mardi 30 novembre 2010

Stratégie iranienne

Curieuse situation iranienne.
  • Obama tente une politique d’isolement, en nouant des alliances avec ses voisins.
  • Mais il a besoin de l’Iran pour stabiliser la région. Ce qui n’est pas dans l’intérêt de celle-ci.
  • L’Iran semble mal géré et pourrir de l’intérieur. S’il devenait une démocratie, cela débloquerait son potentiel économique. Mais ça ennuierait fortement les dictatures du Golfe…
Cela ressemble à la question de l’URSS. Et si l'Iran était un contrepoids aux tendances des puissants locaux et internationaux d’opprimer un peu trop les populations de la région ? (cf. la thèse de Le développement durable contre les pauvres.)

Durabilité de Wikileaks

Wikileaks aurait dit que la Chine était pour la fusion des deux Corée.

Oui, mais la source serait coréenne du sud. Et puis l’opinion serait celle de certaines personnes, pas forcément de tout le gouvernement chinois… (Informations de la BBC, ce matin.)
De l’avantage d’être impénétrable… D’ailleurs, la diplomatie l’est par nature. Elle a toujours dit tout et son contraire. Qu’aurait signifié une fuite venant de Talleyrand ?

Au fond, pour faire perdre toute crédibilité à Wikileaks, il suffit d’utiliser les tactiques de la guerre froide : lui transmettre quelques informations justes et beaucoup de fausses. Alternativement ce peut facilement devenir un outil de manipulation des foules. 

Lenny (2)

Lenny raconte l’histoire vraie d’un homme qui veut éliminer l’hypocrisie. Il démontre, à plusieurs reprises, que si l’on disait tout haut ce que l’on pense tout bas, la haine ne serait plus possible, et le monde serait harmonieux.

La question de l’hypocrisie est centrale dans toute conduite du changement. Le problème est assez curieux, et je ne suis pas sûr de bien le comprendre. Je me demande s'il ne peut pas se modéliser ainsi : 

Une personne n’est pas faite pour occuper une fonction (ou n’a pas les moyens de réussir), mais on ne le lui dit pas, ça ne se fait pas. Par contre on ne se prive pas de dénoncer, sous cape, son incompétence. En fait, elle fournit une excuse confortable pour ne pas faire correctement son propre travail. Nous sommes donc vus comme incompétent… Bref le problème est général.

Promettre de remettre chacun à la place où il est à l’aise (c’est l’objectif de tout changement) devrait susciter l'enthousiasme. Mais, comme l’illustre Lenny, c'est le contraire qui se produit. Pourquoi ? On en veut aux autres de leurs haines passées ? Nous sommes des drogués de l’hostilité ? La bien pensance est un mécanisme social déconnecté de la raison ?...

lundi 29 novembre 2010

Wikileaks pas intéressant

Je suis surpris à quel point les nouvelles fuites de Wikileaks sont de peu d’intérêt : Les révélations de WikiLeaks en quelques phrases-clés

Au fond, on n’y voit que de petites faiblesses humaines pas du tout surprenantes. On aurait le même type de citations si l’on trahissait ce que pense n’importe quel Français de n’importe qui d’autre.

Mittelstand

Le Mittelstand allemand est fait d’entreprises qui dominent des industries « démodées ». 90% vendent aux entreprises, et 70% sont installées à la campagne. Dirigeants anonymes, spécialisation, innovation permanente, service client impeccable et vendeurs amoureux de leurs produits. La globalisation leur a ouvert « d’énormes marchés globaux ». Mittel-management.

Inspiration pour l’entreprise française ?

Corruption en Inde

The Economist juge généralement que l’Inde est, plus que la Chine, la puissance de demain.

Mais comment pourra-t-elle l’être si « les de plus en plus matérialistes indiens deviennent complètement corrompus » ? Ce qui semblerait lié à l’exacerbation des inégalités amenée par la croissance économique.

Dernier scandale en date. Une mise aux enchères de fréquences télécom aurait fait perdre à l’État 40md$.

dimanche 28 novembre 2010

On est toujours trahi par les siens

D’après La zone euro rongée de l'intérieur, le « marché » qui s’en prend à l’euro n’est autre que les organismes financiers de la zone euro (par exemple les fonds d’assurance vie). Ils pourraient très bien mettre la dite zone en faillite, ce faisant coulant avec elle.

En fait, l’article tire cette conclusion de la nationalité des créditeurs d’un État. Comme le montre l’affaire irlandaise (billet précédent), c’est incorrect. Les États garantissent leurs banques, qui a prêté à la banque entre aussi en compte. Pour l’Irlande le problème vient de là. D'ailleurs, attaquer les « marchés » n’a pas grand sens. Chaque acteur, isolé, optimise son intérêt individuel, qui est de suivre le troupeau.

Un autre article remarque que, jusque là, la BCE garantissait les banques irlandaises. Si elles avaient fait faillite, elles l'auraient enterrée. 

Pas simple tout ça.

Où va l’argent du contribuable ?

L’affaire irlandaise est glauque. Elle ressemble à une énorme malversation par quelques individus. L’État irlandais a choisi de les aider, forçant la BCE, l’Europe et le FMI à le secourir.

Curieusement, alors que partout on entend le « contribuable » demander bruyamment la fin d’un État dispendieux, il n’a rien à dire sur la crise irlandaise. Aucun sens de l’honneur, pour commencer. Hier encore, on lui donnait l’Irlande en exemple. La France n’était-elle pas de la dernière ringardise ? Mais, surtout, son argent si difficilement gagné va dans des poches étrangères. Les banques irlandaises contiennent 203md€ de fonds non irlandais, dont 179 extérieurs à la zone euro ! Et ils prennent la poudre d’escampette (d'où la crise actuelle !!). (Plugging the hole.) Plus amusant : en aidant l’Irlande, nous creusons nos déficits français. Et si, demain, les si vertueux marchés financiers nous faisaient subir le sort de l’Irlande ?

L’Anglais, lui, a vu venir l’entourloupe. Il ne se sent aucune solidarité avec la zone euro. D’ailleurs, il pense, avec une grande satisfaction, qu’elle va exploser. Pourtant, en partie très significative, ses fonds sont en Irlande et en Espagne. Et l’Irlande est pour lui un plus gros partenaire commercial que les BRIC, tous ensemble ! Et la relance anglaise profite magnifiquement d’une massive dévaluation de la livre par rapport à l’euro…

C’est cela l’art du parasitisme : rendre le parasité coupable de ce qu’on lui vole ?

Compléments :
  • Le pire dans l’affaire est que l’Irlande elle-même semble vouloir, en partie ?, reconstruire sa prospérité en parasitant ses voisins…
  • Ce qu’en pense Paul Krugman : This Is The Way The Euro Ends.

Changement en Allemagne

Allemagne et crise. 2 caractéristiques marquantes.
  • Kurzarbeit. Il permet à l’entreprise de payer l’employé à temps partiel, l’État prenant en charge ce qu'elle ne paie pas. Semble particulièrement habile : évite chômage et déqualification.
  • Paupérisation. 6,7m de travailleurs « mal payés ».
A vrai dire, on frôle même les abus et l'exploitation en ce qui concerne les temps partiels et les bas salaires. Postes en intérims, CDD, ou même les mini-jobs, ces emplois de quelques heures hebdomadaires rémunérés 400 euros par mois sans charges sociales pour le salarié ont été, ces dernières années, la règle pour un nombre important de travailleurs du tertiaire. [Les "mini-jobs" concernent encore 12 % de la population active.]
Mais, lumière au bout du tunnel ? Prise de conscience générale de la situation. Bientôt meilleurs salaires et meilleure protection sociale ? (L’article du Monde.)

Compléments :
  • Ce qui pourrait aussi être bon pour le reste de l’Europe. Beaucoup de nos problèmes viennent de la dégradation des salaires allemands (il faut rappeler que cela a conduit à une diminution de 20 % des salaires. Et que ceux-ci, depuis dix ans, ont globalement stagné en Allemagne, contrairement aux autres pays européens). D'ailleurs, si l’Allemagne se mettait à un peu plus consommer ça apporterait à la Grèce et à d'autres les moyens de rembourser leurs dettes… 

Dilemme du prisonnier

J’explique habituellement que le changement ordinaire provoque le « dilemme du prisonnier ». Il casse les règles de coordinations entre individus et les amène à décider en fonction de leur seul intérêt.

L’expression vient de la théorie des jeux. Elle montre deux garnements qui ont fait un mauvais coup. Ils sont interrogés par la police. Si aucun ne parle, ils s’en tirent bien. Or, leur intérêt individuel est d’avouer. Résultat : prison.

En fait, je crois que le dilemme du prisonnier est au dessous de la vérité. Dans cette situation, l’homme ne va pas se contenter d’avouer, il va chercher à enfoncer son partenaire en allant jusqu’à inventer des crimes qu’il n’a pas commis. Les deux faisant la même chose, ils vont écoper de beaucoup plus que ce qu’ils méritaient.

