lundi 30 juin 2014

Contrôle de gestion, par Djerbi, Durand et Kuszla

Voici un livre qui m'a interviewé. Contrôle de gestion et changement ? m'a-t-on demandé.

C'est un manuel de contrôle de gestion, donc, pour élèves de licence. 

Que les livres de cours ont changé depuis ma jeunesse ! Enfin on nous épargne les théories abstraites et indigestes ! Celui-ci a un côté anglo-saxon : agréable à lire, pas compliqué à comprendre, des exemples pratiques, des controverses qui montrent que "the one best way" de Taylor n'existe pas, des interviews de gens de l'entreprise (dont la mienne)… En même temps, il montre le fonctionnement de l’entreprise, et qu'il pose moult problèmes passionnants. Cela donne envie d'être contrôleur de gestion, ou de faire du contrôle de gestion, me suis-je dit. Et c’est aussi assez français, me semble-t-il, au sens où c’est tout de même un peu directif, et pas trop un pavé. Il y a un peu d'anglais aussi, histoire de se familiariser aux usages et au vocabulaire du contrôle de gestion multinational. 

 En fait, je me demande s'il ne serait pas utile, avant tout, aux managers.

DJERBI, Zouhair, DURAND, Xavier, KUSZLA, Catherine, Contrôle de gestion, Dunod, 2014. 

Le totalitarisme est le propre de l'Occident

Le précédent billet conjecture que la philosophie est le propre de l'Occident. Mais, alors, comment expliquer que certains de nos philosophes patentés, tels Sartre et Beauvoir, sont allés jusqu'à nier, par principe, tout ce qu'on leur disait de Staline ? Et qu'aujourd'hui certains les vénèrent comme des saints ? 

Parce que la philosophie a été transformée, en France, en opium du peuple. Ce qui pourrait se modéliser ainsi :

Une tendance naturelle de l'individualisme est la recherche de son intérêt personnel. Donc la négation de l'autre. Lorsqu'un individu acquiert un avantage quelconque (il s'enrichit, réussit des concours, etc.), son succès le renforce dans ses certitudes. Alors, il s'auto proclame "élite". Et cherche à convaincre la population d'accepter un statu quo qui l'avantage, en lui expliquant qu'il a un talent hors du commun. D'où la vogue du darwinisme. Ce travail de conviction est une manipulation de l'inconscient collectif : "l'influence". Un art dont les Anglo-saxons sont des maîtres, et dont l'outil premier est l'éducation. Totalitarisme. 

L'Occident a son Yin et son Yang ? Oscillation entre totalitarisme et révolte de l'individu contre la pseudo "tradition" qui veut lui imposer le totalitarisme pour le soumettre. 

(Dans le même ordre d'idées, et expliquant mieux la question de l'influence : un autre billet. Et une autre forme de Yin et Yang occidental : l'organisation pirate.)

La philosophie est le propre de l'Occident

Qu'est-ce que la philosophie ? C'est s'émerveiller que les choses soient telles qu'elles sont. C'est-à-dire, c'est refuser, a priori, les vérités révélées, les coutumes, traditions... Ce n'est obéir qu'à ce que l'on comprend. Si bien que la société est en éternel recommencement. La Renaissance est permanente.

Cela va avec la liberté de l'individu. Etre libre c'est n'obéir qu'à ce que l'on accepte. Ce qui demande d'avoir une "raison" assez bien formée pour faire ce type de choix. D'où l'importance de l'éducation.

Voilà qui semble l'une des caractéristiques de l'Occident, depuis les Grecs, au moins.

(La réflexion se poursuit ici.)

dimanche 29 juin 2014

Après la tempête libérale, un monde exsangue ?

