samedi 30 novembre 2013

L’avenir préoccupant de l’industrie aéronautique ?

Marché de fous ? Voici la question que je me suis posée en écoutant un spécialiste de l’aéronautique parler de ce secteur. Les compagnies aériennes sont en piteux état. Elles forcent Airbus et Boeing à une sorte de guerre fratricide. Monde cyclique. Pendant les phases montantes, des surcapacités se créent (ce qui semble le cas aujourd’hui : 20.000 avions commandés pour 27.000 en fonctionnement - hors transport régional). Puis c’est la crise. Même en période faste, le constructeur vend à perte. Comment survivre alors ?, par la subvention publique ? (En France, constructeurs et sous-traitants emploieraient 300.000 otages, que le gouvernement cherche à protéger.)

Apparemment peu de savoir-faire chez Airbus et Boeing. Métier de commerciaux et de main d’œuvre, curieusement artisanal. Il fait penser à l’industrie automobile de la fin du 19ème. La « valeur ajoutée » serait dans des activités de niche (documentation ? conseil ?...) et chez des équipementiers tels que Safran ou Zodiac.

Cela m’a rappelé ce que disait Dennis Meadows. Le capitalisme n’est que bulles spéculatives. Il se régule par la crise. (Jusqu’à ce qu’une bulle liquide l’espèce humaine. Ce que Dennis Meadows croit imminent.)

(Complément. Chaque constructeur aurait son boulet. Boeing a voulu devenir un commerçant / assembleur, et ne sait plus très bien fabriquer ses avions. Airbus serait plombé par le coût de mise au point de l'A380, dont le marché n'apparaît pas. Un gros avantage de Boeing sur Airbus, outre l'amitié de l'armée américaine, serait son antériorité, et une énorme base installée.)

vendredi 29 novembre 2013

La précarisation gagne la France

Le chômage recule, parce que le Français travaille de plus en plus à temps partiel. La radio semblait dire cela ce matin. (L'opinion de Libération.)

On parle depuis longtemps de ce phénomène dans les pays anglo-saxons (voir, par exemple, ici), et en Allemagne. Est-ce une tendance générale ? La société a-t-elle été soumise à une forme de "dépression" ? Au lieu de chercher à gagner en productivité, comme le veut l'économie, elle a voulu réduire ses coûts par réduction des salaires ? Pour ce faire, elle a remplacé le salariat, par le petit boulot ? Produisant ainsi une forme d'anarchie qui rend impossible l'organisation sociale nécessaire au gain de productivité ? Adam Smith se retourne-t-il dans sa tombe ?

L'Américain ne dort plus

L'Américain aurait décrété que dormir était inutile. L'homme, le vrai, ne fait que travailler. Comme une bête. Une fois de plus un article parle de cette question. Les entreprises s'en émeuvent. Elles veulent remettre au lit leurs employés.

Cela en dit probablement long sur la culture américaine. Culture qui fait croire que "qui veut peut". Qu'il n'existe pas de volonté supérieure à celle de l'homme. Pas de lois naturelles. Mais aussi culture dont la caractéristique est la schizophrénie ? Paradoxe d'un homme prétendu libre, mais à qui l'entreprise impose sa conduite, et qui ne voit le salut que dans le labeur animal.

jeudi 28 novembre 2013

L'esprit de l'Amérique ?

Les USA ont une capacité extraordinaire à se régénérer. Qui eut dit qu'ils allaient transformer une industrie aussi arriérée que l'extraction de pétrole ? Voici, en substance, ce que je lis dans The Economist.

Signe de renouveau ou de continuité ? L'Amérique est le pionnier de la fracturation hydraulique et des OGM, McDo fabrique de l'obésité, en exploitant nos faiblesses pour la graisse et le sucre, le 4x4 a fait la fortune de ses constructeurs automobiles, et Google veut mettre notre vie dans ses bases de données. Et si le fonds de commerce des USA était d'aller à l'encontre des intérêts de la société ? N'est-ce pas là que se font le plus facilement les gros bénéfices ?

Anne Lauvergeon et le laboureur

Anne Lauvergeon dit quelques mots au départ d’une conférence. Elle a fait un travail de prospective selon une méthode classique. Identifier les forces de la France et chercher les courants qui leur sont favorables. Si je comprends bien la suite de son discours, par sa bouche l’Etat nous dit de nous montrer innovants dans ces domaines. Alors, il saura bien nous aider.

Depuis quelques temps, je vois émerger une idée. L’entreprise s’accommode mal des incertitudes du marché. Elle a besoin d’une ligne directrice. L’Etat est utile quand il passe des commandes. La commission de Mme Lauvergeon est-elle une nouvelle manifestation de cette idée ?

Mais l’Etat ne peut plus passer de commandes. Alors, il relit La Fontaine. Et dans son infinie intelligence, il nous indique où creuser pour trouver le trésor ? « Cultivez, prenez de la peine… »

mercredi 27 novembre 2013

Que penser de l'Ukraine?

Par la force, M.Poutine a convaincu l'Ukraine de renoncer à se rapprocher de l'Europe. J'entendais la radio dire, ce matin, que ses intellectuels protestaient. Que penser de cette histoire ? 

Elle semble remonter à loin. L'Ukraine est vue comme une partie intégrante de la Russie. Peut-être même est-elle l'origine de la Russie (si je comprends bien le livre que je cite ici). Toujours est-il que son passage à l'Est remonterait à 1709. Pierre le Grand défait les Suédois. Ce qui scella aussi le sort de la Pologne.

Aujourd'hui, les mêmes puissances sont à l'oeuvre. La Pologne et la Suède veulent amener l'Ukraine en Europe. Est-ce une bonne idée ? Justement au moment où l'Angleterre, qui a voulu l'élargissement de l'Europe, lutte contre l'immigration que cet élargissement a créé ? Voilà ce qu'en dit The Economist :
Ce qui est sûr est que quiconque acquiert l'Ukraine héritera aussi d'un casse-tête gigantesque (...) Même si les Suédois et les Polonais triomphent à Vilnius, il serait déplacé de s'en réjouir. 
Car "l'Ukraine est un pays qui n'a pas de tradition d'indépendance, mais une corruption chronique, un gouvernement dysfonctionnel, et une élite parasitaire". Pour ma part, il me semble que tout ceci reflète :
  1. le formidable déficit démocratique européen (le Français est-il consulté, ou seulement informé, sur un sujet qui pourtant peut grandement affecter son sort ?) ; 
  2. l'absence d'un mécanisme d'assimilation des nouveaux venus, qui leur permette de s'intégrer sans heurts au groupe européen.  

Les habitudes ne changent pas

On ne se débarrasse pas d'une habitude en la flanquant par la fenêtre : il faut lui faire descendre l'escalier marche à marche (Mark Twain) 
Enseignement fondamental, en termes de conduite du changement. Le combat de ma vie, en quelque sorte. L'homme, pris comme individu, change lentement. En fait, son comportement est piloté par des processus "irrationnels" ("habitudes") qui sont une partie de lui, un peu comme ses caractéristiques physiques. Ils sont très difficiles à modifier. Mais l'homme est aussi fait pour suivre des règles collectives, explicites (code de la route) ou non (politesse). En jouant sur ces règles, on peut modifier quasi instantanément le comportement d'une population.

(L'original de la citation serait : “Habit is habit, and not to be flung out of the window by any man, but coaxed down-stairs one step at a time.”)

mardi 26 novembre 2013

Carlos Tavares ou le retour des ingénieurs?

Carlos Tavares prochain dirigeant de PSA. Enfin un PDG à l'allemande. Un ingénieur qui aime les voitures, pas un financier. La Tribune se réjouit.

Carlos Tavares est-il l'hirondelle qui fait le printemps ? Les ingénieurs vont-ils revenir dans les entreprises, et, partis du bas, retrouver leurs sommets ? C'est certainement dans l'esprit du temps. On ne peut pas éternellement se nourrir sur la bête. Il faut aussi se rappeler la raison d'être de l'entreprise : le produit et le marché. Mais y a-t-il encore des ingénieurs qui n'aient pas basculé dans la finance et la gestion ?

Les mystères de Dauphine

Pourquoi le coût de la scolarité à Dauphine a-t-il augmenté, alors que rien dans les cours n'a changé ? Mes élèves s'interrogent.

Ne se trompent-ils pas ? Qu'est-ce qui fait la valeur d'une formation ? Ses professeurs ou ses élèves ? Les bons professeurs sont dans les universités, pas dans les grandes écoles. (Une des raisons en est que les grandes écoles emploient des "anciens", et que la mission de l'école, à l'exception de Normale sup, n'est pas de former des universitaires. Ses enseignants ne le sont donc que par défaut.) Et si, pour changer radicalement Dauphine, il suffisait de changer son image ? Plus elle fera croire à son excellence, plus elle attirera de bons élèves. Et moins elle aura besoin d'enseignants. Et il y a un cercle vertueux. Très bien compris par les universités anglo-saxonnes . C'est celui des anciens élèves. Mieux ils sont placés, plus ils donneront à leurs jeunes camarades des postes importants. A un certain point, il n'y a plus besoin d'élèves et d'enseignants ? L'université justifie l'hérédité de la classe dirigeante ?

lundi 25 novembre 2013

Le blues du dirigeant

Un ami apporte à une grande entreprise un client potentiel. Au lieu de chercher à le séduire, le patron de la dite entreprise se lance dans un discours sur la disparition de son marché, et l’injustice du sort. L’ami en a été tout retourné. Si bien qu’il m’a appelé en sortant du rendez-vous.

