jeudi 30 août 2012

Gouvernement silencieux

Depuis que M. Hollande est arrivé, le pays est étrangement calme. Et c’est reposant. Décidément Hollande est l’anti Sarkozy ! M.Sarkozy voulait donner l’illusion de l’action par l’agitation frénétique, M.Hollande semble croire qu’il ne sert à rien de masquer son impuissance.

Mais pourquoi cette impuissance ? Plus d’idéologie ? Le sentiment que la dette de la France retire à son gouvernement ses moyens d’action ? Pourquoi ne s’inspire-t-elle pas de l’entreprise qui sait se transformer justement lorsqu’elle n’a plus de moyens ? N’est-ce pas de ce type de changement, structurel, dont a besoin le pays ?

La presse prévoit des mouvements de mécontentement. J’en doute. Il me semble qu’il n’y a que la gauche qui ait une capacité d’agitation.
Et elle le démontre. Elle chasse les Roms, elle abaisse le prix du pétrole, elle parle favorablement de l’énergie nucléaire. Demain elle autorisera l’exploitation du gaz de schiste et les OGM ? Et voilà que le président, socialiste, du Sénat défend le cumul des mandats. (Mais Ségolène Royal l’avait précédé : n’a-t-elle pas dit qu’une ministre devait son poste à son origine ?)

Le socialisme est-il un égoïsme, voire un sophisme ? Un opium du peuple qui permet de prendre le pouvoir, de museler le mécontentement, et de satisfaire ses ambitions personnelles ?

mercredi 29 août 2012

Les paradoxes de La Rochelle


Ce blog est bâti sur le paradoxe, quels sont les paradoxes de La Rochelle, à laquelle j’ai rendu visite il y a quelques temps ?

J’ai trouvé sa vieille ville très commerçante, et ses magasins aussi beaux que ceux que j’avais admirés dans les galeries marchandes de Detroit. Y aurait-il une cause commune ? Une culture, commerçante et protestante, identique ? Mon analyse est-elle objective ?

J’ai aussi été surpris par le culte que l’on y rend à un de ses anciens maires. Ici, on lui a élevé un monument (fort laid : des portes de prison), là on rappelle un de ses faits d’arme : il a abattu des habitations pour y planter un arbre… Curieux, comme la Gauche semble avoir besoin de saints, elle qui pourtant a fait un nettoyage ethnique de ceux de la République.

Pour le reste on y trouve, mélangés aux hordes de touristes, des représentants d’une forme de cour des miracles probablement attirée par les Francofolies, solidement encadrée par une police municipale diligente. Ville de Bobos ? L’illusion de l’aventure en toute sécurité ? Manuel Valls et les Roms, bis repetita ?

dimanche 26 août 2012

L’esprit le corps et le système immunitaire


La solution intérieure : Vers une nouvelle médecine du corps et de l'esprit

Une de mes lectures de vacances : La solution intérieure de T. JANSSEN m’a ravi.
Comme la madeleine de Proust, elle m’a replongé dans mes sujets de prédilection lorsque j’étais étudiant, la biologie, la biochimie, la neurologie, les médecines énergétiques « orientales », l’étude du comportement…
Mais elle a fait bien mieux que me rafraîchir la mémoire. Elle a  corrigé mes connaissances obsolètes dans ces domaines qui « constituent un continent à découvrir » comme l’explique T.JANSSEN.
Paradoxalement ces nouvelles connaissances ont renforcé mes convictions, jusque-là totalement intuitives et qui m’avaient donné un profil de doux rêveur.
Aujourd’hui la science vient donner une réalité à des domaines regardés comme ceux de marginaux : la méditation, les psychothérapies, la résilience, les médecines douces…

A la base de ces découvertes, il y a les nouvelles connaissances sur le fonctionnement du cerveau et ses capacités ( voir articles précédents de Christophe et les miens) et surtout les progrès de l'imagerie fonctionnelle. 
Il y a aussi les connaissances sur les cellules et leur fonctionnement en réseau maillé, le feedback entre le corps, l’esprit et  le système immunitaire.
Comme toujours ces connaissances laissent planer le risque que des gens mal intentionnés les utilisent à leur seul profit. Mais ne faut-il pas croire aussi, surtout, à la possibilité de construire un monde sur la base de ces nouvelles connaissances, de cette intelligence bienvenue?

C’était un peu la vision de Charles STEINMETZ qui en 1902 alors à la tête du laboratoire de GE annonçait que «  les grandes découvertes du XXème siècle relèveront du domaine de l’esprit humain et non de la science »
Ces découvertes sont, peut être, le déclenchement de l’ère du réalisme éclairant qui chassera celui du pessimisme bloquant et de l’optimisme risqué...


lundi 20 août 2012

l'expert "d'assurance" champion inconnu de la résilience?


