vendredi 31 octobre 2008

La vie est belle (suite)

Qu’est-ce qui fait que l’on est optimiste ?
  • Martin Seligman, le spécialiste du sujet, explique que ceux qui ont survécu à la crise des années 30 sont devenus optimistes. Ils avaient probablement pris confiance en leur capacité à se tirer d’affaire. Peut-être aussi que rien ne leur semblait bien menaçant après ce qu’ils avaient vécu ?
  • Surtout, il semble que l’inquiétude vienne de ce qu’Emile Durkheim appelait l’Anomie (un facteur favorable au suicide) : l’absence de règles. Nous sommes dans un monde incertain. Pour devenir optimiste, il faut trouver quelque chose d’intéressant à l’avenir, quelque chose qui ait une certitude de réalisation pour peu que l’on se montre à la hauteur de ce que l’on croit être. C’est exactement la définition d’un « stretch goal ».
  • À l’appui de ma thèse. Les déclarations de guerre déclenchent la liesse populaire (fin de l’incertitude). Je me souviens d’avoir entendu Maurice Genevoix dire qu’il avait vécu l’annonce de la guerre de 14 comme la promesse, enivrante ?, d’une expérience nouvelle, unique. Dont il faudrait ne rien perdre (rédaction de notes).
SELIGMAN, Martin, Learned Optimism: How to Change Your Mind and Your Life, Free Press, 1998.

Peut-on être courageux dans un monde de lâches ?

La question que pose Banquier = danger ? Quand tous prennent leurs jambes à leur cou, celui qui reste ne peut qu’être balayé. La sélection naturelle donnerait-elle l’avantage au couard ? Plus probablement à l’intelligence. L’exemple du banquier.
  • À partir du moment où les banques mettent en faillite les entreprises à faible trésorerie (et déclenchent une cascade de faillites, l’économie étant interdépendante), il devient dangereux de prêter. Mais la faiblesse de la trésorerie d’une entreprise ne signifie pas forcément qu’elle n’est pas saine. Trésorerie mal gérée, plus souvent. Si le banquier explique à l’entreprise comment mieux s’occuper de ses fonds, il diminue, à faible coût, les risques de l’entreprise. Récompense immanente : il conserve ses clients, et en trouve de nouveaux.
  • C’est probablement de tels mécanismes qui font que la sélection naturelle, qui joue apparemment sur le court terme, ait favorisé le développement de réflexes à long terme (nous mourrons parfois pour des idées !).
Compléments :
  • La banque se réinvente.
  • SIGMUND, Karl, FEHR, Ernst, NOWAK, Martin A., The Economics of Fair Play, Scientific American, Janvier 2002. (Autre exemple d'actes à long terme encouragés par la sélection naturelle.)

jeudi 30 octobre 2008

Cultivons nos défauts

Ce matin, j’entends la pianiste Hélène Grimaud citer André Gide, « il faut cultiver ses défauts ». Il me semble que :
  • Nos défauts sont en fait nos qualités, mal placées. Le rôle de l’animateur du changement est de déplacer la structure sociale de manière à faire que ces défauts n’en soient plus. Qu’on les perçoive comme ce qu’ils sont : des caractéristiques propres à nous. Autrement dit des qualités, qui doivent être développées.
  • C’est parce que nous pensons que ces qualités sont des défauts que nous avons peur de tout ce qui les mettrait en évidence. Donc du changement. (Un avertissement à tout instigateur de changement.)

Banquier = danger ?

Les banques ne prêteraient plus aux entreprises à trésorerie fragile. Durcissement brutal de leurs critères. Elles menacent de les mettre en faillite. Par ailleurs, le CERF semble croire qu’elles auraient détourné les 17md€ qu’elles devaient distribuer aux entreprises ; qu’elles les utiliseraient pour pousser leur offre d’affacturage, une pratique déloyale vis-à-vis de leurs concurrents non bancaires. Et l’affacturage (s’il est considéré comme une aide) ne concerne qu’une infime partie des entreprises (100.000 d’après le CERF). Qu’en penser ?
  • Application d’une sorte de théorème qui dit que lorsque vous rendez un service, vous vous faites un ennemi ? Tout service doit être accompagné d’une contrepartie. Nous n’aimons pas être l’obligé de quelqu’un.
  • Le banquier serait-il l’image même de l’individualiste, qui ne voit jamais plus loin que son intérêt ? Qui ne peut concevoir sa dépendance et sa responsabilité vis-à-vis de la société.
  • Confirmation d’un précédent billet : le risque majeur que court une entreprise est de ne pas avoir le moyen de sa stratégie ? Trop d’entreprises sont dépendantes de crédits à court terme, or les sources de ces crédits ne sont pas fiables. Espérons que l’entrepreneur s’en souviendra une fois la crise passée, et qu’il sera à nouveau courtisé par le banquier.
Beaucoup d’admirateurs « du marché » nous rebattent les oreilles de ses capacités d’innovation. Difficile à voir ici. Toutes les banques semblent avoir une unique stratégie, et bouger comme un seul homme. Si le marché a une faculté fascinante, c’est celle de coordonner son action, pour exploiter ses clients. Et cette coordination ne porte pas la marque de la plus grande des intelligences : le déclanchement de faillites en cascade affecte les crédits à long terme qu’ont consentis les banques ; si l’entreprise bien gérée est une entreprise peu endettée, les banques feront de maigres affaires…

Compléments :

Crise : que faire ? reconstruire le lien social

Conclusion de la série Crise : que faire ? L’esprit des techniques présentées.

Dans Transformer les organisations, voici ce que je dis de la crise américaine de 1929 :
le problème de l'époque est le cercle vicieux de la récession : les entreprises licencient beaucoup et réduisent le salaire des employés qui restent ; ceci ne leur donne aucun avantage concurrentiel, puisque la pratique est universelle, mais rétrécit le marché, désormais fait de chômeurs et de travailleurs pauvres ; d’où tentation d’encore plus de rigueur salariale.... C’est un processus qui n’a pas d’exception : l’entreprise qui ne lui obéit pas disparaît, ses coûts devenant supérieurs à ceux de ses concurrents.
Comme je l’ai dit ailleurs (Crises et risque), le risque de la crise, c’est le risque moral, une économie qui se replie sur soi. Conséquence de l’individualisme. Du manque de solidarité de la société moderne. On ne peut pas aller contre : des milliardaires ont voulu s'opposer à la crise de 29, ils ont été balayés (Wall Street Crash of 1929). Mais si chacun se replie sur soi, les petits, et beaucoup de gros, sont broyés.

Le danger ? Ne rien faire, être tétanisé. Mes billets précédents reprennent  les 3 problèmes ci-dessus. Les techniques dont il y est question :
  1. Reconstruisent le lien social : de proche en proche, elles insèrent l’entreprise dans un environnement prévisible et sûr.
  2. Elles ne vont pas contre le courant. Elles utilisent les opportunités qu’ouvre la crise (notamment le besoin d’aide du marché, qui le rend particulièrement réceptif).
  3. Elles évitent le repli sur soi : elles permettent à l’entreprise d'avoir les ressources pour saisir une opportunité, ou se tirer d'un mauvais pas.

L'individu, l'entreprise peuvent faire énormément, seules. Prenez votre sort en main !

mercredi 29 octobre 2008

Sarkozy : avertissement au résistant français

Je me souviens d’avoir été réveillé par la voix menaçante de mon radioréveil me disant « nous exigeons… ». Je crois qu’il s’agissait d’une grève de l’audiovisuel public qui « exigeait » une modification de statuts. J’imagine que, comme d’habitude, ces hausses de salaires étaient justifiées par la « sauvegarde du service public ».

Le Français a une façon de défendre ses intérêts qui est odieuse. Il nargue le puissant, comme l’enfant ses parents. Il s’arcboute, convaincu qu’il est indestructible. J’en suis arrivé à croire que les assauts répétés des partis « de droite » contre le service public, qui cherchent à lui imposer les lois du marché, viennent de là. De la volonté de mettre fin à une attitude insupportable. Une déclaration d’un professeur de médecine, sur la réforme des hôpitaux :

Ceux qui défendent cette réforme estiment que le statut public est une aberration, parce qu’il empêche les « plans sociaux » ou le dépôt de bilan des hôpitaux. L’idéal pour eux serait de passer à l’entreprise à mission de service public. De ce fait, leur ennemi, c’est « l’alliance objective » des « vieux mandarins réactionnaires » et des syndicats (sic).

L’action de Nicolas Sarkozy ne le prouve-t-il pas ? Le prétendu supporter du modèle anglo-saxon est en train d’imposer le dirigisme français au monde ! Si les membres du service public ne veulent pas causer sa perte, et finir comme les mineurs de Margaret Thatcher, ils ont intérêt (et nous avec eux) à trouver une tactique de résistance un peu plus subtile que le défi.

Compléments :

  • La citation vient de : STAMANE, Anne-Sophie, Hôpital 2007 viole l’éthique médicale, L’Humanité, 9 novembre 2005.
  • Le mode de résistance français a un nom : la « communauté délinquante ». CROZIER, Michel, Le phénomène bureaucratique, Seuil, 1971.
  • La nature de la menace : Sarkozy en leader du changement.