J’entends beaucoup parler de l’impuissance du dirigeant ces derniers temps. Mais le problème est peut-être plus grave que je ne le pensais. Nombre de dirigeants attribuent leurs difficultés à l’incapacité de la société à changer. Je me demande, s’ils ne se trompent pas sur ce qu’est le changement. Le changement, ce n’est pas l’arrivée d’idées généreuses dont ils seraient les champions. Le changement, peut être la transformation d’un modèle de société. Un moment chaotique, dont on ne sait pas ce qu’il va donner. Alors, la seule certitude est que les piliers de l’ancien régime, eux !, ne survivront pas au nouveau. Le changement, lorsqu'il est subi produit le phénomène du deuil. Voilà ce que nous vivons ? 

L'homme est-il bon par nature ?

L'homme est-il naturellement bon ? Est-il rendu bon par la société ? La science moderne s'attaque de nouveau à cette question. Etude du nourrisson. L'homme semble fait pour faire passer l'intérêt de son groupe avant le sien. Bref, il serait "bon" pour ceux de son équipe, et "mauvais" pour les autres.

Mais qui sont les autres ? Un ennemi est un ami vu de dos, aurait dit Gide. Je soupçonne que notre définition de l'autre varie au cours du temps. Ce n'est probablement pas qu'une question de "race", ou de quoi que ce soit de figé à la naissance. L'autre serait-il celui qui semble ne pas partager nos idées ?

dimanche 24 novembre 2013

L’Amérique, arbitre du bon goût

Quant il le veut, M.Obama peut bien faire. The Economist rejoint mon opinion. Et si M.Obama comprenait enfin que l’Amérique a un rôle décisif à jouer dans le monde ? Certes, elle a commis l’erreur de ne pas entendre le conseil du général de Gaulle. Il lui avait pourtant bien dit que le défaut des superpuissances était de croire que tout pouvait se régler par la force. Mais rester prostré serait dangereux. L’Amérique est toujours forte et sans équivalent. Et, sans son action régulatrice, l’humanité pourrait aller dans une direction qui n’est favorable ni à ses intérêts ni à ses valeurs. 

Par ailleurs, l'Amérique est au centre de deux négociations de libre échange. Curieusement, elle pourrait ne pas les signer. Les Républicains sont favorables au repli. La Chine semble bien partie pour de grades réformes libérales. Elle irait jusqu’à permettre les ONG et une justice indépendante. Quant au Mexique, malgré de bonnes intentions, il ne va pas assez loin dans cette même libéralisation. Il devrait ouvrir ses ressources pétrolières aux étrangers. En Allemagne, Mme Merkel est empêtrée dans les négociations de constitution d’un gouvernement. En Italie, un morceau du parti de M.Berlusconi se détache. Va-t-il rejoindre celui du premier ministre et constituer quelque chose qui ressemble à l’ancienne démocratie chrétienne ?

Rapprochement avec l'Ukraine, une bonne affaire pour l'Europe ? L’Allemand économise, mais n’achète pas d’actions. Pourquoi les lois américaines font elles des milliers de pages ? Parce qu’il y en a peu, si bien qu’on essaie d’accrocher à celles qui ont une chance de passer, tout ce qui ne pourrait être voté, sinon. « Freeport ». Ce sont des zones de transit indéfini qui permettent aux biens qui s’y trouvent d’échapper aux impôts. Les gens riches y entassent leurs trésors. C’est un savoir-faire suisse qui s’exporte partout dans le monde.  

Nokia débarrassé de ses terminaux reprend du poil de la bête. Son métier principal est la construction de réseau. Il pourrait acheter Alcatel, en panne d'intelligence. Les chantiers navals coréens et Singapouriens vont bien, eux aussi. Ils ont choisi la qualité, ce qui a mis en déroute la Chine et ses faibles coûts de main d’œuvre. L’A380 a coûté 15md€ à Airbus, le marché pour ce type d’appareil n’est pas encore visible.

Les gourous du management se posent la question de la complexité, et l’enseignement de l’économie redécouvre l’étude des travaux fondateurs. Quant aux retraites, une solution qui permettrait d’éviter les promesses intenables, mais aussi l’incertitude des retraites par capitalisation. Une partie serait assurée, l’autre dépendrait de paramètres susceptibles d’évoluer. Mais le tout serait mutualisé, et non individuel. 

Histoire. Grâce à une meilleure organisation, l'Angleterre a défait la France de Napoléon. (The Economist ne semble pas avoir remarqué qu'il y avait d'autres pays que l'Angleterre qui se battaient contre la France. A moins, qu'il ne les considère comme les marionnettes anglaises ?)

La communication digitale expliquée à mon boss

« Curation », « buzz » et influence, que penser de Google+ ?,  encore, et toujours, comment mesurer le « ROI » des médias sociaux ?... On trouve dans ce livre tout ce qu’il faut savoir sur les tendances nouvelles et leur vocabulaire. (KABLA, Hervé, GOURVENNEC, Yann, La communication digitale expliquée à mon boss, Kawa, 2013.)

Le travail d’Hervé Kabla est fascinant. Depuis quelques années, il étudie, quasiment en temps réel, le progrès du « numérique » ou « digital », et ses transformations incessantes. Chaque livre examine ce que cette vague d'innovation a de nouveau. On y trouve les opinions de ses acteurs les plus remarquables. Je ne connais pas d’autre transformation comparable qui ait eu un tel historiographe.

Il y a un coup de génie là dessous. Si Hervé peut aller aussi vite, c’est parce qu’il fait du « co développement ». Non seulement il coédite ses livres, mais ceux-ci sont un recueil d’articles d’experts. Ils profitent donc d’une sorte de recherche « en parallèle ». Et le rôle d’Hervé peut se limiter (mais il faut du talent pour cela) à repérer l’émergence de tendances et de leaders de ces tendances. (Je crois que cette idée de codéveloppement a un grand avenir. Elle est le contrepoison aux tactiques des services achats, diviser pour régner, et standardiser = mort de la créativité. Mais c’est une autre histoire.)

Ce qui m’a peut-être le plus surpris, c’est la dédicace d’Hervé. Je suis « le Jourdain du digital ».  Et s’il avait raison ? ai-je fini  par me demander. Le dispositif que j’ai adopté est en accord avec ses idées. Comme il le dit, non seulement le blog n’est pas mort, mais il joue un rôle central dans une communication numérique. Le mien stocke mes réactions aux événements qui m’assaillent. Ses billets alimentent automatiquement Facebook et Twitter. Et un peu moins automatiquement Google+ et plusieurs groupes de linkedin. Surtout, ils servent de base à mes articles et à mes livres. Qu’est-ce que cela m’apporte ? Un plaisir purement intellectuel. Et tout ce plaisir vient d’une forme de discipline. Un exemple : l’écriture d’un article. Un article doit être court, frappant, évident. Il doit apporter du neuf, voire du révolutionnaire, sans susciter le rejet. Attention à ne pas rajouter au stress ambiant ! Extraordinaire exercice d’humilité. Mais contrainte créative, qui condamne la paresse. Idem pour la réalisation d’une vidéo. En un temps court (idéalement moins d’une minute), elle doit faire passer un message décisif.

Tout ceci montre peut-être l’attitude qu’il faut avoir vis-à-vis d’une innovation. Il ne faut ni la refuser, de toute manière elle est là pour rester, ni l’adopter sans réflexion. Il faut expérimenter. Se tromper pour réussir. Cela demande du temps. Mais il ne faut pas avoir peur d’être lent. Car, je constate que le « progrès » l’est aussi.  

samedi 23 novembre 2013

Le problème n'est pas l'idée mais sa mise en oeuvre

Les entreprises ont l'obsession de l'innovation. Autrement dit, elles croient que la mission du dirigeant est de rêver. Or, le problème de l'entreprise, c'est la mise en oeuvre. Elle a plus d'idées qu'il en faut pour faire fortune. Mais elle ne sait pas les appliquer ! Voilà ce que dit un article. Il retrouve mon expérience et mon billet précédent.

Cette erreur produit un curieux cercle vicieux. Plus l'entreprise va mal, plus elle cherche des idées, moins elle travaille... Elle est paralysée.

Stratégie et mise en œuvre sont interdépendantes

La mise en œuvre d’une stratégie est-elle différente dans le privé et dans le public ? se demande-t-on dans un groupe linkedin. Pour ma part, je pense la question mal posée.

Elle sous entend que la stratégie est indépendante de l’entreprise. C’est ce que March et Simon ont appelé l’hypothèse de l’organisation machine. L’organisation obéit aux ordres, comme une machine. Or, non seulement l’organisation humaine n’est pas une machine, mais elle porte en elle un potentiel de développement qui lui est unique. De même que l’enfant ne peut pas devenir n’importe quoi. Il possède un certain potentiel, et pas un autre (par exemple un don pour les lettres, mais pas pour les maths). L’art de la stratégie, c’est donc de réaliser ce potentiel, eu égard aux conditions spécifiques dans lequel l’enfant, ou l’organisation, évolue.

Si l’on accepte cette idée, alors toutes les organisations sont différentes. Il n’y a donc pas « une » bonne manière de mettre en œuvre une stratégie. Mais, du coup, il n’y a plus de différence entre public et privé. Organisations publiques et privées sont deux types « d’organisation ». D’ailleurs, mon expérience me montre que deux entreprises peuvent être plus éloignées l'une de l'autre que, par exemple, un grand ministère et une multinationale, deux formes poussées de bureaucraties.