Que ce soit après un dégât des eaux, un incendie, un accident automobile ou encore après une casse machine, un défaut de  produit, une pollution, un accident…L’expert intervient toujours en situation de crise.
Il y est «projeté » en son cœur et son premier travail est de comprendre, en toute indépendance d’esprit – un immense sujet – ce qui a déclenché cette crise et ce que cause cette crise.
Il est ensuite, de façon assez schématique, force de proposition pour  déclencher la sortie de cette crise, mais dans un cadre référentiel complexe constitué par la police d’assurance applicable, le droit, la technique, l’économie et le social.
 Loin d’être un spécialiste de la résilience (lire Boris CYRULNIK), je m'interroge sur les situations dans lesquelles intervient l’expert, ne sont elles pas des cas systématiques de résilience ?
Chaque sinistre ne suit-il pas un processus : équilibre existant –contrainte(s) – déséquilibre- modification des contraintes et nouvel équilibre.
N’y a-t-il pas un vrai sujet sur le rôle, la formation et l’utilisation des experts pour qu’ils puissent s’inscrire totalement et sciemment dans ce processus ?
N’est ce pas une voie naturelle de développement durable ?

Télévision, guerre des civilisations et hypocrisie


La télévision me fait voir des films pour lesquels je n’aurais pas été prêt à payer. Lara Croft pour commencer. Ce film ressemble à un jeu vidéo. Les acteurs semblent presque artificiels. Le plus surprenant, peut-être, est à quel point leurs sentiments sont peu modernes. Lara Croft vit une  histoire d’amour platonique. La libération des sexes n’a apparemment pas changé notre vision de l’amour idéal… Quant à Bones, il paraît l’archétype de la série américaine. Un thème central : la gloire de la science américaine, un laboratoire suréquipé ; une leçon de morale se nourrissant des histoires personnelles des héros ; et des Américains qui me semblent très américains, comme ceux que j’ai vus récemment à Detroit. Et Finalement un James Bond Sean Conery. Cette fois-ci, ce sont probablement les fantasmes de l’Anglais d’après guerre qui y sont à l’œuvre (d’ailleurs, pour se représenter il a choisi un Ecossais). Aucune femme ne résiste à l’Anglais, qui est aimé de tous les peuples, dont il a une vision caricaturale. Il livre une guerre de titans à l’URSS.

En lisant Hot, Flat and Crowded (un ouvrage sur la non durabilité de notre développement), j’en suis arrivé à me demander si nous ne vivions pas une lutte des civilisations. L’auteur du livre explique que c’est la consommation immodérée de pétrole par l’Amérique qui enrichit les dictatures (Iran, Arabie Saoudite…) et leur permet de ne pas se réformer. Sans cela, les forces de la globalisation les contraindraient à la démocratie et à un meilleur emploi des talents individuels. Le monde idéal est celui de la concurrence et de l’innovation. Et si ces pays défendaient une culture à laquelle ils tiennent ? Et si, justement, pour cela, ils prenaient les USA à leur propre jeu : leur consommation ostentatoire ?

Mais c’est un jeu dangereux. Il semble que l’URSS soit parvenue à se maintenir quelques années grâce aux revenus de son pétrole. Devenue trop dépendante de ces revenus, elle a été abattue par une crise. La crise renforce le capitalisme, comme le disait, il y a quelques temps, The Economist ?

Les Chinois, apparemment, bataillent plus subtilement que les Russes. J’ai entraperçu une émission (Arte) qui parlait de l’embargo qu’ils ont fait sur les terres rares. Celles-ci sont essentielles à la performance de notre électronique. Eh bien cette tactique a fait plier les Japonais : incapables de trouver un substitut à ces terres rares, ils ont dû sous-traiter certaines étapes de leur production en Chine. Ils en deviennent de plus en plus dépendants. Ces Japonais seraient-ils des losers ?

Toutes les analyses que je lis sur la pauvreté donnent un rôle critique à la femme. Dès qu’elle sera éduquée, et qu’elle travaillera, le taux de natalité baissera et les pauvres s’enrichiront. Mais, la femme anglo-saxonne riche ne travaille pas ! Et si la libération de la femme avait une autre signification que son bien-être ? Et si son « égalité » était une condition nécessaire du passage à l’économie de marché ? La féministe serait-elle l’idiot utile du capitalisme ?

C’est pourquoi j’en suis arrivé à m’intéresser à Pussy Riot. Ce groupe est un spécialiste de la provocation, et il ne connaît pas la subtilité. La provocation qui lui vaut des ennuis consistait à intervenir dans un culte orthodoxe pour contrefaire une prière et demander la chute du Président de la République russe. D’après Wikipedia, la société russe approuve, massivement, la condamnation de Pussy Riot. Qu’aurions-nous fait, si un événement similaire avait eu lieu en France ? me suis-je interrogé. J’ai découvert avec surprise que, jusqu’en 2000, une insulte au Président de la République menait à la prison (1 an). Quant à la profanation de tombe, elle peut coûter 5 ans de prison. (Les profanateurs sont effectivement sévèrement punis.)

