mercredi 30 septembre 2009

Association et bénévolat

Serge Delwasse relève un paradoxe : bénévolat et association sont incompatibles. Voici comment je l’explique :

L’économie sociale, et les associations en particulier, sont de drôles de choses. Leur organisme directeur est une démocratie, qui a beaucoup de mal à prendre des décisions rapides. Si ces organismes ont un DG, il peut jouer les facilitateurs du processus. Il y a intérêt, puisqu'il a besoin de directives. Mais Serge Delwasse parle d’un autre type d’association :

Il s’agit de la « petite » association, sans directeur général, et quasiment sans structure permanente. Tout le monde y est bénévole. Imaginons que vous en soyez membre. De deux choses l’une : soit vous voulez le bien de l’organisation, soit vous voulez utiliser l’organisation pour le vôtre (pour faire connaître votre société, trouver des clients, un employeur…).

Si vous êtes dans le premier cas, à moins d’être riche ou saint, vous avez peu de chances d’avoir les moyens de passer le temps nécessaire pour vous faire élire à la tête de l’association, puis de l’administrer. Si vous êtes dans le second cas, c’est plus facile.

Par conséquent, une association sans structure a de fortes chances d’être dirigée par des personnes qui ne désirent pas l’intérêt collectif. Si l’on veut que ce ne soit pas le cas trop souvent, il faut probablement payer (faiblement) les membres du bureau.

Changement et pensée chinoise

Correspondances entre l’ancienne pensée chinoise et mes réflexions du moment :

  • J’écrivais dans un livre que ce qui cause les échecs du changement est que l’intuition du dirigeant est trompée par la complexité de l’organisation (implicitement il la croit « hiérarchique », « linéaire »). Pour faire bouger une organisation sans s’épuiser, il faut beaucoup s'entraîner pour que prendre des décisions efficaces devienne une seconde nature. C’est probablement la même chose pour le navigateur qui joue avec les dépressions pour aller le plus vite possible. Beaucoup de choses me paraissent « évidentes » alors qu’elles ne le sont pas à d’autres. Par contre, je me demande s’il ne faut pas désapprendre pour réapprendre. Il y a une foule de techniques qui allaient de soi dans ma jeunesse, que j’ai oubliées. Le fait de les expliquer a gommé mes réflexes. Et il faut que j’apprenne ce que je savais.
  • Le Confucianisme insiste pour donner à chacun sa place. Je crois que dans une entreprise un peu grande, ce qui fait le dysfonctionnement est que chacun n’est pas où il devrait être. Une fois que tous sont à « leur » place, l’organisation fonctionne, elle devient « intelligente » : non seulement elle résout ce qui jusque-là la bloquait de manière franchement irritante, mais elle va infiniment au-delà de tout ce que j’aurais pu imaginer, je suis devenu inutile. En quelque sorte, il y a une disposition des membres de l’entreprise et de la définition de leur fonction, qui représentent une forme d’optimalité : les dysfonctionnements disparaissent et l’ensemble se met à savoir résoudre « naturellement » les aléas qu’il rencontre ( à les utiliser pour se « réinventer » ?). D’après Confucius quand l’édifice est bien en place, il est indestructible, et son « souverain » le fait évoluer sans effort (non agir).
  • Chaque chose doit avoir son nom, insiste Confucius, qui déclenche l’action adaptée. Ce n’est pas très clair pour moi. Cependant, j’opère une sorte de classification des gens et de ce à quoi ils me semblent exceptionnellement bons. Il me faut peu de temps pour attribuer un talent particulier à quelqu’un, et en parler de manière convaincue. Généralement mes recommandations sont bonnes : les gens ont l’effet que j’avais prévu, ou, plus exactement, sont adaptés à la tâche pour laquelle ils me semblaient faits. Il y a des exceptions, mais, souvent, une modification mineure de posologie permet de corriger de manière satisfaisante la prescription.
  • Et l’abandon de l’égo ? Vouloir transformer une organisation c’est « vouloir » quelque chose. Mais, au fond, ce que je veux c’est que l’organisation devienne ce qu’il me semble qu’elle mérite de devenir, qu’elle se « réalise » comme dit Maslow. Peut-être que c’est un genre d’abandon d’égo ? C’est faire passer l’organisation avant soi ? Et si l’égo, la volonté bornée, irrationnelle, de domination, était l’énergie nécessaire au mécanisme d’apprentissage, qui est aveugle ? Il faut se battre contre les événements pour en intérioriser les règles ? Mais une fois que l’on a appris, il n’y a plus besoin d’égo ? Je dois avoir 0 en Taoïsme.

J’ai tout de même un différend avec ce que j’ai compris de Confucius. L’optimum confucianiste repose sur une hypothèse qui n’est peut-être pas juste. Cette hypothèse est que l’homme partage avec la nature un principe qui lui permet de « non agir » sur elle. Il me semble que ceci n’est vrai qu’approximativement :

  1. l’homme sera toujours dépassé par la complexité du monde, il ne pourra jamais qu’absorber une sous-partie de ses règles ;
  2. il existe des moments de « chaos », où rien ne va plus et où les règles qui lui étaient une seconde nature ont dépassé leur date de péremption.

Pour une vaccination sociale

La fin de l’inconscience ? comme plusieurs autres billets récents me montre une propriété fondamentale de l’homme : il déduit de ses expériences de jeunesse ce qu’il croira ensuite des lois de la nature, démontrées scientifiquement. S’il a baigné dans la crise et l’incertitude, il sait que tout est chance ; s’il n’a connu que le succès, il sait que le monde lui appartient. Ce qui est ennuyeux : il est condamné à répéter les erreurs de ses ancêtres, puisque ceux-ci, en les réparant, l’empêchent de les vivre.

D’où une idée qui m’est venue en écoutant une émission sur la grippe, dimanche : pourquoi ne pas vacciner les générations futures avec des souches atténuées de ce que Durkheim appelait des « pathologies sociales ».

Il suffirait de faire la liste de toutes les erreurs que la société a commises, et de déduire pour chacune une expérience qui, une fois vécue, empêcherait la dite nouvelle génération de la commettre.

Compléments :

  • Ces expériences ne sont pas forcément complexes, mais elles doivent être frappantes. Par exemple Paul Krugman parle d’un système de bons qui permettaient à une communauté d’étudiants de demander à d’autres de garder leurs enfants quand ils sortaient. Le système s’est arrêté lorsque les étudiants se sont mis à thésauriser leurs bons, de peur d’en manquer. Pour relancer la mécanique « l’état » a dû faire marcher la planche à bons. C’est un exemple d’une relance Keynésienne. KRUGMAN, Paul, The Return of Depression Economics, Princeton 1999.
  • Plus généralement, il existe la méthode des scénarios, l’équivalent de l’entraînement du sportif, qui convainc beaucoup mieux l’homme qu’une longue argumentation. (Ce qui prouve que son expérience continue à se construire, même à un âge avancé.) Exemple : Gérer une crise.

mardi 29 septembre 2009

Socialisme condamné par définition ?

L’Allemagne fait entrer au gouvernement le FDP, anti taxe, anti état et pro business. Or Angela Merkel jouit d’une forte popularité parce que l’état est massivement intervenu pour éviter le chômage (allant jusqu’à secourir Opel par une manœuvre discutée). Et, vues les dettes accumulées, la menace de l’effet de serre, le vieillissement de la population… une idéologie pro business, anti-impôt et anti état n’est pas la première idée qui vient à l’esprit. D’ailleurs n’est-ce pas la définition de la politique américaine à laquelle les Allemands attribuent la crise ?

Je ne connais pas suffisamment l’Allemagne pour avoir une opinion sur ce qui s’y passe. Mais il est tentant de penser qu’elle a surtout voté contre les socialistes. D’ailleurs, tous les autres partis ont fait de bons scores : les écolos et la question du développement durable ; die Linke, qui s’affirmerait comme la « vraie gauche ».

D’où, à nouveau, comment se fait-il qu’on punisse partout un socialisme qui n’est pas au pouvoir et qui devrait être un recours ?

Une curieuse idée me passe par la tête : et si c’était parce que la population rejetait l’ultralibéralisme, qu’elle rejetait les socialistes - perçus comme ultralibéraux ?

  • Partout dans le monde, il y a un repli identitaire. Les populations demandent la solidarité sociale des « leurs », c'est-à-dire des nations. C’est ce qu’apportent, à l’Ouest, les gouvernements de droite.
  • Mais, le concept fondateur du socialisme moderne, comme celui de l’ultralibéralisme, ce sont les droits de l’homme. En 1789, on parlait des droits de l’homme et du citoyen, aujourd’hui le citoyen à disparu, l’homme serait supposé un électron libre qui n’est lié à rien, et qui peut aller partout. Or, il se définit avant tout par l’édifice social dans lequel il se reconnaît, qu’il s’agisse de la nation, du monde, du clan…

Faire cohabiter socialisme et droits de l’homme dans leur acception moderne demande-t-il un socialisme mondial ? Le socialisme est-il l’ennemi naturel de la nation, comme le libéralisme financier, qui aspire à la globalisation ? C'est à approfondir.

Compléments

Roman Polanski

J’entends beaucoup parler de l’extradition de Roman Polanski. Une affaire qui lui pendait au nez depuis une trentaine d’années. L’indignation de France culture et, si j’ai bien compris, des Ministres de la culture et des affaires étrangères est grande.