Il me semble que c’est cela que provoque un changement mal mené. Une destruction étonnamment accélérée de l’organisation qui le subit. Curieusement, cela ressemble au cancer. 

samedi 27 novembre 2010

Francis Bernard

Impressionnante présentation de Francis Bernard, le fondateur de Dassault Systèmes. Et très élégant hommage à l’équipe dirigeante qui l’a remplacé (et qu’il a recrutée). Son explication du succès de DS m’a rappelé la pensée chinoise.
  • D’abord, il y eut une formidable conjonction de phénomènes favorables. La guerre froide faisait que Dassault sortait un nouvel avion par an, d’où course en avant technologique. Puis fin de la guerre froide et globalisation qui a répandu l’innovante CFAO (et l'anglais que ni DS ni la plupart de ses clients ne parlaient alors !) partout dans le monde. Il y eut l’alliance avec IBM, alors plus grande entreprise mondiale. Elle a apporté un colossal réseau commercial et son savoir-faire de génie logiciel, puis s’est effacée, après 30 ans sans beaucoup de nuages. Il y eut la culture mathématique française...
  • Mais DS a aussi su construire un formidable navire pour profiter de ce tsunami.

vendredi 26 novembre 2010

Accor

Les investisseurs qui dirigent le groupe Accor ont fait un intéressant choix stratégique.

Plutôt que de posséder leurs hôtels, ils préfèrent la franchise. La franchise fait courir un risque à l’image de marque de la société (difficulté à contrôler la qualité du service), et l’immobilier est porteur. Mais cela n’est pas bien mesuré par le marché.

Exemple d’enrichissement d’actionnaire par « destruction de valeur » ?

Compléments :

Qu’est-ce que la valeur ?

Pour L.Habib, les dernières décennies ont vu une destruction massive de « valeur ». Mais qu’est-ce que cette mystérieuse valeur ?

Le cas de la marque. Selon JN Kapferer, « Marque » est à prendre au sens premier de l’expression : il s’agit d’un repère. A ce repère est associé par le marché des expériences, qui le conduisent à lui donner une signification. La marque matérialise la réputation d’une société, d’un produit. Le risque que l’on court en la fréquentant / l’utilisant. La valeur de la marque, c’est le « capital de marque ». Progressivement la société décide de payer les produits de l’entreprise plus qu’ils ne semblent valoir. Et elle s’en porte bien. Cette « valeur » est impalpable et pourtant elle existe.

le phénomène peut aussi s'appréhender à l’envers. Lorsque la valeur de la fonction présidentielle est détruite, par exemple, le président, qui transcendait la nation, perd non seulement son prestige, mais est brutalement traité avec infiniment moins de respect qu’un autre homme. De sur-homme à sous-homme.

Compléments :
  • Destruction idéologique ? Le fondement de l’économie moderne, et de la culture anglo-saxonne, est l’homme rationnel, c'est-à-dire qui optimise son intérêt (ou utilité) en temps réel. Un calculateur permanent et parfait. Or, la valeur semble un phénomène social, « qui a des raisons que la raison ne comprend pas ». En appliquant l’idéologie anglo-saxonne nous avons démontré qu’elle détruisait ce qui faisait le prix de la vie ? 

Dire pourquoi

Problème principal du dirigeant face au changement. Il ne dit pas le pourquoi du changement. Que le comment. D’où méfiance, incompréhension, résistance, méprise… échec.

Pourquoi ne dit-on pas pourquoi ? Comment va réagir quelqu’un qui apprend qu’il va être licencié, alors que l’entreprise est prospère. Ou qu’il paie pour ce qui n’est pas de son fait ? Les conséquences du pourquoi font  peur.

Il y a une solution à ce mat apparent. Parler de l’intérêt général de l’entreprise. Cet intérêt peut être égoïste : « nous sommes sortis de notre marché », « nous sommes dans le rouge ». Mais il peut aussi concerner la « mission » de la société, son rôle social : « notre mission est la solidarité » (assurances parlant du retrait de l’État).

Ce pourquoi a besoin d’un autre pourquoi. Il doit expliquer, indirectement et en peu de mots, pourquoi l’on va réussir (capacités prouvées de l’organisation, moyens mis à sa disposition), mais aussi pourquoi le changement se fera selon des règles équitables. L’injustice est le plus formidable moteur de résistance changement.

Effets du changement

Une unité subit un changement. Avant, les équipes s’entraidaient. Maintenant c’est pire que le contraire.

Non seulement c’est chacun pour soi, mais on profite de la faiblesse de ses collègues (notamment des nouveaux embauchés). Par exemple, à leur insu, on leur délègue ce dont on ne veut pas. Et lorsqu’ils s’égarent, on ne le leur dit surtout pas.  

Cela peut envoyer très rapidement un employé par le fond. Lorsque celui-ci gère les clients de la société, on risque de vite le rejoindre.

Je n’avais jamais réalisé à quel point un changement mal mené pouvait être vicieusement destructeur. Et combien l’entraide était la condition nécessaire de son succès. 

jeudi 25 novembre 2010

Démocratie et science

Les scientifiques reprochent aux politiciens de l’Utah de vouloir influencer la conception des prochaines fusées habitées, pour maintenir l’emploi chez eux.

Politics should not dictate design of NASA rockets dit un article. Car la technologie proposée peut être dangereuse pour l’astronaute. Et il en existe d’autres, un peu plus anciennes, un peu plus difficiles à mettre au point, ou étrangères (mais là, même pour un scientifique, c’est inacceptable). Mort au politicien et à la démocratie ?

Mais comment s'assurer que les scientifiques, laissés à eux-mêmes, oeuvrent dans l'intérêt général ? Eux aussi ont leurs intérêts catégoriels. N'avons-nous pas surtout besoin d'un mécanisme démocratique efficace, qui prenne en compte les avis des uns et des autres, et qui leur trouve une solution qui satisfasse tout le monde ? Ici, qui réduise au mieux les risques humains, et qui facilite les problèmes d’emploi des travailleurs menacés ?

Keynes contre Marx

J’entends un dirigeant communiste parler à France Culture.

Il veut un « plan de relance ». Curieux : l’inégalité sociale n’a-t-elle pas été l’idée fixe du PC ? Or, tout montre qu’en 30 ans elle a crû, massivement (cf. accès aux grandes écoles, à la propriété, au travail…).

Keynes aurait-il tué Marx ?

Gouverner les masses

Quelque chose m’a frappé dans ma carrière. Une entreprise peut s’opposer à un changement, alors qu’elle lui est massivement favorable.

La psychologie explique ainsi ce paradoxe : l’homme suit ce qu’il pense être l’opinion générale (« validation sociale »). Même s’il n’est pas d’accord avec cette opinion.

Le plus curieux est que cela permet à une minorité déterminée d’imposer sa ligne de pensée aux masses. Il lui suffit de s’emparer, en quelque sorte, des moyens de communication. Cette minorité est fatalement petite, sans quoi, elle n’arriverait pas à coordonner ses intérêts divergents.

Le changement se produit lorsque la communication entre les hommes isolés s’établit et qu’ils découvrent l’identité de leur pensée. La minorité doit alors se fondre dans la masse.

Compléments :
  • De la validation sociale et de la théorie de l’influence : CIALDINI, Robert B., Influence: Science and Practice, Allyn and Bacon, 4ème édition, 2000.
  • L’économie explique le pouvoir des minorités : The logic of collective action.
  • Le changement ressemble à une transition de phases, en physique. De même que l’on peut amener la température de l’eau au dessous de zéro, sans congélation, de même les individus qui constituent un groupe peuvent changer d’avis, sans que le groupe ne se transforme. Dans les deux cas, la transition a besoin d’un catalyseur. 

mercredi 24 novembre 2010

Taliban victorieux

D’après la BBC, le Taliban serait stimulé par la perspective d’un départ rapide des forces de l’OTAN.

B.Obama aurait-il fait une erreur, grave, en annonçant une date de retrait ?
S’il y a retrait, effectivement. Mais peut-être pas sinon. Si le Taliban met toute son énergie dans la bataille et découvre qu’elle n’a servi à rien, il peut se décourager.

Compléments :
  • Au hasard d’une émission de radio, j’ai entendu quelques idées de Georges Lefeuvre, un ethnologue. Il semble dire que le problème afghan vient du peuple pachtoune, qui serait séparé entre l’Afghanistan et le Pakistan. D’après ce que je comprends, il faudrait trouver un moyen pour qu’il ait une libre capacité de déplacement. 

Perfide Albion

La croissance anglaise se porte bien (+ 0,8% au dernier trimestre d’après la BBC). Explication : exportation.

Comme quoi avoir la capacité de dévaluer sa monnaie est un grand avantage. Particulièrement quand on a un gros bloc à côté de soi qui est extrêmement fier de faire le contraire. 

Japon en déclin (toujours)

Une fois de plus, The Economist déplore le sort du Japon. Mais pourquoi diantre ne pas sortir la femme de son foyer et le retraité de sa retraite, appeler des immigrés, déréglementer, encourager la concurrence… ?

Que la culture japonaise est inutilement compliquée ! Qu’est belle la simplicité du libre échange ! Surtout quand elle s’applique aux autres. 

mardi 23 novembre 2010

Homéostasie et euro

Quand les marchés s’inquiètent pour les dettes de la périphérie de la zone euro, l’euro baisse et les exportations de la dite zone augmentent. Mes livres expliquent que la règle de la nature est l’homéostasie. Et si l’euro en donnait un exemple ?