L’Occident est outré : la liberté de parole est entravée. Mais l’Occident est-il vertueux ? Et l’affaire Julian Assange ? L’Angleterre menace de s’en prendre à une ambassade, semble-t-il. Je croyais l’immunité diplomatique sacrée… L’URSS a-t-elle eu recours a de tels procédés, durant la guerre froide ?

Hypocrisie massive anglo-saxonne ? Le sociologue James March a trouvé d'élégantes explications à ce phénomène. Pour ma part, il me semble que les Anglo-saxons utilisent la raison pour imposer ce qu’ils croient juste, et qui se trouve servir leurs intérêts. C’est la technique des sophistes. Mais c’est surtout une technique totalitaire : elle nie une autre pensée que la sienne.

La presse, cette semaine, est pleine de cette hypocrisie. Le Financial Times, par exemple, explique que Facebook utilise une subtilité juridique pour payer une acquisition avec ses actions, à leur prix actuel (la moitié de ce qu’il était à l’époque de la dite acquisition). Un autre article du Financial Times parle d’un des premiers investissements de Mitt Romney, chez Bain Capital. Il s’agissait d’une petite compagnie d’aviation. Pour empêcher la constitution d’un syndicat, les investisseurs ont eu recours à des mesures d’intimidation, en violant la loi. (Pour lesquelles ils ont été condamnés par la justice.)

Un autre article, du Monde cette fois, parle d’un coin d’Amérique. Depuis qu’il n’a plus de scierie, son petit peuple est au chômage. Nestlé voulait mettre en bouteille son eau, très pure, mais il a été défait par quelques écologistes, des riches. Les pauvres, qui auraient aimé les emplois de Nestlé, n’avaient pas les moyens de se faire entendre. Et, à côté de tous ces gens, il y a d’immenses fortunes, qui vivent en vase clos, et utilisent quelques servants locaux.

Est-il dans notre intérêt qu’un tel modèle de société triomphe ? Ne serait-il pas grand temps que nous nous penchions sur notre avenir ? Je reviens sur cette idée plus bas.

Il n’y a pas que l’Anglo-saxon qui soit perfide. A coups de citations, Michel Onfray s’est engagé dans une démolition du couple Sartre / Beauvoir, les Bonnie and Clyde de la philosophie. Apparemment, ils voulaient la célébrité et ils étaient prêts à tout lui sacrifier, à commencer par la rigueur intellectuelle. 

Mais doit-on juger une œuvre à la vie de son auteur ? Sartre a dit « L’important, ce n’est pas ce que l’on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu’on a fait de nous. » Si sa vie est un contrexemple de sa déclaration, il me semble qu’elle donne une solution à nos difficultés du moment. La société nous fait souffrir en nous prescrivant des orientations contradictoires (cf. Lara Croft plus haut). Pour sortir de là, une seule issue, selon moi : se projeter dans l’avenir, c’est-à-dire, se demander ce que nous avons envie d’être. L’existence précède l’essence, selon ce même Sartre. Il faut créer son identité, à partir de l'inné et de l'acquis, et des circonstances du moment. C’est l’idée même du concept de résilience : notre capacité à nous réinventer. Le billet de Dominique Delmas et du paraplégique en est une illustration, parfaite.

Un article de Psychology today va dans ce sens. Il traite du stress. Le stress peut être bon ou mauvais. La différence ? L’impression de subir ou non son sort.

Quant à ma propre projection, elle est peut-être plus proche du comportement de Jean-Paul Sartre que de ses paroles. Je me laisse aller à l’esprit du temps. Un éditeur m’a reproché de ne pas parler de la version française (qu’il a publiée) d’un livre que j’ai commenté. Il n’a pas compris que je ne suis pas un service public. Selon la théorie de l’économiste Mancur Olson, l’individu laissé à son intérêt peut faire un peu de bien collectif, dont pourront profiter quelques parasites. Mais ce ne sera pas parfait. Par exemple, le propriétaire d’une usine construira une route pour l’approvisionner, qu’utiliseront gratuitement ses riverains. Cependant, elle sera peu pratique et peu sûre. Pour réaliser l’intérêt général, au moindre coût pour chacun, il faut un acteur qui représente l'intérêt collectif. C’est ça un service public.

Pour finir, Oscar Wilde (cf. mon dernier billet), « C’est par un changement constant, et par ce changement seul (que le critique = l’homme digne de ce nom) trouvera son unité véritable. Il ne consentira pas à être l’esclave de ses propres opinions. » Une phrase qui a des choses à dire sur ces réflexions, et sur le changement ?