Crise : que faire ? se faire des amis

La solidarité est la solution aux mauvaises passes de l’existence. Les problèmes sont répartis sur plusieurs têtes. Donc faciles à résoudre. C’est le principe de l’assurance. Et de la société, qui est une grande assurance. 2 applications :
  1. Vous hésitez à dépenser ? Pourquoi ne pas échanger ce que vous n’utilisez pas. Par exemple des salles de réunion ? C’est ainsi que la Russie a survécu aux grandes réformes des années 90, qui ont divisé sa richesse par deux : par le troc (Changement en Russie).
  2. Si vous avez des alliés fiables, pourquoi ne pas chercher s’ils ne pourraient pas être utiles à vos clients. S’ils font de même, vous avez gagné sur tous les tableaux.

mardi 28 octobre 2008

Paul Krugman

Paul Krugman, qui vient de recevoir le dernier prix Nobel d’économie, a la particularité d’écrire des livres compréhensibles. Il retrouve ainsi les habitudes de Smith, Pareto, Say, Schumpeter, Hayek…
  • J’espère que cela va encourager ses collègues à abandonner leurs équations. Depuis qu’ils appellent « théorèmes » leurs résultats, ils pensent détenir la vérité, alors que leurs théorèmes découlent d’hypothèses qui n’ont aucun rapport avec la réalité ; et que, comme l’a compris la physique, on ne peut rien prétendre si cela n’a pas fait l’objet de quelques prédictions « falsifiables », qui n’ont pas été prises en défaut (voir L’économie n’est pas une science) ; et que les hypothèses que cachent ces équations sont auto-réalisatrices : elles nous poussent à prendre des décisions qui les valident.
  • Il me semble que la démocratie réelle est une démocratie athénienne (Changer de changement) : un débat d’idées contradictoires qui génère de nouvelles idées qui dépassent ces contradictions (apparentes) et qui rallient l’unanimité. Il n’est pas possible d’avoir un tel débat si ceux dont dépendent notre avenir masquent l’idéologie qui les dirige sous le voile de la complexité.
Compléments :
  • Le comportement de nos économistes modernes ressemble à celui des médecins de Molière. Les mathématiques ont remplacé le Latin ? Les médecins de Molière étaient de mauvais latinistes, les économistes sont de mauvais mathématiciens. Long Term Capital Management est un hedge fund : arbitrage des écarts de rendement entre obligations et produits dérivés. Il a été fondé par MM. Merton et Scholes, à partir du modèle financier à qui ils doivent le prix Nobel 97. En septembre 1998, LTCM a connu une crise qui aurait emporté l’ensemble des places financières mondiales si de grandes banques mondiales, entraînées par la Réserve fédérale américaine, n’étaient intervenues. Problème ? Le modèle ne prenait pas en compte la possibilité d’une illiquidité du marché. L’analyse faite par Bouchaud et Potters (Théorie des risques financiers, collection Aléa Saclay, 1999) du CAPM, base de la théorie financière actuelle, semble montrer que les hypothèses prises par lui ont pour principal avantage de simplifier les calculs :
les fondements théoriques de cette définition du risque sont de plusieurs ordres (…) les calculs utilisant la variance sont relativement élémentaires (…) le théorème de la limite centrale (…) semble fournir une justification solide et générale ». Une autre conséquence de ces hypothèses, lors du krach de 87 : la stratégie proposée par Black-Scholes correspond à « vendre une certaine fraction de son portefeuille lorsque le marché baisse », fraction fixée par la théorie de Black Scholes. Or « lors du krach de 1987, cette stratégie s’est révélée totalement inefficace (la situation de krach étant l’extrême inverse d’un univers gaussien). D’autre part, la généralisation de cette pratique a eu un effet déstabilisant sur le marché (puisqu’une baisse entraîne alors mécaniquement des ordres de vente), qui a contribué, d’après la commission Brady, à amplifier le phénomène du krach.
  • Une hypothèse fondamentale de l’économie et des sciences du management est que l’homme est mauvais : GHOSHAL, Sumantra, Bad Management Theories Are Destroying Good Management Practices, Academy of Management Learning and Education, 2005, Volume 4, n°1. Autre hypothèse fondamentale : Utilitarisme.

Succès de la Logan

La boutique Renault des Champs Élysées proclame le succès de la Logan. Réflexions :

  • Le succès de la Logan ne vient-il pas de ce que Renault a répondu à un besoin du marché : se déplacer pour pas cher ? Analyse de la valeur. Combien d’entre nous veulent-ils d'un réglage de sièges plus ou moins électrique ou de toutes ces fonctionnalités difficiles à comprendre et qui, en plus, compliquent invraisemblablement l'assemblage de la voiture et de ses équipements? A quoi servent les moteurs surpuissants à des vitesses limitées ?...
  • Même chose pour les ordinateurs : pourquoi sont-ils aussi compliqués ? Mon premier Mac avait un excellent traitement de texte dont le code tenait sur une disquette de 128Koctet. Pourquoi en sommes nous venus à une telle complexité ?

Collusion entre concurrents ? En bourrant leurs produits de fonctionnalités inutiles, en orientant nos désirs par leur propagande, les fabricants maintiennent à un niveau constant le prix de produits qui devraient baisser du fait des effets d’échelle et d’expérience ?

Compléments :

No drama Obama

Obama's transition explique que l’équipe de Barack Obama prépare activement sa prise de fonction.

Autre caractéristique de Barack Obama (La logique d’Obama (suite)) : homme de préparation précise (et qui semble savoir s’entourer). Ce qui ferait que sa campagne a connu relativement peu de surprises désagréables (son surnom : « no drama Obama »). Ça n’a pas été le cas pour John McCain et Hillary Clinton.

J’y vois la capacité à l’anticipation que doit avoir tout dirigeant. Pas une vente de la peau de l’ours avant de l’avoir tué. C’est rassurant : il va devoir faire face à une situation inquiétante. Espérons que McCain fait de même !

Par contraste l’impréparation des gouvernants français est étrange. On a l’impression que les portefeuilles présidentiels se décident en dernière minute et que ceux qui les obtiennent n’ont pas pris le temps de réfléchir à ce qu’ils pourraient bien en faire.

Le système politique anglais semble supérieur au nôtre : l’opposition y a un cabinet fantôme. Quand il arrive au pouvoir, il est prêt.

Crise : que faire ? s’accrocher à ses clients.

Ce qui marque une crise, c’est la défiance. Gagner de nouveaux clients devient difficile, même si on propose de les sauver. Ils sont congelés. Donc, il faut tirer le plus possible de ses clients. Comment ?
  • En passant du temps avec eux. En étant sensible à ce qui les fait souffrir (ce qui paralyse leur capacité de décision : anxiété d'apprentissage). En les aidant. En allant au-delà de sa spécialité, mais sans promettre ce qu’on ne sait pas faire : en s’alliant à des spécialistes.
    Avec un peu de chances ces derniers seront reconnaissants, et feront de même avec leurs clients.
  • Quel est le plus grand service que l’on peut rendre à un client ? Probablement, lui donner le conseil de ce billet. L’aider à développer ses propres comptes. Connaître son marché aussi bien que lui, et chercher si, dans son savoir faire et celui de ses alliés, il n’y pas quelque chose qui pourrait donner un coup de pouce décisif à l’offre du client.

lundi 27 octobre 2008

Sarkozy est tel que nous l'avons voulu

Notes prises lors d'une conférence de Stéphane Rozès (IFOP), fin 2005 :

Le Français est inquiet

  • parce qu’il pense qu’il est le fruit d’un processus de formation sophistiqué et que ses compétences ne seront pas exploitées, que son intelligence, ne sera pas « mise en valeur ».
  • « parce que le travail est l’élément premier de son identité »
  • Surtout, parce qu’il a besoin de « cohérence », de voir la fin pour pouvoir concevoir les moyens ; aujourd’hui, elle est absente ; par contraste, l’anglo-saxon s’accommode très bien des seuls moyens, ce qui compte pour lui, « c’est de se mettre en mouvement ».

C’est cette question qui segmente la France entre « ceux d’en haut », « ceux qui maîtrisent leur devenir social », et « ceux d’en bas », les autres, une catégorie qui compte de plus en plus de monde, et notamment les cadres dont l’avenir est de plus en plus incertain.
De même, les jeunes français se sont identifiés avec les jeunes des banlieues, parce qu’ils se pensent une génération sacrifiée qui n’a pas d’avenir.
À cela vient s’ajouter des désillusions conjoncturelles comme celle du referendum européen : la France croyait que l’Europe était le prolongement de son modèle, elle découvre que ce n’est pas le cas.
Le besoin des français est donc : « donnez-nous un moyen de nous repérer ».
Répondre à cette question, fixer un idéal, le « souhaitable », est le rôle traditionnel du politique. Or le politique a « externalisé le souhaitable », à l’Europe d’une part, aux lois du marché de l’autre, qui servent d’excuses quant à son impuissance ;
l’Etat aux agents duquel le Français demande « soyez des puissants, mais pas des privilégiés » se dérobe, « s’esquive ». C’est une organisation de techniciens, qui ne sait donner que des réponses de technicien : mesures, moyens, « ils font entrer le pays dans leur réseau de contraintes » ; alors que la France demande du sens, de dire « pourquoi ? », et est prête pour cela à mettre « les choses sur la table », à débattre,… ils refusent l’obstacle et répondent « comment ».
C’est la source du malaise actuel : faute de sens partagé chacun essaie de reconstruire le sien en se raccrochant à ce qu’il peut, fondamentalisme divers ou autres certitudes.
La popularité des hommes politiques reflète ce malaise :

  • Nicolas Sarkozy, par exemple, est utilisé comme un modèle par l’opinion, qui essaie par son exemple de montrer au politique ce qu’il désire, c’est à dire quelqu’un qui croit que « quand on veut on peut », et ne connaît pas l’excuse.
  • Jack Lang est populaire chez les ouvriers parce qu’il ne partage pas le discours misérabiliste de la gauche et a su retrouver la voie de la « fierté ouvrière ».
Dans le prolongement de : Sarkozy en leader du changement.

Crise : que faire ? rendre l’entreprise flexible

Il y a une décennie, j’ai écrit un rapport sur la gestion des risques. Parmi les études que j’avais découvertes à cette occasion, une disait que le risque premier était de ne pas avoir les moyens de sa stratégie.

La clé pour faire de bons investissements est de générer les moyens de les financer en interne.
Autrement dit, une décision s’impose à vous, mais vous n’avez pas d’argent pour la réaliser.
  • Un ami s’est ainsi trouvé avec une livraison bloquée par la douane, un acquéreur prêt à acheter, mais voulant voir un échantillon, et pas de capacité de paiement des droits de douane. Faillite.
  • Warren Buffett (Will there be a Buffett effect?) observe que pendant les crises les actifs sont sous évalués. Certes, répond The Economist, encore faut-il avoir les moyens d’en tirer parti. Or, la panique actuelle s’explique en partie parce que beaucoup de gens sont pris dans un cercle vicieux.