Curieusement, à chaque fois, c’est l’Allemagne qui réveille les marchés et tire les marrons du feu.

Amérique polarisée

Le revenu médian américain a reculé de 7% en 9 ans. En Arizona, 83% des âgés sont blancs, 42% des moins de 25 ans sont hispaniques. Certaines villes attirent des diplômés, d’autres les perdent. Les blancs font des études de plus en plus longues, pas les minorités…

L’Amérique semble de moins en moins homogène. Se préparerait-elle à une grande lutte d’intérêts divergents ?

Austère Amérique

L’austérité en Amérique est une question de flux et de reflux. Le président Reagan fut l’origine de la précédente vague. Elle s’est échouée dans l’euphorie de la bulle Internet.

S’il est à nouveau question de rigueur, cette fois-ci « un consensus a émergé au sein des pays riches selon lequel l’austérité signifiait des réductions de dépenses plutôt qu’une augmentation d’impôts. » (Confronting the monster.)

Curieux « consensus ».  Les riches qui dirigent les pays riches ne voient pas à quoi leur servent les services publics ? 

lundi 22 novembre 2010

Politique française

The Economist pense que la droite française s’est repliée en ordre de bataille. Et que M.Fillon vise les élections de 2017. D’ailleurs, en remettant l’UMP à M.Copé, M.Sarkozy a divisé ses rivaux.

Mais pourquoi ne s’uniraient-ils, comme l’ont fait MM.Brown et Blair, en se partageant le pouvoir ?

Compléments :
  • Quant à la gauche, elle semble plus divisée que jamais. Il est vrai qu’elle avait envisagé de réfléchir à un programme. Tout était certainement préférable à cette perspective effrayante. 

De la solidité du mariage

Kate Middleton résistera-t-elle mieux que Diana ? se demande The Economist. (Just the job.)

Il propose une théorie, certainement généralisable, du mariage. Ce qui fait sa durabilité est un solide intérêt matériel. Or, Kate Middleton veut « l’emploi » de Reine depuis son enfance, et elle a l’expérience de l’âge.

Quant au prince William, on ne s’intéresse pas à son opinion. L’homme, surtout quand il est roi, est le jouet de la femme ?

Compléments :
  • J’entendais que le mariage royal pourrait rapporter 1md£ pour un investissement de 50m. Bien mieux que les Jeux Olympiques. L’Angleterre ne devrait-elle pas systématiquement exploiter les bénéfices financiers de cet aspect original de sa culture : la royauté ?

Tous des imbéciles

Pourquoi prend-on les ingénieurs (des télécoms) pour de petites têtes ? se demande Hervé Kabla.

James March et Herbert Simon (Organizations) se sont eux aussi posé la question quand ils ont découvert que la théorie des organisations pensait qu’un groupe d’hommes est une machine : il obéit aux ordres.

Hypothèse fondamentale de la culture occidentale ? Nous prenons l’homme pour un benêt. Nous n’avons pas compris qu’il avait un intellect. Cela vient peut-être de notre individualisme. Nous pensons que nous connaissons la seule bonne solution. Ceux qui n’y adhèrent pas sont stupides et doivent être traités comme tels ? 

dimanche 21 novembre 2010

Déclin intellectuel français

La domination intellectuelle du monde par la France a cessé. Pourquoi ?
(Les intellectuels français ont) « propagé des doctrines – monarchisme, fascisme, anti-sémitisme, communisme, et même le maoïsme – qui offraient des explications et des solutions à tout. » Du fait que ces doctrines ont échoué à apporter l’Utopie, « politiquement parlant, les artistes et les écrivains sont peut-être moins influents aujourd’hui, mais ils sont aussi moins dangereux ».
Compléments :
  • La citation oublie le « laisser-faire » (les économistes des Lumières), et le trotskysme. Parmi d’autres, probablement.
  • L’intellectuel français explique son déclin. 

État anglais

BBC 4 traitait hier de victimes d’inondations et d’assurances qui ne veulent pas assurer. Or l’État réduit ses moyens de lutte contre les inondations. Pourtant le risque augmente. Le ministre concerné explique qu’il faudra que l’initiative privée remplace l'État.

Jadis les intérêts du peuple passaient avant tout. Maintenant, ils sont secondaires. En fait, une petite partie de la société a acquis une grosse partie de la richesse nationale. Puisqu’on ne peut rien lui reprendre, il reste moins à répartir entre les membres de la société. Mais Tony Blair a cru à un miracle économique. Il a pensé que son pays était riche et a voulu en faire profiter les pauvres. Ce faisant il a endetté l’État.

Compléments :
  • Le même phénomène aux USA.
  • Peut-être n’y a-t-il ici qu’un mouvement naturel des choses ? De tous temps les riches ont voulu s’enrichir. Mais la guerre froide rendait dangereux un mécontentement populaire. Il l’est beaucoup moins depuis que l’URSS n’est plus. 

Succès irlandais

L’émigration irlandaise a recommencé. Une émission que j’écoutais hier disait que les jeunes, en particulier les étudiants, envisagent massivement de quitter leur pays. Irlande éternelle.

Le succès irlandais nous a émerveillés. Mais sur quoi était-il construit ?

Indice ? Le taux d’imposition des entreprises y demeure de 12,5%. Si bien qu’en dépit de la crise, elles se bousculent pour s’y implanter. L’Irlande a-t-elle été construite sur des expédients à court terme ? Trompé par un enrichissement facile, son peuple a-t-il basculé dans la recherche de moyens de plus en plus hasardeux de gagner de l’argent ? 

Compléments :
  • Deutschland über Alles ? L'Allemagne aurait-elle raison de nous dire que le succès se mérite par un travail continu de développement de son patrimoine productif ? 
  • Why 'Yes' is so hard for the Irish.

Attaque de la banque centrale

Amusante vidéo. La politique de la banque centrale américaine nuit à tous. Elle est dirigée par Goldman Sachs. Obama diffère de Bush en ce qu’il veut couler le monde, pas seulement les USA. 

Y aurait-il un mouvement de rejet de la banque centrale indépendante, une des grandes inventions de la mode monétariste ? (Fin de siecle.)

Compléments :

samedi 20 novembre 2010

Richard Florida

Apparition d’un gourou de l’économie aux côtés de David Cameron, Richard Florida. Idées :

Le moteur de la croissance de l’Ouest est la créativité. Le créatif est l’homme « ouvert aux idées nouvelles ». Pour qu’il s’épanouisse, il faut lui donner de « l’espace et de la flexibilité ». Pour l’attirer, les villes doivent être « vertes, propres, tolérantes et cultivées, typiquement avec d’importantes minorités homosexuelles et étrangères ». (Bring me sunshine.)

Théorie scientifique ou élite sociale justifiant sa domination ?   

Juriste américain

Le docteur en droit américain est payé 160.000$/an à la fin de ses études. S’il rejoint un grand cabinet.

Et en plus, il semblerait avoir reçu une formation relativement peu pratique. Ce qui force son employeur à lui fournir une éducation complémentaire.

Le juriste américain traverserait une mauvaise passe. (Trouble with the law.) Mais il est difficile de comprendre la rationalité de tels salaires (sinon en prenant en compte le prix de la formation). Défaillance du marché ?

vendredi 19 novembre 2010

Curieuse Irlande

Le problème de l’Irlande semble demeurer celui de ses banques, qui ont prêté à une bulle immobilière. Elles paraissent encore capables de faire capoter le pays. Elles menacent l’Europe du même coup. (Irlande: l'UE doit demander des comptes aux banques.)

C’est quand même étrange que quelques personnes aient eu assez de pouvoir pour ébranler un pays, et même un continent.

Le plus curieux est que ça ne suscite qu’une indifférence polie de la part de l’opinion. 

Train anglais

Il coûte très cher de prendre le train en Angleterre. Souvent deux fois plus qu’en France, qui est déjà, semble-t-il, le pays le plus cher du continent. Raison ? Les opérateurs privés qui assurent ce service n’ont pas assez de capacité, et donc (!), ont augmenté les prix pour réduire la demande. Ce manque de capacité vient du régulateur public qui aurait tardé à décider de nouveaux matériels.

Les dits opérateurs réduisent leurs tarifs en dehors des heures de pointe (ce qui permet de diminuer l’écart moyen de prix de ses billets avec ceux des continentaux). Mais, le système semble peu pratique : on peut se retrouver avec un billet à tarif réduit en heure de pointe, sans le savoir.

Curieuse déréglementation : initialement elle semble avoir donné une joyeuse anarchie, qui a amené le gouvernement à la réglementer fermement. La qualité et la ponctualité sont revenues, elles ont attiré les voyageurs. Maintenant ils sont trop nombreux, et la régulation étatique se révèle excessive.

L’Europe a connu une grande fièvre libéralisatrice à partir des années 80. Ne serait-il pas judicieux d’analyser ses résultats et de se demander s’ils ont été à la hauteur de nos attentes ?

Compléments :
  • Informations venant de File on 4, de BBC 4.

