elle a vu un excellent spectacle ce week end. Souffle de reconnaissance. Je me surprends à la trouver sympathique… Le spectacle montrait l’abjection du monde ! Deux observations :
            1. Le Français est très critique. C’est une manière d’être. Elle ne signifie (normalement) pas qu’il est malheureux (Sœur Emmanuelle).
            2. Le type de critique de France Inter a une teinte particulière. Il est « bien pensant ». Je me demande si le Parallélisme France USA ne se retrouve pas ici. L'Amérique segmentée montre une société divisée entre intellectuels et peuple. Les premiers ont de nobles idéaux. Ils veulent faire notre bonheur, nous guérir de nos bassesses. Comme (dans le cas étudié ici) ils sont Français, la parole leur suffit. Il y a peu de chances qu’ils déclarent la guerre à l’Irak.

            Donc, radio de service public voix de l’élite ? Elle nous dit que nous sommes laids, et que c’est sans appel ?

            Compléments :
            • Norbert Elias attribue l’impression d’isolement que ressent l’homme à l’individualisme de notre société (occidentale). Michel Crozier observe aussi que le Français vit dans un univers clos (Le bon plaisir de Michel Crozier). Autrement dit, il ne faut pas en vouloir à l’élite. Elle ne gesticule qu’en direction d’un petit cercle. Le reste du monde n’est pas peuplé d’humains.
            • Le Canard enchaîné dit beaucoup de mal de notre société sans être déprimant, du moins pour moi. Pourquoi ? Il indique un coupable. Par contraste, je suis le coupable de la radio. Le suicide est la seule conséquence rationnelle de ses prescriptions.

            Sœur Emmanuelle

            Le Français : pleurnichard ou malheureux ?

            J’entends sur RFI une discussion sur la vie de Sœur Emmanuelle, qui atteint gaillardement ses cent ans. Le contraste entre la joie de vivre d’un bidonville égyptien et la dépression qu’elle a trouvée en France l'a frappée. Français = geignard incapable de comprendre son bonheur ?
            • Je rencontre beaucoup de gens qui critiquent leurs conditions de travail. J’écoute leur diagnostic, et leur explique qu’améliorer la situation est facile, y compris sans aucun pouvoir. Et que je vais leur donner un coup de main. Mon interlocuteur me regarde avec consternation. Le Français se plaint, mais n’agit pas. Un point pour Sœur Emmanuelle.
            • Discussion avec un médecin. Il passe beaucoup de temps avec ses patients. Pourquoi ? Ils vont mal, mais pas d’un mal que guérissent ses médicaments, ils ont besoin de parler.
            Je vois donc :
            1. Une caractéristique nationale, saine.
            2. Un mal plus profond, l’explosion du lien social.

            Sœur Emmanuelle a un point de vue matérialiste du monde : quand on est riche, on est heureux. Mais l’homme n’est-il pas un « animal social » ? Maslow disait que le lien psychanalytique de l’homme normal était l’amitié (la psychanalyse de Freud ne traitant que des anormaux). Le Français n’a plus d’amis, plus rien pour éliminer un stress qui le ronge. Et si la richesse réelle n’était pas matérielle mais sociale ?

            Compléments :

            • Ma référence à Maslow vient de MASLOW, Abraham Harold, Motivation and Personality, HarperCollins Publishers, 3ème edition,1987. Sa fameuse « pyramide » montre ce dont l’homme a besoin pour devenir un homme. Le besoin matériel (de nourriture) est tout en bas. Ce n’est pas la seule chose utile : il y a aussi l’amour, la confiance en soi… La théorie de Maslow dit que pour que l’homme connaisse un développement harmonieux, il faut que ces besoins soient satisfaits dans sa jeunesse. Il passera ensuite au niveau supérieur, jusqu’à atteindre ce qu’il est le seul à pourvoir donner (auto-réalisation). Sinon, il aura toute sa vie un manque. S’il n’a pas correctement mangé, il mangera trop… Or, tous ces besoins sont satisfaits par la société. La force de Sœur Emmanuelle vient sûrement d’une jeunesse qui lui a permis de se construire solidement. Il n’est pas certain que la société serait aussi généreuse avec elle aujourd’hui.
            • Sur la souffrance au travail du Français (que Soeur Emmanuelle trouverait ridicule ?) : A lire absolument.