Révolution dans l’enseignement supérieur. Les MOOCs vont transformer l’enseignement supérieur. Pas vraiment parce que ça marche, car ce n’est pas au point (« il faut que la pédagogie des MOOCs s’améliore très vite »), mais parce que l’éducation supérieure est en faillite. Raison ? Inflation monstre de ses coûts, notamment salariaux. Et aussi parce qu’on lui en demande de plus en plus. Notamment une formation continue de la population. Les MOOCs devraient surtout bouleverser les universités les moins prestigieuses. Les autres devraient conserver un enseignement traditionnel. Le Brésil, en exemple ? L’enseignement public, gratuit, y est aux mains des riches. Une énorme entreprise privée s’est emparée de la formation supérieure des moins favorisés. D’où nécessité de réduire les coûts par reengineering de l’éducation.

Dossier spécial Pologne. La Pologne comme modèle ? Très rapide développement, elle n’a pas subi la crise de 2007. Pour une fois la subvention de l’UE (plus de 200md€ !) semble avoir été bien utilisée. Mais, à quel prix ce succès ? La Pologne est en voie de désertification. Les jeunes la fuient. Le taux de natalité y est extraordinairement faible (1,3). L’économie repose sur la sous-traitance (donc de bas salaires ?) et ne semble pas avoir trouvé de moteur propre. Etrangement, l’Espagne ressemble à la Pologne. Son économie redécollerait. Mais le pays paraît exsangue, sans beaucoup de garde fous contre une violente rechute. En France, M.Valls porte le boulet Hollande. La marque de fabrique de M.Renzi : on ne comprend pas ce qu’il fait, mais on a envie d’y croire. Le mouvement comme stratégie ? The Economist, pense, finalement, que M.Juncker est un bon bougre et qu’il faut lui laisser une chance. Aux USA, l’infrastructure de transport est en ruine. Elle n’a quasiment pas évolué depuis les années 60. 50% des ponts doivent être remplacés. Boeing propose des avions à ailes pliables, de façon à ce qu’ils entrent sans dommages dans des aéroports d’un autre temps. « La plupart des systèmes de contrôle aérien sont moins sophistiqués que la technologie d’un smartphone. » Il va falloir augmenter les impôts…  En Iraq, les alliances changent. Les intérêts du moment font que les USA, l’Iran et M.Assad font un bout de chemin commun. Face à eux, Al Qaïda rassemble les perdants et les pauvres. Et ils sont nombreux dans la région.

Alstom serait l’avenir de GE. GE se transforme. Ses activités financières occupaient une part très importante de ses affaires. La crise de 2007 a montré que c’était dangereux. Sans compter que Jack Welsh semble avoir fait du ENRON pour gonfler le prix de l’action. GE redevient donc industriel, international, innovant. Et semble décidé à être un des grands du logiciel. Les pays du golf tentent un hold up sur le transport aéronautique. Cas particulier du Qatar : sa stratégie est d’entrer en minoritaire dans des compagnies et de les aider à se transformer.

« Les marchés financiers ressemblent de manière inquiétante à ceux de 2007 ».

Après le gaz de schiste, voici le schiste bitumineux. Les réserves sont colossales. De nouvelles techniques permettraient d’éviter les risques écologiques qui jusque-là avaient empêché son exploitation.

Bis repetita ? Richard Nixon aurait dû son élection au rejet par l’Amérique d’en bas d’une Amérique de gosses de riches manifestant pour les droits civiques. Sa tactique fut de parler à l’instinct, pas à la raison. 

Mr Juncker und Dr Merkel

M.Juncker est président de la commission européenne. Sa désignation a fait l'objet d'une bataille, dont il n'est pas facile de comprendre les enjeux réels. 

M.Cameron s'en est pris personnellement à M.Juncker. Il avait deux griefs. Tout d'abord, M.Juncker est un fédéraliste. Or, M.Cameron pense que l'UE est une bureaucratie inefficace. Il estime que les dernières élections européennes lui donnent raison. Le peuple a exprimé un jugement sur l'Europe. Ensuite, M.Juncker est le choix du parlement européen. Jusqu'ici, le président de la commission était désigné par les chefs d'Etats. Or, pour M.Cameron, seuls eux sont légitimement élus pour prendre ce type de décision. Le parlement européen, lui, ne l'est pas. A tout ceci, M.Cameron a ajouté le chantage. Si vous ne démantelez pas l'UE, alors les Eurosceptiques vont sortir l'Angleterre de l'UE. Et ça, ça ce serait un retour à l'âge des ténèbres. L'obscurantisme français n'aurait plus de contre-poids. 