Plusieurs choses me semblent quand même bizarres. Pour nos gouvernants l’affaire est claire et évidente, avec bon et mauvais. Moi, je la trouve un peu plus embrouillée :

  • L’extradition est légale. La critique des représentants de la France signifie-t-il que la France met en cause la loi américaine ? Les lois sont elles relatives ? Qu’est-ce qu’un monde sans lois ?
  • Une interprétation des aventures de R.Polanski est la suivante : des quadragénaires tendent un piège à une enfant de 13 ans, la droguent et la violent. L’un d’entre eux, un immigré, pour échapper à la justice, prend la fuite. Imaginons qu’un tel fait divers, ainsi formulé, survienne en France, à des gens ordinaires. L’opinion ne demanderait-elle pas vengeance, et le gouvernement ne s’exécuterait-il pas immédiatement en durcissant le régime carcéral et en exigeant bruyamment l’extradition du contrevenant ?
  • Les hommes de culture disent que Roman Polanski a derrière lui une œuvre admirable, ce qui lui donne des circonstances atténuantes. La loi n’est-elle la même pour tous ? Qu’en pense Socrate ?

Compléments :

  • Remarque sans rapport : je ne range pas Polanski parmi les grands réalisateurs. Plutôt parmi ceux qui ont su habilement utiliser les règles de l’art de leur temps, provoquer un peu parfois, mais non apporter quelque chose de vraiment nouveau au monde.

District 9

J’avais lu ou entendu parler de ce film il y a longtemps. Je m’attendais à quelque chose de malin et d’impertinent, j’ai eu un film malin, déprimant, et excessivement violent.

  • Le concept. Un retraitement fort intelligent de l’extraterrestre, qui ne ressemble à rien de ce que l’on a vu jusque-là. Ce n’est pas vraiment un extraterrestre, mais une espèce qui pourrait vivre sur terre (d’ailleurs, il n’a pas d’appareillage).
  • Techniquement c’est un reportage vidéo mené tambour battant. Ce que le réalisateur (forcément génial puisque) français est incapable de faire.
  • La dépression vient, outre de sa violence, inattendue pour ce qui semblait une fable, de l’image que le film donne du monde, qu’il segmente en 4 :

  1. La partie Sud Africaine de l’élite dirigeante de l’économie mondiale : des capitalistes calculateurs et dénués de tous sentiments.
  2. Une armée de tueurs, mercenaires des précédents.
  3. Une classe d’opprimés tombés dans l’abjection.
  4. Au milieu, quelques idiots qui ne doivent qu’à leur absence de capacités intellectuelles d’avoir gardé un fond d’humanité.

À vouloir nous faire croire que nous sommes des monstres, notre élite intellectuelle va nous jeter à la gorge les uns des autres. Il faudra un jour qu’elle apprenne que, si l’homme commet des erreurs, il n’est pas diabolique.

lundi 28 septembre 2009

Cap and Trade

Des économistes importants s’opposent avec vigueur à la politique de Cap and Trade de B.Obama. Paul Krugman s’étonne que leurs propos soient contredits par les théories qu’ils enseignement (et même par leur version pour débutants).

C’est paradoxal. Mais prévu par mes théories.

  1. Le comportement de ces individus devient logique si l’on admet que leur argumentation n’est qu’un moyen de nous convaincre de la vérité. La fin justifie les moyens.
  2. Leur vérité doit ressembler à ceci : l’économie c’est le bien. Donc a) l’entraver est criminel ; b) l’effet de serre ou toute autre externalité négative est impossible.
  3. Que leurs arguments soient faux est sans importance. Que leurs propos contredisent la science qu’ils ont enseignée ne compte pas, car leurs intentions sont bonnes, leurs mensonges pieux. De toute manière rien de ce qu’ils disent ne peut pas être tout à fait mauvais puisque leur conclusion est juste.

Tout ceci ne renouvelle pas beaucoup le propos du blog, mais m’amène à m’interroger sur le Cap and Trade : réduire les émissions de dioxyde de carbone en les enchérissant. Était-ce habile d’attaquer ainsi le problème de l’effet de serre ?

  • On commence à se douter qu’il va nous coûter cher, très cher. Difficile de chiffrer exactement (un tel cataclysme est-il du ressort du calcul économique ?), mais on peut avoir des idées des moyens qui nous seront nécessaires : il y aura probablement des événements météorologiques brutaux, des populations entières devront être protégées et définitivement déplacées…
  • Donc pourquoi ne pas faire payer aux pollueurs (à la plupart d’entre nous) le prix des mesures nécessaires à remettre la planète en ordre après leur passage ? Ne serait-il pas plus pédagogique de formuler ainsi la taxe carbone ?

Compléments :

Changement et MBA

Les MBA traversent, comme les collaborateurs après guerre, un moment difficile. À chaque crise, à chaque scandale, on découvre que le gros des bataillons des coupables vient de chez eux, et que leurs enseignants ont porté aux nues les pratiques et les théories qui révulsent les foules.

The Economist, fort intelligemment à mon avis, leur donne ce conseil :

Business schools need to make more room for people who are willing to bite the hands that feed them: to prick business bubbles, expose management fads and generally rough up the most feted managers. Kings once employed jesters to bring them down to earth. It’s time for business schools to do likewise.

Belle idée mais changement compliqué. Je doute que les enseignants actuels de MBA puissent se transformer en Galilée ou en Pasteur du management. Savent-ils faire autre chose que gagner énormément d’argent en louant ceux qui connaissent un moment de gloire, en les appelant des leaders, et en nous enjoignant de les singer ? D’ailleurs ont-ils la moindre idée de ce que signifie science ?

Ce qui m’amène aussi à me demander si le sort piteux de la recherche en management ne doit pas nous rendre prudent quant à une excessive dépendance de la recherche, en général, vis-à-vis de financements privés.

Compléments :

Avenir de l’automobile

Industrie automobile, quoi de neuf ?

  • Massive surcapacité de production. Les gouvernements ayant aidé les constructeurs, pour éviter leur faillite et un chômage massif, la question reste entière.
  • Massive réduction de l'offre de leasing d’où chute des prix de l’occasion. Mauvais pour le neuf.
  • Les constructeurs découvriraient l’importance du client, et du métier d’ingénieur. Nous voulons de petites voitures pas chères (et électriques). Comme les petites voitures sont peu rentables, ils vont devoir faire preuve d’intelligence dans leur conception. Fin des gadgets stupides qui ne servaient qu’à justifier le prix de la voiture. Et fin de l’ère des financiers au QI technique négatif ?
  • Plus inattendu : les constructeurs de grosses voitures seraient affectés par le vieillissement de la population. Le vieux achète petit et roule peu. Cela forcerait Mercedes et BMW à l’alliance, peut-être entre eux. (Ce qui semble difficile : si mes souvenirs de début de carrière sont bons, ces entreprises se haïssent…)

Compléments :

Ces modèles au style différent seraient moins lourds et comporteraient moins de pièces que ceux de la gamme actuelle. Des versions hybrides sont envisagées.

dimanche 27 septembre 2009

Irving Kristol

Rubrique nécrologique de The Economist. Irving Kristol est mort le 18 septembre à 89 ans. Il est le fondateur du néoconservatisme. C’est un peu grâce à lui que le monde a cru au libéralisme financier.

Parti du Trotskisme, et de la gauche Rooseveltienne, 68 semble avoir été son « coming out » : il a compris que ce que l’on détruisait, « les valeurs traditionnelles bourgeoises », était ce à quoi il tenait. Comme Ayn Rand, avec le bolchévisme, il a utilisé les armes de l’ennemi contre lui, c'est-à-dire la science, la philosophie, et la morale - le bien était désormais bourgeois. Et c’est en cela qu’il a rénové le conservatisme.

Au fond, il a combattu une manipulation de gauche par une manipulation de droite. Ce qui laisse entrevoir sa logique : comme beaucoup, il savait qu’il détenait la vérité, et que la vie était une guerre ; dans cette guerre, la pensée et la science étaient des armes. Au fond c’est assez scientifique, darwinien même : la nature donne la victoire à celui qui gagne… rêvons donc le monde qui nous plaît et gagnons. C’est surtout très anglo-saxon.

C’est compréhensible, mais pas défendable :

  1. Cette pensée n’est pas scientifique, plus exactement, le monde rêvé par le néoconservateur s’oppose aux lois de la nature, ce qui ne peut pas fonctionner. Si tu détruis le monde, Anglo-saxon, où est ta victoire ? C’est pour cela que la science ne doit pas être manipulée : elle est plus utile honnêtement employée.
  2. La vision d’un univers où se battent le bien et le mal, et où l'on utilise le lavage de cerveau est erronée. Elle produit des morts et des esclaves. Elle oublie qu'à côté de l’affrontement, il y a l’entraide, chacun apportant ses particularités au groupe. Très curieusement, c’est le principe fondamental du commerce : on n'échange que ce qui est différent. L’œuvre d’Adam Smith, la Bible du libéral, ne dit que cela : la richesse des nations c'est la différence ! Explication : plus nous sommes différents et spécialisés, plus nous pouvons produire, plus nous sommes riches ; donc en étendant au monde cette capacité à se spécialiser, la globalisation atteint l'optimum (matériel, pour Smith).

Compléments :

  • Il y a une autre façon d’expliquer la naissance du sophiste. Soit un enfant qui trouve que les règles de la société qu’on lui impose sont injustes. Il peut en déduire que c’est là leur rôle. Et donc qu’il doit les maîtriser pour être injuste. Il ne va donc pas s’y conformer, mais essayer d’en comprendre les rouages pour les plier à ses intérêts. C'est entièrement logique.
  • L’article insiste sur le fait qu’Irving Kristol était un homme sans regrets. Ce qui pourrait à la fois confirmer qu’il était sûr de sa vérité, et qu’il était peu prédisposé pour la science.

Obama et l’Afghanistan (suite)

Obama serait tenté d’abandonner l’Afghanistan ? (Reinforcing failure?).

he cannot be sanguine about sending ever more soldiers to prop up an incompetent government that has lost its legitimacy. Mr Obama’s main ambition in life is to transform America at home. The last thing he needs is a Vietnam.