(MARCH, James G., SIMON, Herbert A., Organizations, Blackwell Publishers, 2ème edition, 1993.)

vendredi 22 novembre 2013

Pourquoi le Français n'écoute-t-il pas?

Un jour mes élèves m'ont dit que si je n'arrivais pas à communiquer avec les journalistes, c'était parce que je posais des questions et que le journaliste est supposé savoir. Dans le billet précédent Edgar Schein leur donne raison.

Mais cela éclaire aussi un problème très important. Quand vous rencontrez quelqu'un, il est soit supérieur, soit inférieur à vous. C'est la logique française. Dans le premier cas, vous l'écoutez, dans le second, non. Mais, pourquoi aurions-nous un supérieur ? Ce serait injuste ! Du coup, nous n'écoutons personne.

Cela explique aussi une découverte récente. La plupart des consultants qui interviennent dans les entreprises sont ma payés. Pourtant, ils font un travail que ne sait pas faire leur client. Oui, mais être sous-traitant signifie être inférieur. Donc être un exécutant. Donc être mal payé. C'est logique, finalement.

Amérique et France, sociétés hiérarchiques

Aux USA, le statut fait l'homme. Il vous est donné par votre « achievement », votre réussite. Il vous désigne comme étant celui qui sait. Le supérieur dit donc à l’inférieur ce qu’il doit faire. La communication va de haut en bas. Observation d'Edgar Schein (dans le livre présenté ici). Le problème est exactement le même en France. Mais chez nous « l’achievement », c’est le diplôme. Dans les deux cas, cela bâtit une société dysfonctionnelle. Parce que le savoir est généré par la société. Et la réussite, qu’elle soit sociale ou scolaire, conduit à nous en couper.

Là où l’Amérique est la France différent, c’est dans leur façon d’envisager les relations humaines. Elles sont, toujours selon M.Schein, « task oriented » aux USA, c'est-à-dire qu’elles sont impersonnelles, limitées à la réalisation technique d’un intérêt commun. Alors qu’en France, la dimension personnelle domine. Edgar Schein estime que l’Amérique devrait être plus personnelle. Pour ma part, je crois que la France devrait être plus « task oriented ». 

jeudi 21 novembre 2013

Les mystères de Saclay

Rendez-vous à Orsay. Aventure pour un Parisien. Surtout lorsqu'il veut employer les transports en commun. Il semble que rien n'ait été prévu pour son cas. Où est donc stationné le bus, à la sortie de la gare ? Comment retrouver son arrêt au retour ? Est-ce un trottoir, ou une piste cyclable ? Jusqu'ici je pensais le plus grand mal de mon sens pratique. Mais il m'a sauvé.

Au retour, longtemps seul passager, une demi-heure de balade en bus. D'école en école jusqu'au RER. Elle m'a plongé dans de profondes réflexions. Qu'il est étrange que toutes ces grandes écoles se soient installées au milieu des champs. Et même pas à proximité les unes des autres. Et que la qualité de la construction est mauvaise ! Et l'entretien ! Supélec, par exemple, semble dans un état pitoyable. Quelle différence avec le système d'enseignement supérieur étranger !

Faut-il voir dans ces mystères l'absence de sens pratique de ceux qui nous gouvernent ? Un mépris de l'étudiant ? Une volonté d'en faire un autiste ? Quel enseignement en tire-t-il ?

Sélection au mérite

Si j’en crois ce que j’entends, Dauphine, université apparemment d’élite, recrute initialement essentiellement dans ses environs. Des « gosses de riches » dit-on. Les lycées parisiens auraient un avantage concurrentiel déterminant sur ceux de banlieue ou de province. Après la licence, les choses changent. Le mélange devient plus représentatif de la population française. Ce qui veut dire que le « gosse de pauvres » est relativement plus performant que le « gosse de riches », ou, du moins, qu’il est le fruit d’une sélection plus exigeante ?

mercredi 20 novembre 2013

Le secret de la prospérité : parler anglais

Mieux un pays parle anglais, mieux son économie se porte. Parlons anglais, donc.

J'ai déjà noté ce phénomène, il y a longtemps. L'Insead possède une base de données des résultats de ses étudiants aux tests d'admission. Elle sert aux exercices de statistique. En jouant avec, je me suis rendu compte qu'il y avait une corrélation forte entre les test de QI (ou équivalent) et la nationalité. Etre anglo-saxon était une garantie d'intelligence.

Plusieurs explications possibles. La maîtrise de la langue peut entrer en jeu. Plus subtilement, ces tests peuvent avoir un biais culturel. D'où un question. Les spécialistes de stratégie disent qu'il faut changer l'avenir à son avantage. Et si une bonne stratégie nationale était de ne pas parler anglais ? C'est à dire de chercher un terrain concurrentiel sur lequel sa culture soit un avantage ?

De la corruption

The Economist dénonce régulièrement la corruption des pays dont il désespère (Inde, Chine, Russie, Brésil, France…). Est-ce un vice constitutif de ces sociétés ?

J’en suis arrivé à une curieuse hypothèse. En quelque sorte, c’est celle de l’Eglise Catholique et du protestantisme. Soit une société. Imaginons que, par exemple sous l’influence des valeurs occidentales, la tendance soit à l’individualisme. Deux types d’individualistes apparaissent. Ceux qui ne voient pas plus loin que leurs intérêts immédiats, et ceux qui pensent que la société est le meilleur promoteur de leurs intérêts. Initialement, les premiers ont le dessus. Car leur action n’est pas embarrassée par une pensée sophistiquée. (Les entrepreneurs et les grands conquérants sont avant tout des gens indestructibles, beaucoup d'énergie, faible QI.) Ce faisant, ils prennent les commandes de la société et de ses institutions (cf. l’Eglise). Et ils la font travailler pour eux. Autrement dit elle devient corrompue. La situation est insupportable. On est amené à dissoudre les institutions gangrenées. On en arrive à une société d’individus. Pour qu’elle parvienne à tenir, il faut alors, probablement, que le second type d’individualistes prenne le dessus. Mais c’est une autre histoire. 

mardi 19 novembre 2013

La mondialisation sera-t-elle celle des affaires ?

J'ai publié un billet sur la stratégie de l'Insead qui suscite les commentaires du groupe linkedin des anciens de cette école. L'un est particulièrement inattendu. Il provient d'un des pionniers du campus de Singapour, par ailleurs spécialiste diplômé de conduite du changement. Il explique, en substance, que l'Insead ne pouvait pas s'étendre à Fontainebleau parce qu'il est interdit d'y couper des arbres, et qu'écrire un blog en français est idiot.

Voici ce qu'entend l'Insead par "business school for the world" ? Une culture mondiale unique, celle des affaires ? J'ai bien peur que ce ne soit pas comme cela que la comprennent les Chinois, entre autres. La mondialisation de demain risque d'être une mondialisation de nations et de cultures. L'Insead victime d'une mode de management ?

Quand le marché conduit le changement

Il y a longtemps, j’ai travaillé pour un groupe d’usines qui fabriquaient des bouteilles en verre. Il était alors déficitaire. La cause en était une surproduction locale (une usine de trop). En outre, il était menacé par le départ d’un client, 10% de son chiffre d’affaires. Le problème venait de la rigidité des chaînes de production. Elles sont optimisées pour produire, pas cher, à pleine cadence. Finalement, nous avons trouvé une solution. On appellerait cela « lean production » aujourd’hui. (Comme quoi, les livres ne sont pas toujours utiles !) Mais j’en ai surtout retenu l’idée que l’équilibre d’une entreprise tient à peu de choses. Beaucoup de secteurs sont optimisés pour réaliser une petite marge en fonctionnant à cadence maximale.  

Et c’est peut-être par là que se fait la destruction créatrice de Schumpeter. Une innovation comme Internet par exemple n’attaque pas tout un marché, mais seulement une petite proportion. Mais, la perte est suffisante pour torpiller l’industrie existante. Il semble que ce soit ce qui arrive aux libraires. Les vendeurs en ligne ne leur prennent qu’une part marginale de chiffre d’affaires, mais c’est assez pour compromettre leur avenir. Bien entendu, l’entreprise attaquée pourrait s’adapter. Cependant, mon expérience montre que c’est difficile. Ne serait-ce que parce qu’elle est optimisée pour son fonctionnement actuel, et que, en quelque sorte, elle a licencié sa capacité à changer pour faire des économies.

A cette étape de ma réflexion, il me semble qu’il est dangereux de laisser le « marché » conduire le changement. En particulier lorsqu’il est entre les mains d’un tout petit nombre d’individus, qui n’en font qu’à leur tête (cf. les multimilliardaires des technologies de l’information). Car, il prend des décisions qui affectent nos vies. Elles devraient être de l’ordre de la démocratie. 

lundi 18 novembre 2013

Laboratoire d’idées

Comment juger une nouvelle idée (par exemple une nouvelle loi) ? Difficile d’en prévoir les conséquences. Je me demande s’il ne faut pas en revenir à Aristote. Pour Aristote, la constitution d’une société est ce qui lui permet d’être stable. Par conséquent, à moins de désirer changer de constitution, toute nouvelle idée doit être constitutionnelle.