Le droit et les droits de l’homme, Michel Villey

VILLEY, Michel, Le droit et les droits de l’homme, puf, 1983.

Nos droits de l’homme sont absurdes. Ils se contredisent entre-eux. D’ailleurs ils sont illogiques par construction : comment peuvent-ils être absolus, alors que le droit est par nature relation ?

Il n’en a pas été toujours ainsi. A l’origine étaient les Grecs. Ils pensaient que le monde avait un ordre, modelé sur celui du cosmos. La justice c’était, lors d’un différend, rechercher cet ordre par une discussion (dialectique) entre partis concernés. Car chaque parti représente un aspect de la vérité. Un monde juste était un monde où chacun avait son dû. La justice est une répartition équitable.

Cette vision s’est heurtée à celle de la Bible. Les hommes sont égaux et il n’y a pas d’ordre cosmique. Exit la relation sociale comme chose concrète, seul compte l’individu. Puis arrivent les Lumières. Elles érigent l’homme en principe premier et veulent en déduire « scientifiquement » le droit. Les droits de l’homme modernes sont formulés par  Hobbes et Locke. 

Hobbes veut justifier l’absolutisme des Stuart, Locke le statut de la classe fortunée. Jusqu’à nos jours les droits de l’homme ont servi à défendre des avantages acquis. Ce qui ne s’est pas fait sans victimes.

Commentaires

Vices d’une lecture littérale des droits de l’homme. Danger de penser que l’individu est tout et de nier la dimension sociale de l’humanité. Cependant les droits de l'homme ne sont pas présentés comme une loi de la nature, mais comme un idéal, un désir de l’humanité.

Comme la science, ils ont été manipulés. Mais l’hypocrisie de ceux qui les détournent n'érode-t-elle pas progressivement leur légitimité ? D'ailleurs, la déclaration de 1948 parle de devoirs, d’ordre public, de morale, de bien-être général, pas uniquement de droits individuels.

Et si nous devions construire un édifice à partir des revendications, apparemment contradictoires mais justifiées, de l’Homme et de la Société, non prendre l’un ou l’autre comme absolu ?

Compléments :

jeudi 18 novembre 2010

Logique financière

Beaucoup d’entreprises ont adopté une logique financière. Elle désoriente leurs équipes, car il y a incommunicabilité. Le management prend des décisions déconnectées des contingences de la réalité. Et il n’a aucune envie d’entendre parler de questions pratiques. L’échec est certain.

En fait, il est possible de s’adapter à un management financier si on en comprend la logique. Or, cette logique est contenue dans les fondements du contrôle de gestion, qui puisent aux sources de la culture anglo-saxonne.

Le principe du contrôle de gestion est « le centre de responsabilité ». L’entreprise est divisée en de tels centres, parfaitement autonomes. (Plutôt qu’autonomie, il faut entendre « liberté », au sens « liberté de conscience » – principe fondamental de la culture anglo-saxonne.)

Le dirigeant de l’entreprise passe un contrat avec ce centre. Ils se mettent d’accord sur un objectif, sur les moyens de réussir, sur des « facteurs clés de succès » (sur ce qu’il faut absolument faire pour atteindre les dits objectifs), et sur des « indicateurs », qui permettent de savoir si oui ou non on progresse dans la bonne direction. (Si non, on s’arrête et on repense son plan d’action. Les indicateurs sont des alertes non une mesure de mérite.)

Application. Dans cette logique le dirigeant donne des objectifs financiers au centre de responsabilité mais ne lui dit pas comment faire son travail. Ce dernier doit proposer un contrat : il accepte l’objectif à un certain nombre de conditions. Après négociation, le contrat est signé.

Le système d’indicateurs, et le « reporting » qui va avec, est la langue de communication de l’entreprise. Il ne s’agit pas que de chiffres. Il signifie aussi une explication synthétique du fonctionnement de l’organisation. De cette façon, le dirigeant transmet ses préoccupations financières, et l’opérationnel forme son manager aux réalités essentielles.

Pour entrer dans cette logique, le managé doit sortir de la nôtre. La culture française considère le dirigeant comme un tuteur, et le dirigé comme un assisté. L’employé doit devenir « responsable », et « prendre son sort en main ». (Dans la logique anglo-saxonne, il n’y a pas de supérieur et d’inférieur, mais des égaux.) S’il en est capable, sa fonction gagnera en intérêt.

Compléments :
  • BOUQUIN, Henri, Le Contrôle de gestion : Contrôle de gestion, contrôle d'entreprise, PUF, 5ème édition, 2001.
  • SLOAN, Alfred, My years with general motors, Penguin, 1986.

Trotskysmes

BENSAÏD, Daniel, Les Trotskysmes, Que-sais-je ?, 2002. L’aventure trotskiste vue par un de ses acteurs.

Il y a eu Trotski, esprit élégant et libre, et ses orphelins, les Trotskistes, une poignée d’intellectuels querelleurs et teigneux. Alors qu’il était tout sauf un messie, ils se sont évertués à construire sa parole en dogme. D’où une série ininterrompue de conflits et d’interprétations à contre sens de l’histoire.

Que pensait-il ? Que la révolution devait être mondiale. Mais aussi qu’il n’y aurait pas de grand soir, mais un changement long, incertain, soumis au coup de théâtre. Il pensait que le prolétariat était fait d’opinions différentes et qu’elles devaient être démocratiquement représentées. Et il s’inquiétait de la bureaucratisation de la société. Et si le peuple se montrait incapable de diriger le monde et laissait sa place à une bureaucratie privilégiée ? Surtout, il était pragmatique, et sa pensée évoluait au gré des événements, la rendant difficile à suivre. 

Le Trotskisme est devenu à sa mort le repère des jeunes intellectuels révoltés. En dehors de cette révolte, tout les séparait. Il s’est réduit à chercher « l’effet de levier » qui modifierait les « rapports de force » et mettrait en mouvement la « masse ». Croyant sans cesse à l'imminence de la révolution, incapables de ne rien construire à long terme, ils se sont aigris ou sont allés chercher ailleurs la reconnaissance due à leur mérite, exceptionnel.

Commentaires

Le trotskysme serait-il simplement un mouvement de revendication pour intellectuels individualistes ? Un moyen de faire reconnaître des talents hors norme lorsqu’ils ne se prêtent pas aux mécanismes traditionnels de promotion sociale ?  (Ce qu’a peut-être compris F.Mitterrand, qui a fait entrer de nombreux Trotskystes au PS.)

Curieusement, la vision de Trotski de la bureaucratisation de la société rejoint celle de Schumpeter. Ce dernier y voyait une réalisation du communisme par des moyens non marxistes. Galbraith pensait que cette bureaucratisation avait créé une société d’opulence.

Compléments :
  • Mon début d’enquête sur le Trotskysme et les Trotskystes.

mercredi 17 novembre 2010

Mariage royal

Écouter la BBC, c’est apprendre que le probable futur roi anglais, William, va se marier à une roturière. (Riche tout de même.)

C’est un changement de milieu, qui n’a pas réussi à la mère du dit prince. Pourtant non roturière. D’après ce que j’ai compris, il a décidé d’en tirer les leçons.

Mais il est possible que ce ne soient pas eux qui aient à conduire le changement le plus difficile, mais leurs enfants.

J’ai noté que les enfants de parents très différents en termes de caractère, d’origine… avaient souvent du mal à trouver un cap propre. Le divorce de leurs parents ne faisant que compliquer les choses. 

Fusions et acquisitions

Il est bien connu que les acquisitions réussissent rarement. Moins pourquoi elles ratent. Une observation :
  • Plusieurs unités fusionnent. Dégradation nette de marges. Pourquoi ? On découvre qu’avant les « meilleurs employés » aidaient les « moins bons ». Maintenant, ce n’est plus possible. Parallèlement, le mode de management de tous les niveaux hiérarchiques, paternaliste ?, s’épuise. Les contremaîtres n’arrivent plus à suivre des équipes qui ont grandi. Faute d’encadrement suffisant, elles font des erreurs que l’on découvre par hasard. Elles sont inconcevables : les fondamentaux du métier ne sont plus respectés.
  • Les centres d’appels, pour les mêmes raisons, fonctionnent en dépit du bon sens. Mais faire évoluer un centre d’appel est un métier. Les managers d’unités n’y sont pas préparés. D’une manière générale la fusion les met devant un nombre étonnant de questions qui demandent des compétences qu’ils n’ont pas.
Résumé : l’entreprise tend à perdre le mode d’emploi de ses processus vitaux. L’acquisition est torpillée par ces disparitions.  

Compléments :
  • Étrangement, ces dysfonctionnements ont des raisons infimes – apparemment ridicules. Ils peuvent se corriger par des « petits trucs » et être identifiés par des tableaux de bord. Avec eux, les managers savent remédier à ce qui pêche le plus. On en arrive au résultat paradoxal que la différence entre une fusion qui rate et une fusion qui réussit tient à un rien.

Aristote et la démocratie

Au fond, Aristote est très moderne. Un problème le préoccupe (Les politiques) : pour s’occuper des affaires de la cité, il faut être oisif, or seul le riche peut l’être. Ce n’est pas bien, il faudrait rendre oisif le capable.

