vendredi 4 octobre 2013

Travail du dimanche : et si la France se souvenait qu'elle est laïque ?

Ce blog ouvre ses colonnes à Serge Delwasse et à son art consommé de la systémique... La parole est donc à Serge. Il vous interpelle :

La tentation est grande de mettre un grain de sel décalé dans la controverse de la semaine. Controverse d'autant plus stérile qu'elle oppose deux camps qui sont en réalité le même : celui de la France laïque, pour laquelle le dimanche DOIT être un jour comme les autres, et celui de la France sociale, pour laquelle le repos dominicale est une avancée majeure.

L’auteur se doit tout d’abord de rappeler quelques évidences si évidentes qu’elles passeraient pour des tautologies au yeux d’un observateur serein, s’il en existait un…
  1. Le repos hebdomadaire est une avancée sociale majeure fait par Moïse, au second millénaire avant JC
  2. Le choix du dimanche comme jour de repos coïncide avec l’adoption du christianisme comme religion officielle par Rome
  3. Le repos hebdomadaire est une nouvelle conquête sociale du monde ouvrier en 1906, après quelques décennies d’un 19ème siècle industrieux et anticlérical
  4. Le week end de deux jours généralisé (même pour les écoliers) est une avancée majeure dans l’ensemble du monde, de la seconde partie du 20ème siècle.
Qui dit interdiction de travail le dimanche dit fermeture des magasins. Ceci posé, un certain nombre de dérogations existent, et ont été rajoutées en un millefeuille que je ne me hasarderai pas à essayer de décrire, mais qui est abondamment analysé par les commentateurs :
  1. La sécurité et la santé
  2. Les services publics de transport
  3. L’alimentation
  4. Les week-ends précédant certaines fêtes
  5. Les zones touristiques…
  6. Les zones commerçantes mais pas touristiques… 
A ce stade, il me semble important de résumer :
  • Chaque salarié a un droit à deux jours de repos consécutifs dans une semaine
  • Ces deux jours de repos consécutifs ont pour but de se reposer et de passer du temps avec les siens, il est normal que ce soit de préférence un jour qui serait le même pour tous, choisi par convention, et qui peut s’appeler dimanche
  • Si on peut éviter que cela ait des répercussions sur les usagers et/ou les clients, c’est mieux
  • Si l’on peut encourager une économie vacillante, ce n'est pas mal non plus.
  • Et surtout, si l’on peut trouver un système qui nous fait passer, une fois de plus, pour un pays qui se repaît des combats d’arrière-garde, c’est encore mieux. Le temps de Jonathan Liddell et des Chariots de Feu où celui-ci refusait de courir le dimanche pour ne pas offenser le Seigneur est révolu. La Premier League anglaise de football fait jouer le dimanche et Wimbledon, temple du conservatisme, a successivement envahi les deux dimanche de la quinzaine - celui de la finale, puis le premier.
Maintenant, plaçons-nous du point de vue du salarié, celui à qui l’on veut interdire de travailler pour préserver ses avantages acquis. Sait-on qu’il y a un certain nombre de gens qui :
  • Sont mariés avec des boulangers – ou des boulangères, dont la boulangerie ferme le mardi, et préfèrent donc être de repos le mardi ?
  • N’ont pas d’enfant à l’école, et préfèrent partir en week-end quand il n’y a personne ?
  • Sont juifs et préfèrent ne pas travailler les vendredi et samedi ?
  • Sont musulmans et aimeraient aller à la mosquée le jeudi soir et le vendredi ?
  • Ne sont rien et aimeraient simplement gagner un peu plus ?
Ce qui est manifeste, c’est que, la loi posant le principe du dimanche comme jour de repos, elle offre un biais chrétien. La loi de 1905, dite de séparation des Eglises et de l’Etat  est pourtant claire : « La République […] garantit le libre exercice des cultes (art 1) [et…] ne reconnaît […] aucun culte (art. 2) … », je suggère au gouvernement, au nom de la laïcité, de déférer l’ensemble des lois prohibant le travail du dimanche devant le Conseil Constitutionnel. Une QPC habilement suscitée devrait faire l’affaire. Les Sages n’auront d’autre choix que de reconnaître que le Dimanche est le jour du Seigneur chrétien et que l’interdiction d'ouverture le dimanche viole la laïcité de la République. Ainsi, la banalisation du travail du dimanche serait imposée aux syndicats, au nom d’un principe républicain pour lequel ils se sont battus. Ouf, la grève générale est évitée ! 

Chaque entreprise choisirait ainsi ses deux jours de fermeture en fonction de son marché, de ses contraintes, ou, tout simplement du mode de vie de son dirigeant. C’est si simple… Mais c’est ici que cela devient compliqué, le diable se logeant comme d’habitude dans les détails. Comment concilier cette liberté nouvelle avec le souhait bien légitime pour le plus grand nombre de ne pas changer son rythme de vie ? il suffirait de faire un subtil distingo entre la notion d’horaires de travail – qui, rappelons-le, sont du ressort du chef d’entreprise – et de jours de travail. Les jours de repos deviendraient un élément essentiel du contrat de travail. Les nouveaux contrats comprendraient deux jours de repos obligatoire – qui n’existent pas aujourd’hui, aussi surprenant que cela puisse paraître, en droit du travail – et seraient librement négociés entre le salarié et son employeur. Une fois le contrat signé, ce dernier ne pourrait pas, s’il ne l’a pas prévu, modifier les jours de repos. 

L'étape suivante serait de supprimer un certain nombre de jours fériés (ascension, pentecôte, assomption, toussaint) en les intégrant au couple congés/RTT et nous aurons, grâce à la laïcité, un pays dont les magasins sont ouverts quand les clients souhaitent faire leurs courses…

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