Et il est possible qu’il y ait un moyen simple pour juger de cette constitutionnalité. Trouver « l’idéologie », qui est derrière l’idée. Par exemple, j’en suis venu à penser que la très bizarre concentration des grandes écoles sur les hauts de hurlevent de Saclay n’était pas une punition (comme je l’ai cru). Mais un moyen de séparer les méritants (grandes écoles) des autres (universités). Et d’affecter les maigres ressources de l’Etat français à ces seuls méritants. Autrement dit faire un seul MIT avec toutes nos grandes écoles. C’est une idéologie qui est aussi ancienne que l’Angleterre.

Bien entendu, il n’y a rien de mal à installer en France le modèle anglais du 18ème siècle, mais autant le faire en connaissance de cause. En effet, comme le remarquait Aristote, une constitution ne peut pas être imposée, elle doit résonner avec ce qu’une population a de plus profond. 

dimanche 17 novembre 2013

Google, force du totalitarisme ?

Le projet de Google glass est d’enregistrer notre vie. Pas uniquement ce que nous voyons, mais aussi l’information qui va avec (dont nos sentiments). Puis de faire de cela un bien commun, accessible à tous. En outre, nous serons désormais connectés en permanence à Internet. Or, pour que les effets de cette innovation se fassent sentir, il suffit qu’une minorité y trouve des bénéfices, secondaires, et l’adopte. The Economist suggère de s’émouvoir de la question.
L’irresponsabilité serait-elle une caractéristique génétique de l’entreprise ? Les assureurs se réassurent, pourquoi ? Du fait d’un biais de la loi. Elle demande des garanties plus faibles aux réassureurs qu’aux assureurs. En se réassurant, les assureurs augmentent leurs risques (et, surtout, les nôtres) ! De même, on s’est rendu compte que les entreprises faisaient appel au leasing parce qu’il n’était pas comptabilisé de la même façon que les dettes.

Nouveau succès économique pour l’Allemagne. Elle a libéralisé la prostitution. L’industrie emploie maintenant 400.000 personnes, avec 1m de visiteur unique jour. En Chine, Xi Jinping se saisit des leviers du pouvoir. Pour le reste, il annonce qu’il va libérer un peu plus les forces du marché. Mais les voies de la Chine sont impénétrables. En Inde, le parti du Congrès serait sur le point de se faire balayer par un démagogue. L’Amérique ne veut plus entendre parler d’intervention extérieure. Israël ne parvient plus à influencer ses vues sur l’Iran. La guerre en Afghanistan a soudé les forces de l’OTAN. Comment les conserver en état de marche, maintenant ?

On commence à dire que le gaz de schiste serait une mauvaise affaire. Mais The Economist pense que ses bénéfices peuvent provoquer un renouveau notable de l’économie américaine, à défaut d’une révolution. Notamment en ramenant sur son territoire des entreprises fortement consommatrices d’énergie. Et en favorisant l’activité économique qui va avec (construction d’usines, de routes, etc.).

L’Angleterre est en croissance. Mais la population n’en profite pas. Ses revenus sont érodés par l’inflation. Le gouvernement anglais repousse les dossiers épineux à plus tard. Le corps politique se fragmente, ce qui n’est pas compatible avec le bipartisme, principe fondateur de la démocratie anglaise. Le gouvernement est paralysé.

Amérique éternelle. Les principes de la justice américaine n'auraient-ils pas évolué depuis le Moyen-âge ? Par exemple, les pauvres peuvent être condamnés à perpétuité pour des peccadilles. Il semble que la vie du pauvre n’ait aucune valeur. Armstrong, personnification de l’esprit américain ? Il optimisait son corps, comme il optimisait tout ce qu’il utilisait, pour aller au delà des limites. Quant aux origines de la presse américaine elles se trouvent dans la lutte contre les barons du capitalisme des années 1900. Le parti républicain était son allié. Il voulait améliorer la vie de l’Américain. 

Les dirigeants d’entreprise découvrent les mérites de la méditation. Et les inconvénients des systèmes d’évaluation de leurs employés (ils visaient à les débarrasser des moins performants, et à stimuler les autres).

Qu’est-ce que la beauté ? Le signe que nous sommes apprivoisés. Chez l’homme comme chez l’animal, comportement et apparence sont liés. Et l’évolution de notre apparence marque la prise de pouvoir croissante des impératifs sociaux. Pourquoi les enfants n’aiment-ils pas les légumes ? Probablement parce que, jadis, ils étaient dangereux pour la santé.

Le syndicat au secours de l'entreprise ?

Quel est le mal de l'entreprise française ? ai-je demandé à un ex (très) grand patron. La formation de son dirigeant ! La recherche fait des pas de géant, l'entreprise est devenue extraordinairement complexe, et ses salariés sont très diplômés. ("Il y a douze fois plus de gens qui ont le bac chaque année qu'à l'époque où je l'ai passé" me dit-il.) Le dirigeant ne peut plus croire qu'il en sait plus long que ses collaborateurs. Or, il prétend, toujours, imposer ses vues sans consulter personne. Mais le savoir est en bas !

Solution ? Le modèle de codétermination à l'Allemande. Il force le dirigeant à consulter les employés, sans qu'il ait à perdre la face ! La nouvelle loi sur la sécurisation de l'emploi serait un pas dans cette direction. Mais va-t-elle être appliquée ? Curieusement, mon interlocuteur doute de la capacité de ses camarades dirigeants à s'en saisir. Pour ma part, je vois plutôt la résistance du côté des syndicats. Car leur stratégie est l'irresponsabilité. Ils disent non. Ils s'opposent. C'est tout. Et ce n'est pas fatigant. Ce n'est pas facile d'être allemand...

En tout cas, je trouve le raisonnement extraordinairement élégant. Et surtout, je découvre que les dirigeants ne sont pas comme nous les croyons. (D'ailleurs, je soupçonne que, vu de loin, je dois ressembler à un suppôt du capitalisme le plus sanguinaire !) Il en est probablement de même des syndicats. Espoir, enfin ? Edgar Schein a-t-il raison : l'idée reçue menace la survie de l'espèce ? Apprenons à poser des questions ?

samedi 16 novembre 2013

Wikipedia et l'OCDE

Voici ce qu'écrit Wikipedia sur l'OCDE "Un club de pays riches et un instrument au service du libéralisme".
Le texte sous-entend que l'OCDE est le mal. L'OCDE le doit à la malédiction de ses origines. L'OECE, émanation des USA, avait pour but de combattre l'Union soviétique (le bien, comme chacun sait). Mais l'OECE a été créé pour mettre en oeuvre le plan Marshall, à qui l'on attribue assez souvent le redressement de l'Europe, à un moment où elle n'allait pas bien. Quant au "développement économique", il a été, tout aussi longtemps, le credo du monde entier, PC inclus.

Mais le plus surprenant n'est peut-être pas de trouver un cours de moral dans une encyclopédie. C'est qu'il n'y a pas, actuellement, d'alternative à ce qui est condamné. En serions-nous revenu au Moyen-âge, où l'Eglise affirmait que le bien n'était pas de ce monde ?

vendredi 15 novembre 2013

Méfions-nous des Iraniens quand ils font des cadeaux ?

Les Iraniens semblent plein de bonne volonté. Ne seraient-ils pas en train de démanteler leur programme nucléaire ? Curieux. La radio m'apprend aussi que les Américains négocient sous le manteau, sans en parler à leurs partenaires. Tout ce monde a l'air bien pressé...

On reproche à M.Obama de ne s'intéresser qu'aux nobles idées. Idées à l'emporte pièce sans grand lien avec une réalité qu'il méprise. Et, en plus, de n'être concerné que par son pays. De n'avoir qu'une vue caricaturale du reste du monde.

Est-il prudent de laisser à un tel homme la responsabilité d'une négociation importante ?

Peut-on sauver l'Insead?

L'Insead a l'air mal parti. Peut-il être tiré de la médiocrité galopante?

Je crois qu'il souffre du même problème que Wikipedia. Il a subi un détournement. Ceux à qui on avait confié ses commandes en ont pris le contrôle. Et ces deux organismes ont la particularité d'être remarquablement isolés des influences extérieures.

A une époque, on parlait beaucoup "d'organisations apprenantes". Je soupçonne que c'est un oxymore. Les organisations doivent apprendre ou périr. C'est peut-être d'ailleurs la qualité première de l'entrepreneur. Il a une capacité exceptionnelle à transformer le revers en leçon. Eh bien, je soupçonne que ce qui manque à Wikipedia et à l'Insead, c'est justement cette capacité. Curieusement, ce sont deux organismes qui sont supposés dispenser le savoir. Peut-être ont-ils cru qu'ils savaient? Peu d'espoir de salut, en tout cas.

jeudi 14 novembre 2013

Christiane Taubira

Hier, j'ai entendu parler France Culture des insultes faites à Mme Taubira. L'indignation était mesurée. Je n'ai pas eu l'impression qu'elle était épidermique. Et donc que les droits de l'homme représentent beaucoup plus qu'un concept un peu abstrait pour notre élite de gauche.

Je ne suis pas sûr, pourtant, que le pays n'aurait pas pu se retrouver dans cette indignation. Ce qui aurait permis d'isoler une frange extrémiste probablement très minoritaire. Il me semble que c'est comme cela que le Tea Party américain a été remis à sa place. A l'envers, ne pas réagir peut avoir un curieux effet. Faire croire que la minorité est majoritaire. Et lui donner le pouvoir.

Le mal du siècle a son livre ? Humble Inquiry

Et si tous nos malheurs, personnels et collectifs, venaient de questions mal posées ? C’est ce que dit Edgar Schein dans son dernier livre.