mercredi 15 août 2012

Intentions d’Oscar Wilde


L’art est-il la dimension manquante et essentielle de la vie humaine ? Tout ce que croit notre très matérialiste société ne serait-il qu’idées reçues ? Ce recueil de quatre textes d’Oscar Wilde ridiculise le « bon sens » de Nicolas Sarkozy, et des dogmatiques de tout bord.
La vie imite l’art, non le contraire. La nature n’a rien de remarquable, c’est l’art qui lui donne son génie. Mais l’artiste non plus n’est pas très intéressant. Il n’a rien à dire, il est le jouet de l’art. Ce qui fait l’art de l’art, c’est le critique. Le critique est l’homme par excellence. C’est de sa subjectivité, et surtout de la multiplicité de ses interprétations que naît l’œuvre d’art, qui cherche son identité dans la contradiction et dans sa réinvention, permanente, par le critique. D’ailleurs il y a de moins en moins de sujets à œuvre d’art. L’avenir sera critique ou ne sera pas.
Car, la cause des maux de notre société, de sa non durabilité dirait-on aujourd’hui, est qu’elle est prise entre deux extrêmes stériles, qui l’enferment dans un cercle vicieux fatal. D’une part une vision utilitariste de l’action, d’une fin qui justifie les moyens ; d’autre part une pensée intellectuelle froide et mathématique, à la Platon. Seule l’esthétique, l’émotion pour l’émotion, peut donner à l’espèce une hauteur de vue salvatrice. Alors que l’éthique permet au monde de fonctionner, l’esthétique donne un sens à son existence. L’esthétique n’est donc pas morale, comme la science elle est au dessus de l’éthique. 

lundi 13 août 2012

Télévision, philosophie, changement et autres


Nouvelles de la semaine :

Le changement dans la vie. Pour me changer les idées, je regarde la télé. Raté. Elle ne fait que parler de mon métier. Les hôpitaux français pour commencer. On a voulu les fusionner pour raison de synergies. Mais ils coûtent maintenant plus chers ensemble que séparés ! Une interviewée parle, d’ailleurs, de services identiques qui fonctionnent côte à côte. On retrouve mot pour mot ce qui se passe dans les entreprises. Plus intéressant, peut-être : pourquoi avons-nous autant d’hôpitaux ? Pour créer de l’emploi ! L’hôpital étant un très gros employeur, chaque élu a voulu le sien ! Charybde est Scylla : d’un côté l’initiative individuelle multiplie les hôpitaux, de l’autre le zèle centralisateur en augmente le coût !

D’ailleurs, dans le même ordre d’idées, que dire de la fusion Allemagne de l’Est, Allemagne de l’Ouest ? Avant, chacune ramassait des quantités de médailles olympiques, maintenant, elles ne font pas mieux, ensemble, que la France.

Une émission étudie les accidents d’avion. Un moteur s’arrête. Erreur de procédure dans le redémarrage. Le commandant reste en pilote automatique. Mais celui-ci n’a pas les moyens de redresser l’appareil. L’avion se met à pivoter. Le commandant passe trop tard en commandes manuelles, le 747 part en looping, il s’ensuit une série d’erreurs humaines probablement liées au fait que les occupants de l’appareil sont projetés contre ses parois. Finalement, l’équilibre se rétablit, et l’équipage parvient à poser l'avion, pourtant en piteux état. Nouvel exemple d’incident systémique : fatigue du commandant et diagnostic fautif de l’équipage conduisent à une série d’erreurs qui les renforcent dans leurs certitudes. Je retiens surtout qu’il fut heureux que le 747 ait été surdimensionné. Et je suis inquiet a posteriori de l’effort incessant de réduction de coûts que font les industriels…

Aux USA, Mitt Romney a choisi Paul Ryan comme colistier. Paul Ryan propose une solution courageuse à la crise : poursuivre là où George Bush s’est arrêté. Il s’agit de réduire massivement les programmes de solidarité sociale afin de diminuer les impôts des plus riches. Ce programme se chiffre en milliers de milliards de $. Tactique judicieuse ? Probablement. Ses idées plaisent au Tea Party et surtout aux extrêmement riches. Par conséquent, M.Romney va pouvoir compter sur d’énormes donations, et faire une grosse campagne de publicité, à laquelle l’électorat semble extrêmement sensible.

Le changement et la théorie. Michel Onfray parle de changement. Apparemment Descartes aurait dit que l’on doit choisir entre changer le monde et se changer. Michel Onfray pense que l’on peut changer le monde en se changeant. Il suffit pour cela que chacun fasse ce qu’il juge bon, et n’attende pas le miracle d’un grand soir. Impératif catégorique de Kant ? Je ne sais pas ce que voulait dire Descartes, mais j’ai tendance à interpréter sa phrase ainsi : lorsque l’on ne peut pas obtenir ce que l’on désire (changer le monde), on doit modifier ses désirs (se changer). C’est une interprétation bouddhiste, en quelque sorte. Ce qui n’enlève rien à l’intérêt de la proposition de M.Onfray. Est-elle efficace ? Ma déformation professionnelle me fait croire que le monde a besoin de coordination globale pour mener ses changements. Et que l’enfer peut être pavé de bonnes intentions. (Les Anglo-saxons, Adam Smith en tête, estiment même que c’est du mal que naît le bien.)

