samedi 31 mars 2012

Nouvelles du mois

Quelques-uns des thèmes traités ce mois, par le Cercle du changement:

Chroniques et conséquences :
La France, quoi de neuf ?
Et le monde ?
La tentation de faire intello
Le changement par l’exemple et, surtout ?, le contre exemple.

Surendettement

J’ai saisi des morceaux d’une émission sur le surendettement (France Culture, mardi). Elle m’a fait penser que notre société est quand même fort sympathique. Pourquoi ne le dit-on pas plus ?

Le surendettement est un mal effroyable dont l’individu n’arrive pas à se tirer. Or, il est possible d’être déclaré en faillite, ce qui permet d’étaler ses dettes, avec un maximum de paiement de 8 ans. Certes, la vie ne doit pas être facile dans ces conditions, mais c’est tout de même mieux que de tomber dans un puits sans fond…

Malheureusement tout dans notre société n’est pas aussi bien. Il semblerait qu’avant qu’ils soient protégés par ces mesures, les débiteurs peuvent subir un harcèlement abject, en total contravention avec la loi. Est-ce la faute des organismes de crédit ? Ou celle des personnels qu’ils emploient, et qui font du zèle ? Qu'ont-ils à y gagner ? Comment se fait-il qu’il soit aussi facile de monter un pauvre type contre un autre pauvre type ? 

Écosystème et changement

J’ai découvert récemment la notion d’écosystème. En grande partie grâce à Dominique Delmas. De quoi s’agit-il ? Nous ne sommes rien sans ce qui nous entoure. C’est aussi ce que dit la systémique : nous sommes formés par les échanges que nous avons avec notre environnement.

J’ai ensuite découvert que l’homme était lui-même un écosystème. Ce qui a une conséquence inquiétante : l’hygiène, la médecine… bouleversent notre équilibre physiologique. On commence ainsi à croire que certains de nos maux pourraient provenir d’un excès de propreté.

En fait, ce n’est pas nouveau : quasiment toutes les épidémies qui ont ravagé l’espèce humaine ont une cause sociale. Par exemple, le rapprochement hommes / animaux produit par l’élevage stimule la création de pathogènes innovants.

Bref, je crois que les écologistes ont à la fois raison et tort. Ils ont raison de nous dire qu’aucune innovation n’est gratuite, car nous finissons toujours par en payer les conséquences. Par contre, ils ont tort de croire que l’on peut stopper notre développement : le changement est une caractéristique humaine.

Ce qui nous manque probablement est une forme de « changement responsable », c’est-à-dire un moyen de nous assurer que nous avons des chances raisonnables de survivre aux changements que nous lançons. 

vendredi 30 mars 2012

Comment vote la France ?

Une étude d’opinion divise ainsi la France (Pourquoi le candidat socialiste reste aussi flegmatique | Le Monde) :
la France métropolitaine aisée (25% de la population) qui est celle des grandes métropoles; la France périphérique intégrée (11%) qui regroupe les communes périurbaines ou rurales socialement intégrées ou aisées ; la France métropolitaine fragilisée (16%) qui s’apparente aux banlieues populaires ; La France périphérique fragilisée (48%) qui rassemble des communes périurbaines ou rurales fragiles ou populaires.
François Hollande serait sur des bases solides partout, alors que Nicolas Sarkozy aurait mécontenté  ceux qui croyaient en lui (en 2007, il était vu comme « le candidat du peuple »), et dépendrait maintenant d’un électorat volatil.

Ce que ce découpage a d’étrange pour moi est l’image qu’il donne de la France. 64% de sa population est qualifiée de « fragile », et les 11% « d’intégrés » tendent à voter FN. Les seuls qui semblent heureux sont les « aisés ». Les gagnants des dernières décennies sont-ils une minorité d’urbains fortunés ? 

The Economist contre la France

Le précédent article parlait de l’attaque de The Economist contre la France. Voici un certain nombre de raisons pour penser que cette attaque est marquée au coin de l’idéologie irraisonnée :
  • The Economist est un très vieux journal qui a été créé en 1843 pour une croisade : le libre échange. Depuis ses origines, il est très proche des intérêts de la City de Londres. The Economist est une pendule arrêtée, quoi qu’il arrive, il demande plus de libéralisation. Et lorsque cela ne fonctionne pas, comme le note régulièrement ce blog, The Economist accuse l’État et la démocratie d’incompétence.
  • The Economist vote Rajoy et Monti, deux libéraux qui cherchent à faciliter les licenciements dans leurs pays. Là ne semble pas être la solution à nos problèmes à court terme. Pourquoi ? Parce que nous sommes dans un cercle vicieux, et que ces mesures ne peuvent donner des résultats qu’à long terme. Surtout, parce que mettre des gens au chômage en période de crise accélère la crise. L’Allemagne s’en est bien gardée, d’ailleurs. Enfin, parce que le chômage espagnol est en parti dû à des réformes libérales anciennes qui ont rendu précaire le sort d’une grosse partie de la population, le reste étant parvenu à se protéger (la France a subi le même type d’expérimentation, cf. nos nuées d'intérimaires, mais ses conséquences sont moins marquées). D'ailleurs, un licenciement facile n'est pas évidemment bon pour la santé d'une économie. En effet, cela tend à créer une classe de prolétaires sans qualification. Or, depuis Adam Smith, le dieu de The Economist, on soupçonne que ce qui fait la richesse d'une nation, c'est la spécialisation des ses membres qui permet le gain de productivité maximal. Ce genre de réforme ne se fait donc pas en claquant des doigts, sous peine de créer des effets pervers.
  • The Economist nous menace des foudres du marché. Nous sommes surendettés, n’est-ce pas ? Curieusement, l’Angleterre connaît des crises depuis plus de 150 ans, et à chaque fois la City sort le même argument : l’Angleterre ne peut pas se payer un système social aussi généreux (déjà, il y a 150 ans !). Et à chaque fois ça se termine par une dévaluation. L’Espagne et l’Irlande étaient peu endettées et vont très mal. Les USA sont très endettés et vont bien. Le danger vient, curieusement, des amis de The Economist, les marchés financiers. S’ils comprennent qu’ils n’ont rien à gagner en spéculant contre notre dette, nous vivrons heureux. Pour le moment, c’est la BCE et ses mesures « non conventionnelles », qui sont notre garde fou.
  • Notre souci à court terme est donc de relancer notre croissance. Une idée pour cela me semble de faciliter la coopération entre pays européens. Si l’Allemagne, en particulier, se mettait à consommer un peu plus, ça ferait probablement beaucoup de bien à tout le monde, à commencer par l’Allemagne puissance commerçante, qui a besoin de clients en bonne santé… Quant à nos dettes, au poids de notre État… il serait dangereux de prendre des mesures précipitées.
Pour une fois, notre fameuse résistance au changement me semble bénéfique. 

Notre élection présidentielle terrorise The Economist

The Economist est atterré : la France danse sur un volcan de dettes, et aucun de nos candidats ne s’en préoccupe.

Certes The Economist est viscéralement francophobe (comme tout Anglais), et ultralibéral depuis près de deux siècles, ce qui le prédispose peu à nous trouver sympathiques, nous, notre État, et notre haine de la globalisation. Mais il faut reconnaître que cette campagne aura fait preuve d’une sorte de génie pour ne pas évoquer les problèmes cruciaux de la nation.

Peut-être faut-il y voir une de nos caractéristiques culturelles ? Ce que j’appelle le « théorème de la CGT » ? Comme la CGT, nous appliquons des textes que nous avons refusé de signer ? Nous acceptons de changer, à condition de faire comme si nous avions refusé de changer ? Les réformes se font à notre corps défendant. Ce qui nous permet de les critiquer, la conscience tranquille ?

Les amants traqués

Film de Norman Foster, 1948.

Titre original : Kiss the blood off my hands. L’année précédente un autre film s’était appelé : Build my gallows high. Les destins maudits faisaient recette à l’époque.

Film noir, donc, mais vraiment très noir. La lumière du jour n’atteint jamais Londres, pluvieux à sauts, labyrinthique, pavé et démoli. Une cours des miracles dans laquelle le policier omniprésent cherche à tenir en respect la vermine perverse qui se tapit dans l’ombre.