Ce qui confirmerait mon idée selon laquelle seule l’intéresse l’Amérique ? (Voir, par exemple, le début de Minimaliste Obama.)

Évolution de l’homme et du blog

Dominique Delmas n’ayant pas pu enregistrer un commentaire, qui infirme une de mes conjectures, voici son texte :
Alors là il faut que tu te penches sur l'évolution des espèces. En très bref, selon mes souvenirs de biologie et de lectures, on part d'une soupe originelle avec beaucoup d'énergie pour aboutir aux premiers acides aminés bases des protéines, elles mêmes bases de la vie. Les premières cellules, de mémoire, sont des algues microscopiques, unicellulaires. Ensuite pour aboutir aux deux mondes distincts que sont le végétal et l'animal, je crois qu'il ne s'agit pas d'un ligne continue d'évolution dont chaque Règne, Embranchement, Classe, Ordre, Famille, Genre Espèce ou, Variété, etc. (le fameux RECOFGERVI) constituerait un maillon, mais plutôt un aboutissement de deux voies de développement tentées par dame Nature, avec à l'intérieur de multiples essais d'évolution et d'adaptation. Donc schématiquement notre algue a évolué, d'un côté vers le monde végétal sans cerveau sans mobilité et avec des stratégies de vie spécifiques, et de l'autre côté, vers le monde animal avec sa mobilité, et ses autres stratégies de développement. Chaque RECOFGERVI marque une étape des tests de la nature pour trouver le meilleur développement et la meilleure adaptation. Là je t'engage à te plonger dans nombres d'ouvrages traitant du sujet mais tu vas redécouvrir toutes les tendances évolutionnistes diverses et variées, sans parler des théories créationnistes, car finalement c'est peut être Dieu qui avec sa baguette magique.... Alors pour ma part le changement dans la nature est le fruit d'essais erreurs multiples qui aboutissent soit à des impasses soit à la poursuite de l'évolution. La différence entre l'homme et l'animal ou la plante c'est que l'homme à la capacité de se projeter et donc d'organiser ou de provoquer son changement contrairement à l'animal ou le végétal sur qui il tombe par hasard, pendant tous ces millions d'années. Voilà quelques réflexions à chaud qui méritent de longues, très longues discussions.
Au fond, ce blog ne fonctionne pas. Je m’épuise à réfléchir seul, alors que je suis totalement inefficace. Je devrais me contenter de lancer des sujets, et laisser la société leur trouver une solution. Mais pour cela encore faudrait-il que ce blog soit lu, ce qui demanderait, outre qu’il ait un sujet intéressant, que je lui fasse de la publicité, comme le disent Hervé Kabla et mes livres de marketing (et peut-être aussi que je change de plate-forme de blog). Pour que fonctionne « l’ordinateur social », il faut une « mise en œuvre du changement », et il n’y a que les cordonniers à être mal chaussés.
Compléments :
  • Et il n’y a pas qu’avec mon blog que je suis un mauvais leader du changement. Je n’ai pas fait grand-chose pour convaincre l’association Insead de modifier son site web soviétique pour qu’il permette que l’on y pose des questions à nos invités ou que l'on commente leurs propos... Dommage, il y a quelques jours je discutais avec Marc Jalabert de Microsoft, qui aurait aimé parler de Cloud Computing. Un forum sur la question aurait sûrement été très riche.
  • Heureusement, il n’y a que moi qui suis incompétent : InnoCentive utilise les techniques de Web social pour résoudre les problèmes qui font caler les entreprises.

samedi 26 septembre 2009

La fin de l’inconscience ?

The long-lasting socio-political effects of the economic crisis. Avoir subi une crise (locale) dans sa jeunesse persuade du peu de pouvoir qu’a l’individu sur son destin, de l’importance de la chance dans le succès, et nous fait aimer la solidarité sociale. Il en est de même de notre attitude vis-à-vis de la prise de risque financier, de notre attrait ou non pour la bourse. Ayant connu une crise, notre prochaine élite sera-t-elle prudente ?

Ces observations expliquent assez bien notre histoire. Les générations issues de la crise de 29, du fascisme et des monstruosités de la seconde guerre mondiale attribuaient ces maux terrifiants au capitalisme (ce que l’on a aujourd’hui totalement oublié). Ils ont voulu créer un monde solidaire. Partout, ils ont installé des institutions que l’on ne peut qualifier que de « socialistes ». Et les Anglo-saxons étaient les socialistes en chef. Conséquence : prospérité, paix et ennui. Les générations qui sont nées alors ont cru que l’avenir était prévisible, qu’elles ne devaient leur succès qu’à leur effort personnel, et que le monde serait bien plus amusant si elles donnaient libre cours à leur génie. Le poids de l'état fût insupportable. Vint alors 68, qui est à la gauche ce que le libéralisme est à la droite : la revanche de l’individu sur la société.

Nos prochaines élites auront-elles donc plus de plomb dans la cervelle que les actuelles ?

Galbraith disait que les théories qui ont causé cette crise sont aussi vieilles que le capitalisme. Il les jugeait déjà ridicules et dépassées dans les années 50. Comment ont-elles pu résister à la grande crise et à la guerre ? De la même façon que l’armée allemande, sauvée par le pouvoir politique, a pu parler de « coup de poignard dans le dos » dans les années 20 : parce qu’elle n’avait pas été mise à genoux. À chaque crise, les classes dirigeantes sont protégées par le pouvoir. Or, elles ne se renouvellent pas, elles dirigent de père en fils (cf. la fin de l’ascenseur social français). Donc, elles n’apprennent pas. Pire, en Occident, l'élite passe ses années de formation dans des universités d'élite où elle est entre soi et se repaît de sa supériorité. Et quand il y a sélection, elle est basée sur le succès !

Compléments :

  • Ce qui compte dans la détermination des certitudes dont parle l'article sont nos années de formation aux règles de la société (de 18 à 25 ans).
  • Sur l’organisation socialiste et planifiante d’après guerre, en Amérique : L’ère de la planification.
  • Hayek voyait dans ce socialisme le germe du fascisme (le cas suédois étant particulièrement préoccupant) : HAYEK (von) Friedrich A., The Road to Serfdom, University of Chicago Press, 1994.
  • Sur l’impact de 68 sur les institutions sociales françaises : 68 : victoire de l’individualisme ?
  • Les radios libres ou gauchisme (le Rock) et capitalisme (la pub) main dans la main : Good morning England.
  • La crise profite au riche : Le pauvre s’appauvrit, Vainqueur de la crise: la grande Enterprise. Par ailleurs, depuis 20 ans, l’Amérique réforme le monde et crée crise sur crise, sans en tirer de grands enseignements : Consensus de Washington.

La NASA en question

The Economist dénonce l’inefficacité de la NASA. Il faut la détruire, et faire de son argent un fonds de capital risque.

Exemple, d’une logique imparable, Iridium. L’entreprise proposait un système de téléphonie satellitaire. Elle a échoué (engloutissant les fonds de ses investisseurs), parce que ses terminaux n’étaient pas pratiques. Maintenant elle n’arrive pas à trouver l’argent pour les amener à la bonne taille. Ce même argent que gaspille la NASA.

Mais, qui nous dit que les capitaux risqueurs seront plus compétents que les fonctionnaires du gouvernement ? N’ont-ils pas fait un flop avec Iridium V1 ? Ne se sont-ils pas ridiculisés pendant la bulle Internet ? Sont-ils plus glorieux aujourd’hui ? L’argent de l’état américain serait-il entre de bonnes mains s’il était confié à des financiers ?

Et pourquoi la NASA bureaucratique nous a-t-elle éblouis dans les années 60 ? Pourquoi n’est-elle plus que l’ombre de son passé ?

J’ai un soupçon. La commission d’enquête sur la chute de la navette Columbia (2003) accusait la « culture » de la NASA. Les faiblesses structurelles de l’engin reflétaient les décisions d’un management qui avait ignoré l’expérience des experts et des faits. Qu’est-ce qui le motivait ? Des raisons économiques ? Et si les vices de l’entreprise privée expliquaient la déchéance de la NASA ?

Compléments :

  • Les problèmes de la NASA sont probablement à ranger au milieu de ceux de l’administration américaine (services de l’état), démolie par les apprentis sorciers libéraux : Décomposition de l’état américain
  • Par ailleurs, l’idée de transformer le budget de la NASA en fonds d’investissement est stupide, parce que les objectifs de la NASA, l’exploration de l’espace, ne sont pas du ressort du marché (faire des affaires). Si on ne met pas en cause sa mission, la question qui se pose est donc bien de comprendre ce qui a ruiné l’efficacité de la NASA.

vendredi 25 septembre 2009

La France peut elle changer Nicolas Sarkozy ?

Serions-nous en train de changer celui qui devait nous changer ? L’ultralibéral ami de George Bush paraît maintenant le champion du colbertisme. Réelle conversion ? C’est une question que je me pose depuis quelques temps, et qui a ré émergé dans une conversation hier.

J’aperçois deux phénomènes qui pourraient expliquer son comportement :

  1. « Quand on veut on peut ». N.Sarkozy ressemble au « self made man » américain. Il est arrivé au sommet par sa seule détermination. Son succès est celui du bâtisseur d’empire industriel. De cette expérience, il serait normal qu’il ait tiré la vision du monde des conservateurs américains : le riche nourrit la société, la pauvreté comme vice, l’état parasite insatiable de l’entreprise productrice du bien… Cette doctrine explique, selon moi, ses décisions initiales (favoriser ceux qui « travaillent dur », les fonctionnaires réformés par les pratiques privées, etc.).
  2. Le petit père des peuples. J’ai remarqué que le patron français n’était jamais aussi heureux que lorsqu’il était aimé de ses collaborateurs, seul avec eux, gouvernant sans intermédiaire (il n’y a que celui qui n’est pas sûr de soi qui est entouré de courtisans). Plutôt que son instinct, c’est la ferveur populaire qui le porte, du moins par instant.

jeudi 24 septembre 2009

Russie, Iran et USA

Informations de la radio. La Russie aurait changé d’avis concernant l’Iran. Elle approuverait les USA.