Deux techniques, qui permettent d’éviter ce désagrément :

  1. Le portefeuille d’activités de l’entreprise. Certaines activités concentrent tous les risques et les moyens, et rapportent peu, ou rapporteront beaucoup, mais tard. D’autres, au contraire, ont un gros potentiel pour un faible investissement, que l’on ne leur donne pas, faute de les avoir bien comprises, et de ressources, consommées par les premières. On peut ainsi reconstruire l’activité de l’entreprise, en diminuant massivement ses risques et ses besoins financiers. Pourquoi ne l’a-t-on pas fait plus tôt ? Parce que les décisions sont prises par les dirigeants qui en évaluent très grossièrement les conséquences. Les employés les connaissent, mais l’organisation hiérarchique (taylorienne) classique ne prévoit pas de leur demander leur avis.
  2. Bertrand Delage, qui a passé une partie de sa vie à investir dans des sociétés, m’a expliqué qu’il existait une bonne quarantaine de techniques efficaces, de bon sens, et que personne ne connaît, pour « liquidifier les actifs » d’une entreprise : trouver du cash, quand elle ne peut plus en demander. Le plus simple est peut être de suggérer à ses clients de payer leurs factures immédiatement, voire de régler des avances. D'où contrepartie. Pas nécessairement une baisse de prix : il est toujours possible d’apporter à quelqu’un quelque chose qui ne coûte rien, et qui est important pour lui.

Compléments :

  • FROOT, Kenneth A., SCHARFSTEIN, David S., STEIN, Jeremy C., A Framework for Risk Management, Harvard Business Review, novembre – décembre 1994.

dimanche 26 octobre 2008

La vie est belle !

Bertrand Duperrin a raison. La presse est dans l’incertain, dans l’inquiétude : ça contribue à la déprime actuelle. Si elle regardait vers l’avenir elle verrait de quoi se réjouir. Quelles raisons d’espérer ? Je me jette à l’eau.
  • Crise veut dire baisse de consommation, de pollution, d’effet de serre… Point de départ idéal pour une « nouvelle économie » plus durable ? Un nouveau type de croissance moins destructeur ? N’est-ce pas plus facile de nous transformer lorsque nous jeûnons que lorsque nous sommes pris dans le traintrain d’une économie qui pollue à plein régime ?
  • Autre raison de se réjouir ? Les gouvernants chinois vont devoir stimuler leur consommation interne : ne vont-ils pas être poussés à donner à leur peuple une sécurité sociale, un système de retraite, d'assurance maladie... dont le manque le forçait à épargner ? Une Chine plus amicale ?
  • Mais, crise veut surtout dire « dégel » au sens de Kurt Lewin. Les règles du monde sont devenues malléables. Une occasion unique ! Or, justement, les gouvernants sont prêts à en discuter. C’est sans précédent.
  • Et ils sont plutôt de bonne volonté. Pour le moment, les petits égoïsmes qui ont fait les grands malheurs de l’humanité ne se sont pas manifestés. D’ailleurs on se préoccupe du résultat de la crise pour les pays pauvres. Dans le passé, on cherchait surtout à remettre le système financier d’aplomb.
Tout étant malléable, le monde peut aller n’importe où. Nos gouvernants ont besoin de nos idées. Ils en ont certainement à eux, mais ils veulent avant tout un consensus : c’est dans ces moments que nous avons le plus de pouvoir. Nous devons donc réfléchir. Que voulons-nous faire du monde ?
  1. Je crois que son mal est l’individualisme, au sens égoïsme, qui ne voit la société et la nature comme objets et non comme potentiels amis. Un sujet à étudier.
  2. Toutes les idées sont bonnes, les vôtres autant que les miennes. Risque d’anxiété d’apprentissage ? Une piste pour chercher de nouvelles idées, si vous n’en avez pas déjà : la montagne d’erreurs que nous avons commises. Essayer de ne pas les répéter doit être un programme efficace.

Sur Kurt Lewin : Renouveau du PS.

La logique d’Obama (suite)

Nouvelles réflexions sur les règles que suit le comportement des candidats à la présidentielle américaine.

Dans un billet (McCain et Obama (suite)), je disais que je m’étais trompé sur McCain : il n’entrait pas dans le schéma « intello / bouseux », « Amérique d’en haut, Amérique d’en bas » usuel. Je me demande si ce n’est pas aussi le cas d’Obama. Il n’est peut être pas un ordinaire intellectuel démocrate, pétri d’idéaux irréalisables.

Michel Crozier (Le mal américain) parle d’une Amérique d’après guerre de 40, pleine de gentillesse, de confiance en soi, qui veut apporter le bonheur au monde. Je me demande si Obama n’est pas une réémergence de ce trait, enseveli depuis 4 décennies, de la culture américaine.

The post-election season begins s’inquiète d’un ras de marée démocrate. Une nuit du 4 août qui accouche d’utopies dramatiques. Pour ma part, je doute qu’avec les dettes empilées par le gouvernement Bush, l’utopie ait beaucoup de latitude. D’ailleurs, Obama est-il susceptible de se faire entraîner par l’enthousiasme collectif ? Un détail m’intrigue. Son vice-président.

On a dit que Joe Biden avait été choisi pour apporter de l’expérience internationale à Obama. En fait, il lui apporte surtout le moyen de manœuvrer le Sénat. Or, aux USA, contrairement à la France, le parlement (au sens large) a un pouvoir fort, aucune réforme ne peut passer sans lui (De la démocratie en Amérique). Les grands réformateurs ont été des maîtres de ses très compliqués mécanismes de négociation. Initialement, ce qui frappait chez Joe Biden était ses gaffes. Mais l’électorat semble désormais voir au-delà. Il est aussi populaire que Sarah Palin, mais suscite beaucoup moins de rejet. Joe Biden un très bon choix ? Par contre, avec Sarah Palin, McCain n’a raisonné que tactique, et court terme.

Autre remarque : à l’agressivité de la campagne de McCain, Obama n’a pas répondu agressivement. Les commentateurs estiment même que c’est son « langage corporel » (il était détendu et sympathique) qui lui a donné l’avantage sur McCain, lors du dernier débat.

Obama va-t-il battre à la loyale un McCain qui n'a pas été loyal ? Serait-il capable de résister à l’attrait de la facilité ? de trouver des solutions solides, a priori impopulaires, à des problèmes complexes ? de s’y tenir et, finalement, de les rendre populaires ? Est-il une réponse à ce mal américain qui cause crise après crise : une innovation qui est, en fait, une tricherie ?

Sur les présidents américains d'après guerre : PATTERSON, James T., Grand Expectations: The United States, 1945-1974, Oxford University Press, 1996.
Sur la définition que le sociologue Merton donne a innovation : Braquage à l'anglaise.

Sarkozy en leader du changement

The Economist de cette semaine sous-titre son article The president who loved summits : Comment le président français a renversé les règles normales de la diplomatie. Nicolas Sarkozy nous dit qu’il faut un gouvernement européen, mondial. Mais il n’en a pas besoin : il obtient tout ce qu’il veut !
  • Leçon de changement 1. Le modèle hiérarchique ne fonctionne pas : trop lent. Les organisations (entreprises, pays, familles…) n’obéissent pas à ce modèle. Ce n’est pas pour autant qu’elles ne peuvent pas bouger. Au contraire. C’est parce qu’une organisation est un « système complexe » qu’elle évolue à « effet de levier ». Le Président de la République aurait-il démontré que le monde est déjà un tout ? Qu'il peut bouger comme un seul homme ?
  • Sa tactique ? Celle de la mouche contre la vitre. Il est persuadé d’avoir raison. Il sait où il veut aller. Et il y va par essais / erreurs. Mais en marche forcée. L’Allemagne est mécontente de son plan d’Union méditerranéenne ? Nouveau plan. Échec d’une tentative de résolution, à 4, de la crise européenne ? Une semaine plus tard, nouvelle formule. Et la fin justifie les moyens. Il ne s’embarrasse pas du protocole. Il saisit les commandes du G8, alors que le Japon en assure la présidence. Et il sait trouver les solutions là où elles sont. Pour remettre à flot la zone Euro, il utilise les idées des coupables anglais.
  • Nicolas Sarkozy possède les caractéristiques du leader du changement : il est probablement stimulé par l’échec. C’est ce qui le rend indestructible. Il a une telle force que peu de résistances lui résistent. Or la Résistance au changement est utile : elle dit que quelque chose d'important pour la société est menacé. Ce qui fait que Nicolas Sarkozy est efficace aujourd’hui, c’est qu’il est face à une résistance à sa taille. Elle le force à la prendre en compte.
Compléments :

Crise : que faire ? éviter le cost cutting

Comme le journalisme, le consulting a ses marronniers, ses missions au succès garanti. Qui enchantent un client. L’audit de ce qu’a fait un prédécesseur, par exemple. Quelques souvenirs :
  • Une multinationale avait supprimé son centre de recherche, alors que c’était ce qui avait fait l’entreprise (et que le marché demandait de la nouveauté !).
  • Élimination du budget de communication : ce sont les commerciaux qui doivent informer le marché sur ses produits (c’est évidemment effroyablement coûteux), ce qu’ils ne font pas.
  • Élimination des catalogues de prix : les services de prise de commandes sont submergés.
  • Élimination d’un poste d’acheteur. La société, en partie distributrice de produits extérieurs, que commandait l’acheteur, perd un morceau de ses revenus.
  • Réorganisation du département qualité : disparition des procédures de contrôle des processus de fabrication des usines (chimie = danger), la réglementation n’est plus appliquée.
  • Une raffinerie : organisation d’appels d’offres entre sous-traitants (maintenance !). Suite de faillites. On doit maintenir le dernier en survie artificielle. Et le stress est tel que les équipes de maintenance de la raffinerie ne durent pas plus de deux ans.
  • Systématique : ce sont les personnels les plus compétents qui disparaissent les premiers (ce sont les plus âgés, donc les plus coûteux, mais aussi ceux qui résistent le plus aux mesures les plus dangereuses). L’entreprise a perdu son savoir-faire.