Une autre interprétation du changement me vient de mon médecin. Il m’annonce triomphalement que j’ai du cholestérol : fini les charcuteries. Raté, je suis quasiment végétarien ! Erreur commune : le changement comme punition. Vous devez changer parce que vous avez commis une faute. Ce qui explique pourquoi nos changements foirent aussi souvent. D’une part, ils sont formulés comme une punition. D’autre part, ceux qui la subissent refusent de se repentir. Bien conscients qu’ils sont des victimes, ils se révoltent avec raison. Non, le changement appartient au processus naturel de la vie, il n’est pas causé par une faute !

Ce qui m’amène aux vacances. Leur utilité ne serait-elle pas de nous débarrasser de toute la stressante culpabilité que l’on nous met sur le dos ? Enfin un moment pour s’occuper de soi sans arrière pensée. D’ailleurs, cette culpabilisation est étrange : ne sommes-nous pas les enfants de 68 pour certains, et des ultralibéraux pour d’autres ?

Les limites à la croissance. Un ami me transmet un article de Bjorn Lomborg, Environmental alarmism, then and now, Foreign affairs, juillet août 2012. C’est une critique des Limites à la croissance, dont je parle beaucoup ces derniers temps. Curieusement, la critique porte sur la version de 1972 de l’étude et reprend les arguments soulevés à l’époque. Or, la version que j’ai lue répond à ces critiques ! 
Bjorn Lomborg est un drôle de personnage. Il y a une décennie, il combattait le réchauffement climatique, avec l’appui de The Economist. On lui a reproché de baser son raisonnement sur des travaux qui le contredisaient. Mais il a été puissamment défendu. J’en suis arrivé à me demander s’il n’était pas avant tout un provocateur, qui se réjouit de forcer les milieux conservateurs à devoir appuyer un apprenti sorcier, homosexuel de surcroît.

En  tout cas, il soulève un point intéressant : l’impact qu’aurait eu le livre sur les milieux écologistes. Or, il ne parle pas d’écologie. Il ne s’intéresse qu’à l’évolution de grandeurs composites (pollution…). Par conséquent, il me semble plutôt que les activistes de l’écologie y ont lu une défense de tous leurs combats, aussi infimes soient-ils. Et c’est peut-être cela qui a transformé la question qu’il posait en une guerre de religions, et nous a empêchés d’y trouver une solution.

La télévision parle de la jungle amazonienne. Ce fut l’enfer vert, que la civilisation devait dompter, c’est maintenant, le poumon du monde. On y voit les mystères du fonctionnement des écosystèmes : certaines espèces ne peuvent se reproduire sans l’intermédiation, complexe, d’autres espèces. Par exemple, les noix du Brésil sont enterrées par une espèce de rongeur, seule capable d’ouvrir l’enveloppe qui les contient, et les graines de caféiers ont besoins de l’appareil digestif de chauves-souris. (Ma mémoire est approximative, mais c’est l’esprit qui compte !)

Enfin cette même télévision rend visite à l’Imam de la grande mosquée d’Istanbul. Je me suis rappelé, en regardant le reportage, des bienfaits de la méditation et me suis dit qu’il devait être bon pour la santé de se vider la tête de ses tracas 5 fois par jour. Les Lumières ont reproché aux religions leur intolérance destructrice. Mais, au lieu de les liquider en bloc, peut-être aurait-on dû chercher à en comprendre les bénéfices ?

lundi 6 août 2012

Faut-il croire en la réincarnation ?

Nouvelles de la semaine :

Je prépare une conférence sur les Limites à la croissance (cf. mon dernier billet). Je dois lire des textes éprouvants.
Hot, Flat et Crowded reprend l’argumentaire de Limits to Growth en les illustrant. On y voit que ce qui a mis des siècles à se construire, voire l’histoire de l’humanité, se fait maintenant en l’espace d’années. Par exemple, le développement des pays émergents se calcule en « Amériques », et entre deux voyages de l’auteur une ville inconnue de nous, en Chine au Qatar ou ailleurs, se dote d’un ou deux Manhattan.
Ce qui m’amène à me demander pourquoi Limits to Growth n’a pas réussi à nous alerter plus tôt. Etait-il efficace de dénoncer la croissance ? Après tout, n’est-elle pas soutenue par les plus puissants lobbys terrestres ? The Economist ne répète-t-il pas « croissance, croissance » ? N’en est-il pas de même de toute notre presse ?
D’ailleurs, est-ce réellement la croissance qui est en cause ? N’est-ce pas plutôt notre propension à la destruction ainsi que le dit Cradle to Cradle ? La presse économique anglo-saxonne n’affirme-t-elle pas à longueur de colonnes que la crise (la destruction) est bonne, parce qu’elle élimine les faibles et laisse la place aux pousses du renouveau (les « start up ») ? Or, ce raisonnement est faux : un monde rasé ne peut pas renaître.