Contrepartie de l’abandon du projet de missiles américains (Bouclier antimissiles et autarcie américaine) ? L’Amérique se replie-t-elle sur ses problèmes nationaux, en abandonnant ses alliés d’hier ? Peut-on faire confiance à un tel ami ?

Taxe Tobin

M.Sarkozy aurait exhumé la Taxe Tobin. On en parlait hier pour le financement de notre politique environnementale mondiale (tiens, pourquoi n’y reviendrions nous pas ?). Aujourd'hui, elle mettrait du sable dans les rouages financiers, qui tendent à s’emballer, et tirerait du coupable les moyens de rembourser les désagréments qu’il nous cause. Sans y avoir réfléchi, je trouvais élégante cette sorte d’assurance anti-crise prélevée automatiquement. Mais The Economist présente des objections imparables. Que je ne comprends pas.

  1. La taxe ne marcherait que si tous les gouvernements s’y pliaient. Et, bien entendu, il y aura fatalement des parasites. Pas convaincu, cf. les paradis fiscaux. Il suffit que la plupart des grosses économies appliquent la mesure pour que les autres soient obligées de les suivre (par les premières).
  2. La liquidité des marchés en souffrirait (l’effet cherché), ce qui les rendrait plus volatiles. Les chercheurs l'affirment. Mais, la taxe Tobin est une variante des frais de transaction, or, il me semble que ces frais ont été élevés jadis, et je n’ai pas l’impression qu’on se soit plaint du type de perversions associées à la crise…
  3. Si elle avait existé, elle n’aurait pas évité la crise actuelle, au contraire. Elle favoriserait les gros, alors que justement on veut diminuer la taille des banques ; les coûts de transaction n’ont pas joué dans la crise puisque l’immobilier, à coût de transaction élevé, en est la cause. Certes, mais personne n’a dit que la Taxe Tobin éviterait seule les crises futures. C’est un élément parmi d’autres. Par exemple : si la taille des banques fait courir un risque social à la nation, pourquoi ne la réduisons-nous pas par loi ? (N'est pas un crime?) Et puis si les coûts de transaction n’ont pas gêné l’immobilier pourquoi gêneraient-ils la finance ? D’ailleurs n’avons-nous pas plus intérêt à ce qu’une banque s’enrichisse en exploitant ses clients, par des frais élevés, plutôt qu’elle ne cherche fortune dans une innovation financière menaçant la planète ?

Argument incompris, ou combat d’arrière garde d’une idéologie compromise ? à creuser.

Amazonie cité jardin

Curieux article sur l’Amazonie (Lost Garden Cities: Pre-Columbian Life in the Amazon) : la forêt amazonienne, au moins par endroits, aurait été densément peuplée, avec un système fractal de réseaux de villages plus ou moins importants (plus d’un millier de personnes pour les plus gros), reliés par des routes droites, larges (40m dans certains cas) et impeccablement tenues. La population cultivait des jardins et des vergers.

La forêt amazonienne actuelle aurait poussé sur ce terreau civilisé. La conquête espagnole (les épidémies qui l’accompagnaient) aurait liquidé la population. Sur le petit échantillon de territoire étudié (de l’ordre de 1500Km² ?), les 30 à 50.000 habitants du 13ème siècle étaient 500 en 1950.

Suis-je victime de l’influence de Rousseau ? à chaque fois que je lis ces histoires de sociétés apparemment stables et bien installées dans leur environnement, je me demande si l’Occident n’a pas dû sa gloire à de très mauvaises conditions de vie, comme le disait Urbanisation, guerre et commerce, cavaliers de l’apocalypse.

Compléments :

  • Les techniques de cultures des habitants de l'Amazonie auraient été plus « durables » que celles qu’utilisent les colons modernes (la terre amazonienne est pauvre et devient vite un désert). Ils devraient s’en inspirer.

mercredi 23 septembre 2009

Service français

J’ai oublié le code secret de mon portable. Trois erreurs, portable bloqué. Je vais à la boutique SFR d’à côté. Le vendeur, au téléphone, me dit qu’il essaie de joindre le service client SFR depuis 20 minutes. Que j’appelle donc le 1023. C’est un automate, qui me dévoile mon « code PUK » après une série interminable de manipulations crispantes. Je n’ai pas compris pourquoi j’ai dû lui donner trois fois mon numéro de portable…

Ensuite, je rends visite au site web de conférence téléphonique de France Télécom. Lorsque je clique sur « pour en savoir plus », ça ne marche pas, pas plus d’ailleurs que le lien tarif. J’ai renoncé à la conférence.

Ah le service client à la française ! J’imagine qu’il résulte de notre culture, de notre incapacité quasi génétique à la mise en œuvre du changement. Tout chez nous est bricolé et stressant.

D’ailleurs, est-ce qu’un Allemand aurait oublié le code de son portable ?

Siège de Microsoft

Visite de l’immense siège français (on dit « campus ») de Microsoft. La construction de ce bâtiment serait un événement national : 6 ou 8 membres éminents du gouvernement devraient participer à son inauguration. L’ampleur du déplacement s’expliquerait par le symbole que représente cette sorte de délocalisation américaine en France : notre pays n’aurait pas totalement son histoire derrière lui.

C'est immense, amphis, salles de réunion, hall… Et tout est dans le ton et le goût des logiciels Microsoft.

Ce que je retiens de ma visite, c’est surtout l’écran interactif de Microsoft Surface une sorte de gigantesque ordinateur-table iPod, dont on « manipule » les objets avec les doigts (sans souris), que l’on peut utiliser à plusieurs, qui possède pas mal d’applications bluffantes (par exemple une simulation d’opération du cœur), et surtout une qualité d’image que l’écran merdique de mon Dell rend inconcevable. 13.000€ pour le moment.

Histoire de la pensée chinoise

Anne Cheng, Histoire de la pensée chinoise, Seuil, 2002. Très bon livre, étonnamment facile à lire compte tenu de la complexité de la question. Mais je prétends pas comprendre parfaitement quelques millénaires de réflexion regroupés en 600 pages. Je me suis surtout demandé ce que cette pensée avait de différent de la nôtre.

Similitudes…
Ce qui me frappe le plus dans la pensée chinoise, c’est son peu de différence avec la pensée occidentale. Dans les deux cas c’est une « pensée », i.e. une tentative d’explication des événements par la raison. Certes, si l’on divise cette raison en raison pure et raison pratique, la Chine paraît essentiellement du côté de la raison pratique, et nous essentiellement du côté de la raison pure. Mais pas complètement.
D’ailleurs le mouvement de la pensée semble le même : on pense dans les périodes d’incertitude et de changement ; on estime alors que les idées qui avaient cours précédemment ont causé les malheurs de la nation ; on cherche à les corriger, en réinterprétant des concepts fondamentaux (par exemple Dao, LI, ren, etc.).
Plus curieux peut-être, Occident et Chine auraient suivi des cycles similaires. La pensée de ces deux civilisation est d’abord matérialiste, et divisée en 2 : une tendance sociale, une tendance individualiste. En Occident Platonisme / Épicurisme (et autres courants matérialistes individualistes), en Chine Confucianisme et Taoïsme. Puis survient un « Moyen âge », non matérialiste : Bouddhisme en Chine, Christianisme en Occident (dans les deux cas, il s’agit d’une traduction peu fidèle d’un original étranger), et enfin un retour au matérialisme social (comme tendance dominante), « Renaissance ».

Différences…
À partir de ce substrat commun, la pensée occidentale et la pensée chinoise s'opposent exactement. Le plus simple est probablement de partir de la pensée anglo-saxonne, qui est l'extrême occidental.
L’Anglo-saxon ne peut pas imaginer qu’il puisse exister une volonté au dessus de la sienne, son monde est celui de l’individu (de l’atome), un individu qui prétend pétrir la nature comme de la glaise, mais qui, pour cela sait employer de grands moyens guerriers, « guerre à » est une expression familière aux USA depuis la dernière guerre (un exemple récent étant la « guerre au terrorisme » de M.Bush). Dans le monde anglo-saxon, l’homme est laissé à ses instincts, l’équilibre de la société étant une question de lois.
Pour la Chine tout est continu et en continuelle transformation. Les opposés n’existent pas, ils sont deux phases d’un même phénomène, l’un étant en train de devenir l’autre. En conséquence, l’homme, qui fait partie de ce tout et le contient, doit chercher à s’inscrire dans ce mouvement. Mais, puisqu’il appartient à la fabrique de l’univers, il peut aussi influencer son devenir. En fait, cette opération ne semble pas aller de soi. Il y aurait deux moyens de la réussir : le Confucianisme propose d’y parvenir par l’étude ; le Taoïsme, au contraire, cherche en soi l’universel. D’ailleurs l’homme n'a pas un rôle insignifiant : probablement parce que tout est lié, il est essentiel à l’ordre cosmique.
Comme dans les films de Robert Redford, le Chinois recherche donc le geste parfait, l’accord parfait avec l’ordre (en mouvement) du monde. L’homme doit se pénétrer si bien des lois de la nature, qu’il puisse faire ce qu’il désire sans le moindre effort, naturellement. S’il y avait un mal dans cette civilisation, ce serait l’activisme anglo-saxon. Tout le travail de sainteté consiste à se débarrasser de son égo, de sa violence, bref de son caractère anglo-saxon. Le saint est un miroir, il prend le point de vue des choses.
Pour les Confucianistes, parvenir à la sainteté consiste en une longue étude du monde, par l'action, qui permet de se pénétrer du « sens de l’humain », c'est-à-dire de la conscience de l’importance de la société pour l’homme, et des rites qui l’organisent, et qui sont le reflet exact des lois naturelles. Le saint n’a pas de libre arbitre, il fait le bien comme il respire, puisqu’il fait ce que réclame la morale sociale.
L’ordonnancement, l’harmonie semblent fondamentales pour cette pensée. Chaque chose doit avoir sa place, et c’est à l’homme, et en particulier au saint, l’empereur des Confucianistes, de la leur donner. (Les légistes, se méfiant de la qualité humaine, confient ce rôle aux institutions, et remplacent les rites par des lois.) Pour cela il doit occuper ce que nous traduisons par « le milieu », la « position » (la sainteté) qui permet d’ordonner l’univers. (L'empire du milieu n’est donc pas « l’empire du centre », mais le principe d’organisation du monde, et ce qui est en dehors c’est la terre et le ciel : pas d’autres hommes, juste quelques désagréables parasites ?) La pensée Confucianiste est éminemment politique.