Mais l’amour fait des miracles : il convainc deux malheureuses victimes d’un sort aveugle que la pendaison est préférable à la fuite. 

jeudi 29 mars 2012

Efficacité syndicale : France et Allemagne

Gandrange… Les syndicalistes français parlent de « défendre l’emploi ». L’affaire me semble désespérée. Ma théorie.
  • Les patrons français, il y a déjà fort longtemps, ont choisi d’apporter les compétences de leurs entreprises et de leurs sous-traitants aux pays émergents, et de ne pas ou peu faire progresser le tissu économique national.  Les syndicats français, dont la seule arme est la nuisance, ont encouragé indirectement ce phénomène.
  • Par contre, l'Allemagne a cherché à protéger ses ressortissants. Elle a voulu leur permettre de compenser le handicap de leurs coûts salariaux par un niveau de savoir-faire inégalé. Elle a délocalisé, certes, mais seulement le strict minimum qu’elle jugeait à faible valeur ajoutée. Surtout, ses entreprises se protègent par une innovation incessante et des brevets.
Tentante explication culturelle : l’Allemagne se voit comme une « race » homogène, la France est toujours féodale

Le retour du choc pétrolier

Notre économie fragile va-t-elle être secouée par des chocs pétroliers ?

Ça semble imparable : la production croit beaucoup moins vite que l’économie mondiale.

Curieusement, une partie de la solution serait aux USA. Ils consomment 20% de la production mondiale, et en gaspillent beaucoup. Il suffit de taxer le pétrole pour à la fois remplir les caisses de l’État, et diminuer le gaspillage. Solution systémique : faire le contraire de l’évidence.

Mais c’est le type de changement dont il ne peut être question en période électorale.

Compléments :

iFrustration

Mon iPhone est une source de frustrations.
  • Je m’attendais à ce qu’il suive la logique du web. Il a la sienne. Je me suis adapté.
  • Ses caractères sont trop petits pour mes vieux yeux. Mais je me suis adapté.
  • Son écran est hypersensible. Comment éviter les erreurs de manipulations, lorsque l’on a les bras encombrés, et que l’on se presse vers un rendez-vous ? Il faut apprendre à ne pas toucher l’écran.
  • Et puis, les services qui dépendent d’Internet sont accessibles de manière aléatoire. Problème d’opérateur ? Les mails sont relevés tout aussi aléatoirement, et impossible d’en envoyer un. En outre, le contenu du message n’est pas toujours chargé. Incompatibilité d’humeur entre SFR et Google (je n’ai pas ces problèmes avec Gmail) ? J’apprends à utiliser le Wifi des cafés…
Bref, Steve Jobs n’était pas un homme de perfection, ou il a été trahi par les siens, qui ne se sont pas associés aux opérateurs que méritait Apple… Ce qui revient au même. 

mercredi 28 mars 2012

Comment devenir un bon présidentiable en lisant la presse écolo

Petite (très petite) revue de la presse écolo.

KAIZEN

Kaizen
Je découvre un nouveau magazine "KAIZEN". Cette revue bimestrielle, se place sur le credo du "comment rêvons nous notre monde, comment le transformer et comment peut on y contribuer". Il nous apprend que KAIZEN est un mot japonais qui signifie "changement" KAÏ et "bon" ZEN. KAIZEN serait aussi une méthode d'amélioration continue.

KAIZEN nous rappelle que les grandes transformations commencent par un premier pas et propose de faire une succession de petits pas conscients et déterminés vers un objectif fixé. C'est la version des gouttes d'eau qui font les grandes rivières.
A lire l'article sur la révolution citoyenne islandaise.
Je suivrai donc ce magazine pas à pas...

Terraeco

Le second magazine est déjà plus installé dans la sphère de cette presse responsable, c'est "Terraeco". Certains articles du n°35 d'avril font d'ailleurs échos à ceux de KAIZEN. Une brève et un article m'ont séduit :

Les jobs de la honte. La brève s'intitule avec mon job plus laide la planète. Elle nous apprend que 30.000 salariés américains ont répondu à la question : votre métier rend-il l'humanité meilleure?
Résultats :  près de 15 % répondent non!
Les banquiers font partie du top 10 des pires métiers. Les employés des fastfoods occupent la première place de "ce classement de la honte" suivent les serveurs et les créateurs de mode!

Réformer le capitalisme. L'article est un portrait de Cécile RENOUARD, soeur de l'Assomption, diplômée de philosophie et de l'ESSEC. Elle est l'auteur, avec un jésuite Gaël GIRAUD, de vingt propositions pour réformer le capitalisme (Flammarion, 2012).
Dans cet ouvrage, elle envisage rien de moins que de tout mettre cul par dessus tête!

Les meilleurs exemples :
  1. changer les statuts de l'entreprise pour placer son utilité sociale avant sa fonction lucrative
  2. mettre en place une cour internationale pénale pour les multinationales
  3. domestiquer la finance
  4. remplacer les agences de notation par des agences aux critères environnementaux et sociaux
Elle est une fille de diplomate. Après la tentation des multinationales du CAC40, elle a rejoint une autre multinationale : celle du Christ!
Elle est adepte de KANT lorsqu'il dit "croire que la disposition au bien est plus originelle que le penchant au mal".
Elle enseigne son éthique et ses principes à l'Ecole des Mines en expliquant
"il faut éduquer les jeunes à penser à d'autres perspectives que celles de la réussite par l'argent et qu'il est salutaire de donner un autre sens au travail que le créer de la valeur de l'actionnaire".
Vaste programme ! Chiche et si l'on demandait à nos candidats aux élections d'inclure ces 20 propositions de réforme du capitalisme ?

Voilà un vrai changement, qui pourra se faire pas à pas!

Le « juste à temps » n’est pas japonais, ni français, mais britannique !

Conjonction du bon sens d’un patron (Gordon Ranson) d’une entreprise de fabrication de vannes et d’une réflexion théorique d’un universitaire (John Burbidge).

Le premier, irrité de ne jamais disposer des pièces composantes nécessaires pour monter les vannes à livrer, avait décidé de fabriquer strictement le nombre de pièces dont il avait besoin pour le montage des vannes commandées par ses clients.

Le second avait démontré que la règle de la quantité économique de commande aboutissait à constituer des stocks dont on n’avait pas besoin et à occuper des machines qui devenaient indisponibles pour fabriquer les pièces dont on avait besoin.

Ceci se passait dans le tout début des années 60. L’équipe de recherche de l’Université de Manchester a développé cette innovation pour déboucher sur la conception du modèle de la fabrication en groupes de production (cellular manufacturing).

Ce nouveau type de production a été appelé « Group Technology » dont les applications en entreprise ont montré les résultats remarquables en termes de réduction des stocks et des délais de fabrication, avec des investissements réduits et donc une forte rentabilité.

Par ailleurs, il devenait possible de confier une autonomie importante aux ouvriers de chaque groupe de production. La technologie de groupe a été appliquée en Angleterre, en Suède, en Belgique et en Allemagne.

Les entreprises japonaises s’en sont inspirées. Graham Edwards, le leader de l’équipe de recherche, a publié en 1971 l’ouvrage « Readings in Group Technology ».

Les Français veulent une ligne Maginot ?

J’entendais ce matin France Culture dire que les « études qualitatives » faites par les candidats à la présidentielle montraient que le thème de la frontière était essentiel pour le Français. C’est de là que viendrait l’emportement de M.Sarkozy contre Schengen.

Curieusement, ce thème est très ancien. J’en parle d’ailleurs déjà dans Crise de la représentation politique. Voici ce que je tirais d'un ouvrage sur les transformations de la France :
[Le Français] perçoit la globalisation comme le règne de l’irresponsabilité, et la promesse de désagrégation des règles sociales. D’où l’importance, pour lui, du thème de la frontière. L’État, qui était jadis perçu comme l’allié des puissants, est désormais celui des citoyens face à la globalisation, il faut le préserver. De même qu’il faut défendre le service public, garant de la solidarité et de la justice, des menaces du marché.
Les partis de gouvernement sont incapables de maintenir un État fort. D’où la haine de la nation pour ses élites (économiques et politiques). Ce qui laisse la place aux partis nationalistes ou à des mouvements tels qu’Attac d’exploiter telle ou telle manifestation de cette inquiétude (la frontière pour les nationalistes, la défense de l’État providence pour Attac).
Malheureusement, jamais les Lignes Maginot, ou les grandes murailles n’ont réussi à garantir les civilisations des barbares. D’ailleurs, le Français ne veut pas se protéger de la globalisation, mais de ses effets nocifs. Pourquoi nos courageux futurs gouvernants ne s’attèleraient-ils pas à convaincre leurs confrères puissants de mettre un peu d’ordre mondial dans ce phénomène ?

Réchauffement climatique : non retour ?