J’imagine que beaucoup d’Américains diraient à Aristote que le riche a mérité son oisiveté, et que sa richesse montre sa compétence. Mais Aristote était un intellectuel et voyait midi à sa porte.

L’affrontement éternel entre intellectuels (généralement des philosophes, d’ailleurs) et néoconservateurs se répéterait-il depuis les origines de l’histoire ? L'intellectuel est-il nécessairement de gauche, parce qu'il veut gouverner et qu'il n'a pas d'argent ?

Aussi, pour que tout ce monde débatte, il lui fallait des esclaves. Ce qu’Aristote trouvait naturel. Aujourd’hui, on ne parle plus d’esclaves mais de « masses laborieuses ». Et elles ne sont toujours pas supposées posséder des fonctions cognitives évoluées.  

mardi 16 novembre 2010

Capture pharmaceutique

Les économistes ont expliqué l’inefficacité des organismes de contrôle américains lors de notre dernière crise par le fait qu’ils avaient été « capturés » par les banques.

En France, ce serait les laboratoires pharmaceutiques qui auraient capturé leur organisme de contrôle. Comme semble le montrer l’affaire d’un coupe-faim fatal, interdit partout sauf chez nous, et remboursé par l’euphémistiquement nommée « assurance maladie ».

Compléments :
  • Le contrôleur a des circonstances atténuantes : il est extrêmement « coûteux » de penser différemment de ses collègues. 

Fragile Europe

Pourquoi l’Irlande, la Grèce et le Portugal sont-ils à nouveau en situation difficile ?

Outre la dégradation de leurs comptes, Mme Merkel a laissé entendre que le futur système de contrôle de gestion des États européens ne rembourserait pas totalement les créditeurs d’un pays en difficulté. Ce qui a fait peur aux dits créditeurs…

Dilemme du prisonnier ? Mme Merkel est probablement plus préoccupée de l’opinion et de la cour suprême allemandes que des intérêts européens. Mais en cherchant à plaire aux siens, elle affaiblit les pays les plus fragiles de l’union, ce qui pourrait amener les Allemands (et quelques autres) à devoir les renflouer.

Compléments :

Développement en Afrique

La performance économique des États africains serait probablement plus liée aux structures tribales qui préexistaient à la colonisation qu’à celle-ci.

De l’importance des structures sociales… 

La communication transformative

HABIB, Laurent, La communication transformative, puf, 2010. Apparemment, un livre pour publicitaire sur la communication. En fait, étonnant bilan de l’évolution de notre société.

Le basculement d’un capitalisme entrepreneurial à un capitalisme financier a coïncidé avec une destruction de valeur systématique. Un nettoyage à sec, version solution finale. Tout y est passé. La valeur boursière, le travail – remplacé par le chômage, la légitimité de l’entreprise et de ses produits… Symbole le plus frappant de cette destruction : la fonction présidentielle.

Résultat : cynisme et méfiance.

La communication a été l’agent des basses œuvres du changement. Après guerre, elle faisait découvrir de nouveaux produits, montrait comment les utiliser. Puis elle a mis en relief ce qu’ils avaient d’unique ou de rare. Mais, progressivement, elle est devenue manipulation. Elle a parlé à l’émotion. Elle a exploité les mécanismes d’influence sociaux pour modifier nos comportements. Elle nous a dit ce qui était le bien et le mal. Elle a si bien réussi que nos gouvernants et dirigeants confondent maintenant communication et action.

Comment rompre ce cercle vicieux ? Gouvernants et dirigeants doivent proposer à la société, dans leur domaine de légitimité, un projet de transformation, à long terme. Répondre aux bouleversements sociaux au moyen de ce que le patrimoine de l’organisation a d’unique. Effet vertueux : notre adhésion à ce projet le fera profiter de notre enthousiasme de consommateur, d’électeur, mais aussi de contributeur.

Commentaire 

Démonstration courte, simple, impeccable, agréablement écrite.

Retour aux livres de cours de la stratégie (la communication transformative c’est « strategy as stretch » d'Hamel et Prahalad), du marketing et de la gestion de marque (Kapferer). Pas de conduite du changement. Le changement des comportements organisationnels va-t-il se faire par miracle ?

D’ailleurs je ne crois pas que la communication transformationnelle soit bonne pour le publicitaire, comme le dit L.Habib. Si l’entreprise apporte quelque chose d’unique et d’important à la société, elle n’aura plus besoin d’une communication sophistiquée.

Surtout, la transformation qu’exige L.Habib n’est-elle que communication ? Ne demande-t-elle pas un changement d’attitude de nos dirigeants ? L.Habib les enjoint de nous dire où ils veulent nous emmener. Mais est-ce dans leur intérêt ? La destruction de valeur dont il parle tant n'a pas fait que des victimes…

lundi 15 novembre 2010

Comment se répandent les idées

Un algorithme serait capable de repérer comment naissent et se répandent les nouveaux concepts, d’un document (d’un article scientifique, d’un blog…) à un autre.

Premier résultat : ce ne serait pas systématiquement les articles les plus cités qui seraient les plus influents – contrairement à ce que pensent les méthodes d’évaluation des chercheurs.  

Le plus cité peut avoir exploité une idée qui n’est pas la sienne, mais qui n’a pas su se faire connaître. Il est possible qu’en science comme ailleurs, ceux qui aient les idées ne soient pas les meilleurs pour les vulgariser.

Accorderie

La MACIF a importé de Quebec l’entraide. Des populations pauvres peuvent ainsi échanger heure pour heure leurs compétences respectives.

Ce qui me rappelle la récente crise russe. Les Russes, eux-aussi, ont eu recours au troc pour survivre.

Une telle situation, la pauvreté en France, était-elle seulement concevable dans les années 60 ? Le progrès dont nous étions si fiers n’a-t-il pas depuis longtemps arrêté sa marche ?

Compléments :

Discrimination

J’ai cru comprendre que Bruxelles avait expliqué aux assureurs anglais qu’ils n’avaient pas le droit à la discrimination : c'est-à-dire de faire payer les automobilistes mâles plus cher que les femelles.

N’est-ce pas idiot, puisqu’il est statistiquement démontré qu’il y a une très nette différence de risques entre ces deux populations ?

L’argument est en fait tendancieux : hommes et femmes ne sont pas des espèces différentes qui auraient des caractéristiques homogènes. Il y a des hommes qui conduisent prudemment et des femmes qui sont dangereuses. Vue de ces populations, la discrimination fonctionne à l’envers, en amplifié

C’est pour la même raison que l’on trouve gênant que la police interpelle au faciès.

Compléments :
  • Le système de bonus porte sur le comportement avéré de l’individu. 

dimanche 14 novembre 2010

Beauté moderne

Jeanne Bordeau analyse l’idéal moderne de la beauté. (Du moins ce qu’en dit l’industrie de la cosmétique.)

Résultat : une peau lisse et sans ride.

La beauté a inspiré leurs plus grandes œuvres aux plus grands génies. Elle a produit ce que l’art et la littérature ont connu de plus extraordinaire. Et voilà ce que nous en avons fait ?

C’est cela le paradis qu’a créé le triomphe de l’économie de marché ?

Acheté par des Chinois

The Economist se demande ce que cela fait d’appartenir à une entreprise achetée par des Chinois.

La Chine achète pour des objectifs stratégiques nationaux, et sans vraiment compter. Culture compliquée, qui semble tuer les meilleures volontés et provoquer le départ rapide des équipes acquises (« à plus long terme l’ADN des entreprises chinoises – un certain sens d’une mission, consensus, déférence, et opacité – peut poser des problèmes ». « Les décisions prenaient des moins même pour les choses les plus simples. »). Résultat : des acquisitions qui doivent lui coûter excessivement cher.

Curieusement, ce que dit l’article ressemble beaucoup à ce que l’Amérique percevait de la France il  a quelques décennies. La France aussi achetait pour des motifs stratégiques, et avec peu de succès. Elle aussi était représentée par des nuées de grands commis de l’État non décisionnaires, peu familiers des affaires et obéissant à des rituels déroutants. 

Psychopathes

Il y aurait deux destinations pour le psychopathe. La prison et la direction d’entreprise.

Le psychopathe souffre d’une insensibilité au risque et à la morale. Morale et risque seraient gérés par des « modules cognitifs » du cerveau. Ils ne fonctionneraient pas chez les psychopathes.

Il se pourrait que ce défaut ait été maintenu par la sélection naturelle, pour son utilité (aux conseils d’administration ?). (Socially challenging.)