Et efficacités comparées
Qui a la meilleure pensée ? Les Chinois. Leur conception du monde semble beaucoup plus proche de ce que nous dit la science que nos idées reçues occidentales. Mais, paradoxalement, c’est peut-être ce qui a causé leurs déconvenues. Alors que tout chez eux vise à l’action, et que tout chez nous est pensée, le résultat que nous avons obtenu les uns et les autres est à l’envers de ce qui était espéré. Les Chinois se sont enfoncés dans une réflexion tellement parfaite qu’elle s’est suffi à elle-même, alors que notre illusion de pouvoir comprendre les lois universelles par la « raison », notre pensée sommaire a donné du monde un modèle simpliste qui nous a fait croire que la fortune était à portée de main, et à l'image de Colomb et de son œuf, nous a jetés dans des conquêtes qui ont fait notre gloire. Bien entendu, notre action enthousiaste et approximative a aussi eu des effets imprévus, qui nous inquiètent aujourd’hui.

Compléments :
  • Dernier paradoxe, alors que leur pensée encourage les Chinois à comprendre le principe des choses, ils semblent totalement incapables de percevoir celui des pensées étrangères : ils ont fait une transformation du Bouddhisme qui n’a pas grand-chose à voir avec l’original (mais qui me semble plutôt un apport au Taoïsme) et j’ai le sentiment qu’il en est de même pour notre pensée (La pensée en Chine / Cheng).
  • Comme l’observe Histoire de l'Inde / Keay, les grandes pensées se seraient formalisées aux environs du 5ème siècle avant JC : bouddhiste, chinoise, grecque, hébraïque.

mardi 22 septembre 2009

Cloud Computing

Ce matin, je recevais Christophe Boulangé, Executive IT Architect d'IBM, pour le compte du Club Télécom de l’Insead. C’est un spécialiste du cloud computing. Voilà ce que j’en ai retenu, en attendant les notes de Bruno Dumont et Fabien Astic, mes coorganisateurs :

  • Les chiffres en jeu sont énormes, on parle de l’ordre de 30md$ pour 2009 (mais je ne sais pas trop ce que l’on compte là dedans). En fait il s’agit plus de déplacement de valeur que de création de quelque chose de nouveau. Les cartes seraient-elles en passe d’être rebattues entre monstres de l’informatique ?
  • Pour le moment, en tout cas, « rien ne va plus », on ne sait pas trop ce que tout ceci va donner. Surtout, il me semble qu’il va falloir trouver des applications au cloud, sachant que celles que l’on a en tête ne sont probablement pas pour tout de suite. En particulier qui voudra que ses données sensibles transitent par les USA et soient consultables par la CIA ? Pas les Suisses (ni les Français d’ailleurs). Et il semble y avoir un réel enjeu de qualité de service, Amazon ayant connu un grave problème ces derniers temps, dont certains de ses clients ne se seraient pas relevés.
  • Parmi les applications marquantes : IBM a créé un « cloud » pour ses 3500 chercheurs, retour sur investissement : 76 jours (jusque là ils commandaient de nouveaux équipements informatiques à chaque projet) ; un opérateur mobile indien a mis à disposition de son « écosystème » de développeurs d’applications, un cloud, qui leur donne accès à des ressources informatiques qu’ils ne pourraient pas se payer.

Le problème du cloud computing serait-il la confiance ? le cloud ne doit-il être utilisé qu’au sein d’une entreprise ou par un nuage d’alliés proches ?

Le delta du Rhône coule

Nouvelle conséquence imprévue de notre science de l’approximation : les deltas s’enfoncent, des centaines de millions de personnes sont menacées d’inondation ('Millions at risk' as deltas sink).

Deux phénomènes concomitants expliquent cette plongée des terres :

  1. barrages et irrigation privent les deltas de sédiments ;
  2. le pompage d’eau, de gaz et de pétrole abaisse le niveau des terres (3,7 m en un siècle pour le delta du Po).

Compléments :

Fondamentalisme et libéralisme

Comment être libéral ? se demande, avec angoisse et surprise, The Economist. Une université belge, d’esprit ouvert, a vu ses élèves femmes se couvrir de voiles, et ne plus pouvoir se déplacer sans chaperons. La mort dans l’âme elle a dû choisir l’intolérance. Le problème semble insoluble.

The story of the Antwerp Atheneum is the latest example of a paradox: how should liberal, tolerant Europeans protect their values, even as they protect the rights of less liberal minorities in their midst? Blanket laws banning headscarves are hardly a liberal solution. But Belgium’s piecemeal approach left Karin Heremans running something approaching a ghetto-school. Distrust anyone with a simple answer.

Venant de ce journal, un tel article est inattendu. Il a longtemps critiqué la laïcité française comme un obscurantisme. L’élite anglo-saxonne niait l’existence de cultures : dans un monde globalisé, civilisé par le marché, les querelles irrationnelles d’hier n’ont pas de place, la guerre est impensable. D’ailleurs il faut que cela soit ainsi pour que le libre échange vive. Ne signifie-t-il pas que les hommes puissent aller où ils ont le plus à gagner, sans entraves ? Le 11 septembre et les attentats de Londres ont marqué le début d’un changement d’opinion.

L’émergence du fondamentalisme révèle qu’une partie grandissante de la population refuse les valeurs de la nation à laquelle elle appartient. En voulant inventer la religion d’hier, cette population peut nous amener des siècles en arrière.

Et ce n’est pas parti pour s’améliorer. Les européens de souche vieillissent. Avec l’âge viendra la peur de l’autre, et un besoin croissant de lui. De plus en plus ils mépriseront, exploiteront, fliqueront et enfermeront dans des ghettos. Jusqu’au jour où le poids des immigrants sera suffisant pour faire entendre leur courroux.

Solution ? Découvrir ce que signifie « culture ». Ce n’est pas parce que l’utopie libérale est sans fondements que nous sommes condamnés au choix entre guerre civile et zéro immigration. Les cultures savent évoluer et fusionner. Mais cela demande du courage et de l’imagination de tous les côtés. Pas simple, mais pas désespéré.

Compléments :

  • Auparavant, il faudra regarder la question en face, ce que ne veulent pas les gouvernements ; ils préfèrent nous bercer d’illusions : Géniale droite.

lundi 21 septembre 2009

Journée du patrimoine

Dimanche, guidé par Victor, Cyprien et Joséphine, j’ai visité le Musée de la marine.

Avant de les retrouver j’entendais un architecte qui expliquait que Malraux avait voulu protéger le patrimoine parce qu’à son époque on trouvait insalubre et malsain le monument ancien : il fallait faire du neuf et du moderne.

Que la France soit dévastée par une idéologie ne tient souvent qu’à un fil, me suis-je dis.

Web2.0 et France d’en bas

De temps à autres, je lis les commentaires qui sont faits sur les films d’Allociné, ou qui suivent des articles ou des billets de blogs de journalistes, en France. J’y vois une communauté de points de vue.

  1. Qu’il s’agisse de films ou de stratégie de constructeurs automobiles, le propos est riche et intéressant. C’est l’effet Wikipedia : l’information est bien meilleure que celle qu’apporte le journaliste ou le critique. En fait, elle vient de l’intérieur, elle ne s’appuie pas sur telle ou telle théorie, ou idée reçue : qu’il s’agisse d’un technicien ou d’un spectateur, il parle de ce qu’il connaît, du marché et du métier de l’automobile ou de ses sentiments.
  2. On en veut à l’élite française, réalisateurs ou critique « bobo », ou top management qui ressemble comme un frère au dirigeant financier américain (méconnaissance complète du métier de l’entreprise, vision comptable à court terme, zéro pointé en stratégie).

Je ne sais pas quelle est la représentativité de ces opinions, mais elles semblent indiquer qu’une partie de la France, plutôt cultivée, s’indigne de ses classes dirigeantes et du lavage de cerveau auquel elle est soumise. Cela rejoint d’ailleurs ce que disait Jean-François Kahn ce matin : il trouvait invraisemblable que l’intégralité des médias ait appelé à voter oui au dernier référendum européen, alors que 55% des Français ont voté non.

Il est tentant de voir derrière ces observations le modèle que Galbraith prête à l’économie, légèrement aménagé : une petite élite appuyée sur des moyens de propagande qui cherchent à courber l’opinion à ses intérêts.

Cette propagande ne serait pas totalement efficace : il existerait une opposition, majoritaire ?, mais surtout silencieuse, qui arriverait par moment à se mobiliser (le référendum). Et qui, d’ailleurs, le fait peut-être de manière négative, en n’achetant pas les journaux, en ne fréquentant pas les films français intello ou en ne participant pas aux élections.