A cela, il faut ajouter que l'opinion anglaise approuve ce tissu de sophismes. En particulier, une BBC qui n'est plus que l'ombre de sa rigueur journalistique passée.

Résultat. M.Cameron s'est retrouvé isolé, seul aux côtés d'une Hongrie qui sent quelque peu le soufre, contre le reste de l'UE. En particulier, il a été lâché par ses alliés usuels. Ils ont considéré ses gesticulations malséantes. 

Que va-t-il arriver maintenant ? Probablement rien. M.Cameron voulait sans doute se faire aimer de son opinion publique. Il lui a donné un beau spectacle. Il peut lui dire qu'il s'est bien battu. En fait, seule Mme Merkel compte. Non seulement parce qu'elle dirige le pays le plus fort, mais aussi parce que l'UE est une démocratie allemande. Donc, que pense Mme Merkel ? Les journaux anglais estiment qu'elle veut une Europe libérale, comme M.Cameron. L'impuissante France, qui attend tout des autres sans avoir le courage de ne rien faire, craint probablement que ce soit vrai. Or, je soupçonne que le principe de gouvernement de Mme Merkel est le consensus. Elle veut que l'Angleterre et la France, et les autres, trouvent leur place dans une Europe qui respecte les intérêts allemands. C'est cela le modèle allemand. Si j'ai raison, elle va donc essayer de faire ce qu'il faut pour conserver l'Angleterre dans l'UE. Elle pardonnera même à M.Cameron de s'être comporté comme un ministre français.

(Un compte-rendu de l'affaire. Quant à M.Renzi n'aurait-il pas tout compris à cette logique germanique ? Il demande un aménagement du pacte de stabilité qui permettrait une relance keynésienne, sans faire perdre la face aux intégristes de la rigueur.
PS. Un complément venu de Jean Quatremer : L'Union bascule dans la démocratie parlementaire.)

samedi 28 juin 2014

Je m'inquiète pour La Poste

Une commande à Amazon. Mail : l'on ne m'a pas trouvé et l'on a laissé un message. Mais le gardien de l'immeuble et moi étions là et nous n'avons trouvé aucun message. Jeu de piste. Où est le colis ? Recherche sur le site d'Amazon. Comment marche ce machin ? Je finis par identifier le transporteur : La Poste colissimo. Il faut lui laisser un message, en lui demandant où je dois aller récupérer mon livre. Sur ces entrefaites, je reçois un SMS triomphal d'Amazon me disant que le livre est arrivé "au point relais". Mais quel point relais ??? Nouveau message, de la Poste : c'est mon bureau de Poste. Si je n'y viens pas rapidement, avec ma carte d'identité, le livre reviendra chez Amazon. J'y passe. Et je reçois un nouveau mail triomphal : le livre est arrivé à destination !

Pas fini. Quelques jours après, je reçois une lettre me disant qu'il y a grève du recommandé. Elle me demande de venir prendre à la Poste, ce que je crois, donc, être un recommandé. En fait, il s'agit du livre. Pour le coup, l'attention était louable (m'envoyer une lettre), mais elle a produit un nouveau raté.

Je m'inquiète pour La Poste. Il y a peu, j'ai voulu envoyer mon dernier livre à plusieurs personnes. Au moins 3 d'entre-eux ont été volés (sur 10). Si bien que je n'envoie plus rien par La Poste. Que lui est-il arrivé ? Bateau ivre ? Sur réaction à la menace numérique, qui lui fait perdre son âme ?...

Quant à Amazon, une fois de plus, je constate à quel point il est dépendant des transporteurs.


Après (20)14, les années folles ?