Il semblerait qu’en termes de réchauffement climatique, le point de non retour se trouve dans cette décennie. (Global Warming Close to Becoming Irreversible: Scientific American) Autrement dit, c’est fichu.

Qu’en déduire ? Que le changement est une question d’anxiété de survie et d’anxiété d’apprentissage.
  • Ceux qui croient au réchauffement climatique n’ont pas réussi à convaincre la planète de se transformer. Elle a d’autres problèmes qu’elle juge beaucoup plus urgents.
  • Les solutions qui ont été proposées n’ont pas été suffisamment travaillées pour être acceptables.
Cela ne suffit pas d’agiter des équations, il faut trouver des mots qui ont du sens pour la population et des solutions qu’elle sait mettre en œuvre. 

Économie comportementale

Ces derniers temps l’économie a cru que l’homme était parfaitement rationnel. La crise lui a montré son erreur. Du coup, une nouvelle théorie a émergé : celle qui estime que l’homme n’est pas rationnel. C’est « l’économie comportementale ».

Cette nouvelle science aide les puissants à obtenir ce qu’ils désirent de nous, avec notre consentement enthousiaste. Pour cela, il suffit de jouer sur les lois sociales, sur ce que les ethnologues appellent « culture ».

Parmentier nous en a donné une grande leçon, lorsqu’il nous a amené à voler ses pommes de terre, en les faisant encercler par la troupe. Avant lui, les plus grands stratèges et les plus grands politiques avaient utilisé en maîtres la psychologie des peuples et de leurs adversaires.

Faut-il rire de l’économiste ? Ou l’encourager dans sa redécouverte du monde ?

Entreprise en crise : investissez

Si N.Sarkozy a quelque chose à nous enseigner, c’est que lorsqu’il est dans une mauvaise passe, il se débat furieusement.

Curieusement, les entreprises font l’exact inverse. En période de crise elles se contractent, en attendant que la tempête passe. Comme si elles étaient impuissantes. Leur comportement collectif produit un cercle vicieux.

Pourtant, ne serait-ce pas alors qu’il faudrait le plus investir pour chercher une sortie de secours ?

Par définition, les crises sont des moments de changement (de dégel selon l’expression de Kurt Lewin) où rien ne va plus : c’est là que les nouvelles règles de l’avenir se jouent. C’est à ce moment qu’il faut les saisir pour les orienter dans un sens favorable.

Au fond, c’est ce qu’à fait Apple : Internet avait bousculé l’équilibre contenant / contenu ; Apple a profité de la confusion pour imposer un nouveau modèle (contenant et contenu) et faire une fortune colossale (elle possède 100md$ en cash, de quoi couvrir une grosse partie du déficit grec…). 

mardi 27 mars 2012

Comment devient-on terroriste ?

Comment une adolescence difficile peut-elle déboucher sur le terrorisme ? se demande Hervé Kabla, en commentaire à Comment fabriquer un terroriste.

Heureusement que le phénomène est rare, car c’est fou le nombre d’adolescences difficiles que j’aperçois chez les « travailleurs riches ». Elles débouchent parfois sur le suicide, et souvent par un passage au poste de police. Cause ? Probablement un mode de vie familial peu propice à l’équilibre et des modèles parentaux (diplômé de grande école…) peu conformes à la nature humaine et difficiles à imiter.

Mais les relations de sa famille évitent la prison à l’adolescent riche, et aucun mouvement radical ne cherche plus à canaliser son mal-être contre sa société. 

Chaos indien

Il y a quelques temps, The Economist annonçait que l’Inde allait devancer la Chine. Raison : c’était une démocratie.

Il n’en est plus question aujourd’hui. Les politiques incapables ont étranglé les vertueuses forces du marché. Finalement, il ne peut pas se passer de routes et de ponts, que seul l’État peut construire.

Les réformes libérales des années 90 ont suscité la croissance qui a suivi. Il en faudrait une nouvelle vague dit The Economist. Curieusement, le peuple n’y semble pas prêt.

Faut-il désespérer de l’Inde ? Ou penser, simplement, qu’elle a découvert que le libéralisme n’était pas la façon qui lui convenait de mener le changement ? Et qu’elle doit en inventer un autre ?

Compléments :

Le blog a changé ma vie !

Hervé Kabla m’a demandé ce qu’Internet a changé dans ma vie, j’ai répondu : rien. Avec ou sans lui, j’aurais été un intello autiste.

Erreur, et excuses à Hervé. Le blog m’a transformé, et cela indirectement. Pour pouvoir l’alimenter, je me suis à la fois exposé à l’actualité, que je hais, et j’ai cherché à analyser ce que je lisais et voyais (surtout les films).

Ce mécanisme produit une forme de remise en cause permanente de mes certitudes, d’autant plus inconfortable et stimulante, qu’elle se fait au vu et au su de l’univers… 

lundi 26 mars 2012

La justice, un caractère inné de l'homme, en danger!

LORENZ a n'a pas fini de me surprendre, je poursuis ma lecture des huit péchés capitaux de notre civilisation (Flammarion éd.1973).
LORENZ y aborde un sujet sensible (voir les articles précédents de Christophe): la dégradation des espèces.

Instinct et société

LORENZ nous dit que tout n'est pas programmé par la phylogenèse et que l'homme est influencé par l'apprentissage et l'éducation ce qui lui évite d'être le jouet irresponsable de ses instincts. Aussi, toute vie sociale ou culturelle suppose que l'homme apprenne à dominer ses instincts.
Mais le pouvoir qu'exercent la raison et le sens des responsabilités n'est pas illimité, il est juste suffisant chez un être normal pour lui permettre de s'insérer dans la communauté socio-culturelle.
L'homme selon LORENZ, reste un être de civilisation et ses impulsions naturelles et leur contrôle conscient, imposé par la société, forment un système unique à l'intérieur duquel ces deux facteurs sont complémentaires.
Une légère dose de plus ou de moins provoque des perturbations plus facilement que ne le pensent la plupart des gens inclinés à croire à la toute puissance de la raison humaine et de l'éducation.
LORENZ nous précise, au passage, qu'il vaut mieux prévenir que guérir, c'est à dire qu'il est beaucoup plus aisé d'éviter l'acquisition d'un trouble que de le soigner.

Dans ce même chapitre, LORENZ évoque un courrier reçu d'un spécialiste du droit comparé , Peter SAND, qui a découvert qu'il existe des grandes similitudes de structures entre différents systèmes juridiques à travers le monde, il donne plusieurs explications :
  • l'existence d'un droit naturel,
  • des échanges entre les cultures (comportements acquis par imitation),
  • une nécessité écologique (adaptation au milieu, à l'infrastructure)
  • des expériences individuelles.
Ce spécialiste du droit, après avoir lu LORENZ lui avoue que ce "travail austère", l'a convaincu que "ce mystérieux sentiment qui permet de discerner le bien et le mal provient essentiellement de comportements innés caractéristiques".
LORENZ conclut que ce sentiment inné de la justice datant de la phylogenèse est destiné à prévenir l'infiltration d'éléments asociaux dans la société.

Autodomestication

Jusque là ces travaux nous montrent combien l'homme a été bien équipé pour faire face à ses responsabilités.
C'est là que LORENZ évoque le risque chez l'homme, des dégâts que cause le phénomène de domestication qu'il a observé chez de nombreuses espèces et par exemple chez les poissons élevés en piscicultures, qui perdent leur dispositions génétiques à s'occuper de leurs petits.
Il remarque que ce sont les mécanismes les plus hautement sophistiqués et donc les plus récents qui se dérèglent le plus facilement, tandis que les instincts universellement partagés, s'accoupler et se nourrir, s'hypertrophient.
LORENZ note que l'amour maternel, le dévouement à la famille et à la société mais également le besoin de s'alimenter ou de se reproduire sont aussi des comportements programmés de l'instinct.
La domestication provoquerait des modifications génétiques et des comportements comme la précocité sexuelle, la jeunesse persistante, l'intolérance au déplaisir, une carence du sentiment de responsabilité qui traduisent une immaturité sociale de l'individu affecté d'un manque de considération pour les autres.
Ces derniers traits sont ceux des petits enfants et pardonnables pour leur âge. En revanche l'homme mûr se caractérise par le travail patient en perspective d'atteindre un but éloigné, la prise de responsabilité et les égards pour autrui.
L'individu infantilisé est irréfléchi, il se dresse contre l'ordre social, et partant contre ses parents tout en souhaitant bien être entretenu par cette même société et ses parents.
Lorsqu'on observe notre société actuelle, avec peut être, le prisme déformant de la presse, on note des inquiétudes grandissantes sur l'hypersexualisation des enfants, l'obésité croissante, l'immaturité nouvelle des collégiens et lycéens en panne d'autonomie dans leurs devoirs, les caractéristiques de la génération Y (tout tout de suite), le terroriste individuel... ne peut on y voir la confirmation des alertes de LORENZ sur le risque de domestication qui menace l'homme?
Et tout comme LORENZ, il faut préciser déjà que "la jeunesse moderne ne souffre nullement d'un manque de sentiment social et moral elle n'est pas aveugle aux vraies valeurs, les jeunes sentent bien que quelque chose est pourri, non seulement au royaume du Danemark mais bien davantage dans beaucoup d'Etats".