Il y a vraiment des gens stupides ! Et non. Conséquence de l’organisation des entreprises. Ce qui précède a une caractéristique commune : ça rapporte beaucoup, à court terme, et, surtout, ça n’offre aucune résistance. Le dirigeant a exigé des réductions de coûts, et ses subordonnés ont fait ce que leur laissait faire l’entreprise. Ils ont fait des trous dans la coque pour alléger le navire. (Une de mes expressions favorites.) Mais on ne le voit pas tout de suite. Et quand on en verra les conséquences, on en aura oublié les causes.

Une réduction de coûts est une solution à un problème qui n’a pas été posé. Ce que l’on veut, c’est adapter l’entreprise à un nouvel environnement. Ce qui signifie qu’elle doit être repensée, dans sa globalité (reengineering). Ce n’est qu’ainsi que l’on évite de sembler ridicule à ses successeurs.

samedi 25 octobre 2008

Toutes les crises se ressemblent

En cherchant une référence, je tombe sur la citation suivante :
The market will not go on a speculative rampage without some rationalization. But during any future boom some newly rediscovered virtuosity of the free enterprise system will be cited. It will be pointed out that people are justified in paying the present prices - indeed, almost any prices - to have an equity position in the system. Among the first to accept these rationalisations will be some of those responsible for invoking the controls. They will say firmly that controls are not needed. The newspapers, some of them, will agree and speak harshly of those who think action might be in order. They will be called men of little faith.
GALBRAITH, John Kenneth, The Great Crash 1929, Mariner Books, 1997. (Première édition : 1954.)

Crise : que faire ? être agressif

La finance américaine, qui s’est enrichie sur le dos du monde, s’effondre. Crise mondiale.
  • L’Amérique, c’est dans son caractère, et elle n’a rien de mieux à faire (peu de protection), cherche activement un nouveau vent portant.
  • L’Europe, elle, menace de se replier peureusement sur elle-même, amplifiant ainsi la crise, et se laissant prendre une nouvelle fois de vitesse par ce qui peut être une nouvelle bulle.
  • Une Amérique qui s’enrichit à coup de bluff et une Europe qui s’enfonce à force de couardise ? La situation n’est pas aussi simple : les idéologies américaines ont aussi dévasté les USA (Grande illusion). C’est l’Occident qui coule ?
Oui, mais que peut faire l’individu ou l’entreprise au milieu de ces turbulences ? Se distinguer de la lâcheté ambiante, c’est finir en martyr ? Les prochains billets vont montrer qu’en temps de crise, il faut être agressif. Il faut être américain. Mais intelligemment agressif : ce qui rapporte le plus ne coûte presque rien !

vendredi 24 octobre 2008

L’économie n’est pas une science

Il y a 3 ans, le Groupe des 17 de l'Insead discutait de la difficile relation entre la France et l’entreprise. Un professeur de l’Insead avait commencé son intervention en nous disant qu’il était un économiste. Ce qui signifiait, je crois, qu’il détenait la vérité. Ses conseils : « Les grands gagnants sont européens », Irlande, Luxembourg, Angleterre et Finlande ; pour rénover la France, « il faut regarder en Europe ». D’ailleurs, l’égalité de chances (modèle américain) était préférable à l’égalité de conditions (modèle français). Mais l'économie est-elle une science ? Qu'est-ce qu’une science ?
  1. Mark Blaug se pose la question. Il penche pour la théorie de Karl Popper : on ne sait jamais si ce que dit la science est vrai, mais, quand c’est faux, on peut le prouver. Elle est « falsifiable ». Ainsi, si une masse courbe la lumière, il suffit d’avoir une planète et un rayon de lumière pour comparer ce que prévoit Einstein et ce que fait la nature. Si ça ne correspond pas, la théorie est invalide.
  2. Malinowski reprend les théories de Freud et montre qu'il y a plus simple pour expliquer ce qu’il a observé : le conflit entre culture et instinct. Et il reproche à la psychanalyse de s’être enfermée dans un petit monde clos. Pourquoi ne s’est-elle pas intéressée à l’ethnologie ? La première étape de la démarche scientifique est de rassembler les connaissances humaines et d’essayer de les mettre en cohérence.
Le professeur propose une autre définition de la science : sanctification des valeurs d’une communauté. La science économique telle qu'il la pratique, c'est le monde des commerçants. Elle modélise la vie comme s’il s’agissait de l’échange de marchandises. C’est pour cela que l’homme y maximise son intérêt à court terme : c’est ce que fait un marchand dans une foire.

Compléments :
  • L'économie jugée par mes deux critères: il y a toujours un moyen de montrer qu’une prévision économique est juste ; l’économie n'aime pas les autres sciences : par exemple, elle a rejeté la sociologie (Utilitarisme).
  • BLAUG, Mark, The Methodology of Economics: Or How Economists Explain, Cambridge University Press, 1992.
  • MALINOWSKI, Bronislaw, Sex and Repression in Savage Society, Routledge, 2001. Malinowski a étudié une société qui considère que l’enfant n’est pas le résultat des rapports sexuels, et où il appartient à la famille de son oncle maternel, son père étant une sorte de grand frère. Les complexes n’y sont plus ceux de Freud.
  • L’idéologie est respectable : GEERTZ, Clifford, The Interpretation of Cultures, Basic Books, 2000.
  • Applictaion des idées du marchand : Consensus de Washington.

Utilitarisme

Mon intérêt pour l’utilitarisme vient de l’économie. Les économistes sont écoutés par les puissants, qui suivent leurs recommandations. Or, les économistes obéissent à des modèles mathématiques, dont le principal dit que l’homme décide en maximisant une fonction « d’utilité ». Voici ce que John Stuart Mill, pilier de l'économie et promoteur de l’utilitarisme, a à déclarer sur ce sujet (MILL, John Stuart, On Liberty and Other Essays, Oxford University Press, 2006) :
  • L’utilitarisme c’est dire que ce qui est bon est ce qui fait le bonheur de l’homme, et ce qui est mauvais est ce qui cause sa souffrance. L’homme prend ses décisions de plusieurs façons :
  • Si elles ne concernent que lui, il suit son intérêt.
  • Sinon, il va décider en fonction du bien collectif. Parce que sa principale aspiration est d’appartenir au groupe humain, et que toute son éducation l’a récompensé quand il suivait les règles de la société, et l’a fait souffrir, sinon. S’il réagit à l’injustice comme si son intérêt propre était attaqué, c’est parce que le rôle de la justice est d’assurer que l’environnement qui est nécessaire à sa vie est stable.
Les économistes ne connaissent que le premier type d’utilité. Malheureusement, ce n’est pas celui qui est concerné quand le sort de la nation est en jeu. Dommage qu’ils n’aient pas étudié la sociologie, ou les travaux de John Stuart Mill.

Culture et changement (suite)

Une idée de Minter Dial : une entreprise s’implantant dans un pays donné, quelles vont être les règles que suivent ses changements, celles de sa nation d’origine ou celles de son pays d’accueil ? Observations :

  • IBM des années 80. Très clairement, il y avait des règles communes à la société. Mais IBM Allemagne, avec qui j’ai beaucoup travaillé, était indéniablement une entreprise allemande.
  • Je me souviens aussi de filiales de GE Capital : GE y installait un contrôle de gestion. Si l’équipe dirigeante atteignait les objectifs financiers qu’on attendait d’elle, elle était félicitée, sinon elle était remplacée.
  • J’ai discuté avec un dirigeant d’Essilor, et j’en ai tiré le même sentiment : les unités nationales semblaient partager des règles globales tout en étant, localement, totalement adaptées à la culture de leur nation. Un extrait d’un compte-rendu :
(...) si la conception de la stratégie est partagée, ce n’est pas le cas de sa mise en œuvre, qui est laissée à l’initiative individuelle : « Ce n’est pas militaire », par exemple, ça ne ressemble pas au processus de décision de Hoya « je décide à Tokyo, j’applique partout ailleurs ». « Chez nous non, le dirigeant allemand décide seul ». « Ça dépend beaucoup de la personnalité du dirigeant » : c’est un processus qui laisse une considérable latitude aux compétences entrepreneuriales des patrons locaux : « chacun a trouvé sa manière d’entrer dans son marché ». Question de personnalité, mais aussi de marché : les marchés nationaux se ressemblent peu. Par exemple, en France, la distribution est dominée par des réseaux d’indépendants, qui donnent l’impression d’un manque d’homogénéité (deux magasins d’un même groupement se ressemblant peu), mais est très efficace (ce sont les opticiens qui gagnent le mieux leur vie en Europe).
Le fait que les dirigeants soient libres ne signifie pas qu’ils ne sont pas contrôlés : « ils sont cooptés », ils partagent de mêmes valeurs (par exemple attachement au groupe) et ont démontré leur compétence. Par ailleurs, on les juge à long terme, pour pouvoir éliminer ce que leur performance peut devoir à la chance (qui peut expliquer une ou deux années de bons résultats).
« il y a des valeurs fortes, des règles générales, pas de règles locales ».
Et le Président ? « Son rôle est de faire que le système fonctionne », et en particulier que le long mécanisme de gestation stratégique de la société traite des bons sujets : « son souci est l’agenda du comité exécutif », « il ne s’y décide rien », mais il faut « que les bons sujets remontent ».
  • Par contre, j’ai vu des nations qui souffraient : par exemple une filiale allemande d’un groupe français, qui se plaignait du manque de qualité des pièces qu’on lui envoyait et de l’incompréhensible manque de conscience professionnelle français. J’ai eu même l’impression que les employés allemands avaient honte de travailler dans la société. Que leurs clients allemands (les constructeurs automobiles) les considéraient avec mépris. Comme des Français.
  • Il y a aussi de multiples exemples de filiales étrangères qui se dissolvent très rapidement, parce qu’elles sont laissées à elles-mêmes, considérées avec peu de respect (cas fréquent des unités « délocalisées »)…
  • Le football, pour finir : on arrive à constituer des équipes qui gagnent, en mélangeant n’importe quelles nationalités, ou presque. Par contre la culture qui domine l’équipe est celle de l’équipe, pas de ses joueurs. Une équipe anglaise joue à l’anglaise, même si ses joueurs sont étrangers.