            samedi 20 septembre 2008

            La démocratie comme idéologie

            Le blog pro-Obama de Matthew Yglesias se réjouissait il y a peu du soutien immédiat de Barak Obama à la démocratie pakistanaise.
            • Le Pakistan a un président, notoirement corrompu, qui a passé 8 ans en prison. Il n’est là que parce qu’il était marié à une famille qui domine la vie politique nationale depuis des décennies et a gagné les dernières élections. Ses premières mesures semblent montrer que l’intérêt du pays (nucléaire et proche de l’anarchie) ne pèse pas lourd dans ses considérations. Et, bizarrement, il n’a renoncé à aucun des pouvoirs de son anti-démocratique prédécesseur, Pervez Musharraf.
            • Pour le psychologue Robert Cialdini la caractéristique de l’homme est d’économiser son cerveau. Il réfléchit le moins possible. Il décide par court-circuit. La démocratie c’est bien. La dictature, c’est mal. Ce faisant, il devient prévisible et manipulable (Robert Cialdini étudie « l’influence »). Monsieur Obama, vous qui êtes supérieurement intelligent, n’oubliez pas de penser !
            Compléments :
            • Mes informations viennent des 3 articles que The Economist du 13-18 septembre consacre au Pakistan.
            • CIALDINI, Robert B., Influence: Science and Practice, Allyn and Bacon, 4ème édition, 2000.
            • Les dangers que font courir à la démocratie ses admirateurs béats : La démocratie est en péril.

            La finance mondiale mord la poussière

            Effondrement de banques américaines. Des géants à la taille presque inconcevable disparaissent du jour au lendemain. La part des profits des entreprises américaines réalisée par les institutions financières est passée de 10 à 40% en un quart de siècle. Ce qui donne une idée de l’ajustement en cours.

            Je crois toujours que le risque de crise est lié à « l’aléa moral » (les rats quittent le navire - Crises et risque) et que le moyen de le combattre est la solidarité. L’intervention massive de l’État américain paraît donc intelligente, de même que ce qui semble un effort des banques mondiales de construire un fonds de solidarité.

            John McCain, fidèle à sa stratégie populiste, a dénoncé l’appétit du lucre des financiers, qu’il fera payer pour leurs crimes, et son adversaire comme ayant profité de leurs largesses. Que le lucre soit au cœur de la pensée du monde des affaires (favorable à McCain), et que McCain soit immensément riche, n’entrent pas en ligne de compte. Obama semble lui avoir joint l’utile à l’agréable : il soutient George Bush, à contre courant, mais a attiré l’attention du public sur le sort des défavorisés. À tout problème, il y a une solution honorable et efficace. Encore fallait-il la chercher.

            Il me semble aussi que « punir les coupables » n’est pas une option (Comment faire payer le banquier ?), pas plus qu’un contrôle policier. Que la crise capitaliste est une conséquence d’une société où le lien entre hommes s’est distendu, laissant l’individu seul face à des problèmes qu’il ne sait pas gérer (Société Générale et contrôle culturel, Combattre la perfidie).

            Je serais incohérent avec moi-même si je pensais possible la recréation des communautés de jadis. Le changement doit s’inscrire dans les règles d’une société. Et nos règles sont individualistes. C’est pourquoi Internet et le Web 2.0 sont de bonnes nouvelles. L’ingénieur, l'idéal type de l'individualisme, est en train de la redécouvrir dans ses équations. Il lui sera d’autant plus attaché qu’il pensera l’avoir inventée.

            Compléments :

            • Mes statistiques sur les profits des financiers viennent de What next ?, The Economist du 20 – 26 septembre.
            • J'ai entendu les déclarations d'Obama et McCain aux nouvelles de RFI de ce matin.

            Amérique: intello contre bouseux

            The Economist reprend (indépendamment) mon analyse L'Amérique segmentée. On y apprend que Nixon a eu la géniale idée de monter une partie de l’Amérique contre l’autre pour se faire élire. McCain doit espérer les mêmes miracles. Explication de propos apparememnt stupides (ils désespèrent The Economist) : ils seraient destinés à l’Amérique profonde ?