La complexité du monde le rend imprévisible et dangereux. Or à la fois le fonctionnement de notre cerveau et notre culture biaisent nos perceptions tout en nous faisant croire que nous détenons la vérité et que nous devons affirmer, sous peine de perdre la face. Résultat ? Nous apportons de bonnes réponses à la mauvaise question. D’où cercles vicieux dramatiques.

Pourtant il en faut peu pour nous sauver. Humble Inquiry, l’humble enquête. Avant d’agir, cherchons à comprendre le problème qui se pose à nous. Et, pour cela, apprenons à poser des questions, avec humilité.
L’humble enquête est l’art de faire émerger la personnalité de quelqu’un, de poser des questions auxquelles vous n’avez pas toujours la réponse, de construire une relation basée sur la curiosité et l’intérêt pour l’autre.
Au fond, ce n’est pas une question de techniques. Mais d’attitude. Si vous êtes convaincu de votre interdépendance aux autres, du mystère qu’ils représentent, y compris d’ailleurs pour eux-mêmes, de la faiblesse de vos sens et de vos capacités, alors, probablement, vous saurez poser les questions qui sauvent. Et vous construirez des relations de confiance.

Techniques pour esprits éclairés
Mais, comme souvent, les techniques ont une utilité. Elles sourient à l’esprit éclairé. En voici quelques-unes :
  • Après chaque rencontre, se demander ce qui a bien ou moins bien marché. Si l’on peut en tirer des enseignements sur la façon de demander humblement des renseignements. 
  • La demande n’est, en fait, pas toujours humble. Elle peut avoir une forme d’agressivité. Etre une sorte d’affirmation. Ce qui la rend humble est son intention. 
  • Tout ce qui nous montre nos limites est utile. Car il « fait grandir notre ego ». A commencer par l’art, et la fréquentation d’autres cultures. Prenons, aussi, conscience de notre dépendance aux autres. Et de la nécessité de bâtir avec eux des liens qui ne claqueront pas au premier revers. 
  • Nous sommes le premier destinataire de nos humbles demandes. Car c’est de nous que nous sommes le plus dépendants. Et la plupart de nos réactions nous sont imprévisibles. Nous sommes inconnus à nous-mêmes. 
  • Une technique utile consiste à examiner les processus plutôt que leur fonctionnement. Notre façon de dialoguer plutôt que la conversation en cours. Un exemple. L’île culturelle. Vous êtes membre d’un groupe multiculturel. Pourquoi ne pas faire l’exercice suivant ? Quelles sont, dans chaque culture, les règles liées à l’autorité et à l’établissement de relations de confiance ? Quelles conséquences peuvent-elles avoir par rapport aux événements que nous risquons de rencontrer ? Comment bien y répondre, tout en respectant nos cultures ? 
  • C’est le leader, en premier, qui doit apprendre l’humble questionnement. Car c’est lui qui est le plus dépendant des autres. Et c’est lui qui est supposé savoir. Il doit apprendre à se montrer « vulnérable ». (Il me semble utile, ici, d’apporter une précision. Les meilleurs dirigeants que j’ai rencontrés étaient des inquiets. Mais cette inquiétude n’en faisait pas des faibles. Mais des gens déterminés. Rien ne pouvait les détourner de la recherche d’une solution à leurs inquiétudes. Il ne faut pas se méprendre sur ce que signifie « vulnérabilité ». Ce peut-être la manifestation d’une force indestructible.)
SCHEIN, Edgar H., Humble Inquiry, Berrett-Koeler Publishers, 2013. 

mercredi 13 novembre 2013

Le gouvernement fait l'unanimité

Hier France culture interviewe une gréviste de l'Education nationale. C'est une "animatrice", ex vacataire devenue "contractuelle" depuis la loi sur la réforme des rythmes scolaires. Étrange, on aurait pu la croire reconnaissante : son salaire a augmenté et son emploi est maintenant assuré (et ses vacances sont payées). Mais non. Elle réclame une augmentation. Toute la France semble à son image. Elle s'est donné le mot pour taper sur le gouvernement. Aucune demande constructive. Que de la critique et des revendications. Ce qui ravit l'étranger, qui veut, justement, que le gouvernement mette un terme à son entêtement à ne pas liquider les prestations sociales de tous ces paresseux ! Des ultralibéraux anglo-saxons aux franges les plus extrêmes de notre gauche, le gouvernement fait une unanimité internationale. C'est peut-être unique dans l'histoire.

Le phénomène n'est peut-être pas si illogique qu'il en a l'air. La France est probablement un Etat clientéliste. La légitimité du citoyen est de réclamer. L'opposition doit l'encourager.

Que peut faire le gouvernement ? Montrer, encore mieux, son impuissance. Insister, même, sur son incompétence. Plus vite le Français se rendra compte de la vanité de ses prétentions, plus vite il deviendra un être responsable. Et plus vite le pays pourra se tirer d'affaires.

Et si le nom de notre changement était "contrôle de gestion" ?

Jadis les entreprises et les Etats dépensaient sans compter. Une bonne idée ne devait-elle pas, fatalement, les enrichir ? D'ailleurs n'était-ce pas le message de Keynes aux Etats : dépensez, cela créera de la croissance ? Mme Merkel ne veut-elle pas nous sortir de cette pensée magique ?

Or, les entreprises disposent d'un outil pour cela. Le contrôle de gestion. Il veut permettre au dirigeant de s'assurer qu'il obtient bien ce qu'il veut. Ou, plus exactement, il lui indique que ses plans ne tournent pas comme il l'avait prévu, et qu'il est temps d'agir.

Je me demande si notre histoire récente ne peut pas s'interpréter comme cela. Essayer de contrôler les conséquences de nos idées, avant qu'elles ne nous nuisent. Apprentissage de la responsabilité ?

(Cette idée m'est venue, notamment, en considérant la vie d'Henri Bouquin, un des inventeurs du contrôle de gestion moderne. C'est en s'adaptant à l'évolution de la société qu'il a produit son oeuvre, me semble-t-il.)

mardi 12 novembre 2013

Fin d'ère?

Je rapproche deux lectures récentes. The Economist craint le retour de la démocratie. Paul Krugman se demande pourquoi la France fait l'objet d'un tel harcèlement, alors que l'état du pays n'a rien de  préoccupant. Réponse : il a choisi l'impôt plutôt que de s'en prendre aux prestations sociales.

Signes d'inquiétude des tenants du modèle du marché ? Pourrait-il y avoir un changement d'idéologie dominante ? Dans ce cas quel pourrait-il être ? Difficile de le dire. Mais, il peut se produire relativement brutalement. Ce genre de changement ressemble à une mode. D'un seul coup, la majorité se rend compte qu'elle est majorité, et que jusque-là elle obéissait à une minorité. Quelle nouvelle idéologie pourrait faire une forme d'unanimité ? Modèle vénézuélien ? L'Etat tente de prendre en main l'économie pour soulager la pauvreté, mais les pouvoirs économiques font grève. En résulte quelque-chose de dysfonctionnel. Autre idée ?

Le succès est le fruit du hasard

On fait faire à des personnes, divisées en groupes, l'exercice suivant. Choisir le morceau de musique qui leur plaît. Et ce en étant relié par des réseaux sociaux. Résultat ? Effet boule de neige. Plus un morceau est populaire, plus il le devient. Mais chaque groupe choisit un morceau différent.

Le succès serait-il aléatoire ? Pas totalement. Certains morceaux n'auront jamais de succès. Et si l'on veut faire croire à la popularité de "mauvais" morceaux, c'est l'intérêt pour la musique qui s'effondre. (Le mécanisme de recommandation est vu comme n'étant plus fiable ?)

Qu'un tel hasard existe doit logiquement pousser chaque producteur, en toute bonne fois, à essayer d'influencer le mécanisme de recommandation. Celui qui gagne est alors le plus puissant. Y a-t-il corrélation entre ce que produit la puissance et ce que veut le peuple ? Si ce n'est pas le cas, il se peut alors que le peuple n'aime plus ce qu'on lui propose. Ou que ses goûts soient recodés ? L'article conclut que nous devons prendre des décisions par nous-mêmes, en nous méfiant de l'influence extérieure. Mais le monde n'est-il pas trop complexe pour que nous puissions nous passer de l'avis des autres ? Ces travaux ne sont-ils pas, avant tout, un encouragement à reconstruire des réseaux d'influence fiables ?

lundi 11 novembre 2013

Grand Satan français

Les Iraniens prennent la France pour le Grand Satan. Notre pays fait dérailler les négociations entre l'Iran et l'Occident. Quelle mouche nous a piqués, nous petit pays ridicule ? Nos vieux démons venus d'une grandeur passée seraient-ils toujours vivants ?

A la réflexion, je n'en suis pas sûr. Toute négociation a ses rites. Celle-ci aussi. Je soupçonne, contrairement à ce que l'on nous dit, qu'il n'y a pas un bon, le président, et un méchant, le guide suprême, en Iran, mais deux larrons. Ils s'entendent pour obtenir le meilleur accord possible. Car jamais le bon n'aurait été élu sans l'aval du méchant. En conséquence, si nous voulons parvenir à un accord équilibré, nous devons faire de même.

En outre, il ne faut pas oublier ce qui est en jeu. Ce n'est pas uniquement des centrifugeuses. C'est surtout beaucoup d'argent. Une fois que l'Iran ne sera plus soumis à sanctions, l'argent affluera. Et il sera utilisé pour de saintes guerres.