Il y a 100 ans, l'attentat de Sarajevo donnait le coup d'envoi de la guerre de 14. Nous entrons dans une période de souvenirs et d'interrogation sur nous-mêmes. En particulier, j'en suis venu à me demander si nous ne pourrions pas connaître des années folles. Voici pourquoi :

Le travail que je fais pour ce blog m'amène à constater que notre cerveau a été lavé. Pour simplifier :
  • La gauche nous dit que nous sommes l'incarnation du mal. Racistes, colonialistes... Repentons-nous. 
  • La droite nous dit que nous refusons le changement. C'est-à-dire le marché et ses créations, le numérique en premier lieu. Si nous ne sommes pas de bons collabos de l'entreprise, c'est le chômage.
Nous n'avons plus le droit de parler, et notre inconscient a fait sien cette interdiction. Nous nous croyons coupables. Ce procédé est sûrement aussi vieux que le monde. C'est ainsi qu'une classe maintient ses privilèges. Mais pourquoi continuer ? Et si le bonheur était au coin de la rue ?

(Sur l'invention de l'enfer par Platon, et sa réutilisation par l'Eglise : ici.)

vendredi 27 juin 2014

Qu'est-ce que diriger ?

Dans le billet précédent, je disais que la caractéristique de l'administration était des managers ne sachant pas manager (ce qui explique peut-être la déroute de nos multinationales, dirigées par des ex fonctionnaires...). Mais, qu'est-ce que diriger ? J'en arrive à penser qu'un dirigeant doit avoir deux compétences :
  • Il doit savoir décider. Et, peut-être, surtout, il doit savoir quand il y a une décision à prendre (« The history of failure in war can almost be summed up in two words: Too Late », McArthur. )
  • Il doit formuler ses décisions évidentes. Elles doivent mettre immédiatement en mouvement l'organisation. Autrement dit, il doit la connaître intimement. 

Réformer l'Etat, c'est facile

Ne sommes-nous pas persuadés qu'il est impossible de réformer les services de l'Etat ? Que l'administration n'est faite de que de paresseux, en perpétuel congé de maladie ? J'ai rencontré un contrôleur de gestion, pourtant, qui a réussi un changement étonnant. 

Un exemple à méditer
Il travaille pour une agence de l'Etat. Elle avait du mal à réaliser les économies qu'on lui demandait (RGPP). Alors, au lieu de chercher à imposer le changement, il a proposé à sa direction financière de confier à ses directions la responsabilité de leurs budgets, et de prendre le rôle d'un "donneur d'aide", qui leur facilite la tâche. C'était le bon moment : on craignait l'absorption de l'agence par des unités plus grosses. Or, ses personnels étaient très attachés à leur mission.

Le plus étonnant n'est pas que le changement ait réussi. C'est qu'il ait révélé que l'agence avait un savoir-faire, unique, qu'elle ignorait. Et que ce savoir faire est capital pour la rationalisation de son secteur. Exemple de résilience : le changement ne l'a pas détruite, mais lui a donné une nouvelle identité.

Administration et entreprise, kiff kiff ?
Je retrouve mon expérience de l'entreprise :
  • Le pouvoir est en bas. Le changement ne peut passer en force.  
  • Il y a autant de facteurs de motivation pour le changement dans l’administration que dans l’entreprise. Croire que l'on motive les gens en les menaçant de les virer est d'une stupidité sans nom.
  • Nos entreprises ignorent leur savoir-faire. Du coup, elles le bradent. Voilà la cause du « mal français ». Eh bien il en est de même de l'administration. (Du Français ?) 
Il y a cependant des différences entre administration et entreprise
  • L’administration a des personnels généralement beaucoup plus qualifiés que ceux de l’entreprise. Peu de PME pourraient s’offrir les CV de l'agence, en aussi grand nombre. Ce qui est un atout en termes de changement. (J'avais déjà noté cela lorsque je travaillais pour les CCI.)
  • Mais l'entreprise a un savoir-faire, et des techniques d'organisation, qui manquent à l’administration. En particulier l'administration possède un management qui n’a pas été formé pour manager. Résultat : personnels laissés à eux mêmes, d'où conditions de travail désastreuses, d'où absentéisme et présentéisme. Explication de la mauvaise réputation de l’administration.
Réformer l'Etat, c'est facile ?
Bref, moyennant des techniques qui existent ailleurs, l'administration peut "gagner en productivité" vite et bien. Alors pourquoi nous dit-on le contraire ? Peut-être :
  • Intérêt privé, qui veut nous faire croire à l'incompétence de l'administration, pour privatiser quelques profits. 
  • "Management incapable de manager" de l'administration, qui trouve là une excuse à ses échecs. 
Administrations, rebiffez-vous, et apprenez à manager ?