            Il y a même dans cet article un équivalent de mon « peuple le plus bête du monde » :
            effectivement beaucoup de libéraux regardent de haut l’Américain au ras des pâquerettes, le considérant comme un imbécile à la bouche pleine de chicots, étrangement beaucoup d’Américains au ras des pâquerettes leur en veulent pour cela.
            D'où l’efficacité de Sarah Palin. Elle rend folle l’Amérique intellectuelle. Ce qui pousse la dite Amérique intellectuelle à des critiques qui insultent l’Amérique éternelle.

            Quant à Obama. Un livre cité par The Economist conclut qu’il est « juste comme tous ceux de Washington (un politicien comme les autres) ». Le plus conventionnel des démocrates. Son arme ? Les subtilités du droit. Pas les urnes. Il a gagné la candidature démocrate au Sénat en éliminant ses adversaires par des subtilités juridiques. On ne se change pas : il est éditeur de la revue de droit de Harvard, où il a obtenu sa thèse avec la plus haute distinction. Appui à un ancien billet (Homme politique et changement) : un processus de sélection ne sélectionne pas le meilleur, mais celui qui sait en contourner les règles ?

            Le seul qui s’en tire dignement est George W. Bush. La critique du Président Bush est la tactique favorite de John McCain. Mais Georges Bush continue à le soutenir de bon cœur et a éviter tout ce qui pourrait l’embarrasser. Et à gouverner le pays en bon gestionnaire (billet suivant).
            George Bush, honnête homme victime de ses fréquentations ? (Neocon)

            Richard Milhous McCain et Here’s looking at you, kid. Deux articles de The Economist du 20 – 26 septembre.

            Boeing, entreprise de services

            Un article explique que 4/5ème du 787 est fabriqué hors de chez Boeing. Que des accords avec des sous-traitants leur permettraient de participer directement à l’assemblage de l’avion. Sentant la menace, le personnel de Boeing est en grève. Il veut des augmentations de salaire. Ce qui encourage ses dirigeants à le pousser dehors. Qu’il est agréable de ne plus avoir à gérer que des sous-traitants !

            Je me souviens avoir rencontré des employés de Boeing, dans les années 80. Ils déclaraient qu’on n’y construisait pas des avions, mais des carrières. Une entreprise qui a des dirigeants qui ne connaissent pas son métier n’est pas durable. L’histoire de l’entreprise américaine est une éternelle répétition.

            Airbus est-il significativement différent de son concurrent ?

            Avis aux amateurs…

            Compléments :

            vendredi 19 septembre 2008

            L'Amérique segmentée

            Le neocon du billet précédent me ramène à un autre sujet favori : les élections américaines.
            Si je reprends les conclusions de mes précédents billets, je vois apparaître
            deux segments dans la population américaine. J’écarte de mon analyse les minorités du pays (les noirs, les indiens, les latinos…).
            • L’élite. Elle a fait des études dans les meilleures universités. Elle veut faire le bien du peuple, qu’elle juge inapte à la réflexion. Elle est soit « bien pensante » (démocrate), soit déterminée à en découdre pour imposer les valeurs universelles de l’Amérique par la force (néoconservateur). Elle ressemble beaucoup aux intellectuels des Lumières : elle est pétrie d’idées théoriques qu’elle a pêchées dans la culture de son milieu. Et elle rêve de les appliquer. Alors qu’elle n’a aucune expérience pratique.
            • L’Américain moyen. Ronald Reagan ou Sarah Palin. Il a quelque chose d’un « self made man ». Il s’est fait. C’est son succès, sa confiance en soi et en les USA qui lui tiennent lieu de discours. Comparé à celui de l’élite, il paraît simpliste. « Le peuple le plus bête du monde » disent les Guignols de l’info. C’est certainement l’opinion de l’élite. Cette opinion explique aussi pourquoi le membre de l’élite est, finalement, un mal aimé. Généralement, il doit se contenter de tirer les ficelles du Président en place.
            Les Présidents républicains et quelques démocrates (Truman, Johnson) sont proches de l’Américain moyen. Les Présidents démocrates qui échappent au modèle (Roosevelt, Kennedy, Clinton) ont pour caractéristique majeure une séduction extraordinaire.