Je soupçonne que les cultures nationales ont pas mal de flexibilité. Par exemple la culture française trouve à la fois normal le licenciement et l’emploi à vie. L'homme, lui aussi, arrive assez bien à s'intégrer à une nouvelle culture. Mais on ne peut pas faire faire n'importe quoi à cette culture. Les règles du changement dépendent donc probablement beaucoup plus de la culture locale que de la culture du groupe. Ses dirigeants ne peuvent pas le piloter par décrets. La culture dominante ne peut pas entrer en conflit avec certaines valeurs nationales (le cas de l’équipementier automobile).

Je crois que les intégrations qui marchent sont celles qui proposent un « projet d’entreprise », des lignes directrices dans lesquelles toutes les nations peuvent se reconnaître. Des valeurs qui peuvent être interprétées avec les valeurs de ces nations. Mais qui ne prétendent pas régler le détail de la vie de l’homme qui, elle, obéira toujours à la culture dans laquelle il est plongé.

Compléments :

Que se passe-t-il ?

Fouad Sassine, qui vit à New York, fait des cercles réguliers : Toronto, New York, Luxembourg, Paris. Hier il était de passage à Paris. Il me décrit les USA comme dévastés. Mais alors pourquoi nous dit-on que l’Europe va particulièrement mal ? Pourquoi les journaux économiques internationaux sont pleins de cette idée ? Je rassemble ce que je vois tous les jours :
  • La baisse de l’euro est favorable à notre industrie ; la baisse du coût des matières premières, liée notamment au ralentissement de la croissance des pays en développement, diminue les risques d’inflation, d’où baisse des taux de la BCE, d’où amélioration des conditions d’emprunt (si les banques veulent bien prêter).
  • La Tribune d’hier : la consommation des ménages coît, mais le moral des entreprises est bas. D’après ce que l’on me dit, certaines auraient arrêté de recruter, à titre préventif.
  • Il semblerait qu’une partie de la baisse des ventes des automobiles soit due à une difficulté d’obtention de crédit. Les financiers, qui ont suscité la crise, nous punissent de les avoir aidés ?
  • La série de conférences que je donne, et mes missions me font rencontrer des gens qui travaillent dur, qui ont des projets et qui prennent leur sort en main. Mais où est la France des râleurs ?

Y a-t-il des choses que je ne vois pas, ou nos indicateurs sont-ils biaisés ? Risque d’une prédiction auto-réalisatrice ?

mercredi 22 octobre 2008

Fin des éditeurs ?

Pierre Assouline dans Le monde selon Amazon explique que l’autoédition menace l’édition.
(…) Amazon est désormais assez fort pour imposer un nouveau paradigme à l’édition. En promouvant et contrôlant l’impression à la demande, afin de bannir de notre vocabulaire la notion même de “livre épuisé”, Amazon menace davantage les grands groupes que les petits autoéditeurs. Le stockage de données et d’impression sera le nouveau nerf de la guerre. Ce qui fait écrire à Morris Rosenthal que, plus que jamais, l’édition à venir reposera sur l’internet.

Je travaille avec deux éditeurs, et c’est un calvaire. J’ai la terrible impression d’être un Untermensch. Sans d’ailleurs qu’il y ait malveillance. Ils sont charmants. Mais, quand j'ai le dos tourné, ils m'oublient. Ils ne savent pas à quoi sert un auteur. Les éditeurs sont devenus des publieurs. Ils publient à tour de bras, trop d'auteurs, et ils utilisent leur position de force pour réduire leurs coûts.

Quand une situation de monopole pousse une profession à s’ankyloser, à oublier son métier (promotion des livres, édition des textes, respect de l’auteur, qualité de l’ouvrage), elle est menacée d’une fin tragique ? (« Destruction créatrice »?)

Stretch goal de l’agriculteur

De l’inefficacité économique de l’individualisme. Synthèse de ma plongée dans l’agriculture :
Avant d’arriver à cette solution finale, l’agriculteur doit comprendre qu’il y a plus efficace. Chercher ce qu'est le « bien commun », en quoi ce que l’on sait faire peut y contribuer. Être un apport unique à ce bien commun. Ainsi, solidement implanté dans un besoin à long terme, et sans concurrent, on peut être sûr de dégager un bénéfice mérité et d’être peu sensible aux crises. Le marketing appelle cette technique le « positionnement ».

Compléments :

Comment vendre ce que l’on ne connaît pas ?

Vous entrez dans une entreprise, et sans que l’on prenne le temps de vous former, on vous demande de vendre ses services. Que faire ? Bâtir une relation d’aide. Hier, j’ai conseillé cette technique à un consultant. Il semble avoir été content du conseil. Je m’enhardis donc.

Client potentiel. On le rencontre. On est porteur de l’image de notre employeur, donc impressionnant. On le fait parler de ce qui ne va pas, et on essaie de l’aider. Le plus simple est de lui faire reformuler ce qui l’ennuie, les solutions qu’il a envisagées, pourquoi elles ne marchent pas. Souvent, on résout ses problèmes gratuitement. Il avait besoin de prendre confiance en lui. On peut aussi voir que les talents de tel ou tel de nos collègues pourraient lui servir… Dans tous les cas, on s’est montré utile. Ce qui ne peut qu’être bénéfique un jour.

Ronald Berger-Lefébure, Animateur du changement

mardi 21 octobre 2008

Brûlons le blé

Où sont les priorités ? développe l’argument suivant : le blé rapporterait plus à être brûlé qu’à être consommé ! Il ne faut pas en vouloir à l’agriculteur occidental s’il est tenté d’affamer l’humanité :
On ne peut raisonnablement pas demander aux agriculteurs de refuser des sources de revenu que l'état des marchés leur permet d'obtenir. Ils n'ont aucune raison de se voir imposer un principe de charité généralisé. On ne peut pas non plus espérer voir le prix des produits alimentaires s'élever pour rétablir un équilibre des prix plus "convenable". La majorité de l'humanité n'y survivrait pas.
Solution :
Face à ces deux impasses, que peut-on envisager ? Cela fait de nombreuses années qu'Edgard Pisani appelle de ses vœux l'émergence d'une gouvernance mondiale dans le domaine de l'alimentation et de l'agriculture. La situation kafkaïenne face à laquelle nous nous trouvons actuellement nous fournit la preuve (par l'absurde) de l'absolue nécessité de cette solution. Mais au delà de la nécessité, il y a maintenant urgence. C'est évident.
Et s’il n’y avait pas de gouvernance mondiale ? Observations :
  • J’aime l’idée de John Stuart Mill selon laquelle il faut éviter de causer des torts à autrui, si on peut s’en passer. Je ne pense pas qu’il aurait trouvé naturel que les agriculteurs puissent causer une famine mondiale pour gagner un peu d’argent. L'agriculteur veut-il être haï ? D’ailleurs, est-il seul propriétaire de sa production, ou occupe-t-il une fonction dans l’ordre social mondial ? Justement, n’est-on pas actuellement dans une crise provoquée par l’irresponsabilité individualiste ?
  • Les biocarburants (le blé n’en est pas un) demandent encore d’énormes subventions (La France nouvel Eldorado des biocarburants brésiliens) : il n’est pas évidemment rentable de les utiliser. Bizarre. En fait, le billet compare le prix du blé avec celui de l’essence. Il aurait fallu comparer produit brut à produit brut, et produit fini à produit fini. C'est-à-dire blé à pétrole (extraction), et essence à croissant ou gâteau. Ça change tout. Et ça montre où est le problème que doit résoudre l’agriculteur : se positionner correctement dans la chaîne de la valeur. Il doit apprendre l’art du marketing.

MILL, John Stuart, On Liberty and Other Essays, Oxford University Press, 2006. Changement et culture montre que certains refusent les sources de revenus qui leur sont promises, par solidarité. Les 600m de la Caisse d’Épargne explique ce qui se passe quand on ne le fait pas.

lundi 20 octobre 2008

Blogger : métier à risque

Un écho à 304. The Risk of Blogging: Getting Beaten Up raconte les malheurs d’un blogger critique gastronomique probablement battu pour ses opinions. Il conclut :
Speak your mind, but proceed with caution. Not everyone was raised as well as you.

Pourquoi parle-t-on de concurrence ?

Paradoxe : La France nouvel Eldorado des biocarburants brésiliens dit que le capitalisme c’est l’échange, donc la différence, pas la concurrence ; La concurrence : une illusion ajoute que la concurrence n’est qu’un régime transitoire. Pourquoi nous rebat-on les oreilles de concurrence ? Une hypothèse :

La concurrence a un intérêt, provisoire. Elle pousse l’homme à l’irrationalité. C’est un feu de paille qui rapporte à court terme à celui qui la déclenche. C’est une tactique efficace pour celui qui ne voit pas très loin, ou qui a des comptes à régler avec un groupe d’hommes ou d’entreprises. Caractéristiques des promoteurs de la concurrence ? Le fort met en concurrence les faibles ?

La concurrence : une illusion

Comme le montre le sport, la concurrence parfaite a un défaut, elle encourage la malversation. Je n’ai pas changé d’avis depuis mon premier livre :
Dans un contexte de concurrence parfaite où seul le prix compte, survivre impose de supprimer tout ce qui est inutile à court terme : c’est-à-dire tout ce qui n’est pas « vache à lait », donc l’innovation. Très rapidement, l’entreprise comprend qu’il est rationnel de tricher puisque, ainsi, elle prend un avantage sur ses opposants, ceux-ci sont alors obligés de faire de même pour survivre. C’est un cercle vicieux encouragé, d’ailleurs, par certains législateurs.
Ainsi le chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites permet aux entreprises de se remettre sur pied « à l’abri » de leurs créditeurs. Libérées de leurs dettes et voulant prendre un nouvel envol, elles ont intérêt à « casser les prix », ce qui conduit un secteur entier d’activité à suivre leur exemple (fin 2002, la plupart des grands transporteurs aériens américains étaient en faillite).