Il se pourrait que, pour une fois, la France n'ait pas été ridicule.

Les 6 qualités du consultant

Les 6 qualités du consultant. Selon Forbes.

Pour ma part, je pense qu'il doit en avoir une, principalement. Elle n'est pas dans les 6.
Celui qui le paie le paie pour qu'il lui dise ce qu'il n'a pas envie d'entendre. Le consultant doit être un maître de l'injonction paradoxale.

Technique. Tout diagnostic doit être accompagné d'une forme de solution. Cette solution ne doit pas être programmatique. Le client n'est pas une machine. Elle doit être une piste, qu'il est seul à pouvoir suivre. La relation client - consultant est la même que celle qu'a l'entraîneur avec le champion. Le premier est indispensable au second, mais seul le second peut réussir ce que suggère le premier.

dimanche 10 novembre 2013

Au secours, la démocratie revient

The Economist est inquiet. Que ce soit en Angleterre, à New York ou au Chili, partout la gauche remplace ou menace de remplacer de bons gestionnaires. C’est le retour de la démocratie, avec ses élus sous influence et ses syndicats. Et elle ne fera qu’empirer le mal qu’elle veut combattre. (La montée de la pauvreté.) Le monde idéal que décrit The Economist a des caractéristiques inattendues. Il a quelque chose de parasitaire. Par exemple, il dépend massivement de l’immigration. Immigration de gens qualifiés (car ils rapportent plus qu’ils ne coûtent), pas celle des pauvres. Aussi, il considère l’Europe comme le « marché » de l’Angleterre. Un marché qu’elle doit libéraliser, afin de l’ouvrir à son industrie du service, qui est à peu près tout ce qui lui reste. Mais surtout, ce monde ressemble à ce que The Economist dit de M.Bloomberg. Il est extraordinairement terne. Et si c’était là qu’était le véritable attrait de la démocratie ? Elle est peut-être chaotique. Peut-être est-elle menacée par la démagogie. Mais elle vit ?

Pour le reste, The Economist craint la déflation, particulièrement en Europe. Il appelle les banques centrales à créer de l’inflation. Elle érode les salaires sans douleur. Les pays émergents sont devenus « fragiles ». La spéculation peut les faire et les défaire. Les Etats combattent les Trusts (les fondations chez nous). Ils permettent de se protéger de l’impôt. Les cabinets d’audit ont oublié les leçons d’Enron. Ils achètent de nouveau des cabinets de conseil en stratégie.

La Chine se couvre de TGV. Moyen de créer de la cohésion sociale.

Guerres civiles. Depuis que les USA et l’URSS n’y ont plus intérêt, elles sont devenues plus rares, et plus courtes. Y mettre un terme n’en est pas moins compliqué.

Changement et Internet, nouvel épisode. La Chine est le champion de la vidéo sur Internet. Ça torpille la télévision. Malheureusement, comme d’habitude, ce n’est pas rentable. L’espionnage d’Internet par l’Amérique mécontente l’Allemagne. Sans qu’elle ne puisse rien faire. Ailleurs, les organisations qui s’occupent d’Internet cherchent des solutions techniques qui compliquent la vie des gens mal intentionnés.

Une étude des concurrents de l’élection présidentielle de 2012 aux USA. Obama y apparaît comme totalement méprisant de tout ce qui fait l’ordinaire de la politique. Et une conclusion, générale, sur le politicien : « les élections présidentielles dégoûtent les gens sans problèmes et attirent le particulièrement bizarre. Puis ils retirent à ces excentriques ce qui leur reste de respect de soi. » 

Faut-il faire preuve de pédagogie dans le changement ?

Il faut faire preuve de pédagogie. Voici ce que disent mes étudiants. C'est comme cela qu'ils ont interprété un de mes messages. A savoir, qu'il faut dire le "pourquoi" du changement. Il faut s'adresser à l'homme en tant qu'être et non en tant qu'exécutant.

Mais pédagogie a un autre sens. Pédagogie peut aussi sous entendre que l'autre est un ignorant. Qu'il ne sait pas ce qui est bon pour lui. Qu'il faut lui dire ce qui est bien et mal. Cette acception de pédagogie, très courante chez nous, conduit tout droit aux guerres de religion, au totalitarisme et aux asiles de fous.

samedi 9 novembre 2013

Les bénéfices de l'innovation

Comme souvent lorsque quelque-chose me plaît, j'en parle à tout le monde. En ce moment, c'est la version audio de The Economist qui a mes faveurs.

Il y a quelques mois, j'ai découvert en lisant ce que contenait mon abonnement que j'avais droit à une version audio du journal. Application pour iPhone. C'est pratique. Je l'écoute à la place de la radio. Cela me fait gagner en productivité.

Difficulté principale. Comprendre un article bourré de chiffres et de noms exotiques, lu en anglais, demande de la concentration, et pas trop de bruits extérieurs...

vendredi 8 novembre 2013

Obama s'excuse

M.Obama s'excuse. Il avait dit aux Américains assurés qu'ils n'auraient pas à changer d'assurance. Les compagnies la leur résilient. Conséquence de ses lois. Et en plus le système qui permet d'acquérir une assurance ne fonctionne pas.

Et voilà ce que donne un changement mal préparé. Combien de temps encore nos gouvernants, dirigeants et consultants penseront-ils qu'il suffit d'une idée pour changer le monde ?

Beaugrenelle rénové

Visite de la galerie marchande de Beaugrenelle, en quelques observations.

  • Ça ressemble à un shopping mall américain. Contrairement à un grand magasin qui propose une gamme large de produits, ici, il n'y a que des boutiques construites autour d'un concept. Je soupçonne que la mode jouant un rôle important dans le dit concept, le rapport qualité prix est faible. (Ce que confirme une expérience scientifiquement non significative.)
  • Contrairement à ce que j'ai vu des USA (pas beaucoup), cependant, la construction me semble de mauvaise qualité. C'est du clinquant. 
  • J'ai découvert un nouveau Marks and Spencer. Pour moi c'était une sorte de grande surface pour classe moyenne, au très bon rapport qualité prix. Une sorte d'image de l'Angleterre d'après guerre. Cette fois, il semble qu'il s'agisse uniquement de vendre des vêtements, plutôt haut de gamme. 
  • En dépit de tout ceci, le nouveau Beaugrenelle est bien plus beau que le précédent. L'ancien était une sorte de coupe-gorge lugubre. Réjouissons-nous.

jeudi 7 novembre 2013

Faut-il être moyen pour réussir ?

De plus de 35000 sessions de thérapie (David Burns) a appris que la recherche de la perfection est sans doute la meilleure façon de compromettre bonheur et productivité. (Article)
Bref, pour être heureux et efficace, soyons moyens. Mais n'est-ce pas un article pour Américains ? me suis-je demandé. A la réflexion, j'ai l'impression que, nous aussi, les Français, nous sommes malades de la perfection. Nous recherchons tellement l'idée parfaite que nous en oublions l'exécution. Or agir n'est qu'essais et erreurs. Ou approximations successives. La perfection est illusoire. Ou, du moins, elle résulte d'une longue pratique.
A 15 ans, je me suis consacré à l'étude; à 30 ans, j'en avais acquis les fondements; à 40 ans, je n'avais plus de doutes; à 50 ans, je comprenais les dispositions du Ciel; à 60 ans, je pénétrais le sens profond de ce que j'entendais; à 70 ans, je suivais ce que mon coeur désirait sans excéder la juste mesure. (Confucius)

Quand vouloir s'oppose à pouvoir

"Qui veut peut" dit M.Sarkozy. Il a bien tort. Un des enseignements que j'ai retirés de ma cohabitation avec le changement est que l'on obtient rarement ce que l'on veut d'un groupe d'hommes. Surtout lorsque cela paraît dans l'ordre des choses.

Exemple : la relation parent enfant. Il paraît logique que l'enfant garde des liens de confiance avec ses parents. Or, il suffit que ceux-ci le veuillent un peu trop pour que le contraire se produise. Pourquoi ? Parce qu'en voulant s'attacher leur enfant, les parents écrabouillent son libre arbitre. Et cela, ce n'est pas permis. De deux chose l'une. Soit il va réagir brutalement. Soit il va sortir handicapé de l'exercice, et ne va pas en être reconnaissant à ses parents. Qu'aurait-il fallu faire ? Prendre le risque de ne pas être aimé. Autrement dit laisser à l'enfant la possibilité d'exprimer sa volonté, de découvrir que ses parents ne lui ont pas été uniquement imposés par la nature, mais qu'ils ont aussi des qualités qui les rendent aimables. Ou encore, ne pas le considérer comme une chose.

Les mêmes causes produisent les mêmes effets dans la société. Il suffit qu'un dirigeant veuille faire preuve d'une autorité qui semble aller de soi pour qu'il soit l'objet d'une fronde. Nos gouvernants, pas seulement M.Sarkozy, en font l'expérience tous les jours. Diriger, c'est respecter l'autre.
la dysfonction apparaît comme la résistance du facteur humain à un comportement qu’on essaie d’obtenir mécaniquement. (Michel Crozier)

mercredi 6 novembre 2013

La technologie détruit-elle l'emploi ?

