mercredi 11 juillet 2012

Reengineering et autres réflexions de la semaine

Mes réflexions de la semaine passée :

Ce blog fait son reengineering
Je change de manière de rédiger ce blog. Fini les billets courts.
Pourquoi ? Pour avoir du temps libre non contraint par une obligation. Ce blog était devenu un esclavage, auquel je sacrifiais trop de temps. En outre, sa rédaction encourage à un suivi de l’actualité fort stressant (l’actualité étant faite des malheurs du monde).
Décision. Un billet hebdomadaire, qui regroupe les idées de la semaine. Des résumés de livres et des notes de cours. Cela a l’intérêt supplémentaire de m’éviter d'affronter l’éditeur de billets de Blogger, qui est particulièrement inefficace. Par ailleurs, plus de liens html : ils me coûtent trop.
Google stats
La semaine dernière, je me suis interrogé sur les différences entre les résultats les statistiques de Blogger et Google Analytics. (Pour ce blog, par exemple, les écarts d’évaluation entre eux peuvent atteindre un facteur dix !) J’en suis arrivé à l’hypothèse suivante : des chiffres enflés encouragent le blogger amateur, le client principal de Blogger.

La France et le changement
Sarkozy et ses affaires
M.Sarkozy fait l’objet de nombreuses poursuites judiciaires.
Au fond, ce qu’on lui reproche n’a rien d’exceptionnel. Magouilles politiciennes classiques. C’est un politicien normal pris dans un changement de règles du jeu. Ce qui n’est pas normal est, peut-être, seulement, qu’il se croyait a normal, mieux que les autres, alors qu’il suivait les mêmes rites. Ce qu’il a d’anormal est sa capacité à croire ce qui lui convient ?
Pourquoi la France est-elle bloquée par le changement ?
Éternelle question. Pourquoi s’évertue-t-on à rater le changement, alors qu’il serait si facile de bien faire ?
La réponse est probablement que l’on se débat avec un problème que l’on n’a pas identifié. Il est en partie bloqué dans notre inconscient. Une fois qu’il sera devenu conscient, on saura le résoudre de manière rationnelle.
En France, le changement est une manipulation
L’entreprise investit beaucoup dans la conduite du changement. Par exemple, de plus en plus souvent, il est prévu un « coaching » des personnels concernés, c'est-à-dire un accompagnement psychologique. Cela me surprend, parce que cela coût très cher, alors que les changements français veulent généralement faire des économies.
Je viens de comprendre ce qui gène l’adoption de mes idées par le marché. Pour lui, conduire le changement consiste à faire voir la lumière à des esprits retardés, ou à les manipuler, s’ils ne peuvent comprendre. Elle est conforme à un des paradigmes dominants de notre culture : le modèle du père, qui sait, et de l’enfant qui absorbe.
Compétitivité et émergence
On nous parle beaucoup de compétitivité. Affreux mot anglo-saxon qui signifie que le faible est coupable d’inefficacité, qu’il doit se repentir et se sacrifier.
Il me semble que ce mot doit subir le traitement que Kant a réservé à « conflit ». La compétitivité doit être une fructueuse et nécessaire collaboration des différences. Pas une destruction d’hommes.
Que crée la compétitivité / conflit à la sauce Kant ? Quelque chose de différent de ses composants, de même que des hommes mis ensemble créent une « société », un tout qui n’a rien à voir avec ses parties. La théorie de la complexité parle « d’émergence ».
Pour la flexibilité du travail
Dimanche, France Culture faisait son coming out ultra-libéral. Il disait qu’en France le travail était flexible. En effet, l’entreprise française fait beaucoup appel au CDD et à l’intérim, le licenciement est devenu facile. C’est bien. Ce qui est mal, c’est le chômeur : il est trop longtemps indemnisé, ce qui ne l’incite pas à travailler.
Pas d’accord. Ce système encourage, le CDD et l’intérim. C'est-à-dire la précarité, l’acceptation d’une classe de sous-hommes. En outre, cette précarité est mauvaise pour l’économie parce qu’elle ne développe pas les compétences des personnels concernés.
Une meilleure solution : la flexisécurité à la quelle j’ai consacré plusieurs billets. Un seul type de contrat de travail, qui permet un licenciement facile, mais une prise en main du chômeur par la collectivité. Elle est efficace : elle lui apporte qualification et emploi. Mais Pole emploi n’y est pas prêt, si j’en crois ce que m’en disaient des chômeurs rencontrés il y a peu…