On en revient à la notion de résilience – la capacité d’un système à résister à la destruction sans perdre l’essentiel, plus exactement à se réincarner. Comment rendre l’humanité résiliente ? Mes idées du moment :
1) La résilience est un choix. Que voulons-nous conserver ? Quel est notre essentiel ? Est-ce simplement se maintenir en vie, acheter des conserves, un fusil et un vélo ? Ou avons-nous besoin d’un minimum de société ? 2) Ce qui nous est nécessaire est notre « capital », une fois qu’on le connaît (en espérant que ce soit possible), il faut mesurer comment il se porte.
Bref, il s’agit de faire croitre la résilience de notre société. Le concept s’étend d’ailleurs à l’individu et à l’entreprise. Cette dernière, par exemple, ne se demandera plus si son chiffre d’affaires a cru, mais si elle est devenue plus résiliente – c'est-à-dire si elle a augmenté son espérance de vie.

A noter une variante de ces thèmes. Cette semaine New Scientist s’intéressait aux conséquences des inégalités. Des chercheurs débouchent (Why egalitarian societies died out) sur un résultat surprenant. Ce qui fait la force d’une société inégalitaire est sa faiblesse. Une société inégalitaire est non durable. Sa classe dirigeante ne perçoit pas les menaces du fait de son isolement. Du coup, cette société épuise les ressources qui lui sont nécessaires, et est forcée de partir sans cesse à la conquête de nouveaux territoires. Ce serait ainsi qu’elle auriat éliminé les sociétés égalitaires, qui furent longtemps la règle. En outre, elle est résistante à l’aléa, puisque ce n’est pas celui qui dirige qui les subit.

Un autre article (The physics of our finances) analyse la répartition de nos revenus. Apparemment les revenus de 90% de la population suivent une courbe de Maxwell-Bolzmann. Cette courbe donne la distribution des vitesses des particules d’un gaz. Sa transposition à la société semble signifier que nos revenus sont l’équivalent de la vitesse des particules et qu’ils se font et se défont lors des interactions sociales (équivalent des chocs entre particules). 10% de la population échapperait à ce phénomène. Ses revenus suivraient une courbe de Pareto. Cela s’expliquerait parce qu’ils peuvent « économiser ». Ont-ils réussi à s’extraire du monde des chocs ? Mystérieux.  

Toujours sur ce sujet, je me suis demandé pourquoi le Dialogue du désespéré (mon avant dernière note, sur l’Egypte) semblait si moderne. Pourquoi, lors des périodes de chaos a-t-on l’impression, en Egypte, en Chine, ou aujourd’hui, que personne n’est à sa place ? L’explication est, peut-être, que les périodes de chaos correspondent à une destruction des règles sociales. Ce sont des affrontements entre individus. Ceux qui atteignent les positions les plus en vue, ne sont donc pas les plus dignes de les occuper, mais ceux qui ont su asservir le moyen à la fin. Comme le disait Charles Gide (cf. mon billet sur le Solidarisme), dans un jardin réglé par le laisser-faire, ce qui gagne est la mauvaise herbe ?

The Economist illustre assez bien ces questions.
Un article traitant des fonds d’investissement, pour commencer (Too big to veil). Ils y a quelques années, ils ont été pris d’un coup de folie. Ils ont surenchéri pour s’emparer de multinationales. Mais le crime paie. Ils ont été sauvés par le faible niveau des taux d’intérêt, résultant de la crise. Il leur a permis de renouveler leurs dettes. Surtout, ils ont utilisé leurs participations comme des vaches à lait, qu’ils ont essorées par des miracles d’ingénierie financière. Par exemple, ils leur ont imposé des frais de gestion colossaux et les ont endettées pour se verser des dividendes. Qu’en restera-t-il une fois qu’ils les auront revendues ? Le capitalisme à son meilleur ? En tout cas, c’est celui qu’aiment les Républicains américains, puisqu’ils y ont choisi leur représentant aux prochaines présidentielles.

The Economist confirme aussi une des intuitions de ce blog (Supply chain fragmentation). Les « chaînes logistiques » ont transféré le savoir-faire occidental aux émergents. Jamais auparavant des nations n’avaient pu construire aussi aisément une base industrielle. Les dirigeants de multinationales et les fonds d’investissement ont ainsi profité des faibles salaires de l’Est et des connaissances patiemment accumulées par l’Ouest.

Une conséquence ? Huawei, le plus grand équipementier télécom mondial, ne serait-il pas la créature du PC chinois ? Et s’il utilisait les infrastructures qu’il construit à des fins militaires ? En fait, la question ne se pose pas. Tous les composants télécom sont fabriqués en Chine. (The company that spooked the world.)

Au tour du Japon, maintenant (Japanese lessons). Depuis l’éclatement d’une bulle immobilière, il vit un long hiver économique. L’Europe, dit The Economist, suivrait son exemple, entrainant avec elle l’Angleterre. Reprenant ma réflexion de la semaine dernière, je me demande si le Japon est aussi bête que l’affirme The Economist. Ce journal veut que le Japon laisse la destruction créatrice faire son travail rédempteur. Et si le Japon avait décidé, avec Limits to Growth, que le modèle de développement qu’on lui propose n’était pas durable ? Et s’il avait un peu raison ? Après tout son chômage est de 4,5%.