Comment la technologie détruit l'emploi, article de MIT Technology Review. Points de vue d'économistes :
  • MM.Brynjolfsson et McAffee. Pour la première fois, il y a un décalage entre productivité et emploi. Cela signifie, pensent-ils, que la technologie est utilisée pour remplacer l'emploi. 
  • David Autor : "Il y a eu un grand fléchissement à partir des années 2000. Quelque chose a changé." Mais il ne sait pas quoi. Il constate qu'il y a eu un "évidement des classes moyennes". Il y a de la place pour des "emplois bien payés demandant de la créativité et des compétences de résolution de problèmes" et pour des "emplois peu qualifiés" (serveurs, concierges, aides à domicile...), mais pas pour ce qu'il y a entre les deux. 
  • Lawrence Katz : de tout temps l'innovation a procédé ainsi. Des emplois ont été détruits par elle, mais recréés ailleurs. (Je note au passage que le fait que ce phénomène brutalise des existences n'émeut personne.) Mais l'histoire se répète-t-elle ?
Ce blog analyse depuis quelques temps une idée. Tout ne se passerait-il pas comme si les leviers du monde occidental avaient été pris en main par une classe ? Et qu'elle les utilise dans son seul intérêt ? D'une part en pompant de l'argent des pauvres, d'autre part, moins évident, en siphonnant les ressources communes vers des technologies qui facilitent ce transfert ? Donc en produisant un mouvement qui va à l'envers de la logique même de la croissance, le gain de productivité ? Quel lien entre ce que dit le MIT et cette théorie ?

Il n'y a pas infirmation. Les gains de productivité peuvent être sans lendemain. Ce qui semble manquer par rapport à la marche normale de l'innovation, c'est l'apparition de nouvelles activités à forte productivité. Une part de la création d'emplois parait se faire dans le service au riche. (Nous réinventons le personnel de maison ?)

(A noter, que ce mouvement, s'il est avéré, a peu de chances d'être voulu. Il est probablement le résultat d'un principe, par exemple une forme d'égoïsme, la volonté de profiter de plus faible que soi..., partagé par l'ensemble de la société. Il produit des effets macroscopiques qui laissent croire, à tort, à une volonté humaine.)

Les forces de la vie

On met dans une solution un produit chimique gras et 83 molécules nécessaires à la constitution d'une protéine. Curieusement, alors que la probabilité paraît nulle, le produit chimique piège les 83 molécules dans 5% des cas. D'où production de la protéine. (Article.)

Voilà qui est antilibéral et qui rappelle les théories systémiques et le gestaltisme. Les seconds pensent qu'il existe des forces qui auto organisent le monde, et que l'on ne peut pas apercevoir lorsque l'on regarde les individus qui le constituent. (cf. les forces qui s'exercent entre atomes, ou qui régulent le cours des fleuves.) Les premiers nient cette idée. En outre l'auto organisation semble s'opposer au Darwinisme. L'évolution n'est pas une sélection du meilleur, à partir d'un pool infini de possibilités. En fait, n'importe quoi ne peut pas émerger.

mardi 5 novembre 2013

Pourquoi pas de révolution industrielle ?

Mes trois billets précédents sur la destruction destructrice semblent dire que la logique de notre développement a été d'appauvrir les pauvres pour enrichir les riches. Cela ressemble au scénario décrit par Marx. Mais c'est aussi celui de la révolution industrielle. La concentration de capital entre quelques mains a permis un développement sans précédent. Pourquoi cela n'a-t-il pas été le cas cette fois-ci ? Deux hypothèses :
  • Le capital n'a pas été concentré dans les bonnes mains. Ceux qui, cette fois, se sont enrichis sont des salariés, pas des entrepreneurs. Ils ne réinvestissent pas leur capital de manière productive. 
  • Créer peut demander infiniment plus d'hommes et de ressources qu'alors. Les scientifiques de l'époque n'avaient pas besoin de beaucoup de matériel. Et leurs travaux conduisaient facilement à des applications industrielles. Or, la dernière grosse vague d'innovation (y compris Internet) provient de l'effort de guerre, seconde et froide, et de la colossale conjonction de moyens qu'il a suscité. 

Insead, proie et ombre

Débat sur une plate-forme d'échange de l'Insead (à laquelle je n'ai plus accès suite à une évolution technique à la Obamacare) : le doyen de l'Insead va-t-il quitter la France ? L'histoire de l'Insead mérite un billet. 

A note for English speakers.
As Insead new dean elects to stay in Singapour, this post looks at a paradox. Insead has been founded as the MBA for Europeans. An extraordinary success has ensued. Recently it has chosen to be “the business school for the world”. Since then it has been taken over by European schools that have stuck to their roots. Insead’s future is worrying. It has left a large and rich market for a non existent one. This post makes an assumption. Insead’s problem comes from its professors. Insead has tried to recruit US academics. For obvious reasons it could only get second tier people. (To know Ben Bernanke is the current dean’s apparent main feat of arm…). While Insead should have made its teaching staff in its image, the opposite has happened.  

L'INStitut Européen d'ADministration des affaires fut une innovation. C'était une adaptation du concept de MBA à l'Europe. En fait, c'était une sorte d'executive MBA. Autrement dit un MBA court pour cadre ayant déjà une grosse expérience. En effet, en France et en Allemagne, le cadre est généralement Bac + 5, voire plus (docteurs allemands, corps de polytechnique...), alors qu'il est Bac + 3 aux USA. Succès remarquable. L'Insead a longtemps été LE MBA européen. On y venait, j'ai eu cette impression, lorsque l'on était intéressé par l'Europe. Par exemple certains élèves Japonais avaient préféré l'Insead à Harvard parce qu'ils comptaient mener une carrière en Europe (ou, du moins, leur employeur avait formulé ce projet pour eux).

Puis, changement. L'Insead devient "the business school for the world". Que cela signifiait-il ? Que l'Europe était finie ? Que l'avenir était à la globalisation et à l'Asie ? Ce faisant n'a-t-il pas lâché la proie pour l'ombre ? N'a-t-il pas délaissé un marché, peut-être ringard, mais qui lui était acquis, pour un autre, pour lequel la pâle copie de Harvard qu'il est n'a aucun intérêt, et qui d'ailleurs tend à ne prendre de la globalisation que ce qui l'intéresse ? L'Insead a lâché l'Europe pour Singapour ? Ne s'est-il pas fait voler sa place par des écoles qui n'ont pas eu son complexe de supériorité, et qui se sont adaptées sans renier leurs racines, comme HEC, l'ESSEC, l'IMD, l'IESE ?

Simple erreur stratégique ? Ce qui nous frappait, mes camarades et moi, lorsque nous étudions à l'Insead était le décalage entre le niveau des élèves et celui des enseignants. Les premiers étaient issus des universités d'élite, les seconds étaient, dans le monde des MBA, de division d'honneur. Et si le vice de fabrique de l'Insead avait été son incapacité à construire un corps professoral qui corresponde à son positionnement ? Et si c'était ce corps professoral qui avait mené le changement, en cherchant un terrain sur lequel ses caractéristiques aient été un avantage, alors que c'était lui qui aurait du se réformer ?...

lundi 4 novembre 2013

Destruction destructrice

Troisième billet sur un curieux phénomène sur lequel je m'interroge depuis quelques temps. L'économie est-elle en mode auto destruction ?

Précédents épisodes : la logique de notre développement semble être le "moins cher". Réduire les salaires, mais aussi réduire les prix. Ce qui est le mécanisme de la dépression.

Nouvel épisode. L'allocation des ressources. Lorsque l'on y regarde de près, nos ressources financières ou humaines ne semblent pas aller vers des usages productifs, mais destructifs. Gouvernements et fonds d'investissement conjuguent leurs efforts pour développer des start up Internet, alors qu'elles semblent avoir un effet (globalement) destructeur. Les ingénieurs et les scientifiques, qui pourraient développer ou contribuer à de nouvelles entreprises, sont aspirés par le management, la banque, ces start up...

Psychologie

BUTLER, Gillian, MCMANUS, Freda, Psychology, a very short introduction, Oxford University Press, 2000. Une introduction qui porte bien son nom.

La psychologie, « science de la vie mentale », étudie la façon dont nous utilisons notre esprit pour agir.  Elle veut identifier les paramètres qui entrent en jeu. Elle recherche les lois propres à l’espèce (perception et attention, apprentissage et mémoire, communication, motivation et émotion), mais aussi comment nous nous développons, ce qui nous rend différents les uns des autres, ou fait que nous nous influençons mutuellement. Car notre nature est sociale. Le résultat le plus important peut-être est ceci :
Nous savons maintenant que, dans une large mesure, nous construisons notre expérience du monde et de ce qui s’y passe, et nous ne nous contentons pas d’utiliser nos facultés de perception, attention, apprentissage ou mémoire pour nous fournir une image passive de la réalité externe.
D’une certaine façon, l’homme est bâti pour l’efficacité. La fin justifie les moyens. (Par exemple, « la différence entre l’apprentissage et la mémoire (est) floue ».) Ce n’est pas un instrument de mesure scientifique. 

dimanche 3 novembre 2013

Longue marche vers le capitalisme ?

Longue marche vers le capitalisme. La Chine va-t-elle privatiser la terre ? Ce qui retirerait beaucoup de son pouvoir au parti. Pourtant le capitalisme ne paraît guère séduisant ces temps-ci... Salarié = perdant ? Alors que la part des salaires dans la richesse mondiale semblait une constante, elle a beaucoup chuté. Et, en plus, les hauts revenus comptent pour de plus en plus dans le total. Raison ? Le commerce (avec les émergents), la technologie (dont les prix baisse et qui remplace l’homme), la libéralisation (qui a liquidé les protections du travailleur). Les bénéfices des entreprises américaines sont toujours plus hauts. Part des salaires, dollar et surtout investissement en baisse. Ça pourrait ne pas durer. En tout cas, le climat des affaires n’est pas sain. Les entreprises ont maintenant recours à de douteuses obligations « hybrides ». Avatar des subprimes ? La justice américaine rançonne les banques. Pas besoin de procès pour cela. Elle les menace de leur retirer leur licence. USA, pays de l’arbitraire ?