Suivons donc l'adage rappelé par LORENZ " prévenir plutôt que guérir". Nous empêcherons que ces petites diodes rouges allumées par LORENZ ne se transforment en un point rouge de sniper embusqué prêt à tuer.
Retrouvons le sens des responsabilités et de l'effort patient en perspective, le respect d'autrui et abandonnons la course à la consommation.
C'est certainement le changement primordial.



La Syrie, après l’Afghanistan et l’Iraq ?

Nous voyons le régime syrien appartenant à « l’axe du mal ». Mais que se passera-t-il s’il disparaît ? Bashar el Assad n’a personne auquel parler. Les révoltés ne sont pas organisés.

La façon dont les affaires du monde sont menées est un peu inquiétante. Le chaos semble s’installer partout : Iraq, Afghanistan, Pakistan, Moyen-Orient…

Et si l’Occident commettait l’erreur de croire que la démocratie faisait des miracles ? Mais où en est la démonstration ? La France est une monarchie en CDD, et l’Amérique est bloquée…

Un pays doit avoir une infrastructure qui lui permet un minimum de calme, qui rend la vie prévisible (d’où la côte de l’Islam au Moyen-Orient). C’est probablement ce qui est fondamental. Ensuite, cette structure doit être adaptée pour répondre aux aspirations de la population, notamment à la liberté d’expression.

En tant qu’intervenant extérieur, nous devrions donc veiller à ce que le chaos ne puisse s’installer, mais à ce que l’organisation du pays s’adapte aux évolutions sociétales.

En écrivant ces mots, je viens de comprendre que je répétais ceux d’Aristote… Décidément, la vie est un éternel recommencement…

Compléments :

Angleterre, nid de forbans ?

« Ce en quoi le pays est fort, ce sont les services financiers et c'est attirer les capitaux internationaux, en bref traire la globalisation ». Voici comment The Economist (This way, sir) caractérise l'économie anglaise.

Pour lui, l’industrie est morte, l’Angleterre n’a plus que la City. Conclusion : soutenons le gouvernement qui veut réduire les salaires des pauvres et les impôts des riches. C’est ainsi que l’on attirera les financiers et créera les meilleures conditions pour les affaires.

Les Anglais approuvent-ils cette vision de leur avenir ? Et, si, au contraire, c’était la City qui empêchait toute autre industrie de pousser en Angleterre ? D’ailleurs, le monde doit-il accepter de se faire « traire » par l’Angleterre ?

Comment fabriquer un terroriste ?

Mohamed Merah, déjà vu (du blog "Arun with a View") reprend le témoignage d’un jeune terroriste ressemblant à celui de Toulouse. Comment en est-il arrivé là ?

Curieusement, c’est un très bon élève, jusqu’au Lycée, qu’il trouve froid et hostile. Il rejoint alors la communauté sympathique des petits voleurs (apparemment la grande majorité des enfants d’immigrés), connaît la prison où il apprend l’arabe et découvre le Coran.

Qu’en déduire ? Qu’il en faut extrêmement peu pour devenir un terroriste. Le mécanisme semble le suivant : formatage à la consommation x chômage = petite délinquance. La prison fournit alors le mécanisme de socialisation qu’attendait l’individu, qui trouve sa voie : la croisade.

La théorie de Lorenz dit ceci : le rôle des rites sociaux est de canaliser l’agressivité de l’individu. Pour certaines parties de la population, les rites d’intégration dans la communauté nationale ne fonctionnent plus. D’autres se sont substitués à eux.

Cela montre aussi peut-être qu’une forme d’économie de marché et de libéralisme qui veulent que l’homme soit une sorte d’électron libre se trompent : l’individu est social par nature. 

Campagne présidentielle : à qui profite le crime ?

Les médias se sont demandé à quel candidat à l’élection présidentielle profiterait la tuerie de Toulouse. Si je les comprends bien, ce serait à N.Sarkozy, mais l’effet ne serait pas durable. J’en doute :

Il me semble que la force de N.Sarkozy est sa capacité à s’agiter en tous sens. Cela peut, à la fois, rendre fou ses adversaires et le faire aimer par certains. Mais il y a mieux : plus le phénomène prend de l’ampleur, plus il s’amplifie. Il se nourrit de lui-même.

Toulouse a stoppé ce mouvement et montré que les thèmes qui le stimulaient étaient dangereux. Pas facile de reprendre de la vitesse dans ces conditions. 

dimanche 25 mars 2012

Tuerie de Toulouse : chasse au coupable ?

Lorsqu’un récidiviste commet un crime, l’opinion s’émeut et désigne un bouc émissaire, le gouvernement légifère.

Je n’ai pas l’impression que cela soit le cas en ce qui concerne la tuerie de Toulouse. C’est d’autant plus curieux que le tueur avait reçu une formation militaire qui lui a donné une redoutable efficacité. Ce type de personnes est bien plus dangereux que le récidiviste.

Pourquoi pas plus d’émotion ? Le type de crime ? L’attitude de la presse ? Celle du gouvernement ?

Compléments :

25 mars : journée du changement par la force

Aujourd'hui, nous subissons un nouveau décalage horaire. Il a probablement été inventé par nos gouvernants pour nous rappeler, deux fois par an, ce que signifie un passage en force.

Qu’est-ce que le passage en force ? C’est d’abord une décision prise par la raison triomphante, celle de la règle de trois. (Dans ma jeunesse, on disait que le changement d’horaire faisait gagner « 100.000 tonnes de pétrole ».)  Elle ignore toutes les raisons qu’elle ne comprend pas. C’est ensuite une mise en œuvre qui est imposée, au nom de la susdite raison, sans aucune prise en compte de ses conséquences pratiques sur les masses ignorantes.

Résultat ? Généralement rien. Le système compense les effets du changement. 

Pourquoi faut-il voter ?

J’ai entendu dire à la radio que les hommes politiques ne s’intéressaient pas aux banlieues, parce qu’elles ne votaient pas.

Si nous ne votons pas nous n’existons pas pour nos gouvernants ? Argument  choc en faveur du vote ?

samedi 24 mars 2012

Rigueur et crise : un temps pour Keynes ?

Un graphique de Paul Krugman montre que, par les temps qui courent, plus un État dépense plus sa croissance est forte. La rigueur est donc probablement une mauvaise politique. (Voir aussi : l’Irlande et l’Angleterre.)

Je me demande si le raisonnement qui a été tenu pour demander à la BCE d’imprimer des billets ne tient pas ici. La crise se traduit par un comportement irrationnel de l’entreprise qui se replie sur elle-même, ce faisant enfermant l’économie dans un cercle vicieux. Elle a donc besoin d’un mécanisme de « dernier ressort » qui ramène l’économie à un point d’équilibre rationnel, en la stimulant artificiellement.

Compléments :
  • Je me demande aussi si le vice de l’État français n’est pas de faire comme le bonus des banquiers : croître sans fin. Pourquoi ne réduirait-il pas sa taille en période faste ? Deux pistes à explorer : éviter les gestes princiers ; transformer la structure d’armée mexicaine de l’administration en spécialisant ses membres plutôt qu’en en faisant des petits chefs.
  • Lien entre déficit et crise.

Syndicalisme et délocalisations

Les syndicats de PSA veulent s’opposer à la fermeture d’usines françaises. Le peuvent-ils ?

Comme j’essayais de le démontrer dans un livre, je ne crois pas que, lorsqu’elles ont été lancées, les délocalisations étaient rentables. Les entreprises avaient énormément sous-estimé le coût de formation du tissu économique local. (i.e. le coût de conduite du changement.) Mais aujourd’hui, plusieurs années après, la transformation est réalisée.

J’ai bien peur, donc, que la bataille des syndicats ne soit perdue d’avance. Ce qui pose la question de leur utilité. En effet, comme je l’avais noté dans le cas des suicides de France Télécom, ils tendent à intervenir lorsque le mal est là. Satisfont-ils leur conscience du bruit qu’ils font ?