L’Europe en route vers la Fédération
Zone euro : la rigueur comme rite de passage
Il y a quelque chose d’étrange dans ce que l’on nous dit sur la rigueur. Certes, à première vue cela semble logique : certains États ne peuvent pas être chroniquement débiteurs, d’autres créditeurs. À seconde ça l’est moins. Car, au sein d’une même nation, il y a des déséquilibres équivalents à ceux qui existent entre Grèce et Allemagne. (Cf. les comparaisons de Paul Krugman entre Mississipi et États riches des USA.)
J’en arrive à formuler une autre hypothèse. Il est possible que la constitution d’un groupe requière de ses membres une sorte de sacrifice, une souffrance, un investissement irrationnel qui prouve la détermination de chacun à mettre les intérêts du groupe au dessus des siens propres. Peut-être que la rationalité de la rigueur c’est ce sacrifice gratuit à la cause commune.
En tout cas, c’est ainsi que le psychologue Robert Cialdini explique le bizutage et les rituels de passage ou d’entrée dans un groupe.
Que perdrons-nous avec l’Angleterre ?
Plusieurs articles traitent du départ de l’Angleterre de la zone euro. Que pourrait-on y gagner, ou y perdre ?
Le départ de l’Angleterre nous ferait un grand bien. Depuis plus de cinq siècles, l’Angleterre divise pour régner (cf. l’histoire de l’Angleterre de Roland Marx). En outre, nous récupérerons quelques affaires appartenant à la City, qui sont très rentables selon The Economist. 
À l’envers, si l’on en croit le modèle de Kant (ci-dessus) : nous y perdrons ce qui fait sa particularité. Mais peut-être que ce qu’elle représente, un modèle non collaboratif qui sème le vent chez les autres pour y récolter la tempête, va-t-il trouver la place modeste qui lui revient dans un monde qui deviendrait solidaire ?
Je crois surtout que nous pourrions perdre une certaine forme de vie de l’esprit, que l’Angleterre réserve à son élite. Débat vigoureux, presse enquêtrice et indépendante, honnêteté intellectuelle qui en fait la vraie patrie de la science. Un monde sans pensée anglo-saxonne sera peut-être une forme de Japon, à la pensée pesante, dominée par des mécanismes de solidarité collective qui nuisent à l’épanouissement individuel.
D’ailleurs, cela semble aller de pair avec la diminution de la démographie mondiale. La croissance démographique fait exploser le lien social. Les règles sociales ont d’autant plus de prise que la population évolue peu.
Mais le moment rare de liberté que certains ont connu frécemment a fait beaucoup de victimes.
Chypre : l’île de la discorde
(Une note de CLES de www.grenoble-em.com)
La situation de Chypre est compliquée. Les Anglais y ont-ils joué, encore, aux apprentis sorciers ? « en 1956. Suivant l’adage « divide and rule » et afin de s’attribuer le rôle d’indispensable arbitre, les Britanniques décident de réintroduire les Turcs dans les affaires de l’Ile. » En tout cas, aujourd’hui, elle semble stratégique pour les Turcs. Surtout, elle paraît avoir retenu l’enseignement anglais : elle joue avec tout le monde : Europe, Russes, Israéliens, Chinois…
Faut-il se débarrasser de Chypre ? The Economist ne le croit pas. Chypre est un très important gisement d’énergie. Il faut s’en occuper si l’on ne veut pas que l’île prenne, comme l’Arabie Saoudite, l’Europe en otage de ses lubies.