Crise de la représentation politique

Il est bizarre que la France ne puisse être représentée que par des hommes politiques qui partagent si peu ses valeurs. Ils sont individualistes alors qu’elle est à tendance collectiviste. Mes réflexions successives me font retrouver le thème d’une étude ancienne : Crise de la représentation politique. D’où quelques questions bizarres :
  • Serait-ce la grand peur de l’Union soviétique qui a fait les trente glorieuses ? L’élite individualiste craignant pour sa survie a dû faire quelques concessions sociales ? Et elles lui ont beaucoup rapporté, comme le dit Galbraith ?
  • La non représentation de cette sorte « d’intérêt général » fait-il le lit des extrémistes : Tea party, FN, National socialisme, Communisme soviétique ? De Gaulle ou le Parti communiste chinois seraient-ils l’exception à cette règle ? La démocratie serait-elle le régime d’une élite individualiste dominant une masse muselée ? Un régime qui exprime réellement les aspirations générales est-il fatalement dirigiste ?...
Compléments :

samedi 13 novembre 2010

Diffbot

Je suis tombé par hasard sur un système qui permet de suivre des sites web, sans donner leur lien RSS, juste leur adresse. www.diffbot.com.

La présentation du résultat des recherches est bien plus agréable que celle de iGoogle. En outre, le lecteur élimine la publicité des articles, et semble tenter d’extraire une phrase clé du texte de l’article qu’il a repéré, une sorte de synthèse.

Mais il y a aussi un peu d’approximation : les titres n’apparaissent pas clairement (l’article est représenté par la phrase clé). Curieusement des articles d’un blog de The Economist ont l’air d’être attribués au mien. (Le robot est abusé par la liste de blogs qui figure sur mon blog ?)

Mystère : comment ce système – anti pub - compte-t-il générer les ressources financières qui lui sont nécessaires ? 

N.Sarkozy conquérant de l’impossible ?

Une discussion récente sur « l’entrepreneuriat au berceau » me fait remarquer que le Français se prend de plus en plus en main. Et puis il y a l’autoentrepreneur qui se multiplie. Et toutes les mesures en faveur de l’entreprise (crédit d’impôts…). Ces conditions ne vont-elles pas finir par créer une génération spontanée d’entreprises ? N.Sarkozy veut faire de nous des entrepreneurs, et il est peut-être en train de réussir, en suis-je arrivé à me dire.

Jusqu’à ce que j’écoute le colloque de l’ADDES. Si le Français prend son sort en main, ce n’est pas pour faire fortune mais pour échapper à la démence d’une entreprise déréglée.

L’intelligentsia française a accusé N.Sarkozy de tendances napoléoniennes. Ça me semble manquer la cible de quelques années lumières. Pour Napoléon, la France était le moyen (interchangeable) de son destin de nouvel Alexandre. N.Sarkozy est un conquérant infiniment plus extraordinaire : il veut transformer la nature d’un peuple. Y a-t-il eu un autre exemple d’un projet aussi démesuré dans l’histoire de l’humanité ?

Compléments :
  • Sur Napoléon, voir le deuxième tome des Mémoires d’outre tombe de Chateaubriand.
  • Curieusement Trotsky utilisait beaucoup la révolution française et Napoléon comme modèles d’analyse du monde de son époque. Notre intelligentsia serait-elle inspirée par le Trotskysme ? (Bensaïd, Daniel, Les Trotskysmes, Que sais-je ?, 2002.)
  • Sur les aspirations du Français : Crise de la représentation politique.

vendredi 12 novembre 2010

Assurances : c’est encore loin l’Amérique ?

Il y aurait une montée du refus d’assurance, en France.

Ça me fait penser aux USA. Les assurances y font de gros bénéfices en n’assurant que les bien-portants, et en refusant de payer lors d’un pépin. D’ailleurs ceci pose un énorme problème à la création d’entreprise (le créateur étant dans une situation par nature précaire, donc pas assurable).

L’Amérique, ce qu’elle a de pire, est-ce ce vers quoi nous nous dirigeons ?

Obamarketing

Explication des déboires actuels de B.Obama ? Voici ce que dit le publicitaire Laurent Habib (La communication transformative, PUF) de sa campagne :
Nouveau modèle de campagne autour d’une cause : ce n’est plus « Vote for Obama », c’est « Vote for Change ».
Pour encourager l’appropriation, le narratif de la campagne bascule de la représentation du candidat vers celle des électeurs comme agents du changement.
Il est d’ailleurs fascinant de constater que les militants, lorsqu’on les interroge sur la campagne, ne parlent pas de politique, peu d’Obama, beaucoup de changement et essentiellement d’eux-mêmes…
B.Obama a conquis le Graal du publicitaire : « la marque (…) est réinterprétée, réappropriée par chacun et, pour partie, réinventée. »

Obama aurait-il retrouvé un des plus anciens trucs de publicitaire, le « Grand soir » ? Ne rien promettre à l’électeur, sinon la réalisation de ses rêves ? Brillant : les rêves peuvent être différents, l’électeur est unanime. Pas étonnant qu’il soit maintenant mécontent (Tea Party) ou abattu (Démocrates).

Compléments :
  • Jusqu’ici, dit L.Habib, les entreprises pensaient que la communication remplaçait l’action (un bon produit). Étape ultime, la communication ne promet plus rien, n’est plus rien, le marché la charge de ses fantasmes ? Nous-nous autoconvaincons ? Réalisation du « non agir » chinois ?
  • Aussi bien le Chrétien que le Marxiste nous disent que le Grand soir n’arrivera qu’après un long et difficile chemin. Ils vendent de l’espoir. Ils donnent un sens à la vie. Et ça c’est increvable. Le publicitaire serait il passé à côté d’une des bonnes pratiques du métier ?

Maintenance de logiciel

Il semblerait qu’il y ait une possibilité que la maintenance des logiciels d’Oracle et de SAP puisse être prise en charge par d’autres sociétés. « Pour les deux sociétés, la maintenance génère deux fois plus de revenus que le logiciel et la totalité des bénéfices. » (Maintaining fees.)

Oracle et SAP seraient-ils victimes d’un vice de leur stratégie d’écrémage du marché ? 

jeudi 11 novembre 2010

Départ d’inflation

Hier, j’entendais un universitaire anglais s’inquiéter du décollage de l’inflation en Angleterre, très au dessus des normes européennes, et non suivie par les taux d’intérêts obligataires – toujours quasi nuls.

Pourquoi s'étonner ? Cela semble une conséquence naturelle des efforts gouvernementaux anglo-saxons : liquider leur crise par une politique monétariste. L’inflation est utile pour éliminer les dettes.

Quelles vont être les conséquences de ce succès ? L’inflation est une récompense du pêcheur et une punition du vertueux : est-ce acceptable ? Et puis, il y a tentative de contamination mondiale. Et l'UE peut-elle tolérer que l'inflation s'envole chez l'un de ses membres ?...

Barry Eichengreen explique justement que les crises du système monétaire international surviennent lorsque les intérêts de la démocratie s’écartent de ceux de l’économie… L’avenir est imprévisible. Mais il pourrait bien être mouvementé. 

Droits de l’homme

Hier, j’entendais que David Cameron avait bravement pris la défense des droits de l’homme, lors de son voyage en Chine.

Le droit au travail est un des droits de l’homme. Si le chômage occidental continue à croître, il se pourrait que la Chine vienne bientôt nous donner quelques leçons… 

Gouvernement et économie sociale

Un dirigeant d’association se demandait d’où venait l’intérêt du gouvernement pour l’économie sociale. Quel mauvais coup est-il en train de préparer ?

La réponse pourrait être simple : « Big society » de David Cameron.

Réduire l’État à presque rien et charger du service public une économie sociale dynamisée par l’arrivée « d’entrepreneurs ».  Explication de la vogue de l’Entrepreneuriat social ?

Capteurs et société

Mon billet sur la prise de contrôle de l’humanité par le capteur vient d’un dossier de The Economist. (Premier article : It's a smart world.) En tant qu’ancien informaticien, ancien étudiant de « contrôle des systèmes »… je me réjouis que mes passions passées aient un avenir aussi souriant. Je pensais que mes semblables seraient vite transformés en dinosaures par des champs économiques nouveaux (sciences de la vie…). Pour être honnête, le règne du capteur n’est pas pour demain : les résistances qu’il aura à affronter sont colossales. Mais il soulève des questions intrigantes :
  • L’économiste Elinor Ostrom aboutit à un modèle de gestion de « biens communs » par autocontrôle de la société par elle-même. L’invasion du capteur est elle le signe annonciateur de ce communisme final ?
  • Qui contrôle le capteur ? Si c’est un homme ou un groupe d’hommes, ou, encore, si la technique n’en fait qu’à sa tête, nous y avons perdu notre liberté. Les capteurs doivent donc être dirigés par « la démocratie ». Mais le concept n’est pas bien au point, puisque trop souvent des groupes d’hommes arrivent à rançonner une partie de la société.
  • Ceux qui nous imposent le changement ne le subissent pas. Les promoteurs du libre échange, par exemple, sont des commerçants, nous sommes leurs marchandises. Mais s’ils pâtissent de leurs changements, ils pourraient gagner en modération. L’inquiétude vis-à-vis du capteur de The Economist – Jeanne d’Arc du libre échange - me semble aller dans mon sens. 

mercredi 10 novembre 2010

Du nouveau dans l’économie sociale ?