Une constatation qui est au centre des travaux de Michael Porter, gourou du management. Seul un petit nombre d’entreprises peuvent être « leaders par les coûts », le reste se différencie ou trouve des niches. Pour faire cesser la concurrence, les entreprises innovent. La concurrence n’est donc jamais que provisoire.

Et lorsque quelques entreprises se partagent un même marché, elles tendent à s’entendre, tacitement le plus souvent.

Oui, mais le monopole n’est-il pas un danger ? Je fais mes courses dans une grande surface proche de chez moi. Réorganisation. Certains produits ont disparu. Marges insuffisantes ? Je vais maintenant de plus en plus souvent dans une grande surface un peu plus éloignée. Il en est de même des voitures : elles ne sont pas en réelle concurrence, chaque marque est particulière. Mais il suffit qu’elle déçoive pour que son marché se détourne d’elle, et qu’elle soit obligée de se reprendre.

Et le risque qu’il y ait coordination des politiques de l’oligopole ? Je me souviens qu’un homme politique invité du Club économie avait observé que la grande distribution avait procédé à une augmentation collective de ses prix. Alors ont émergé des discounters. Exemple de « destruction créatrice » ? La pression de l’innovation force le monopole à ne pas s’endormir disait Schumpeter.

Compléments :

Changement et culture

Informations de RFI. Période difficile pour un grand groupe japonais, son P-DG divise son salaire par deux. Le rapport entre les salaires moyens du dirigeant et de l’employé est de 530 aux USA, 10 au Japon.

Différence culturelle. D’un côté une société d’individus, de l’autre une communauté. Dans un cas le changement (la crise) est supporté individuellement par chacun, dans l’autre c’est la société qui le prend en charge (les salaires sont réduits, mais personne n’est licencié).

Voir aussi : Voyage à Tokyo et Norbert Elias (sur l’individualisme occidental).

dimanche 19 octobre 2008

Carrefour dans l’impasse ?

The Economist (Shoped around) analyse le cas de Carrefour : des investisseurs seraient entrés dans son capital avec le projet de vendre son immobilier, et faire ensuite payer à Carrefour une location. Pour cela, il fallait que Carrefour maintienne des marges élevées. Mais il y a eu la crise ; et Carrefour est attaqué par des discounters. En attendant, son dirigeant n’a pas pu mener la stratégie de prix agressifs qui s’imposait.

Ça m’amène à un aspect de Governing the commons que je n’ai pas développé. La sélection à l’entrée joue un rôle capital dans l'administration du bien commun. Le cas de l’entreprise :

  • On n’y entre pas n’importe comment. Et on subit une acculturation. Edgar Schein a observé que les entreprises américaines faisaient subir à leurs employés un lavage de cerveau qui lui rappelait les techniques chinoises qu’il venait d’étudier à l’occasion de la guerre de Corée. 2 types d’acteurs échappent à ce mécanisme.
  • Les actionnaires. L’analyse de The Economist indique que leur intérêt peut être d'aller contre celui du bien commun pour en retirer un bénéfice à court terme (faire brûler le Van Gogh pour se réchauffer).
  • Les dirigeants. Dans le cas des multinationales, ils ont généralement une culture différente de celle de l’entreprise. Ce sont des « financiers », ils ne connaissent pas le « métier » de l’entreprise. Leur intérêt peut être le même que celui de l’entreprise mais, n’en connaissant pas les règles (le métier), ils peuvent la diriger incorrectement.

Cet exemple montre que le contrôle à l’entrée a deux rôles (au moins) : s’assurer que tous les membres de la communauté ont les mêmes intérêts ; leur faire partager les règles communes.

Mais le lavage de cerveau est inutile : l’arrivant (notamment le dirigeant) doit pouvoir apporter un savoir-faire nouveau à l’entreprise. Les fonds d’investissement, en particulier, aident souvent les entreprises à apercevoir des obstacles qu’elles se masquaient.

Compléments :

  • Sur la différence de culture dirigeant / entreprise : PLM.
  • Edgar Schein et le lavage de cerveau : SCHEIN, Edgar H., The Anxiety of Learning, Harvard Business Review, Mars 2002.
  • Sur l’utilité des fonds d’investissement : Au secours, mon patron est un fonds d’investissement.
  • Je soupçonne que la sélection à l'entrée fait le succès d’une communauté Internet. C’est ce que je retiens d’une observation de Cédric Bannel, dirigeant de Caradisiac : Caradisiac possède une communauté de commentateurs auto-organisée (et totalement indépendante de Caradisiac). Y entrer et y progresser est réglé par un processus sophistiqué.

La France nouvel Eldorado des biocarburants brésiliens

Rémy Janin dans un article de la Tribune (17 octobre), portant le titre de ce billet, explique que l’État diminue ses subventions à l’industrie des biocarburants français.

Une économie de 400m€ qui devrait, selon lui, coûter 25000 emplois, et fournir un marché captif aux exportations brésiliennes (« une délocalisation qui ne dit pas son nom ») : en 2010, il faudra incorporer 10% de biocarburants dans l’essence ; seuls les produits brésiliens seront concurrentiels. La subvention de l’État est passée de 50,2 centimes le litre en 2003, à 27 en 2008, à 17 en 2009, « or, selon le SNPAA, la filière n’est plus viable lorsque les aides passent sous la barre des 21 centimes par litre ». (SNPAA = Syndicat national des producteurs d’alcool agricole.) Observations :
  • La taille des subventions est inattendue. Y a-t-il beaucoup d’autres industries qui reçoivent de telles aides ? Ou qui se retournent vers l’Etat quand leurs affaires vont mal ? Renault parle de licencier 4000 personnes, ne devrait-il pas, lui aussi, demander de l’argent ?
  • Peut-on croire au chiffre de 21 centimes (calculé par le principal intéressé) ? Même si c’est le cas, comment se fait-il que la subvention ait été aussi élevée il y a encore peu ? La filière aurait-elle fait des gains de productivité colossaux (30 centimes par litre en 5 ans !) ? Pourquoi alors ne continuerait-elle pas à cette vitesse ?
  • Outre la stupidité du gouvernement, on voit dans l’article l’image terrifiante du Brésilien. Le concurrent qui cause le chômage de l’honnête français et ruine l’industrie agricole. Étrange, La Tribune était terrorisée il y a peu par la menace d’un réflexe protectionniste mondial, qui transformerait la crise en un cataclysme (OMC et Responsabilité de la Presse). Elle encourage maintenant le protectionnisme français ? Mais, au fond, n’a-t-elle pas raison ? La concurrence n’est-elle pas la logique du capitalisme ? L’élimination du faible par le fort ? Ne devons-nous pas protéger le faible ? Les 25000 otages du SNPAA ?
  • La logique du capitalisme, c’est l’échange, pas la concurrence. L’échange se nourrit de la diversité. Pour que les Chinois achètent nos produits, il faut 1) qu’ils aient l’argent pour cela, c'est-à-dire qu’ils soient capables de vendre quelque chose ; 2) qu’ils produisent autre chose que ce que nous produisons. Alors, plus ils produiront, plus ils achèteront, plus le reste du monde produira et achètera. Voilà le mécanisme qu’ont découvert les premiers économistes. C’est pourquoi ils étaient convaincus que l’échange ferait la fortune du monde et de tous.
    Application. D’une part, les exportations brésiliennes enrichissent le Brésil et lui permettent de consommer, nouveau marché pour les échanges internationaux. D’autre part, l’agriculture française dégage ses terres d’une production peu rentable, et se positionne sur d’autres marchés sur lesquels son savoir-faire lui donne un avantage. La population mondiale croît, le nombre de personnes atteignant un niveau de vie occidental va être multiplié probablement par 3, voire plus, dans les prochaines décennies. Le monde est un Eldorado pour l’agriculture française ! Juste une question de talent, et de motivation.

Complément :

  • Le mécanisme dont il est question ici est expliqué par Jean-Baptiste Say (Cours d’économie politique et autres essais, Flammarion, 1996). Si quelqu’un augmente sa production de x, cela veut dire qu’il a échangé ce x contre quelque chose d’équivalent. La production de l’ensemble a progressé de 2x (donc sa « richesse », le PIB étant la mesure conventionnelle de la richesse d’un pays). Si la production chinoise augmente de x, la production mondiale augmente de 2x. « L’émergence » de pays en développement est donc une bonne nouvelle pour l’économie.

samedi 18 octobre 2008

304

Une centaine de billets de plus. Enseignements ?
  • Intérêt du blog : enregistrer des idées qu’on n’aurait pas formulées. Retrouver la trace de sa pensée. C’est beaucoup mieux qu’un carnet de notes. D’autant plus qu’il faut se forcer à un peu de clarté et de rédaction, puisque ce qui est écrit peut être lu par d’autres.
  • Curieux stretch goal : dire ce que l'on pense, mais en respectant les règles de la politesse, de la cohabitation sociale. Question (compliquée parfois) de formulation. Finalement, c'est un exercice de démocratie.
  • Dans la conduite du changement, l’outil premier est le paradoxe. Le blog permet de les voir naître : ce sont mes erreurs. Je n’apprends que de mes erreurs.
  • Je pense de plus en plus que nos actes sont pilotés par l’inconscient, essentiellement. C’est en regardant ce que l’on a fait, que l’on y détecte une logique, une « intention ». De là, on peut avoir de nouvelles idées. La raison ne peut fonctionner qu’à partir de l’exploration faite par l’intuition. J’ai l’impression que c’est ce que disait Hegel. En lisant les billets de ce blog, je me demande ce que je veux en faire.
  • Google Analytics m’explique que les pics de fréquentation du blog sont dus à des gens qui se trompent. Ils cherchent des indiscrétions, me semble-t-il (par exemple un de mes billets sur la banque postale et les subprimes fait un malheur). Alors que ce blog ne parle pas du présent, mais de l’éternel ! Des mécanismes qui font ce que l’on est. Pas envie d’encourager ce trafic.
  • Je serais intéressé par des commentaires : la contradiction me fait avancer. C’est un autre type d’erreur, de paradoxe. Pour l’instant, ils me viennent indirectement, d’amis proches ou lointains. Je découvre qu’ils lisent mon blog (avec attention), dans leur conversation. C’est pour eux que j’écris ce blog. Maintenir un format de billet facile à lire, mais sans tomber dans la facilité publicitaire.
  • Ce blog a eu l’intérêt de m’ouvrir à l’actualité. Sans lui je n’aurais pas suivi McCain et Obama, la crise financière, je n’aurais pas découvert les théories du « bien commun »… Mais réagir à l’événement, à chaud, prend du temps. Attention à ne pas négliger pour autant le passé, et les travaux scientifiques qui explorent le changement depuis des siècles (et dont nous n’arrêtons pas de perdre le fil). Ne pas céder à la tentation du billet pour le billet, n’écrire que ce qui peut faire progresser la réflexion.