La devise du syndicat français : « tout est perdu fors l’honneur » ?

Amérique : démocratie bloquée

L’Amérique aurait toujours était prise entre deux tendances politiques antagonistes : anti et pro État.

Mais, jusque-là, elles faisaient passer l’intérêt général avant tout, ce qui conduisait à une sorte de « juste assez » d’État. Maintenant elles ne rêvent que de la mort de l’opposant. Ce qui produit la paralysie.

Voici ce que je comprends de : Fixing What's Wrong with U.S. Politics - Harvard Business Review.

Peut-être cela vient-il de Nixon ? Il a trouvé habile de jouer l'Amérique d'en bas contre celle d'en haut. Mais peut-être, aussi, était-ce une évolution naturelle de la société américaine ?

L'Amérique ressemble à la France. Chez nous aussi les camps politiques semblent croire que leur opposant représente le mal. Mais tout notre système de gouvernement a été conçu pour qu'il ne soit pas grippé par une telle panne de démocratie. 

vendredi 23 mars 2012

Natation française : sombre avenir ?

L’équipe nationale de natation a eu des résultats exceptionnels ces derniers temps. Apparemment, ils devraient le rester : elle n’a aucun moyen, et les prochaines générations de nageurs n’ont rien à promettre. ("La natation française peut tomber aussi vite qu'elle est montée")

N'aurions nous pas évolué depuis les Gaulois ? Nous avons les plus grandes difficultés à l’organisation collective. Par contre l’individu, sans moyens, est capable d'exploits. 

Logique du terroriste

On dit généralement que le terrorisme est une question de caisse de résonance.

L’affaire de Toulouse semble le confirmer. Elle a droit à une publicité exceptionnelle, et, en plus, elle a choisi une période d’élection dont le thème était la division nationale. Moment idéal, car, comme tous les terrorismes, elle veut inviter l’extrémisme adverse à des représailles aveugles, afin de créer une forme de cercle vicieux.

Le meilleur moyen de lutte est probablement le « lien social », c’est-à-dire le renforcement de solidarités qui détournent ceux qui peuvent être tentés par le terrorisme de leurs desseins. Et si, d’ailleurs, le terrorisme était un appel à l’aide ? Lorsque la société devient par trop individualiste, elle réclame le renforcement de ses mécanismes de cohésion ?

Curieusement, à l’époque où la société semblait plus solidaire, dans les années 60, le terroriste était gosse de riche. Peut-être qu’alors on trouvait le lien social étouffant ? La société génère-t-elle naturellement une forme de révolte ? Cette révolte a-t-elle une fonction ou est-elle une pathologie ?

La bataille du sac de plastic

Monoprix n’est pas seul à retirer le sac de plastic. Franprix s’y met. (L'art de la relation client : Monoprix)

Un changement vu comme injuste suscite la résistance. Celui-ci semble chercher à exploiter notre souci de développement durable, pour faire gagner un peu mieux leur vie aux grandes surfaces. Le client va-t-il accepter d’être plumé ?

La réussite de la manœuvre est une question d’entente (implicite) : voyant que certains ont entamé le mouvement de retrait du sac plastic, leurs confrères vont-ils s’y mettre ? Ou, au contraire, tirer profit de l’éventuel mécontentement suscité par la mesure pour gagner quelques clients ?

Compléments :
  • La manœuvre peut avoir plusieurs bénéfices : la grande surface fait des économies et nous amène à acheter des sacs (poubelles par exemple) auxquels se substituaient les sacs plastics.
  • Mais, alors, la nature sera-t-elle gagnante ? Si l’on veut retirer le sac plastic de la circulation, il faut que la société dans son ensemble se réorganise pour cela. 
  • (épilogue provisoire - 29 mars : le sac plastic est revenu...)

L’adieu à la Reine

Film de Benoît Jacquot, 2012.

Versailles au crépuscule ? Peut-être pas tant parce que Versailles est humide, insalubre ou que les personnages n’y sont pas impeccables. Après tout, l’envers du décor du Versailles du duc de Saint Simon ne semblait guère reluisant. Et puis, le noble se moquait de la perfection, il était au dessus de tout. 

Plutôt parce que, à mesure qu'ils approchent de leur perte, et qu’ils sont gagnés, comme le reste de la société, par les idées des Lumières, les rois deviennent humains ?

jeudi 22 mars 2012

Les sources du nazisme

Le hasard fait bien les choses ? Lancé par notre discussion sur K.Lorenz sur la piste des courants de pensée qui ont inspiré le nazisme (Konrad Lorenz ou l’âge de ténèbres ?), je suis tombé nez à nez, lors d’une attente de RER, avec un hors série de Philosophie (février – mars) dont le sujet est « les philosophes et le nazisme ».

Une forme de système

Le nazisme est sorti d’un courant de pensée profond et relativement homogène. Aucun penseur allemand n’aurait été fier d’un disciple comme Hitler, cependant les thèmes du nazisme lui auraient été familiers. Ce qui peut expliquer que tant de monde ait pu s’y retrouver, ou même penser l’influencer (Heidegger et Carl Schmidt ?).

La pensée allemande a été une réaction à la brutale transformation de la société amenée par la Révolution industrielle. De ce fait, elle s’est bâtie contre les causes de cette transformation : les Lumières et le progrès. Elle a trouvé le salut dans une forme de fondamentalisme. Une vision fantasmée de son passé, mélange d’influences multiples dont certaines remontent à très loin. L’Allemand appartiendrait à une race élue et persécutée qui doit régénérer le monde. Sa langue, d’ailleurs, est celle des origines (une idée que l’on retrouve chez Heidegger).

D’une certaine façon, une sorte de régression se serait jouée au moment de la transition entre Kant et Hegel. Hegel rejette la raison de Kant et en revient à la métaphysique (il suffit de suivre son cœur pour faire le bien). Quant à Nietzche, il est tellement provoquant qu'il est aisé de se méprendre sur ses propos.

Lorenz et les thèmes du nazisme

À l’individu, universel, et à la raison des Lumières, la pensée allemande oppose donc l’espèce et une forme de mission divine, et la croyance que « la force seule crée le droit ». à noter que qui dit race, dit amélioration de la race (au sens troupeau du terme), i.e. biologie et eugénisme.

Curieusement, comme dans la théorie de l’agressivité de Lorenz, cette société est « anti », français, révolutionnaire, libéral, sémite…

Que Konrad Lorenz semble aussi marqué par un courant de pensée qui a mené au cataclysme, signifie-t-il que l’on doive condamner ses travaux ? Jacques Taminiaux parlant d’Heidegger : « tous les grands noms de la pensée européenne se sont confrontés à Heidegger. Leur œuvre est née dans cette confrontation. » Une idée à reprendre concernant la pensée de Konrad Lorenz : utile comme stimulant, mais non comme fin ?

Compléments :
  • Billet inspiré notamment par : Une histoire allemande de Georges Bensoussan (fondements de la pensée allemande d’avant guerre) ; Nietzsche le dynamiteur de Yannis Constantides ; Pensée juive et pensée allemande de Luc Ferry (Hegel) ; Jacques Terminiaux : La philosophe est-elle soluble dans le nazisme ?
  • Tout ceci est assez cohérent avec les conclusions que j’avais atteintes jusqu’ici. Sur ce blog, revues de livres : Heidegger pour les nuls, Kant pour les nuls, Kant et les lumières, Nietzsche, Troisième Reich (George Mosse et le mouvement völkisch), Le savant et le politique (Max Weber). 

Etes-vous innovant?

Conditions favorables à l’innovation ? Le rêvé éveillé, par exemple sous la douche, ou découvrir un univers nouveau, comme le font les jeunes, lorsqu’ils entrent dans le monde des adultes. (Throwing muses)

Curieusement, j’ai une vie qui semble assez propice à l’innovation. Non seulement, parce qu’elle m’offre de nombreuses coupures rêveuses (outre la douche, les cafés et le métro...), mais aussi parce que je n’ai jamais arrêté de zigzaguer entre des métiers nouveaux et des sciences différentes. Pierre qui roule… 

La fureur de vivre

Film de Nicholas Ray, 1955.

Au fond, c’est un film pour ado. Révolte (bien élevée) contre le mode de vie bourgeois des années 50. Envie d’aventure. Idéal ? Montrer que l’on est un homme à ses copains, et trouver une compagne (ou un compagnon). Heureux les adolescents d’avoir des rêves aussi simples ! (Ont-ils toujours de telles aspirations ?)