C’est probablement l’idée qu’a Jean-François Kahn : il pense que la France ne veut pas d’une « alternance », mais d’une « alternative ». Gauche et droite représentent, à quelques subtilités près, de mêmes idées. Il faut renouveler tout cela, et peut-être demander son aide à la France du placard.

Réconciliation avec l’économie

Depuis toujours, je pense que l’économie est une caricature de science, oeuvre de scientifiques ratés ; que le « marché » est le mal absolu, destructeur de tout ce qui est beau dans le monde, à commencer par la culture (au sens ethnologique du terme). Le désert culturel américain ne prouve-t-il pas mon propos ? Eh bien, à force d’écrire sur l’économie, et de démontrer qu’elle est ce que je pense, je comprends que j’ai tort.

Ma réflexion sur Google et la numérisation m’a fait prendre conscience de l’efficacité d’une entreprise déterminée. Enron ou Monsanto en sont deux autres exemples remarquables, mais Google peut produire un bien public, pas Monsanto ou Enron, c’est cela qui m’a converti.

Ce qui fait la force quasiment irrésistible d’un Google, d’un Enron ou d’un Monsanto, c’est l’absence totale de responsabilité : ces entreprises poursuivent avec une détermination monomaniaque leur objectif. C’est invraisemblablement efficace, à l’image du héros de films d’Hollywood qui vient à bout de tout.

Sumantra Ghoshal a parfaitement vu ce trait caractéristique de la société américaine, mais il n’en a pas compris l’utilité. Il a dit que l’économie et les sciences du management faisaient l’hypothèse implicite que l’homme était mauvais, et qu’il fallait le contrôler, d’où, par exemple, la théorie de l’agence en économie.

En fait, comme Adam Smith, l’Américain ne fait pas l’hypothèse que l’homme est mauvais, juste qu’il est irresponsable. Cependant, Adam Smith croyait que le marché s’autorégulerait (main invisible), l’Américain a compris que laissé à lui-même le marché ne produit pas que des Google, mais aussi des Monsanto et des Enron. Alors, il faut un contrôle. Il le croît du ressort des lois.

Au lieu de rejeter en bloc cette idéologie, comme le fait M.Ghoshal, il me semble qu’il faut y prendre ce qui est bon, et corriger ce qui ne va pas. Ce qui est bon est la formidable énergie de l’Américain, ce qui ne va pas c’est qu’on ne peut pas contrôler l’homme par des lois. Seul l’homme peut contrôler l’homme. Nous devons donc essayer de comprendre les lois du marché, come nous avons compris d’autres phénomènes naturels, afin de les utiliser pour le bien collectif.

Compléments :

  • Sumantra GHOSHAL, Bad Management Theories Are Destroying Good Management Practices, Academy of Management Learning and Education, 2005, Volume 4, n°1.

dimanche 20 septembre 2009

Décomposition de l’Etat américain

Jeffrey Sachs (The Crisis of Public Management, Scientific American, octobre 2009) observe que, loin d’avoir amélioré les services de l’Etat américain, les avoir confiés au privé a eu un effet désastreux :
  1. Le privé a pris en main la réglementation du secteur financier, avec les conséquences que l’on sait. La puissance des assurances privées et des fournisseurs de l'armée a produit une inflation massive des coûts de santé et militaires.
  2. Plus de capacité de planification. « La planification a été remplacée par le lobbying et des arrangements entre membres du Congrès qui sont opaques pour le public ».
  3. Pénurie de fonctionnaires compétents.
  4. Incapacité à mettre en œuvre les politiques à long terme de transformation de pans entiers de la société (santé, énergie), politiques qui font intervenir un grand nombre d’acteurs, à la fois publics et privés, que seul l’état peut coordonner, et pour lesquelles il joue aussi un rôle clé (recherche et développement, réglementation, accès des pauvres).
Autrement dit la société américaine est en face d’énormes changements. Or, comme pour les guerres, trouver la direction dans laquelle aller et mettre en oeuvre le plan qui en résulte, demande une infrastructure qui ne peut être que l'Etat.

Mais après des décennies de lavage de cerveau anti-état, sa reconstruction s’annonce un changement vraiment délicat. (Barack Obama paralysé ?)

Comment lutter contre la spéculation ?

Question posée à un dirigeant d’ENI (Total italien), et portant sur les récentes spéculations pétrolières.

Réponse : la spéculation ne s’explique pas par le manque de ressources pétrolières, si l’on compte tout, on en a probablement pour bien plus d’un siècle. Le problème vient des réserves.

Je crois que la spéculation pétrolière a utilisé la technique qui avait servi à Enron, et à quelques autres, à rançonner l’état californien, lorsque celui-ci avait voulu déréglementer son marché de l’énergie. Ce qui permet de produire l’offre (usines, puits pétroliers…) s’ajuste pour répondre à une demande « raisonnable ». Cet ajustement se fait à long terme, offre et demande ont peu de flexibilité. De ce fait, que le spéculateur arrive à réduire un rien l’offre et les prix explosent. C’est une conséquence de la loi de l’offre et de la demande.

Pour éviter cet effet pervers, il faut une surcapacité (ce qui a été fait en Californie) : alors, toute tentative de spéculation peut être noyée. Pour éviter les spéculations pétrolières, il faut donc augmenter les stocks de pétrole.

Compléments :

  • L’article : Squeezing more oil from the ground, Leonardo Maugeri, Scientific American, octobre 2009.
  • L’article va plus loin : il faut éviter les fluctuations aléatoires du prix du pétrole, causes de comportements désordonnés des gouvernements (un coup on multiplie les projets pétroliers, le coup d’après on abandonne les énergies propres…). Outre des surcapacités, il faut aussi pouvoir restreindre l’offre en cas de chute des prix.
  • La tentative de réforme du régime de santé par B.Obama va dans le même sens. Il a identifié qu’il y avait entente entre assureurs, il veut introduire un assureur public qui casse les ententes et force à la concurrence.
  • Le comportement des spéculateurs qui tendent à coordonner leur action, correspond assez bien à ce qui est prévu par : The Logic of Collective Action.

Science sans conscience

5 minutes d’écoute d’une émission de France culture, samedi matin. La section que j’ai entendue disait que plus rien n’était ce que signifiait son nom : les tomates poussaient hors sol, les vaches n’étaient plus que des machines à transformer les céréales en une quantité invraisemblable de lait, les chiens plus que de jolies choses… 1984 d'Orwell.

L’analyse de la valeur au centre de la pensée américaine

Cela reflète une tendance lourde de la civilisation américaine. Un exemple avant de décortiquer le phénomène : les OGM. Aujourd’hui, ce qui limite la quantité d’insecticide que l’on peut déverser sur une plante, c’est la plante : elle crève s’il y en a trop. Les chercheurs de Monsanto ont donc décidé de créer des organismes qui produisent du pesticide, et d’autres qui en absorbent d’énormes quantités sans crever.

La technique consiste à :

  1. repérer la fonction essentielle d’un être ou d’une chose,
  2. optimiser la marche de cette fonction, par tous les moyens.

Application. La fonction de la vache est le lait. On l’a donc trafiquée pour qu’elle en produise de plus en plus. Mais, au fond, pourquoi utiliser une vache ? Bientôt nous saurons concevoir des micro-organismes qui produiront du lait sans vache.

L’Américain pense que le rôle de l’homme est de modeler le monde. Il imagine l’idéal, un idéal infiniment simple (vache = lait), et il le crée dans un mouvement infernal d'essais et erreurs, convaincu qu'au bout du tunnel il y a beaucoup d'argent et la reconnaissance universelle. L’évolution de la génétique ouvre à cet activisme frénétique des horizons inimaginables.

Malheureusement, tout ne se passe pas comme prévu, petit à petit les tomates n’ont plus rien à voir avec les tomates, le lait n’est plus du lait, et nourrir des herbivores avec les cadavres de leurs congénères en fait des vaches folles…

Réinvention nécessaire

De plus en plus la science ne sert plus les intérêts de la société. Ses innovations prétendent améliorer notre sort, mais souvent elles le dégradent sans que l’on s’en rende compte immédiatement, les effets néfastes étant remis à plus tard.

Cette science a atteint un degré d’avancement qui lui permet d’opérer des transformations colossales, sans en connaître les conséquences à court ou à long terme. Et elle est entre les mains d’individus hyperspécialisés et emmurés dans leurs certitudes, et d’entreprises poussées par la logique du profit immédiat, et qui sont redoutablement efficaces pour parvenir à leurs fins.

Depuis des siècles la science a été sans conscience. Tout ce qui était scientifique était bien, et il fallait pousser la recherche à ses limites. C’est ce modèle que l'humanité doit revoir.

Un Yalta de l’activité humaine ?

Je me demande s'il ne faut pas chercher le renouveau du côté d'une division entre ce qui appartient à la logique du marché, et ce qui doit en être exclu.

  1. Adam Smith a défini cette logique. Le marché produit des produits, c'est-à-dire des biens matériels, éventuellement des services (ce qu'il n'avait pas prévu), dont les caractéristiques et les coûts sont connus - peu d'externalités. Son moteur est l’appétit égoïste, l’irresponsabilité.
  2. Le reste, les activités dont on ne peut pas mesurer les coûts, à risque, comme le génie génétique ou l'énergie nucléaire, est hors marché. Il doit subir, probablement, le contrôle intelligent d’une société démocratique (pas d’un état technocratique et dirigiste).