Une note, enfin, sur l’université américaine, que la nôtre copie servilement : elle est victime d’une bulle spéculative. (The college-cost calamity)

Il y a longtemps que ce blog n’analyse plus la logique de nos gouvernants. Je vais refaire cet exercice :
F.Hollande semble vouloir se rapprocher de « red Ed » Milliband, leader du parti travailliste anglais et fléau de Dieu, selon The Economist. Est-ce un coup de semonce à D.Cameron, une réponse à son invitation faite à nos entrepreneurs de venir sur son île ?
D’une manière générale, je me demande si la stratégie de F.Hollande n’est pas celle du contre-pouvoir. Sans s’opposer désagréablement à Mme Merkel, par exemple, il parle amicalement avec le SPD, l’Espagne et l’Italie.
Il y a quelques temps on me faisait remarquer qu’il n’avait rien à nous dire de motivant. J’ai répondu que ce n’était pas le moment de faire des phrases, alors que personne ne sait où aller. La bonne tactique en « environnement incertain » est celle du « soleil d’Austerlitz ». Il faut construire ses forces afin de pouvoir saisir les occasions favorables quand elles se présenteront.
Quant aux USA, j’ai l’impression que leur présidentielle va voir s’affronter deux losers. M.Romney vient de rendre visite à ce qu’il considère les alliés les plus solides de l’Amérique, à savoir : l’Angleterre, la Pologne et Israël. Retour à l’ultralibéralisme de Bush ?
Quant à B.Obama son immobilisme est confondant. Une réforme de la santé et puis rien, sinon du golf. Ne croirait-il pas que l’avenir du monde tient en quelques décisions et que personne n’a eu l’intellect suffisant pour les concevoir, avant lui ?

Pour terminer, mes malheurs avec le progrès. Je reprends là où je les avais laissées mes aventures avec mon mobile, la semaine dernière. Donc, toujours pas d’Internet, mon iPhone est coupé du monde. Je téléphone au centre d’appels SFR. Après une vingtaine de minutes et quelques manipulations tout entre dans l’ordre. Mais, à peine mon téléphone posé, je découvre que mes « applications » Apple ont disparu. Et, surtout, que le logiciel de synchronisation PC / iPhone n’indique pas mon numéro de téléphone, mais celui lié à la carte SIM envoyée lors du dernier épisode. Nouvel appel. Une heure de discussion. Cette fois-ci les téléopérateurs sont échec et mat. Après m’avoir suggéré quelques manipulations hasardeuses, on décide de m’envoyer une nouvelle carte SIM, vierge cette fois. On recréera à nouveau ma ligne. Je suis inquiet et ennuyé. Mais que puis-je faire d’autre ?
Il se trouve que j’ai profité de la discussion pour demander comment modifier mon « code Pin ». L’un de mes interlocuteurs ne sait pas, l’autre si. En appliquant ses recommandations j’aperçois une rubrique appelée « mon numéro ». Ce numéro n’est pas le mien. Mais je peux le modifier. Et cela résout le problème, moyennant la réacquisition de mes « applications » Apple. (Heureusement que je n’avais que des applications gratuites ?)

Mais je n’en ai pas fini avec les merveilles de la technologie et ses sociétés admirables.
Un de mes PC est arrivé installé avec Desktop de Google. Pour une raison que j’ignore, il a disparu, mais Outlook continue à le réclamer. Une désinstallation ne résout pas la question. Je décide, en désespoir de cause, de le réinstaller. Surprise, je trouve sur Internet un texte à la Lionel Jospin qui explique que Google a abandonné ce logiciel au motif que d’autres ont fait mieux. Encore !

J’en viens maintenant à mon antivirus. McAffee, utilisant mes coordonnés bancaires, a renouvelé mon abonnement. Voulant changer de PC – celui-ci étant devenu fort lent (merci Microsoft ?), je décide de profiter des 60 jours que me laisse McAffee pour résilier mon contrat. Mais comment faire ? Jeu de pistes : il faut aller sur le site de McAffee, trouver la bonne option, et là se met en place un logiciel de « chat » par lequel on échange des messages avec une opératrice au nom slave. Apparemment, je serai remboursé. Mais il faut que je désinstalle l’antivirus, sans quoi il n’arrêtera pas de m’insulter. Ce que j’essaie de faire. Sans beaucoup d’effets apparemment.

Que je suis petit par rapport à toutes ces multinationales. Retour à un capitalisme viril auquel ne peut survivre que le fort, sans foi ni loi ? Je me répète.

samedi 4 août 2012

Limites à la croissance : le rapport du Club de Rome


Limits to Growth (MEADOWS, Donella, RANDERS, Jorgen, MEADOWS, Dennis, Chelsea Green, 2004) est une mise à jour, 30 ans après, de l’étude, commandée par le Club de Rome au MIT, qui a affirmé que l’humanité allait rapidement à sa perte, si elle continuait sur la même pente.