Barak Obama ne maîtrise ni ses services secrets, ni les développements informatiques nécessaires à son système de santé. Mauvais manager, dit The Economist. Je pense plutôt qu’il s’en fiche. Etre premier ministre en Italie ressemble à un rodéo. L’éducation suédoise va mal. Visiblement le système éducatif est mal aimé. Enseignants mal payés et bizarre mélange public privé qui ne semble ni très sain, ni très contrôlé. La Grèce fait preuve d’esprit entrepreneurial. Energie du désespoir ? Le coût de l’administration européenne n’arrête pas de croître. The Economist aimerait que l’Allemagne sorte de sa culture de surplus. Et qu’elle relance la croissance européenne en libéralisant le marché des services.
.
Il faut éduquer les filles disent les économistes. C’est bon pour le développement. Mais la fille est trop importante pour la famille pour qu’elle aille à l’école. C’est une assurance contre les aléas de la vie. Alors, assurons les familles et les filles étudieront !

PSA sort le nez de l’eau. Il a fait le travail qu’il aurait du faire il y a une décennie. Ce qui le remet en course, sans lui donner l’avantage. Fiat fait fabriquer en voiture en Serbie. La main d’œuvre n’est pas chère. Et le gouvernement n’est pas avar de subventions. Et l’entrée en bourse de Twitter ? Excellente occasion de spéculer à court terme. Mais mauvais investissement à long terme. En Angleterre, le crowdfounding s’étend aux start up.  Vu le taux de déchets, l’investisseur doit avoir le cœur bien accroché. Aux USA, les OGM auraient perdu la bataille de l’étiquetage.

Science. On n’arrive pas à détecter la présence de matière noire. On en a besoin pour expliquer le mouvement des galaxies. Pourquoi les espèces se divisent-elles en sous-espèces ? Apparemment cela tiendrait à la capacité de leurs membres à faire évoluer leurs caractéristiques pour se ressembler. 

Qu’est-ce que l’autorité ?

Qu’est-ce que l’autorité ? se demande l’amiral Lajous (dans L’art de diriger ?). Sa réponse ne m’est pas apparue très claire. A de l’autorité celui qui est porteur d’un projet de changement qui suscite l’adhésion ? En conclusion de son chapitre, il cite un chef d’état major. Il explique comment exercer l’autorité. Je me demande si le problème n’est pas là. Et si Hannah Arendt ne l’a pas défini correctement. Pour Hannah Arendt, c’est l’institution qui est porteuse de l’autorité. Et la raison de cette autorité, c’est le fait que la communauté lui doit tout ce qui compte pour elle (l’exemple type est Rome). Et un homme a de l’autorité parce qu’il est perçu comme digne représentant de l’institution.

N’est-ce pas, effectivement, de la Marine que vient l’autorité de l'amiral ? Et pourquoi a-t-elle de l’autorité ? Parce que sans elle le marin n’est rien. Et l'amiral qui mérite ce nom a de l'autorité parce qu'il matérialise ce qu'est la Marine. Voilà pourquoi, par exemple, hier l’enseignant avait de l’autorité, et voilà pourquoi il n’en a plus.

Mais est-ce uniquement une question d’institution ? Celui qui a de l’autorité n’est-il pas plutôt celui qui est porteur de valeurs qui le rendent fort ? Mélange entre les idées de l’amiral et de la philosophe ? 

samedi 2 novembre 2013

Internet et la contraction de l'économie

Nouvelle tendance. Location et partage. C'est facilité par Internet. Et cela pourrait conduire à une grande dépression. En effet, cela correspond à une tendance à la contraction des dépenses. Ce qui produit le rétrécissement de l'économie. (Donc chômage, faillites...)

Poursuite de la curieuse question que posait mon billet précédent. Sommes-nous dans une phase d'auto-destruction de l'économie ? Serait-elle accélérée par Internet ?

Nos ancêtres les Gaulois…

GOUDINEAU, François, Regard sur la Gaule. Actes Sud, 2007. Un recueil d’articles sur la Gaule et sur quelques-uns de ceux qui ont écrit sur elle. Comment dire quelque-chose d’à peu près juste d’une société sur laquelle nous avons si peu d’informations ? La question principale que pose ce livre est peut-être celle de la rigueur scientifique. Difficile d’en faire preuve quand le sujet nous touche d’aussi près. François Goudineau semble vouloir donner une leçon sur l'art de l'enquête. Parmi les nombreuses questions abordées (la forme des cartes romaines, l'origine de Lyon, l'art gaulois...), voici ce qui m'a le plus intéressé. En bref. 

La Gaule a très tôt subi l’influence extérieure. En particulier celle de Rome et de la Grèce (Marseille était une des plus prestigieuses colonies grecques). Et cela du fait d’échanges économiques. Mais aussi parce que les Gaulois, souvent mercenaires, parcouraient le monde. Et parce que l’on appelle Rome quand on craint quelque envahisseur. D’ailleurs les chefs gaulois, qui se révoltent avec Vercingétorix, ont tous plus ou moins fréquenté le monde romain. Et la guerre contre César divise les Gaulois.

A ce sujet, Vercingétorix a été plus qu’un faire valoir pour César. Bien conscient des points faibles de l'armée gauloise, il a cherché à tendre des pièges à César. Il s’en est fallu de peu qu’il réussisse. Curieusement, il se pourrait que Vercingétorix ait fait la gloire de César. En effet, il lui a apporté une grande victoire. Alors que jusque-là la guerre des Gaules s’enlisait.

Mais que serait-il arrivé si César avait perdu ? N’était-il pas dans le sens de l’histoire que la Gaule rejoigne Rome ? Les Romains pensaient d'ailleurs que la culture gauloise se prêtait à la civilisation. Ce qui n’était pas le cas de celle des Germains. 

Les Gaulois ont abandonné leur langue et leurs traditions. Mais ils ne semblent pas s’être totalement romanisés ou intégrés. Peut-être se sont-ils contentés de prendre ce qui leur plaisait chez les Romains ? En tout cas, ils ont conservé une forme d’urbanisme et d’habitat qui leur est propre. Et leur élite ne semble pas avoir été séduite par les lumières de Rome. Elle préférait rester chez elle.

Quant à une nation gauloise, elle n’existe pas. Le Gaulois était attaché à sa « cité ». Rien de plus. Cependant, la façon dont César décrit les motivations des chefs gaulois, qui se soulèvent contre lui, c'est-à-dire la liberté ou la mort, il est difficile de ne pas les trouver très français… Et ce dans leurs divisions mêmes. 

vendredi 1 novembre 2013

Et si l’on avait tué le moteur de la croissance ?

Ces trente dernières années ont été marquées par deux innovations. Internet et la « supply chain ». La supply chain a conduit aux délocalisations. Elles permettaient de remplacer des salaires (relativement) élevés par des salaires plus bas. Internet a eu le même effet. Il a facilité la création d’une nouvelle classe de travailleurs précaires. Résultat ? Les entreprises ont échangé leurs machines pour de la main d’œuvre, mal payée.

Quel est l’intérêt de cette analyse ? Ce phénomène ressemble à celui qui a été décrit pour le Japon dans les années 90. Le miracle japonais tenait à la mobilisation de plus en plus de personnes. Il s’est arrêté net, faute de combattants. (KRUGMAN, Paul, The Return of Depression Economics, Princeton 1999.) En pire. Il y a appauvrissement de la population, et, peut-être, destruction de la capacité créative, désormais inemployée. Or, le moteur de la croissance est l’innovation et le gain de productivité. Les dernières décennies n’ont-ils pas cassé ce moteur ?

Ceux qui disent « halte à la croissance » doivent-ils s’en réjouir ? Je n’en suis pas sûr. Ce changement, ni préparé ni voulu, ne va-t-il pas avoir des effets désastreux ?

Changement : la technique Ford T

Ce blog et mes livres disent que ce qui tue le changement c’est de vouloir le faire passer en force. Mais la vaccination, l’éducation… n’ont-elles pas été imposées en force ? En réalité, il y a un art du passage en force. J’appelle cela la technique « Ford T ». 

L’idée est de ramener le changement à un concept extraordinairement simple (Ford T = un seul modèle, une seule couleur). Il faut le débarrasser de toutes les complications qui pourraient bloquer son adoption. Ainsi simplifié, il pourra faire l’objet de formation approfondie mais courte, de communication percutante (message simple, convaincant, répété)... Mais aussi d'un contrôle qui permette de s’assurer qu’il réussit. Et surtout qu’il ne désorganise pas l’entreprise, comme l’email.

Une fois le premier changement fait, on peut procéder à des campagnes d’évolution (on passe de la vision de l'automobile de Ford à celle de General Motors). Il suffira de quelques étapes pour mener un changement d’une grande complexité.

Un point clé : ne pas parler de technologie (email, voiture), mais de procédure nécessaire à la vie (tel type de communication, transport autonome). Notamment parce que les impacts d’une procédure peuvent être contrôlés, pas ceux d’une technologie laissée en libre accès.