McCain et Obama (suite)

Ce que je comprends des commentaires des journalistes sur le dernier débat des candidats à la Présidence des USA (notamment, article de The Economist : The last word). McCain est en retard. Il est contraint à l’offensive. Et il est plutôt bon. Mais Obama paraît tactiquement supérieur : beaucoup plus jeune et moins expérimenté que son adversaire, il semble pourtant le dominer, avec bienveillance.

Le fait qu’Obama paraisse indestructible (optimisme selon Seligman ?), laisse penser qu’il a amené son adversaire sur son terrain : celui de la joute d’intellects. McCain essayait de l’entraîner sur celui des sentiments et des valeurs.

Était-ce d’ailleurs le terrain de McCain ? Un article de The Economist (de la semaine dernière : A moderate among hotheads) montre qu’il n’est pas très aimé de son état d’origine. Fait rare. Pourquoi ? Parce que ses valeurs, justement, ne sont pas celles dans lesquelles se reconnaît l’Amérique profonde. C’est un homme de principes certes, mais de principes abstraits. Il est descendant d’une dynastie d’amiraux : possède-t-il une âme de militaire ? Pour que ces principes triomphent faut-il qu’ils soient portés par un militaire prestigieux, Eisenhower, par exemple ?

Jennifer Chatman affirme que l'entreprise sélectionne ses membres suivant leurs valeurs (non selon leur compétence). En est-il de même pour les peuples et leurs gouvernants ?

Compléments :

GM et Chrysler : la fin ?

GM et Chrysler parlent de se rapprocher. Pourquoi?

The Economist (Seeking synergy) semble croire qu’il s’agit de rassembler le cash des deux entreprises et de massacrer à la tronçonneuse l’entreprise résultante. On n’en gardera que ce qui est absolument rentable. Souvenir de la conquête de l’Ouest : faire brûler la maison, pour en tirer les clous ?

Compléments :

Les 600m de la Caisse d’Épargne

Des traders de la Caisse d’Épargne se sont prêtés à un jeu dangereux. 600m€ de perdus. Les financiers : tous pourris ?

  • Dimanche dernier, salon de l’Automobile. À 10h l’entrée est noire de monde. Pourtant un automobiliste n’hésite pas à passer au feu rouge. Démonstration de la conduite à la française. Le lieu s’y prêtait.
  • Il est rare, lorsque je me promène dans mon quartier, que je ne rencontre pas un ou deux véhicules qui roulent en sens interdit.

Donnez à un Français les moyens d'un coup financier, un peu tordu, un peu illégal, mais évidemment bénéfique. Que croyez-vous qu’il fera ?

Société Générale et contrôle culturel

Industrie agro-alimentaire en bonne santé ?

Paradoxe. J’ai passé une journée (Changement et agriculture) avec des gens qui m’ont convaincu que rien n’allait. Mais, quand je leur ai proposé de me parler de leurs problèmes, rien de très compliqué n’est sorti. Peut-être ne voulaient-ils pas parler en public ? D’autres hypothèses :
  • J’ai noté un même phénomène chez mes étudiants de MBA, qui sont des cadres intermédiaires. Ils se plaignent beaucoup, mais il est rare qu’ils aient envie de changer. Or, quand ils ont un problème, ils savent immédiatement me trouver. Conclusion ?Probablement le Français et l'industriel de l'agro-alimentaire savent manœuvrer le système. Leur tactique est celle du commercial : il proteste de la difficulté de sa tâche, pour obtenir l’objectif le plus avantageux.
  • En appui : l’agriculture a un énorme pouvoir en France (Green power), que n’a probablement pas une autre branche de l’économie. Et, elle a un plus faible risque de délocalisation : ce qu’elle vend, en grande partie, c’est la France.
  • En appui : mes interlocuteurs se sont dits « optimistes », au sens de Martin Seligman. C'est-à-dire qu’une difficulté les stimule. Ce qui signifie qu’ils maîtrisent les règles du jeu. Certes, il est fatigant, il demande de grands talents, mais ils savent comment gagner.

Compléments :

Faut-il dépoussiérer Marx ?

Alain Badiou (De quel réel cette crise est-elle le spectacle ?, LE MONDE.fr 17 octobre 08).
Au spectacle malfaisant du capitalisme, nous opposons le réel des peuples, de l'existence de tous dans le mouvement propre des idées. Le motif d'une émancipation de l'humanité n'a rien perdu de sa puissance. Le mot "communisme", qui a longtemps nommé cette puissance, a certes été avili et prostitué.
Mais, aujourd'hui, sa disparition ne sert que les tenants de l'ordre, que les acteurs fébriles du film catastrophe. Nous allons le ressusciter, dans sa neuve clarté. Qui est aussi son ancienne vertu, quand Marx disait du communisme qu'il "rompait de la façon la plus radicale avec les idées traditionnelles" et qu'il faisait surgir "une association où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous".
Marx, trahi par ses disciples, source de jouvence à redécouvrir ?
  • Les idées de Marx étaient une variante de la culture ambiante en Allemagne. Rien de très original.
  • C’était un économiste des plus classiques, un disciple obéissant des premiers économistes tels qu’Adam Smith. Comme eux, c’était un effroyable matérialiste, qui ne rêvait que de produire le plus possible. Un amoureux de la Révolution industrielle. Certes la production devait profiter à tous, mais elle n’en était pas moins polluante et à effet de serre, déchets nucléaires et OGM.
  • Il avait appelé sa doctrine « socialisme scientifique ». Elle annonçait la fin de l’histoire. Ce qui n’avait rien de scientifique : la seule chose dont la science semble certaine, c’est que l’avenir est imprévisible. Le scientifique n’avait rien de scientifique, juste un argument d’autorité.
Un homme gavé de l’idéologie de son temps, et manipulateur. C’est cela notre dernier espoir de régénération ?

vendredi 17 octobre 2008

PLM

DEBAECKER, Denis, PLM : la gestion collaborative du cycle de vie des produits, Lavoisier, 2004.

J’ai retrouvé récemment un ancien collègues de Dassault Systèmes, Denis Debaecker. Il s’est passionné pour le PLM (Product Life Cycle Management) auquel il a consacré sa carrière.

Il a écrit un livre sur le PLM, que je trouve impressionnant. Mais pourquoi diable n’a-t-il pas profité d’un minimum de travail d’édition ou de relecture ? Une fois de plus, je me demande comment l’édition française a pu tomber si bas.

Le PLM est un système pour gérer les données produit et process pour l’ensemble de leur cycle de vie.
Ce livre est un gros catalogue de techniques sophistiquées. Pas très simple de savoir par quel bout prendre le sujet. Faut-il en vouloir à Denis ? Non. Nous les trouvons complexes parce qu’il nous manque la motivation pour les aborder. Ici, il y a un paradoxe. Et Denis Debaecker le souligne :

Il est difficile de surestimer l’enjeu du PLM. La conception d’un produit conditionne presque totalement son coût. Si elle est mal faite, il sera impossible d’améliorer le produit. Il sera compliqué, et très cher, à fabriquer. Et souvent peu fiable. Or, les dirigeants concentrent tout leur effort sur l’aval du processus : sur la production (cf. les « délocalisations ») et le transport.

« C’est idiot ! » mais c’est logique. Les managers américains ou français sont des financiers peu familiers avec le métier de l’entreprise. Ils sont mal à l’aise avec ses produits. Mais ils savent lire des business plans, négocier des contrats de sous-traitance, acheter des machines et des usines. Ils font ce qu’ils peuvent.