La culture anglo-saxonne domine le monde
Apprenons à influencer notre prochain
Géopolitique du smart power (www.grenoble-em.com) est un entretien entre J.F. Fiorina et Claude Revel, qui a écrit La France un pays sous influence ? Constat : les USA, pour faire triompher leurs intérêts, ont décrété une guerre « d’influence », de manipulation, dans laquelle tous les moyens sont bons. À commencer par leurs ONG qui privatisent « en douceur les relations internationales ».
Mme Revel encourage la Franque à lutter avec les armes anglo-saxonnes. Préalable : « réapprendre à penser » et « réapprendre à décider » !!
Sur ces deux points, elle a certainement raison. Je me demande d’ailleurs comment il s’est fait que nous ayons sous-traité notre cerveau aux Américains, nous qui fûmes des révolutionnaires des idées. Le départ de De Gaulle fût-il la victoire finale de la collaboration ?
Barclays ou la perversion de la finance
L’affaire Barclays semble extrêmement grave. Ce serait du super Kerviel : l’affaire pourrait coûter 200md$ aux banques concernées.
Il y a eu manipulation, continue, des taux interbancaires. Les plus prestigieuses banques mondiales seraient coupables. Or une grosse partie de la finance internationale repose sur ces taux. Le scandale est double, explique The Economist, d’une part, cette affaire révèle que manipuler les chiffres, quotidiennement, fait partie de la culture des financiers. Ensuite, le gouvernement anglais aurait contribué au mouvement, pour ne pas révéler l’état de banques qu’il ne voulait pas renflouer.
Qu’en conclure ? Probablement qu’il y a quelque chose de pourri dans la nature même de la finance. Et que cette pourriture est particulièrement propre à la banque d’investissement, que les Anglais appellent d’ailleurs « casino ».
Police privée, interplanétaire
The Economist (rock on) : la Nasa n’a plus assez d’argent pour s’occuper des astéroïdes qui pourraient s’écraser sur terre ; un consortium de riches a décidé de faire la police (i.e. de lancer un dans l'espace un télescope capable de repérer les objets dangereux).
Wikipédia et l’automédication
Poor Economics étudie les problèmes de santé des pays pauvres. Il en arrive à la conclusion que c’est une question trop complexe pour être laissée à l’individu. Il doit être placé, comme en Occident, dans un « système de santé », qui lui facilite la décision.
À l’inverse Wikipédia prétend mettre le savoir du monde dans une base de données. Ce qui signifie que l’on doit pouvoir se soigner seul. Nouvel avatar du mythe anglo-saxon de l’autodidacte et de l’autoformation, refus de la société et de son apport ?
Des avantages de la rédemption par la grâce
Mes amis américains mettent la paresse latine au compte de notre croyance à la rédemption par la grâce. Autrement dit, nous attendons le père Noël, sans rien faire.
Poor Economics constate expérimentalement que la religion catholique donne, en fait, un avantage concurrentiel au pauvre. En effet, elle lui confère la force de supporter son calvaire sans chercher de consolation immédiate. Ce faisant, il économise. Ce qui lui permet d’investir et de s’enrichir. Indirectement, il améliore son bonheur terrestre !
Religion et système
Dans la foulée de ce qui précède, je me demande si une religion n’est pas adaptée à un moment de l’histoire d’un peuple. Dans ces conditions, il est idiot de dire comme beaucoup que la nature de l’Europe est catholique.
À l’appui de cette théorie, on peut en appeler à la systémique. Un système est indépendant de ses conditions initiales. (L’exemple type de système est le thermostat.) Si une nation est un système, sa culture – la description du dit système – évolue sans nécessité de continuité. Le système devient un autre système.
Protestantisme et catholicisme
J’ai consacré plusieurs billets à la notion de mal comme fondement culturel de notre société, en partie du fait des thèses de Marshall Sahlins. À ce point de ma réflexion j’en suis arrivé à me demander si la particularité du catholicisme n’est pas de penser que l’on est porteur du mal. Pour le protestantisme, ce sont les autres qui le sont.
Nous sommes les enfants de notre environnement, Darwin s'est trompé
Didier Raoult (Life after Darwin, Project syndicate) s’en prend à Darwin. Nous ne serions pas les enfants de nos parents, mais de notre environnement. Par exemple, une partie de nos gènes vient de microbes, pas de nos ancêtres. Bref, il y aurait coévolution. Nous nous transformerions en bloc avec notre écosystème.
Retrouve-t-on l’idée de Schumpeter ? Ce n’est pas la concurrence frontale qui modifie l’homme, mais des contraintes globales ? Il est vrai que dans la nature, la notion d’affrontement n’existe pas : même si les espèces vivent souvent les unes des autres, elles ne cherchent pas à éliminer qui que ce soit.
Quant à Darwin, aurait-il été victime d’une idéologie créationniste ?

Nouvelles de l’entreprise (The Economist)
Pourquoi Airbus s’installe-t-il aux USA ? Parce qu’il y a d'énormes compagnies aériennes ayant beaucoup de vieux avions, à remplacer. Pour éviter le protectionnisme américain et les fluctuations de taux de change. Pour récupérer des subventions (160m$ pour un investissement de 600).
Qu’est-ce qui fait le succès de Volkswagen (18,9md€ de bénéfice) ? Apparemment les valeurs culturelles allemandes (capitalisme familial, soin du détail, innovation continue…), et aussi l’existence de plates-formes qui permettent de réduire les coûts de production de modèles extérieurement différents, mais intérieurement identiques.

Management
Que faut-il pour réussir dans un poste ?
Échange avec un spécialiste des ressources humaines. Pour lui, dans un poste, il y a des valeurs dominantes. Ne pas les avoir c’est l’échec. Exemple : responsable financier et dimension économique. Le reste est secondaire.
Je ne suis pas d’accord. Les fusions / acquisitions ratent faute de prise en compte de la dimension sociale du problème. Un directeur financier qui ne la comprend pas est un danger public.
Je crois donc qu’il y a effectivement des valeurs dominantes. Ne pas les posséder, c’est être rejeté par l’organisation, c’est le chômage. Mais les posséder, sans plus, ne signifie pas réussir dans son poste.

Psychologie
Ne nous précipitons pas
The Economist (no rush) : apparemment, des recherches montrent que lorsque l’on décide dans la précipitation, on tend à faire des entorses à l’éthique.
Qu’en déduire en ce qui concerne notre précédent président, éternel précipité ? Et, plus généralement, quant à notre époque d’Internet et de Tweet qui glorifient l’instantané ?
Aider les autres guérirait du stress
Helping others offers surprising benefits (Psychology today) explique qu’aider son prochain permettrait de lutter contre le stress, et allongerait même la durée de la vie ! D’ailleurs, les petits enfants préféreraient donner que recevoir…

Art et changement
Le Crépuscule des Pharaons
Exposition du musée Jacquemart-André. Dernier millénaire de l’histoire égyptienne (long crépuscule !). Une succession d’invasions et de réactions nationales. Les conquérants étrangers s’assimilent, au début, puis de moins en moins. D’autant que pour les Perses et Rome, l’Égypte n’est qu’une province. Quand à son art, il semble avoir été une tentative de retour à celui des périodes glorieuses. Mais avec des moyens de plus en plus faibles. 

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