De quoi s’agit-il ? C’est un modèle mathématique, paramétrable, de l’évolution d’un certain nombre de grandeurs : population, espérance de vie, production de biens, pollution, ressources naturelles… En jouant sur ses paramètres, on en tire des scénarios d’avenir. Il ne donne donc pas une prévision, mais fournit un moyen d’aide à la décision.

Dans ces conditions pourquoi a-t-il fait autant de bruit ? Parce que, 40 ans après, l’évolution du monde ressemble à ce que prévoyait son premier scénario ; or, celui-ci se termine en « effondrement ». Baisse brutale de la population mondiale, de son espérance de vie, de la production de nourriture, etc.
Car notre modèle de développement a un vice : la croissance. Plus exactement notre obsession de produire toujours plus de biens matériels. Elle nous pose des problèmes de plus en plus difficiles à résoudre : pollution, empoisonnement, disparition des ressources naturelles… Pire : cette croissance est exponentielle : la centrifugeuse va de plus en plus vite. La résolution de ces questions coûte tellement cher à l’humanité qu’elle n’a plus les moyens de s’occuper de ce qui est essentiel pour elle : ce qui fait de l’homme un homme (santé, éducation, épanouissement…). D’où chômage, pauvreté, déséquilibres physiologiques… auxquels nous cherchons une solution dans toujours plus de croissance !
On a beau introduire les hypothèses les plus favorables dans le modèle du MIT, on ne fait que reculer pour mieux sauter. D’ailleurs, il serait peut-être mieux de sauter tôt que tard : par exemple, un scénario qui prévoit un surcroît de réserves de ressources naturelles se termine en crise environnementale. Tout est lié : quand on bouche un trou, cela fuit ailleurs.
L’économie de marché apparaît comme un système extraordinairement efficace d’essorage systématique des ressources naturelles et des pauvres au profit des riches. Ainsi la famille africaine consommait, en moyenne, 20% de moins en 1997 qu’en 1972. Autre exemple : l’élevage du poisson. Du fait de la destruction des populations de poissons, par ailleurs nourriture de beaucoup de pauvres, 30% de ce que consomme l’humanité vient d’élevages (une catastrophe écologique en eux-mêmes) ; du fait de son prix, ce poisson va chez le riche. « La technologie et les marchés servent généralement les segments les plus puissants de la population ».
Depuis des années nous consommons beaucoup plus que ce que la terre est capable de renouveler. (À noter qu’à l’époque du livre, seulement 8% de la population mondiale possédait une voiture.) Autrement dit nous accumulons une sorte de dette écologique, qui croit exponentiellement et que nous n’avons plus les moyens de payer, puisque pour cela il faudrait les ressources de plusieurs planètes. Comme ces personnages de bande dessinée, nous courrons au dessus du vide.
Nous nous dirigeons donc vers des moments difficiles. Et la terre et l’humanité, s’ils en réchappent, ne seront plus comme avant. Quoi qu’il arrive, le message central du livre est, me semble-t-il, que nous devons transformer nos aspirations et notre vision du monde. Nous devons sortir de l’individualisme, de la concurrence et du court terme. Nous devons comprendre que notre bonheur ne tient pas à toujours plus de colifichets, mais à plus d’humanité, de société. C’est ici que se trouve la solution à la pauvreté, au chômage, et la réponse aux besoins premiers de l’homme.

Comme dans le modèle de Maslow, l’humanité doit passer de la croissance au développement, c'est-à-dire à l’épanouissement, à « l’autoréalisation ». 

mercredi 1 août 2012

Le changement et les anciens Égyptiens

Comment les Égyptiens voyaient-ils le changement ? Une question à Nathalie Lienhard du département d’égyptologie de la Sorbonne.

Au fond, les Égyptiens anciens ont été heureux et n’ont pas eu d’histoire. Ils appartenaient à une société de type « hydraulique » hiérarchisée et structurée en multiples métiers nécessaires pour tirer au mieux parti des ressources du Nil. Le pharaon, représentant des dieux sur terre et garant de l'ordre établi, y fait régner la stabilité. Les prêtres le représentent, à son tour. Le temps s’y écoule de manière circulaire.
Fort de sa richesse, c’est un pays accueillant à l’étranger. C’est aussi probablement, comme l’Égypte actuelle, un pays qui n’est pas fataliste, ainsi qu’on le dit parfois, mais confiant. Si quelque chose se produit, c’est que cela a une raison.
Mais c’est un monde qui craint le changement comme la peste. Car le changement, c’est-à-dire le passage d’une dynastie à une autre, produit le chaos. Brutalement, l’intérêt personnel domine l’intérêt collectif. Plus personne n’est à sa place et plus rien ne fonctionne.
Le dialogue du désespéré, un texte écrit par un noble lors d’une transition entre dynasties, montre un tel changement, écroulement de l’ordre social. Dans ces conditions, la seule issue est la mort, qui est une seconde vie apparemment bien plus paisible que la première.
Le déclin égyptien a peut-être été un long changement. Progressivement l’ordre hiérarchique s’est dilué, le pouvoir s’est démocratisé, les rites se sont complexifiés.