Par ailleurs, Rebel without a cause semble un titre plus approprié, et j’ai été surpris par la ressemblance entre Brad Pitt et James Dean (que je n’avais jamais vu dans un film). 

mercredi 21 mars 2012

Toulouse, ville lumière ?

Ma radio me réveille en m’annonçant qu’un membre d’Al Qaïda aurait été coupable de la tuerie de Toulouse. Il est encerclé par la police, mais a déjà avoué son crime, si je comprends bien.

Auparavant, les principaux candidats à l’élection présidentielle avaient réagi au drame, dignement me semble-t-il, en prenant le contre-pied des thèses de campagne précédentes et en prônant l’unité. Maintenant que tout semble désigner (sauf un jugement) une forme d’extrémisme identitaire, les dites thèses ne sont-elles pas confirmées ? Jouer sur nos divisions va-t-il redevenir la règle du jeu ?

Et si nous connaissions un instant existentialiste ? Face à l’absurde, les natures humaines se révèlent. Et, après tout, il n’y a pas de loi de la nature qui affirme qu’il y a incompatibilité entre être un homme politique et être quelqu’un de bien. Il y a des choses plus importantes dans une vie que de gagner une élection. 

Konrad Lorenz ou l’âge de ténèbres ?

Dominique Delmas défend avec une constance remarquable Konrad Lorenz face à mes attaques déshonnêtes…

Mais, au fait, qu’y a-t-il qui m’est désagréable dans la pensée de Lorenz (merci à Dominique de me la faire découvrir !) ?

Elle semble un recyclage de l’idéologie nazie. Les Nazis pensaient que nous étions des dégénérés. En cause ? Les Lumières, origine de la « civilisation » (le nom qu'ils donnent à individualisme et matérialisme). La solution ? Une nouvelle invasion « aryenne » (i.e. indo-européenne) : n’était-ce pas ainsi, depuis l’antiquité, que l’Europe s’était régénérée ?  Est-ce surprenant que les scientifiques allemands, à commencer par les biologistes, aient cherché à démontrer cette thèse ?

Ce qui m’amène à m’interroger. Pourquoi nions-nous nos erreurs au lieu de les regarder en face pour en tirer des enseignements, et ne pas les répéter ?
  • Pourquoi a-t-on jeté un voile pudique sur la pensée nazie ? Pourquoi a-t-on aussi vite recyclé l’élite intellectuelle nazie ? Pourquoi s’est-on contenté de dire que le nazisme était le mal absolu ?
  • Pourquoi de Gaulle a-t-il fait de la France un pays de vainqueurs, et n’y a-t-il pas eu d’interrogation sur les raisons de la collaboration ?
  • Je lis actuellement un livre sur la City de Londres, qui montre que, régulièrement, depuis des siècles, se reproduisent les crises que nous venons de connaître, mêmes causes, mêmes arguments… Pourquoi répare-t-on à chaque fois la société, remet-on en selle ceux qui ont été à l'épicentre de la crise, sans s’interroger sur ses raisons ?
  • Pourquoi, en même temps, est-on aussi durs avec certaines parties de la population, que l’on expédie en prison sans aucun remord ?
Dans notre société, les classes supérieures se protègent ? Surtout de ce qui n’est pas elles ?

Compléments :
  • Exercice laissé au lecteur. Comment interpréter, avec mon mauvais esprit, l’exemple de l’Argus choisi par Lorenz : une espèce animale qui dégénérerait si elle n’était pas maintenue alerte par ses prédateurs ? Qu'en déduire quant aux bénéfices de l'agression, idée centrale de Lorenz ?

Bombe des retraites

Il y a quelques années, on nous ventait les mérites de la retraite par capitalisation. Finalement, il ne semble pas que ce soit le nirvana.

Depuis une décennie, les actions rapportent moins que les obligations. Ce n’était pas prévu par les entreprises anglo-saxonnes qui se sont engagées à verser une retraite à leurs salariés. Les fonds qu’elles ont constitués sont sous capitalisés. D’ailleurs, les salariés qui ne sont pas couverts par un tel système ne sont pas mieux lotis.

Compléments :
  • Source : Too much risk, not enough reward
  • Une élégante façon de résoudre la question est, pour l’entreprise, la faillite. Alors, l’Amérique va-t-elle compter bientôt beaucoup de pauvres vieux ? Je doute que l’État américain les laisse totalement démunis, en tout cas. Ce qui signifie que sa dette n’est pas proche de l’extinction… Un livre traitant du sujet : Retraites américaines.

De l’erreur de la spécialisation

Adam Smith croit que la marche du monde va vers la spécialisation de l’individu, c’est ainsi que nous produirons de plus en plus et serons de plus en plus riches. Émile Durkheim pense qu’une société de spécialistes ne peut qu’entraîner interdépendance, puisque chacun a besoin de l’autre pour vivre.

Tout ceci est erroné, selon moi. Comme l’a noté Robert Merton au sujet des bureaucraties, l’homme spécialisé perd de vue les intérêts supérieurs de la société, il y a « détournement de but » (displacement of goals en VO). Illustration : le banquier américain.

J’en déduis donc que l’existence de chacun doit être conçue pour qu’il puisse se mêler aux autres et comprendre leur point de vue. Ce qui n’empêche d’ailleurs pas une spécialisation. Mais pas celle de la tour d’ivoire.  

mardi 20 mars 2012

Toulouse ou l’âge des ténèbres ?

Une personne, hier, me tient le même langage qu’un interviewé de France culture : la tuerie de Toulouse a suscité une grande émotion parce qu’elle a touché une école juive. Mais qu’aurait-on dit s’il s’était agi d’une école non confessionnelle ? me suis-je demandé.

Ce blog en est arrivé à supposer que l’esprit des Lumières était « l’Humanité ». L’Europe du 18ème, après la boucherie des guerres de religion, a cru que le seul moyen de ne plus s’entrégorger était de considérer que l’homme était premier et les idées (idéaux, idéologies…) secondes. Les Lumières ne voulaient plus que l’on puisse dire avec Bossuet : « J’ai le droit de vous persécuter parce que j’ai raison et que vous avez tort ». (Citation empruntée à Tzvetan Todorov, L’esprit des Lumières.)

Ces dernières décennies cette idée a été remise en cause. Le néoconservatisme, qui croît à un « droit naturel » (c'est-à-dire qu’il y a des gens qui ont raison et d’autres tort) en est un exemple.

Mais est-ce nouveau ? Avant lui le PC n’avait-il pas récupéré l’Humanité (le journal) de Jaurès pour en faire le fanion de la lutte des classes ?

Faire connaître les Lumières à l’humanité est un combat sans fin ?

Compléments :

La Grèce fait faillite

La Grèce a réussi à se débarrasser de 100md€ de dette, ce qu’ailleurs on appelle une faillite, sans que cela fasse de vagues. Les dettes que possédait la BCE auraient eu un traitement de faveur. (The wait is over)

Est-ce suffisant ? En tout cas, cela montre que l’Europe peut faire preuve de pas mal de pragmatisme, et compenser en partie l’inflexibilité de son taux de change interne… 

Les inégalités causent-elles les crises ?

Les économistes semblent divisés : la croissance récente des inégalités de fortune est-elle la cause ou la conséquence de la cause de la crise ? (Inequality and crisis: The usual suspect | The Economist)

En tout cas, les inégalités ne semblent plus une bonne chose, disent-ils. C’est une remise en cause radicale de la pensée dominante de ces derniers temps, qui voulait que l’enrichissement du riche fasse celle du pauvre.

À ce sujet, une observation curieuse. L’obsession des banques centrales a été la maîtrise de l’inflation. Pour ce faire elles sont parvenues à contenir les augmentations de salaire du petit peuple. Par contre, les gros bonnets n’étaient pas soumis à un tel contrôle, ce qui leur a permis de s’enrichir.

Le monétarisme serait-il l’expression de l’intérêt des magnats de l’économie ?

Cloclo

Film de Florent Emilio Siri, 2012.

Je n’ai jamais aimé les chansons de Claude François. Elles sont même une sorte de mauvais souvenir de ma toute première enfance, durant laquelle la radio les hurlait. Lorsqu’il a disparu, j'ai eu l'impression que c'était de grande vieillesse, comme Pascal.

C’est une bande annonce qui m’a fait voir le film. Claude François m’y a fait penser à Nicolas Sarkozy. Inattendu.