Conduite du changement : compétence ordinaire

Un thème de ce blog est que nous faisons tous de la conduite du changement sans le savoir (ce qui nous manque est l'efficacité, mais pas les bases). Quelques observations concernant le cabinet de conseil en SI Neoxia :
  1. L’expérience lui a montré que les raisons d’échec des projets informatiques étaient une structure dont l’organisation « tuait » le projet (principalement, problème de communication). Donc, il faut changer l’organisation pour qu’elle puisse mener le projet. Une fois que c’est fait, il devient serein, suivant l'expression de Neoxia. On est passé de l'émotionnel au rationnel.
  2. Neoxia n’a pas de consultants en conduite du changement, mais ses consultants ont une compétence « d’animateur du changement ».
  3. L’animateur du changement doit être un « donneur d’aide » : c’est quelqu’un vers qui l’on se tourne naturellement lorsque l’on est face à une difficulté. La problème du changement est organisationnel : l’organisation actuelle de l’entreprise n’est pas capable de faire ce que lui demande son management (mener à bien un projet, etc.). Exemple. L'organisation héirarchique usuelle (taylorienne) trouve anormal que ceux qui spécifient et ceux qui réalisent se parlent ! Or, spécifications et réalisation sont interdépendantes. L’animateur du changement doit éliminer ce dysfonctionnement. C’est aussi un homme de méthode, qui aide ceux avec qui il travaille à trouver un schéma directeur pour leur projet. (Il doit être capable d’expliquer que ce qui était parti pour un millier de pages de spécifications est un workflow composé de 20 services, dont chacun demande 2 semaines de réalisation.) Ce doit être un pédagogue (les équipes clientes ont rarement un niveau technique homogène). Il doit créer une dynamique de groupe : il doit savoir faire de la publicité aux succès ; donner aux gens confiance en eux. (Surtout, lorsque le projet entre dans le cadre d’une transformation de l’entreprise inquiétante : fusion ou acquisition, restructuration…).
  4. La phase importante de la mission du consultant est le diagnostic. Il doit repérer la méthode « qu’attend » l’organisation pour résoudre la question qui lui est posée. Une fois méthode et objectif approuvés par le management de l’entreprise, un plan de mise en œuvre du changement est conçu. L’animateur est catalyseur du processus (élimination de la résistance au changement, maintien du processus dans une durée courte...). Puis il accompagne la mise en œuvre du plan d’action, en identifiant et prévenant les résistances. Plus précisément : le changement n’est pas fréquent, peu de gens y sont habitués (le Français est formé pour appliquer, pas pour remettre en cause) ; les personnels de l’entreprise cliente doutent souvent de leurs compétences ; il faut détecter la montée de ces doutes, stimuler la découverte de solutions (qu’ils ont dans la tête) et les encourager dans leur mise en œuvre.
  5. L’animateur du changement intervient donc le plus tôt possible, et tout au long de la mission. Son rôle premier : faire que les personnels deviennent une équipe, et ne restent pas isolées - la source majeure des échecs des projets de SI.
  6. Aujourd’hui les compétences de conduite du changement ne sont pas reconnues par le client, en tant que telles. Mais il appelle Neoxia pour des sujets qui signifient, indirectement, un changement (c'est-à-dire faire ce qu'on ne sait pas faire - ma définition du changement).
  7. Les fondateurs de la société étaient eux-mêmes des animateurs du changement et ont recruté des collaborateurs qui leur ressemblaient.
  8. Mécaniquement, la compétence d’animation du changement (i.e. arriver à faire ce qu'on ne sait pas faire) est déterminante dans une carrière chez Neoxia. Sélection naturelle.

Voir aussi : Quelle formation en conduite du changement ? et Consultant en conduite du changement.

jeudi 16 octobre 2008

Anomie

Les marchés financiers continuent leur mouvement de yoyo. Un ami chasseur de têtes me dit que ses clients ne recrutent plus… Y a-t-il une raison derrière tout cela ?

Exercice fait lors de mes études. Les étudiants étaient divisés en équipes, les membres de chaque équipe l’un derrière l’autre. Ils sont supposés représenter une usine, qui passe commande à l’usine suivante. Le professeur joue le rôle du marché, qui passe commande à la première usine. Résultat curieux : les quantités commandées subissent d’énormes fluctuations. Alors que le volume demandé par le marché est constant ! Ce qui cause la fluctuation est une anticipation mal à propos.

Je me demande si une crise n’est pas une phase « d’anomie », au sens de Durkheim : la société n’a plus de règles. Du coup ses membres s’agitent bizarrement, ils ne savent plus comment se comporter, ce qui désorganise son fonctionnement.

DURKHEIM, Emile, Le suicide : Etude de sociologie, PUF, 2007.
Capitalisme et destruction.

Changement et agriculture

Hier, travail avec des dirigeants de la « filière animale » (La filière animale face à son destin). J’ai aussi fait un court exposé sur la résistance au changement, et comment l’utiliser pour conduire le changement. Une fois de plus j’ai été surpris de la quantité de notes que prenaient mes auditeurs. Pourtant, je crois, c’est la conclusion que je tire de la journée, qu’ils ont un art du changement que beaucoup pourraient leur envier.

Au fond, le changement qu'ils doivent apprendre à réussir, c’est la stabilisation de leur environnement. Comme je le disais dans un précédent billet, cet environnement paraît totalement démonté. Par exemple, la variation des cours de matières premières représente plusieurs fois leurs marges. Ce qui les met dans des situations impossibles s’ils ne peuvent pas répercuter leurs hausses sur le marché. Un participant disait qu’il était tellement occupé à « serrer les boulons » dans les périodes de crise et à pousser sa production pour répondre à la demande en période faste, qu’il n’avait plus de temps pour voir si une innovation n’était pas sur le point de survenir. Ce qui risquait de lui être fatal.

N’ayant pas vécu une telle situation, je n’ai pas de théorie très arrêtée sur les moyens de la traiter. Trois idées me viennent en tête :

  1. Augmenter la valeur ajoutée de l’offre pour limiter l’impact du coût des matières premières
  2. pour cela il faut réfléchir à ce que l’on apporte réellement au marché (ce qui n’est jamais ce que l’on croit)
  3. construire des réseaux d’alliés pour répartir les chocs sur le groupe. J’ai présenté ce que ce blog dit de la théorie du « bien commun » (Governing the commons et The logic of collective action), qui a beaucoup intrigué.
Le cas des coopératives est curieux. Je l'ai rencontré pour la première fois lors d'une conférence organisée par Sepco. Il semble plus complexe que celui de l'association ou de la mutuelle, qui ont pourtant une gouvernance du même type. La coopérative est possédée par ses adhérents (les agriculteurs de la région) et administrée par leurs élus. Le rôle du dirigeant général est inconfortable. Il doit piloter suivant l’intérêt général, alors que celui-ci n’existe pas : les intérêts des agriculteurs divergent. Plus exactement, ils ont le sentiment d’appartenir à une communauté si la région est pauvre. Si elle est riche, ce sentiment n’apparaît que par intermittence, lors des crises.

Je me demande si ce qui permet au dirigeant de mener sa barque n'est pas, justement, les divergences d’intérêt.

mercredi 15 octobre 2008

Formation à la conduite du changement

Mon expérience de la formation au changement débouche sur les idées suivantes :
  1. Il y a un dirigeant qui réussit bien le changement. Sa force est, simplement, d’être sensible aux problèmes humains (Overlap et fusion). C’est celui auquel je m’intéresse.
  2. Ce dirigeant donne souvent des signes de fatigue. Symptôme d’inefficience. La part du changement qu’il porte est trop élevée. En outre, il n'avance pas assez vite. Il lui manque quelques « trucs », des techniques efficaces. Il appuie sur l’accélérateur, parce qu’il n’a pas compris qu’il pourrait changer de vitesse.
  3. Ce qui manque à une personne est différent de ce qui manque à une autre. Il faut voir l’homme en action pour repérer ce dont il a besoin.
  4. Pour cela la technique de formation suivante donne de bons résultats. Elle vise à corriger les techniques d’un dirigeant lors d’un changement. 3 rendez-vous : 1) les questions auxquelles doit répondre un plan de changement + ébauche de solutions (une séance) 2) à partir de là un plan est construit par les dirigeants de la société (seuls) 3) « blindage du plan » (une séance) 4) démarrage de la mise en œuvre du plan : quels problèmes humains se posent / vont se poser ? Techniques pour les régler (une séance).
Avantages : une série de séminaires courts (une durée acceptable pour tout dirigeant) ; ça soude l’équipe dirigeante (si l'apprentissage est fait en équipe) ; un changement est réussi relativement rapidement et à peu de stress.

Quelle formation en conduite du changement ?
Consultant en conduite du changement.

mardi 14 octobre 2008

Un maître pour l'Islande

Après une première chute de 30%, la bourse islandaise recule de 77%. L'Islande cherche de l'argent dans tous les rateliers. Plus inattendu elle va rejoindre l'UE en marche forcée et adopter l'Euro (Icelandic Stocks Drop 77% as Trading Resumes After 3-Day Halt).
  • Nouveau désastre d'apprentis sorciers qui ont cru être plus intelligents que les lois de la nature. (Il n’y a pas que les subprimes.)
  • Mais leurs épreuves ne sont pas finies. Il leur faut maintenant passer de l'ultralibéralisme à la bureaucratie européenne.
Je propose un modèle à imiter à l'Islande. Une nation de sa taille, et d'une histoire similaire. Une nation contre qui les crises du capitalisme se cassent les dents. Une société d'agriculteurs qui a su défendre son identité parce qu'elle a compris les règles non écrites de l'UE. La Corrèze. (Green power.)

Quelle formation en conduite du changement ?

Je rencontre fréquemment des personnes qui veulent faire leur carrière dans le conseil en conduite du changement. Elles me demandent mon avis. Voici ce que je leur dis :
  1. Conduire le changement c’est faire ce qu’on ne sait pas faire. La phase complexe de conduite du changement, trouver la solution à ce casse-tête, se fait donc très tôt, avant que l'organisation ne s’en rende compte. Une fois que le changement apparaît au grand jour, il ne s’agit plus que de mise en œuvre. Or, aujourd’hui, conduite du changement = formation (ou lavage de cerveau).
  2. Pour les universitaires du domaine (et pour moi), savoir conduire le changement est quasiment inné : être un « leader du changement » c’est, tout au début de sa carrière, avoir eu raison contre tous, et avoir mené à bien la mise en œuvre de ses idées sans pouvoir officiel. On s’améliore ensuite par absorption de techniques qui permettent de gagner en productivité. C'est comme cela que grandissent tous les champions humains, de quelque discipline que ce soit.
  3. La conduite du changement ne peut pas vivre seule. Elle se combine à un savoir faire pratique : on conduit le changement pour résoudre un problème. Ce qui signifie deux savoirs a) un savoir technique (par exemple contrôle de gestion) b) un savoir transformation des groupes humains.
  4. Il y a un marché pour les consultants en conduite du changement. Quel est leur rôle ? Probablement pas de conduire le changement. Plutôt de donner à ceux qui savent le faire les techniques qui leur manquent ? Entraîneur et champion.
Compléments :