Compléments :

  • Google Books et la culture française montre à la fois l’efficacité et les dangers de l’économie de marché. Google réussit à monter un projet planétaire, qui est dans l’intérêt collectif, mais qui aurait demandé des décennies de discussions boiteuses aux gouvernements concernés pour aboutir. (Aurait-il abouti ?) Google prend les états, et la société, de vitesse. Le danger de cette efficacité est là : elle désarçonne les mécanismes sociaux de protection de l’individu et de l’humanité. Ce qui peut être bon pour l’entreprise peut être mortel pour la société.
  • Sur les OGM : SERALINI Gilles-Eric, Ces OGM qui changent le monde, Flammarion, 2004.
  • L’édifiante histoire de Monsanto : Le triomphe des OGM, et les dangers d’une science financée par l’entreprise : OGM, science et démocratie.
  • Sur ce que la logique de marché ne s’applique qu’à fort peu de choses : Conseil gratuit. (suite).
  • Repérer la fonction essentielle de quelque chose s'appelle l'analyse de la valeur. Le best seller de Kim et Mauborgne, Blue Ocean, a remis le sujet au goût du jour

samedi 19 septembre 2009

Google Books et la culture française

Hier j’entends à la radio un débat sur la numérisation par Google des fonds des bibliothèques. Hervé Kabla m’avait déjà fait entrapercevoir le sujet, mais l'affaire ne s'éclaircit pas :

Le débat

Je ne comprends pas les arguments qui s'affrontent.

  • M.Jeanneney dénoncerait l’emprise de l’intérêt, du monopole et de l’Amérique sur la culture française. Inutile d’aller plus loin dans la démonstration, on a caractérisé l’axe du mal ?
Lui (Google) confier, et à lui seul, qui vit du profit de la publicité et est enraciné, en dépit de l'universalité de son propos, dans la culture américaine, la responsabilité du choix des livres, la maîtrise planétaire de leur forme numérisée, et la quasi-exclusivité de leur indexation sur la Toile, le tout étant au service, direct ou indirect, de ses seuls gains d'entreprise, voilà bien qui n'était pas supportable.
  • Alain-Gérard Slama semble dire que l’on va aboutir à du Wikipedia, qu’il ne trouve pas sérieux (argument d’autorité), il en aurait aussi après le mode de recherche de Google, qui égarerait même les meilleurs esprits. Il faudrait nous protéger de cet insidieux outil de lavage de cerveau ?
  • Une objection rationnelle, cette fois : différence de droit de propriété entre l’Europe et les USA.
  • Du côté pour, on veut se précipiter, parce que, dans la numérisation qui se fait à l’étranger, il y a des livres français : la culture française va être représentée par une sélection américaine. Argument de MM.Jeanneney et Slama pris à l’envers.

C’est bizarre, mais on ne parle pas tellement de diffusion de connaissance. Le but des bibliothèques, c’est pourtant cette diffusion, de masse, non ? Je ne vois pas comment on peut rêver mieux qu'une numérisation systématique couplée à un accès démocratique. Et si l’opposition au projet venait de ceux dont le rôle est de dire au peuple ce qu’il doit penser ? Si c’est le cas, on a un choc des civilisations : pour l’Américain la culture n’est pas élitiste, mais populaire.

L’enquête

Je suis allé voir de quoi il s’agissait.

  • Aujourd’hui, très peu de documents sont téléchargeables (l’accès hors USA est bridé), ou, simplement, visibles intégralement. Pour cela, il faut qu’ils aient été publiés au 19ème siècle ou avant, et encore. L’idéal est d’être équipé d’un e-book, de façon à pouvoir lire confortablement les pdf téléchargés.
  • J’ai téléchargé un livre de Tom Paine publié au 18ème siècle. C’est relativement rapide, et résultat (y compris imprimé) de bonne qualité : plus facile à lire que l’original (et on n’a pas peur d’abîmer l’ouvrage). Ce qui est épatant, c’est qu’il est possible de faire de la recherche plein texte, et celle-ci reconnaît les caractères anciens (par exemple falsehood s’écrivait falfehood au 18ème). C’est une fonction remarquablement utile, même pour les livres que l’on possède (pour retrouver un passage, je suis obligé de me reposer sur ma mémoire et sur les notes que je prends en marge de ce que je lis).
  • Ce qui expliquerait l’effroi de nos hommes de culture, c’est que, comme Amazon, Google fait des suggestions d’ouvrages apparentés à ce qui semble la recherche du lecteur. Risque de manipulation ? Mais, si l’on en craint une, pourquoi ne pas la dénoncer, une fois que l’on en aura la preuve, ou proposer d’autres moyens de recherche ?

La rentabilité

Paradoxalement, ce que je ne comprends pas, c’est la rentabilité du projet :

  • Microsoft a tenté l'aventure et a jeté l'éponge, après avoir numérisé un million de livres.
  • Pierre Bazin, qui dirige la bibliothèque de Lyon, numérisée par Google, disait que le coût de la numérisation de 500.000 livres (d’un intérêt, en moyenne, extrêmement limité) était 60m€, à quoi il faut ajouter la maintenance des bases de données, et le dispositif pour les rendre accessibles.
  • Pour le moment, et pour sûrement encore longtemps, seuls les chercheurs auront un intérêt pour ce site. Pour le reste, il semble plutôt une boutique de promotion pour les librairies en ligne : la plupart des recherches donnant un livre non téléchargeable, et orientant vers sa version papier.
  • Quant aux revenus, on parle de publicité. Mais la publicité sur Internet ne rapporte rien, sauf à la fonction moteur de recherche de Google. Je ne vois pas le type de publicité qui peut rentabiliser des milliards de $ d’investissement (si j'extrapole les chiffres de Lyon). Commission sur les ventes de livres suscitées par Google Books ? Mais il faudra en vendre des centaines de millions par an, non ?...

Conclusion du moment

S'il y a danger, c'est celui de l'acquisition d'un bien commun (la connaissance) par un monopole. Cependant, aujourd'hui nous n'avons aucun autre moyen de l'obtenir. D'ailleurs, parmi ceux qui pourraient nous l'apporter, Google semble à la fois le plus rapide, et le moins dangereux pour notre indépendance intellectuelle.

Si l’on prend une optique à moyen terme, le projet semble formidablement intéressant. Paradoxalement, ce qui m’inquiète est sa rentabilité. N'avons-nous pas intérêt à ce que Google aille le plus loin possible dans son travail, tout en nous assurant que nous saurons récupérer et utiliser ce travail si Google fait faillite ?

Compléments :

  • Pour la première fois de ma vie, j’ai été innovant (sans le faire exprès) : on peut trouver mon dernier livre sur Google books.
  • Un aperçu de l’opinion de Jean-Noël Jeanneney (contre), et un autre de Pierre Bazin (pour), et pourquoi Harvard et d’autres ont choisi la numérisation par Google, et le projet Microsoft.
  • L'opinion (favorable) de The Economist.
  • Curieusement ce débat sur les moyens d’acquérir un bien commun illustre parfaitement la théorie économique (The Logic of Collective Action). Si on la suit, Google n’est pas optimal pour administrer le dit bien, le mieux, mais c’est compliqué à mettre en œuvre, est une gestion « démocratique » (Governing the Commons - plus ou moins le modèle Wikipedia).

vendredi 18 septembre 2009

Xavier Delanglade

J’interviewe Xavier Delanglade, qui vient de quitter FullSIX, dont il était directeur général, pour fonder TheBluePill. Il m’a peut-être fait comprendre quelque chose que je n’avais pas vu :

Pour moi Internet était un effroyable outil de marketing. Il n’est pas du tout propice à la publicité traditionnelle ; certes, il est adapté à la vente d’impulsion (effet « push »), mais seul Google a su en tirer parti. Ce que je n’avais pas vu c’est que combiner une campagne de communication télévision, radio ou papier, avec un envoi d’e-mails offrant les produits dont parle la publicité fait l’effet Google sans Google.

Si le procédé fonctionne mal, c’est une question de base de données. Les publicitaires utilisent soit les bases de données de fournisseurs en ligne, mais elles s’épuisent vite (surexploitées), soit des concours et des promotions, dont les participants acceptent de recevoir des offres. Mais ce sont des consommateurs de faible intérêt, et peu fidèles. En outre, le bombardement d’e-mails est brutal, et coûte cher à l’image de l’annonceur (il semblerait même que certains créent une marque pour e-mailing).

Xavier Delanglade, lui, utilise les bases de données de clients de grandes sociétés (CRM). Elles sont de grande qualité, et peu sollicitées. Leur propriétaire est rémunéré, un revenu non négligeable pour une direction du marketing, qui y gagne en plus une qualification de sa base (elle peut connaître le comportement de ses clients vis-à-vis d’autres produits).

Toute la difficulté de l’opération est de ne pas brutaliser le consommateur de façon à ce qu’il ne retire pas son nom de la base. L’idéal serait que les offres qui émanent de son fournisseur fonctionnent comme un système de fidélisation, un service qui répond à une attente (de même que les propositions que me fait Amazon m'intéressent).

Conservateur et bolchévisme

Ce blog observe avec étonnement une sorte de manipulation partie des USA et qui a contaminé le monde ces dernières décennies, une contamination qui a fait dire à nos valeurs le contraire de ce qu’elles signifiaient initialement. Un nom est derrière cette transformation : Ayn Rand (Ayn Rand and the Invincible Cult of Selfishness on the American Right).

Cette femme à la culture sommaire, totalement inconnue en France, semble avoir été un gourou. L’ancien patron de la FED, Alan Greenspan, était un membre de sa secte. Il lui doit toute sa pensée économique, et deux bulles spéculatives. D’ailleurs, l’influence d’Ayn Rand demeure telle que ses livres se vendent encore à un demi-million d’exemplaires par an.

Née Alisa Zinov'yevna Rosenbaum, en Russie, elle avait été tellement marquée par la révolution bolchevique qui avait exproprié ses riches parents qu'elle semble avoir été inspirée par une sorte de bolchevisme inversé.