Et l’impression s’est maintenue. Lui aussi a une énorme énergie, du toupet, une volonté increvable de réussite matérielle, pas très française, un amour du bling bling, une capacité étonnante à se transformer avec les goûts du marché, à « l’innovation », un certain manque de culture, une revanche à prendre sur la vie et de grosses désillusions sentimentales, qu’il a bien cherchées. Lui aussi exerce une forte attraction sur les uns et une toute aussi forte répulsion sur les autres. Et, j'allais oublier, il est petit et porte des talonnettes...

Et, heureusement, on n’entend que des courts morceaux de ses chansons. 

lundi 19 mars 2012

Toulouse: le populisme peut-il tuer?

Série de meurtres. D'abord des militaires qui, d'après ce que l'on dit, n'auraient pas été blancs, maintenant des Juifs.

Comme dans le cas du massacre de Tucson, où les outrances de Mme Palin avaient été dénoncées, est-il possible d'incriminer les thèmes choisis par la campagne présidentielle ? Les politiques désignent-ils leurs cibles aux déséquilibrés ?

L’Espagne se moque de Mme Merkel ?

Le très respectable gouvernement conservateur espagnol annonce qu’il ne tiendra pas ses engagements. Ne se croirait-on pas chez les Grecs ? Mais rien ne se passe. Qu’en déduire ?
  • La rigueur est enterrée : la crise n’était pas une question de déficit public? Les marchés ne punissent pas les paniers percés: depuis que la BCE imprime de la monnaie, la dette de fait plus les criminels ?
  • La discipline économique de Mme Merkel est, corrélativement, ridiculisée. Au mieux, elle s’applique aux États sans défense (la Grèce et la Belgique), et à quelques masochistes libéraux (Angleterre, Irlande)? Avons-nous vécu un grand moment d’hypocrisie ?
  • La crise économique a été résolue par les manœuvres à la Goldman Sachs de la BCE ? Leçon de courage pour les générations futures ?
Compléments :

La banque contre la société

La banque américaine peine à recruter tant son image est mauvaise. Elle découvre que le salaire n’est pas tout, que l’estime de l’autre compte au moins autant. (Wall Street's Latest Campus Recruiting Crisis Sparked by Goldman Controversy)

L’histoire de la finance illustre-t-elle le fait que l’individu ne peut échapper à la pression sociale ?

D’ailleurs, les banques ont été contraintes d’augmenter leurs fonds propres, ce qui devrait avoir un effet vertueux : meilleure garantie contre le risque ; moins d’argent à parier sur des projets hasardeux (ces projets étant les derniers à trouver un financement).

Cependant, les salaires de la profession ne paraissent par prêts de revenir à leurs niveaux antérieurs. N’y a-t-il que l’impôt pour les y inciter ? (Inequality: The gap widens, again | The Economist)

Campagne du troisième type

N.Sarkozy nous promet de rejouer la bataille de Poitiers et de dissoudre l’Europe, F.Hollande fait de vagues déclarations généreuses, sans cohérence apparente. Ce que cette campagne présidentielle a d’étrange est qu’elle ne semble s’intéresser à rien de sérieux.

Éduquer la raison humaine était le projet de J.Jaurès, et des instituteurs de la 3ème République… M.Hollande aurait-il perdu son âme ? Ou, M.Sarkozy l’a-t-il pris au piège de sa propre tactique, celle de l'irrationalité ?

Il se peut d’ailleurs que, pour une partie de la population, un homme qui s’agite et vocifère, ce soit bien. « C’est un des nôtres » ? Le contenu ne compte pas ? Que N.Sarkozy puisse faire « peuple » est extraordinaire quand on pense à ses origines. Quel talent ? (Mais pas unique : c’était aussi le cas de George Bush.)

Par contraste, François Hollande semble transparent. Cela ne veut pas dire forcément qu’il n’a pas de conviction. Mais, contrairement à N.Sarkozy qui crée l’événement, il paraît évoluer au gré des vents, c’est l’autre qui lui fournit l’énergie dont il a besoin. Yin et Yang ?

dimanche 18 mars 2012

Face cachée de l'effet de levier

Adepte de l'effet de levier depuis l'éclairage de Christophe FAURIE, voici une illustration intéressante tirée d'une lecture récente (Freakonomics de S.D. LEVITT et S.J.DUBNER).

En 1995 un éminent criminologue, James Alan Fox, remet un rapport décrivant le ras de marée inévitable de la criminalité imputable aux adolescents, aux USA pour les 10 prochaines années. Il évoque 15 à 30 % d'augmentation! L'ensemble des politiques, des criminologues et des prévisionnistes lui emboîte le pas, jusqu'au président Clinton, lui-même.

Tous les fonds d'exception étaient alors alloués au combat contre la criminalité. Et c'est alors que les courbes au lieu de grimper se sont effondrées. La diminution de 50 % de crimes dus aux adolescents étonnait dans son ampleur et chacun de louer la reprise économique, les nouvelles stratégies policières, au contrôle des armes.

Tout ceci était logique rassurant de "bon sens" mais probablement faux! Car en réalité c'est le battement d'aile du papillon qui avait provoqué le cataclysme positif.

Ce battement d'aile s'appelait Norma McCorvey. Une jeune femme pauvre et sans diplôme alcoolique et droguée, enceinte pour la troisième fois à 20 ans. L'avortement était illégal à cette époque et des personnes avisées se sont emparées de son cas et en on fait l'icône d'une procédure collective visant à légaliser l'avortement. Le 22 janvier 1973, les juges se sont prononcés en faveur de McCorvey et l'avortement a été légalisé sur tout le territoire.

Or les études ont montré que les adolescent criminels étaient issus de ces milieux défavorisés auxquels appartenait Norma McCorvey. En légalisant l'avortement, on a éliminé un ferment de la criminalité. Ceci explique bien qu'à partir des années 95, date de prévision catastrophique de Fox, la criminalité baissa. Ces adolescents en âge de rentrer dans la criminalité n'étaient toujours pas nés! Le vivier des criminels en puissance s'était amenuisé et la criminalité avec...

LORENZ disciple de BOUDDHA?

Après le débat sur l'agressivité, qu'il ne faut entendre que comme un ingrédient comme un autre, (il y aussi l'amour, la colère la compassion, la peur), et qui bien dosé reste utile, je poursuis mon étude de LORENZ et sa vision de la course contre soi-même.
LORENZ s'appuie sur le principe qu'il existe une sélection externe (par le milieu) et une sélection intra-spécifique, la première provoque des évolutions du patrimoine génétique pour augmenter les chances de survie de l'espèce, tandis que la seconde peut les réduire lorsque les individus d'une même espèces entrent en concurrence.

Un faisan- l'argus- sauvé par ses prédateurs!
Il relate les travaux sur l'argus mâle, un faisan qui a développé ses rémiges pour séduire la femelle, mais au détriment de son envol et au péril de se faire dévorer par les carnassiers.
Heinroth, maître de Lorenz avait coutume de dire "le produit le plus stupide de la sélection intra-spécifique est, après les ailes de l'argus, le rythme de travail de l'homme moderne".
L'argus a eu la chance que la menace des carnassiers lui permette de conserver sa capacité, médiocre, de voler, pour survivre et empêche ainsi la sélection intra-spécifique d'entraîner l'espèce vers des développements catastrophiques.

L'homme moderne victime de son développement
L'homme moderne a appris, quant à lui, à dominer toutes les forces du monde extérieur et il est privé de force régulatrice et salutaire, de son développement culturel.
Pour LORENZ, le constat de la compétition de l'homme contre l'homme écrase avec une "brutalité diabolique" la plupart des valeurs que la sélection naturelle a créées.
La réussite est devenue le but ultime et demande de vaincre les autres avec une contrainte impitoyable du dépassement.
Les moyens pour atteindre ce but deviennent une valeur en soi : l'argent (avoir) et le temps (accélération).
LORENZ se pose la question de ce qui porte le plus gravement atteinte à l'âme des hommes modernes : la passion de l'argent ou leur hâte fébrile?
Il note également, mais sans en trouver la motivation, que les hommes au pouvoir, ont intérêt à promouvoir et intensifier cette contrainte du dépassement.
Il met en avant l'angoisse comme jouant un rôle prépondérant. Angoisse d'être dépassé dans la course, de manquer d'argent, de se tromper de décision et de ne plus être à la hauteur d'une situation épuisante!
Cette précipitation angoissée contribue à priver l'homme moderne de ses qualités les plus profondément humaines et en particulier la réflexion.