Suite de mes souvenirs du colloque de l’ADDES :
  • Microcrédit. On réinventerait les crédits municipaux et les prêts sur gage d'antan. Mais la France ferait preuve d’originalité. Plutôt que de remédier à l’injustice sociale et à l’exclusion par l’économie seule (modèle de Muhammad Yunus), elle les préviendrait en combinant économie et accompagnement social. D’où des partenariats acteur social (Secours catholique…) et établissement bancaire (Crédits mutuels, Caisses d’épargne…), chacun apprenant de l’autre.
  • Une génération spontanée de petits entrepreneurs a posé un problème inattendu : monter une entreprise demande de « tout savoir faire », pas uniquement son métier. Des coopératives d’entrepreneurs se sont créées pour les aider. Mais, ils n’en sont pas partis une fois leur activité lancée. Car, ils voulaient la liberté, mais pas fonder une entreprise. S’est alors posée la question de la représentation d’un « personnel » à la fois employeur et employé. On a découvert qu’il avait besoin d’une triple protection (démonstration, en creux, de l’utilité des services publics ?) :
  1. contre lui-même - l’indépendant s’auto-exploite, il travaille trop ;
  2. contre la précarité – il n’a pas de protection sociale, de formation professionnelle (du coup son activité n’est pas pérenne)… ;
  3. contre les donneurs d’ordre qui profitent de l’atomisation de leur sous-traitance (« on est dans la lignée des luttes sociales du 19ème siècle »).
  • L’entrepreneuriat social. Les différences entre l’Europe et les USA seraient de l’ordre de la théorie. Quant à la pratique, elle se ressemblerait. La cause de ce mouvement serait la perte de ressources publiques par l’économie sociale, qui chercherait une compensation dans le secteur marchand. On parle aussi d'entrepreneurs motivés par l'intérêt de la société et cherchant un effet systémique. Mais quoi de neuf ici ? N'était-ce pas déjà le cas des fondateurs de la Croix Rouge ou des Restau du Coeur ? Les mêmes causes ont les mêmes effets ?
  • Une thésarde, s’en remettant à Marcel Mauss, semble dire que l’économie sociale n’est pas qu’échange marchand, mais aussi échange de dons, ainsi elle crée un lien non monétaire - fort. (Intéressant : la théorie de Marcel Mauss vient des observations de Bronislaw Malinowski, qui observait que le don était l’agent de cohésion de groupes mélanésiens distants – le troc n’ayant qu’un rôle négligeable.)
  • L’État désirerait définir ce qu’est l’Intérêt général et en charger l’économie sociale. Or, si les coopératives, par exemple, servent par nature les intérêts de leurs adhérents, elles véhiculent aussi les valeurs les plus profondes de la nation (un homme une voix, primat de l’éducation…). Elles contribuent donc à l’intérêt général. Les détourner de leur vocation pourrait-il les amener à ne plus remplir ce rôle et à appliquer une vision gouvernementale de l’intérêt général qui n’est pas dans notre intérêt ?
  • La santé au travail et le dialogue social seraient de moins bonne qualité dans l’économie sociale que dans l’économie normale. Ce serait surtout le problème des associations. Faute de moyens, leurs employés vivent dans des conditions difficiles. Quant aux mutuelles et aux coopératives, les conditions de travail y seraient globalement bien meilleures que dans le privé. (L’étude a été faite sur des données d’avant crise.)
Contrairement aux organisateurs du colloque, qui semblaient croire à de « nouvelles frontières », je me demande s’il n’y a pas retour aux origines. La dissolution de l’État ne serait-elle pas en train de recréer les conditions qui ont présidé à l’invention de l’économie sociale, au 19ème siècle ? 

Travailleurs riches et pauvres

Hier un intervenant parlait de « travailleurs pauvres ». Cela n’est pas une découverte nouvelle, mais elle m’a rappelé que les Américains parlent de « working rich » quand ils veulent décrire ceux qui dominent la société. Autrement dit de « travailleurs riches ».

Notre monde occidental serait-il devenu une sorte de grande bureaucratie dans laquelle ceux qui parviennent au sommet dépouillent ceux qui sont en bas ? Le tout étant trop occupé à se battre pour l'héritage de leurs parents pour créer quoi que ce soit ? 

Ces garçons qui venaient du Brésil

Film de Franklin J. Schaffner, 1978.

De grands acteurs anglo-saxons caricaturent de manière ridicule Nazis et chasseur de Nazis.

Le Nazi devait être à la mode à l’époque. Peu de temps avant était sorti Marathon Man, avec, toujours, Laurence Olivier.

Compléments :
  • On parle beaucoup de clonage dans ce film. Et le Dr Mengele est présenté comme un pionnier de la génétique. Intéressant saint patron.

mardi 9 novembre 2010

La Faute de M.Obama ?

Je pensais que l’idéologie avait coûté une élection à M.Obama. Il y a une meilleure explication à son revers :

La tragi-comédie de la réforme de la santé a détourné l’attention et les ressources du gouvernement américain de ce qui aurait dû être son obsession : remettre l’économie du pays sur pieds. Il a perdu une précieuse année. C’est probablement ce qu’on lui reproche.

Le peuple aurait-il une raison que la raison des esprits supérieurs ne comprend pas, mais qui est bien plus juste que cette dernière ?

Compléments :
  • M.Obama croirait-il qu’il suffit de prendre une décision pour résoudre un problème ? Il avait décidé d’un plan de relance, donc l’économie était sauvée, il pouvait s’attaquer à la réforme de la santé ? Idem pour l’Afghanistan ?

La France de Cameron

Fin d’un colloque de l’ADDES. Trois anciens délégués interministériels à l’économie sociale ont le micro.

Curieusement, ils semblent penser la même chose. (Ils ont pourtant siégé dans des gouvernements de gauche et de droite.) À savoir que notre gouvernement appliquerait les réformes Cameron de dissolution de l’État. « Opération de démantèlement de l’État ». Mais sans avoir le courage de le dire, en douce, à la française.

L’organisation cible du reengineering national serait l’Angleterre victorienne. L’économie sociale remplacerait l’État. En particulier, les pauvres seraient pris en charge par des organisations charitables : « 13% de la population n’a aucun moyen de faire face à la marchandisation ».

L’initiative doit venir du terrain, « l’économie sociale doit se prendre en main elle-même », elle doit refuser le marché de dupes qu’on lui propose, « le gouvernement ne comprend que le rapport de forces ».

Le plus étrange ici est que l’opinion de ces éminentes personnes, ajoutée à beaucoup d’autres, semble signifier qu’il y a une opposition généralisée aux idées du gouvernement. Dans ces conditions, comment se fait-il qu’il les mette en œuvre avec autant de facilité ? Que les forces de résistance s'épuisent à défendre des causes d'importance secondaire ?

Compléments :
  • Rejoindrait une autre analyse selon laquelle le gouvernement aurait adopté la méthode Thatcher. 

Capteur über alles

Demain tout sera lié à un nuage de capteurs. (Living in a see-through world.)

D'ores et déjà certaines villes ont leur double virtuel, les vaches ont une électronique embarquée qui rappelle celle des voitures… Il n’y a pas de limite à ce que couvrira cet « Internet des choses ». Beaucoup d’entreprises devraient trouver dans ces applications d’énormes marchés. Nouvel âge de gloire pour l’informatique, l’électronique et leurs services.

Mais cela soulève aussi des problèmes curieux. 
  • Rolls Royce est désormais capable de mesurer l’usage que l’on fait de ses moteurs, et donc de les louer : va-t-on vers une société où il n’y aurait plus de droit de propriété ? 
  • Que donnera ce monde interconnecté lorsque s’y mettront des Stuxnet et des bugs ?
  • Quid de la liberté individuelle ?
Le libéralisme serait-il en train de fabriquer la corde pour se pendre ?

Répulsion

Film de Roman Polanski, 1965.

Catherine Deneuve au début de sa carrière, dans le rôle d’un être fragile attiré par un monde effrayant et fascinant. Elle m’a semblé fort bien et j’ai pensé qu’il était dommage que la célébrité enferme les actrices dans des rôles stéréotypés.

Le film, quant à lui, m’a rappelé Shining de Stanley Kubrick. J’ai cru aussi y voir un appui à ma thèse selon laquelle les personnages de Polanski tendent à basculer dans le mal, avec délice. 

lundi 8 novembre 2010

Changement aux USA

Le résultat des récentes élections américaines crée une situation qui s’apparente au dilemme du prisonnier :
  • Les Républicains ont été élus pour en découdre avec Obama.
  • Par contre, ils ne peuvent rien faire sans lui. Et, s’ils ne s’entendent pas entre eux, plusieurs décisions critiques pourraient ne pas être prises, détériorant un peu plus les affaires du pays et de ses habitants :
Un accord sur le déficit sera impossible. Un blocage sur les réductions d’impôts de Bush fera qu’elles expireront, d’où brutale augmentation des impôts, par défaut. Sans nouvelles aides du gouvernement fédéral, les États en situation financière tendue vont licencier leurs employés et réduire leurs prestations l’année prochaine.  

Les USA ruinent le monde (suite)

QE2, la nouvelle vague, modeste, de « quantitaive easing » américaine fait l’unanimité contre elle. Y compris en Angleterre. Un interviewé de la BBC disait ce matin que l’Amérique exportait sa crise. Ce que pense ce blog depuis longtemps. (Bizarrement, c’était aussi la politique de l’Angleterre. Aurait-elle trouvé plus fort qu’elle ?)