  • Elle affirme que le riche est à l’origine de tout, que sa fortune est la mesure exacte de son apport à l’humanité, et que la chance n’a aucune part dans son succès. Le reste du monde n’est que paresseux : que les riches fassent grève, et nous crèverons.
  • Toute la théorie libérale des dernières décennies, celle qui semble démontrée par les meilleurs prix Nobel, est dans ses paroles : le laissez-faire, les marchés qui s’autorégulent, la sélection naturelle des plus utiles, c’est le bien. Il est immoral de distribuer l’argent des riches aux pauvres. D’ailleurs on ne parle plus de riches, mais de ceux qui « travaillent dur », le mot pauvre et remplacé par « paresseux ». Comme les bolchéviques, Ayn Rand et ses disciples modernes ne s’adressent pas à la raison, ils manipulent la morale universelle pour nous amener à faire ce qu’ils désirent. Ça s’appelle du lavage de cerveau.
  • Sa pensée, à la gloire de l’égoïsme (!), est, en réalité, un totalitarisme. Elle-même semble s’être comportée avec ses proches comme un petit Staline.

Compléments :

  • Ayn Rand ne m’était pas inconnue, comme je l’ai cru, en fait j’avais vu un très bizarre film tiré d’un de ses romans, La source vive, une histoire d’architecte joué par Gary Cooper. (Un film que la critique intello française adore, de même qu’elle adore Clint Eastwood… Il faudra un jour s’interroger sur la curieuse proximité entre nos bobos et les ultraconservateurs américains.)
  • Le billet que cite Barack Obama paralysé ? m’a mis sur la piste d’Ayn Rand. Il montre comment le discours républicain moderne applique à la lettre ses préceptes. Lisez Ayn Rand, et vous saurez répondre du tac au tac à la moindre réforme de B.Obama. De manière plus inattendue, N.Sarkozy parle comme Ayn Rand.
  • Le mail que je cite dans Propagande américaine illustre de manière parfaite le procédé d’Ayn Rand : un dirigeant s’y présente comme une victime de l’état. Il a passé la meilleure partie de sa vie à construire son entreprise, alors que les gens de son âge s’amusaient, aujourd’hui on jalouse sa fortune et on l’impose honteusement pour aider la mère célibataire et ses 4 enfants. Bouquet final : il va faire grève, fermer boutique, et qui va être le dindon de la farce ? Ses employés, ses clients, et la société, mais ils n'auront que ce qu'ils méritent, ces incapables.
  • La classe ouvrière du 19ème siècle pensait, à l’inverse d’Ayn Rand, qu’elle créait la richesse et était exploitée par les classes supérieures : Lutte de classes. Ses révolutions ont été une tentative infructueuse de prouver son point de vue.

Néoconservatisme et anarchisme

Dans un compte-rendu de livre (Etat et démocratie en question), je rencontre Rudolf Rocker, un anarchiste américain d'origine allemande, qui jouissait de l’estime générale.

Pour lui la nation et la religion asservissaient également l’homme, puisque l’homme acceptait leur domination. Il aurait mis tous ses espoirs dans la « loi naturelle ».

D’où une pensée pour Leo Strauss, qui croyait apparemment en cette « loi naturelle », et, une autre pour les néoconservateurs américains, qui se réclament de Strauss. Étaient-ils des anarchistes ?… Idée stupide ? L’Américain, particulièrement s’il est businessman, ne supporte aucune contrainte sociale, et croit l’homme indépendant de toute influence, capable de modeler le monde à sa volonté. Alors, ni Dieu ni Maître ? Et la main invisible du marché ? Pour les autres ?

Compléments :

jeudi 17 septembre 2009

Minimaliste Obama

Barack Obama est, par formation, un juriste. Quel type de juriste ? se demande un article un peu ancien (The Visionary Minimalist) :

J’apprends qu’il y a deux écoles juridiques. Les visionnaires qui veulent bousculer le monde pour faire le bien, et les minimalistes, qui jugent que nous avons tous une part de vérité et qu’une décision doit respecter chacun et ses coutumes.

Barack Obama semble un minimaliste. Ce qui en fait, paradoxalement, un visionnaire, puisque être un président minimaliste c'est vouloir réconcilier l’ensemble de l’Amérique, ce qui est assurément un rêve de géant.

Curieusement cette analyse, qui date de l’élection, âge agiographique, d’Obama, me l’a fait reconsidérer. Je pensais sa volonté de consensus une parole en l’air, convenue, sans conséquence, de politicien. Et s’il voulait vraiment unir l’Amérique ? Si c’était pour cela qu’il reste calme dans l’adversité ? Et s’il voulait construire un monde dans lequel ses parents auraient paru un couple ordinaire ?

Pour lui, la réconciliation c’est le changement.

Mais, il paraît déchaîner la haine. À tel point que le Président Carter suspecte une manifestation de racisme, que des interviewés du correspondant local de la BBC expliquent comme un refus de l’égalité économique noir / blanc (How Carolinians see the race row).

A force de voir de la manipulation partout, j’en viens à m’interroger sur ce que signifie cette haine. Imaginons qu’elle ne soit pas spontanée. Qui peut-y avoir intérêt ? Depuis Nixon les Républicains jouent l’Amérique d’en bas contre celle d’en haut. B.Obama ne met-il pas dangereusement cette stratégie en péril ?

Compléments :

Bouclier antimissiles et autarcie américaine

Selon la radio, B.Obama renonce au « bouclier antimissile » de M.Bush. Le bouclier inquiétait les Russes, B.Obama aurait obtenu une concession en échange de son oubli (une attitude moins amicale de la Russie vis-à-vis de l’Iran ?).

L’Europe de l’Est est inquiète, et se sent trahie (End of an affair?). Et je me demande si B.Obama n’organise pas un repli de l’Amérique vers son territoire, et l’abandon corrélatif de ses amis. Les commentateurs des dernières élections japonaises ne disaient-ils pas que les Japonais doutaient du soutien militaire américain, ce qui les jetait dans les bras de la Chine ? Lors de son passage en Europe B.Obama ne nous a-t-il pas reproché de ne pas prendre en main notre défense ?

Voici un scénario pour dirigeant européen : que signifierait un retrait américain ? Que faire dans ces conditions ?

Compléments :

La reprise en est-elle une ?

Macro situation notes explique qu’au moins aux USA la reprise s’explique par les effets du plan de relance, et de l’épuisement des stocks.

Mais en dehors de ça il n’y a pas de signe de vie : dès que l’action de l’état s’arrêtera, ce sera le trou d’air.

mercredi 16 septembre 2009

Il est criminel d’être pauvre

Noblesse oblige raconte une bien curieuse histoire. Nous sommes aux USA. On a découvert que demander à des infirmières de rendre visite à des mères pauvres pendant les deux premières années de leurs enfants réduit par 5 le taux de condamnation de ceux-ci devenus adolescents. Une tentative pour généraliser cette mesure rend hystérique les Républicains : inadmissible ingérence de l’état, c’est 1984 d’Orwell.

Cette histoire illustre-t-elle l’affrontement entre éthique de la conviction (principes sacrés), et éthique de la responsabilité (sauver des enfants) ? Ou une manipulation, comme le croit le billet : depuis quelques décennies les plus aisés ont développé une argumentation habile qui les peint en opprimés, et qui explique qu’ils ne doivent rien aux pauvres, au contraire ?

Compléments :

AT Kearney et le changement

Sachant qu’un des dirigeants de France Télécom est un ancien associé d’AT Kearney, je me suis demandé comment ce cabinet de conseil parlait de changement. J’ai trouvé un texte intéressant, qui dit certes beaucoup de choses qui paraissent banales au consultant ou au MBA, mais qui a une originalité :

La condition nécessaire et suffisante de changement réussi, c’est la capacité de l’organisation à changer. Ce qui se mesure en termes d’interaction entre ceux qui veulent le changement et l’organisation. Trois facteurs entrent dans la mesure de cette capacité :

  1. Le management a-t-il peu ou beaucoup de subordonnés ? Dans ce dernier cas, faible capacité de changement.
  2. Existe-t-il des outils (de communication, de pilotage…) qui démultiplient l’effort humain ?
  3. L’organisation est-elle complexe ?
Si votre organisation a une petite capacité de changement, c’est mal parti.

J’approuve : cette capacité à changer est ce que j’appelle dispositif de contrôle du changement, ce dont je fais moi aussi le facteur clé de succès du changement. Avec un désaccord, cependant. Les rédacteurs de l’article semblent penser que les dirigeants de l’entreprise décrètent le changement, et ensuite en poussent la mise en œuvre dans le cadre de leur activité quotidienne, quasiment sans sortir de leur bureau. Pour les aider, AT Kearney leur suggère de piloter leurs collaborateurs par ordinateur. Ce qui demande un changement… J’ai plus simple, et beaucoup moins hasardeux :

  1. Une phase de préparation du changement produit un plan d’action, qui est une simulation du changement. Il est de la responsabilité du comité de direction et d’hommes clés, avec une animation qui permet une « négociation » entre cette « task force » et la direction.
  2. La mise en œuvre du changement est donc celle du plan d’action ; l’équipe de gestion de projet suit le déroulement du plan, fait appel à la direction en tant que de besoin, et des points d’avancement hebdomadaires sont réalisés en présence du management.

De cette façon on optimise les interactions liées au changement, à coût minimum : c’est l’animation qui en est le vecteur principal, la direction n’intervient que lors des points d’avancement, et en cas « d’incident ».

En fait, l’efficacité de l’idée vient d’une propriété des organisations. L’expérience montre que le changement progresse par étapes, à chaque étape un tout petit nombre d’hommes clés joue un rôle décisif, c’est avec eux que doit se faire « l’interaction » du changement. C’est pourquoi elle peut être à la fois forte, et peu coûteuse, même en ce qui concerne un changement pour multinationale.

On a donc une « interaction » maximale (un contrôle du changement maximal), à coût (temps consacré par le management) vraiment faible.

Et notre dirigeant de FT ? Il a vingt collaborateurs directs

Compléments :