Ce qui fait que l'homme se délite
Pendant tout le processus complexe et long d'hominisation, le moment décisif a été lorsque l'être s'est découvert lui-même comme objet d'investigation.
Un être qui ne sait encore rien de son propre moi est impuissant à développer un concept, un langage ou une conscience morale et responsable.
Un être qui cesse de réfléchir est en danger de perdre ses facultés et qualités spécifiquement humaines.
Selon LORENZ, la pire conséquence de l'agitation nourrie d'angoisse, serait l'incapacité de l'homme moderne à rester seul en face de lui-même, ne serait-ce qu'un moment.
LORENZ ajoute que l'impératif commerçant qui pousse à posséder toujours plus, conforte cette situation dangereuse où le feedback positif est maximal.

Où LORENZ rejoint les grands sages
L'homme moderne pris dans la tourmente de cette compétition effrénée avec son prochain pour "rester dans le vent", en paye le prix fort : un épuisement nerveux avec une hypertension croissante, des infarctus précoces, des reins atrophiés, des dos noués...et au-delà, des valeurs oubliées.
LORENZ nous alerte, en 1973, sur l'impératif immédiat de replacer l'être avant l'avoir et d'être en harmonie avec soi-même pour être en lien avec l'autre.

Il rejoint CONFUCIUS, LAO TSEU, BOUDDHA, SOCRATE et tant d'autres sages, et confirment par la voie de l'éthologie et de la biologie, leur sagesse séculaire.


La crise est finie !

C’est le printemps. La crise est finie, dit The Economist. (Can it be…the recovery?)

Les USA redémarrent, poussivement. L’Europe merdouille, mais peut-on espérer mieux de semi-soviétiques obtus et paresseux ? En tout cas, elle a résolu son problème de dette. Le marché européen ayant survécu, les économies émergentes ne connaîtront pas de crise. Ouf.

Est-ce pour autant que les fondamentaux de l’économie sont rétablis ? Je vais mener l’enquête.

Compléments :
  • « Mais si les politiciens foirent encore, la sortie de crise pourrait avorter ». The Economist est un amoureux de la démocratie. (D'ailleurs, les politiciens sont représentés par un serpent, sur la page de garde du numéro de la semaine.)

Constitutions de sociétés : conclusion

Fin d’une série de billets sur la nature des sociétés humaine. Le commentaire de Jad emporte mon adhésion : il est erroné de partir de la nature de l’homme pour en déduire celle de la société. Il n’y a pas de rapport (évident) entre les deux.

C'est ce que dit la systémique. Un système est défini avant tout par la capacité qu'ont ses composants à interagir les uns avec les autres. Leur comportement individuel est relativement secondaire. (Cf. la différence entre le comportement d'un atome et celui d'une molécule.)

Mais il ne faut pas s'arrêter là. Faire l’hypothèse que la nature humaine est le mal, l’agressivité, ou autre est dangereux, voire criminel : cela encourage l’individu à agir selon le modèle qui est supposé être le sien. D’où prévision auto-réalisatrice. 

Le port de la drogue

Film de Samuel Fuller, 1953.

Jean Peters arpente les taudis de New York en fourreau blanc, et sert de punching ball aux hommes du coin.

L’amour et la lutte contre le communisme sauvent un petit escroc, sur le point de prendre perpète.

Mais pourquoi ce titre ? D’après Jean Tulard (Guide des films), la VF du film parlait de drogue, et pas de communistes. Diaboliser le rouge ne devait pas faire recette en France, alors. 

samedi 17 mars 2012

Nationalisons Google, Facebook et Twitter ?

Hervé Kabla constate que Twitter n’est pas du tout rentable et donc ne peut qu’être promis à la disparition. Pourquoi ne pas en faire une sorte de service public ? (Twitter est-il un gouffre financier?)

Pourquoi ne pas faire de même de Facebook et de Google, qui, eux, sont rentables, mais sont des quasi monopoles ?

Compléments :
  • Solution alternative : Twitter ne pourrait il pas vivre grâce à la charité, comme Wikipédia ? 

Constitution des sociétés : blog du changement

L’ouverture de ce blog a des contributeurs extérieurs illustre-t-elle les théories de Konrad Lorenz et mes 3 précédents billets? Retour sur une expérience récente en quelques observations:
  • L’homme est incapable de prévoir l’avenir. Première leçon. J’ouvre, ils écrivent. Je pensais que tout allait être simple. Je n’avais pas soupçonné que ce qui est facile pour moi peut être compliqué pour un autre. Par exemple, rédiger quelques lignes sur son compte a éliminé plusieurs candidats. J’ai aussi constaté quelque chose qui m’avait surpris chez mes élèves : il est plus facile d'écrire long que court.
  • Deuxième leçon : le changement est une question d’anxiété de survie (Edgar Schein). Ainsi, le combat personnel (cf. Dominique Delmas) est un infiniment meilleur moteur que la facilité d’écriture.
  • Ce blog est-il une métaphore de l’entreprise ? Troisième leçon? Ce blog est important pour moi, donc je lui consacre du temps. Les autres contributeurs n’ont pas ce sentiment de propriété. Ce qui me conduit à devoir me transformer en animateur. Est-ce la même chose pour l'entreprise? D’un côté un dirigeant qui constate une énorme différence de productivité entre lui et ses employés, et se demande s’ils lui sont utiles ; de l’autre des employés qui sentent que leur contribution au projet de leur patron, d’autant plus méritante que le dit projet n’est pas le leur, n’est pas reconnue à sa juste valeur.
  • Quatrième leçon : le changement, c’est l’inconnu (variante de la première). Je pensais qu’un plus grand nombre de contributeurs augmenterait la fréquentation du blog. C’est le contraire qui s’est passé. Par contre, ce qui est extraordinaire dans une collaboration, c'est que l'on y gagne des idées que l'on n'aurait jamais eues seul. Et cela, dans un certain sens, ça n'a pas de valeur. 
Tout ceci ne vote guère Lorenz. Mais ça ressemble à ce que j'aurais appris de mes livres, si je les avais lus...

Changement et systémique : comprendre l’effet de levier

Si vous pensez qu’il faut des moyens colossaux pour transformer la France, c’est que vous faites fausse route. La caractéristique du changement est d’être à « effet de levier ». C’est ce que les Chinois ont compris il y a 2500 ans, au moins (mais oublié depuis). (Illustration.)

Les effets sont-ils pour autant immédiats, comme le pensent les gourous de la dynamique des systèmes du MIT?

Non. Parce que l’effet de levier signifie simplement la prise de conscience que vous vous en preniez à la falaise. Désormais bien orienté, il vous reste à traverser l’Atlantique. Il en est de même de l’entreprise ou la nation.

Comprendre qu’elles sont piégées par un cercle vicieux n’est pas tout, il faut aussi conquérir les nouveaux espaces qui s’ouvrent lorsqu’on en sort. Et là, on entre dans un autre type de changement : l’apprentissage. 

vendredi 16 mars 2012

Le jour où la banque a oublié ses clients

Les banques ne cherchent qu’à exploiter leurs clients, dit-on aux USA.

Elles seraient devenues irresponsables le jour où elles n’ont plus été dirigées par des propriétaires associés, risquant leur fortune, et où elles ont commencé à jouer l’argent dont elles disposaient.

Ce qui n’est peut-être pas surprenant. Du fait de ses études et de sa carrière, le banquier d’affaires ne connaît que les mathématiques et les ordinateurs. Pour lui rien d’autre n’existe. 

Constitution des sociétés : Robert Axelrod

Robert Axelrod a fait s’affronter des programmes informatiques qui, chacun, avait une tactique propre. Quelle est celle qui a gagné ? « dent pour dent ». Plus exactement, l’algorithme est d’abord amical puis modèle son comportement sur celui de l’algorithme qu’il rencontre. Rapidement, on aboutit à une coopération généralisée, avec quelques îlots de parasitisme.

Contrairement à ce que semble dire Konrad Lorenz, l’individu ne serait pas qu’agression. Elle serait une option, parmi d’autres. Et ces options lui permettent une sorte de dialogue avec son environnement, dont l’objectif est la coopération ?

Bien entendu, s’il ne trouve personne capable de se mesurer avec lui, il peut finir par éliminer ceux qu’il rencontre.

Compléments :
  • La provocation serait-elle une demande d’amitié ?
  • AXELROD, Robert, The Evolution of Cooperation, Basic Books, 1985.
  • Curieusement, l’histoire des Vikings rejoint cette théorie. C’était un peuple de commerçants, qui ne s’en prenait qu’à plus faible que lui. Il coopérait avec les forts. Son action semble avoir eu pour bénéfice de forcer ses victimes à la solidarité, et de mélanger idées et pratiques européennes. Des vertus des virus ? (BOYER, Régis, Les Vikings, Perrin 2004.)