Avec un tel comportement, comment l’Amérique peut-elle condamner la politique monétaire chinoise, qui n'est-autre que la sienne ?. N’est-elle pas raisonnable par les temps qui courent ? Le reste du monde ne serait-il pas tenté de l’adopter s’il le pouvait ?

Compléments :

Kaboom

Film de Gregg Araki, 2010.

Heureux mélange des codes des séries télé américaines pour adolescent. Fac, surf, fast-food, smart phones, paranormal. Le tout dans des couleurs à la Almodovar. 

dimanche 7 novembre 2010

Sortie de crise

Il y a quelques temps je lisais ce que disait un dirigeant de Google, qui encourageait son pays à développer les innovations américaines, plutôt que de défendre des secteurs économiques dépassés par la concurrence étrangère.

Je soupçonne effectivement que c’est comme cela que l’on sortira de la crise. Il faut regarder le savoir faire de chaque entreprise et nous demander ce qu’il a d’original et en quoi il pourrait être utile à l’homme, et, donc, que faire pour cela.

L’économie de marché, c’est l’échange. Plus je produis de choses originales, plus je peux échanger. Mais pour cela plus j’ai besoin que l’autre produise de choses que je ne sais pas produire – sinon il n’aura rien à échanger avec moi. Tout le monde y gagne. C'est magique. C’est ce qu’a découvert Jean-Baptiste Say il y a déjà fort longtemps.

Compléments :
  • Ce savoir-faire n’est pas forcément « l’innovation de rupture » à laquelle pense Google. Beaucoup de très grandes innovations ont été organisationnelles (comme la grande surface), et tout le succès allemand est basé sur une amélioration continue à petits incréments, qui finit par construire des avantages indestructibles.
  • SAY, Jean-Baptiste, Cours d’économie politique et autres essais, Flammarion, 1996.

The social network

Film de David Fincher, 2010.

Rencontre inattendue entre deux populations qui semblent appartenir à des ères différentes, mais ont en commun un intellect dont le développement s’est arrêté très tôt. D’un côté la faune des start ups. De l’autre la haute société anglo-saxonne et ses rites d’un autre âge. Chacun se croit distingué par les dieux et n’a que mépris pour le reste du monde.

Excellent reportage.

samedi 6 novembre 2010

Chine et christianisme

Reportage de la BBC : le protestantisme serait bienvenu en Chine. (Du moins tant qu’il accepte l’organisation actuelle du pays).

Il semblerait que les dirigeants chinois aient lu Max Weber et pensent que le protestantisme est bon pour le capitalisme. En particulier le Chrétien serait responsable. 

Electeur contre idéologue ?

USA. La défaite démocrate n’aurait rien d’exceptionnel. Ce serait le reflux d’un flux précédent. Lors de la précédente manche le peuple avait puni les républicains d’être partis (beaucoup) trop loin dans « hyperlibéralisme », cette fois ci il punit les démocrates d’être allés (beaucoup) trop loin dans un intellectualisme bienpensant dirigiste et arrogant.
Une restructuration massive du système de santé par le gouvernement. Une relance de plus de 800md$ qui n’a pas arrêté la croissance du chômage. Et un système de droits à émettre du carbone honni en dehors des enclaves libérales côtières qui se délectent de droiture écologique.
Enseignement de l’élection : le peuple renie les idéologues ? Il veut être gouverné par un bon sens mesuré ?

Compléments :
  • De l’avis général, B.Obama n’aurait rien compris à l’avertissement populaire et pense que l’histoire lui donnera raison.
  • La leçon pourrait être mal comprise : les idéologues d'un bord me semblent penser que la rossée qu'ont prise les idéologues adverses est un encouragement à l’extrémisme. 
  • Cet enseignement ne devrait-il pas être entendu par les idéologues français qui vont bientôt s’affronter pour notre vote ? 

ISO 26000 (suite)

Il y a beaucoup de choses curieuses au sujet d’ISO 26000 :
  • Son objet est d’aider l’entreprise à tenir sa place en société. Mais pourquoi l’entreprise aurait-elle besoin d’une norme pour cela ? Est-elle née irresponsable et découvre-t-elle qu’il existe un monde autour d’elle ?
  • Pourquoi, alors, parle-t-on autant du coût de l’application d’ISO 26000, alors qu’il s’agit de faire son devoir ? Proteste-t-on de ce que notre vie est bousillée par plusieurs décennies d’éducation nationale ?
  • En creux : et si la fortune des entreprises de ces dernières décennies avait été cette amnésie, et si « l’innovation » économique des Trente piteuses avait été là : ne pas tenir son rôle permet de gagner de l’argent facilement ?
  • Dans le même esprit : ISO explique à l’entreprise qu’en découvrant qu’il y a une société autour d’elle, elle pourrait y trouver quelques belles opportunités, qui la dédommageront de ses efforts. Mais n’est-ce pas la base même du fonctionnement d’une entreprise ? Un cours de stratégie appelle cela un « SWOT ».  On croirait la fable du laboureur de La Fontaine.
  • Pourquoi une norme ? Avant tout pour s’assurer que toutes les nations entendent la même chose par « responsabilité ».
Compléments :

Another day in paradise

Film de Larry Clark, 1998.

C’est extrêmement violent, on nage dans la drogue, dans une moindre mesure l’alcool et la cigarette, la caméra bouge n’importe comment. Je me suis demandé si cette plongée en enfer n’était pas un acte esthétique gratuit.

Il semblerait que non. C’est en partie l’histoire du réalisateur, et ça reflète peut-être une réalité américaine. 

vendredi 5 novembre 2010

Biocarburants

Beaucoup de rebondissements dans la vie des biocarburants. Ont-ils un avenir ?

Peut-être, mais pas sous la forme d’éthanol. D’un côté la biomasse pourrait être utilisée par des centrales qui alimenteraient en énergie de futures voitures électriques. D’un autre, le sucre tiré de la cellulose fournirait des carburants proches du diesel, donc employables par l’aviation. Cette énergie serait produite à partir de déchets (bois, paille, tiges de maïs…). Pas de concurrence avec l’alimentation humaine.

Meilleur des mondes ? Quand on réfléchit un peu, on trouve des solutions qui résolvent tous les problèmes ?

Compléments :
  • Intérêt de la biomasse ? Le « bilan carbone » pourrait être nul. Peut-être aussi un bon rendement : l’énergie solaire est directement utilisée par la plante. 

BBC en grève

Ce matin la BBC était en grève.

Depuis quelques temps, je sentais une certaine fébrilité. Ses informations relayaient beaucoup d’études pessimistes quant au succès des mesures gouvernementales.

Similarités avec la radio publique française ? La vertueuse Angleterre pourrait-elle être gagnée par le Mal français : des grèves sauvages ?

Droit romain

VILLEY, Michel, Le droit romain, Que sais-je, 2005. Ce que nous appelons droit romain remonte à 150 avant JC. En quelques décennies les Romains sont à la tête d’un empire. Il leur faut un nouveau régime politique. Pragmatiques et utilitaristes, ils abandonnent leur droit archaïque et adoptent la pensée (philosophie) grecque. Ils lui donnent l’application pratique qui l’intéressait peu.

L’objet de la justice pour le Grec est d’établir une « égalité proportionnelle aux qualités et à l’importance de chacun ». « Comment bien répartir les choses entre les hommes (…) c’est là le problème du droit ».

Le droit est un « art », « né de l’expérience » et « soumis au contrôle de l’expérience ». C’est une « recherche », une « vie ». Une observation patiente et minutieuse, « une poursuite incessante du juste ». Son principe est que « naturellement se forment de justes rapports sociaux », il faut les « observer pour y découvrir les bonnes solutions juridiques. » (« Loi naturelle » selon la définition d’Aristote.)

En pratique, le droit est une « pyramide » de concepts structurés. L’objet du droit – la justice au sens grec - étant à son fait. En outre, comme le droit archaïque, il est tempéré par la morale. (Le droit étant « certitude » et « précision », la morale « nuance » et « complexité ».)

Notre droit est nourri de droit romain. En particulier, il fait de la propriété la « base de la liberté individuelle ». D’ailleurs dès la période archaïque le chef de famille y jouit d’une liberté au sens occidental du terme : « posséder une sphère d’activité indépendante ».

Mais, si nous nous sommes inspirés de ses concepts, nous avons trahi son esprit. Alors qu’il était un droit pragmatique du rapport social, le nôtre est un droit dogmatique de l’individu. La transformation s’est faite du XVIème au XIXème siècle. Elle a cherché à construire un « système » (au sens de Descartes), une « science », basée sur un édifice idéologique artificiel, en particulier la loi naturelle telle que réinterprétée par les Lumières. D’où des « formules absolutistes », pour le moins maladroites.

Commentaires :

Curieux livre. Une fois de plus on y voit les méfaits de la science qui a été utilisée pour justifier une idéologie. Avant le management scientifique de Taylor et le socialisme scientifique de Marx, c’était notre droit qui avait subi ce traitement ? Bizarrerie supplémentaire : le droit grec et romain était, au fond, beaucoup plus scientifique que notre droit moderne.