jeudi 26 juin 2014

L'histoire contaminée par le postmodernisme ?

David Armitage (vidéo) se plaint de ce que les historiens ne s'intéressent plus qu'à des périodes courtes. Plus question d'attaquer des sujets de fond, des débats de société, qui demandent de brasser des centaines voire des milliers d'années. Ils doivent apprendre de l'exemple de Thomas Piketty.

Je me suis demandé si l'on n'était pas, là, en face d'une conséquence du postmodernisme.

La fin de l’homme rouge

La transformation de la Russie. Un livre de témoignages. Des petites gens racontent leur vie. Et c’est terrible. D’ailleurs bien plus en ce que ça révèle de l’Homme en général, que de l’homme rouge, en particulier. Je repère trois types de témoignages :

Il y a le stalinisme d’abord. C’est effroyable. Cela va au-delà de tout ce qu’on nous a dit. Soljenitsyne et tous les dissidents ont subi des traitements de faveur par rapport à ce qui était infligé au commun des mortels. Les dénonciateurs sont partout, chez soi d’abord. Puis c’est la torture, d’une cruauté inconcevable, industrielle, pratiquée par tous. Puis la liquidation en masse. Pour économiser les balles, et les doigts du NKVD qui ont des crampes d’avoir trop pressé de gâchettes, on jette les condamnés à la mer. Et on les regarde couler. Ceux qui réchappent des camps n’en sont que plus aveuglément attachés au pays. La terreur comme rite de cohésion sociale ? Il n’y a pas de monstres, comme dans la mythologie des intellectuels occidentaux. Que des hommes. Et on découvre que le pire des bourreaux peut avoir une conscience, qui le fait souffrir et qu’il lui fait dire que s’il a fait cela, ça devait avoir un sens.

Ensuite il y a la Glasnost. Innocent rêve de paradis qui tourne au cauchemar. Le Russe interprète le capitalisme comme l’exploitation de l’homme par l’homme. Les mafieux s’emparent du pays. Les autres n’ont absolument plus rien. Et l’empire colonial soviétique se révolte. C'est un bain de sang.

Réaction. La Russie de Poutine.  Une masse de gens ordinaires a été dépossédée du travail d’une vie, et de tout ce auquel elle croyait  (notamment son empire). Elle a voulu un nouveau Staline.

Voilà qui explique la Russie et sa politique actuelle, ainsi que les craintes de ses anciennes colonies (Ukraine, Pays baltes...). Voilà surtout une grande leçon sur l’homme. Elle me semble valider les théories d’Hannah Arendt. Mais aussi nous dire à quel point les tourments de notre vie sont des vétilles. C’est aussi un acte d’accusation terrible contre nos intellectuels. Ils ont fait l’apologie de l’URSS, un régime dont les horreurs dépassaient ce qu’ils dénonçaient chez nous dans des proportions infinies. 

(Svetlana Alexievitch, La fin de l'homme rouge, Actes sud, 2013.)

mercredi 25 juin 2014

De Louxor à la Concorde, voyage d'Obélisque

Le musée de la marine organise une exposition sur le voyage de l'obélisque de Louxor. Il a fallu 7 ans pour l'amener jusqu'à la place de la Concorde. Sachant que, pendant plusieurs années, il a été amarré au pied du pont de la Concorde, car on ne savait pas où le déposer. 

Page de l'exposition

Ce voyage en dit bien plus sur la France de l'époque que sur l'Egypte ancienne. Cet obélisque, c'est nous qui l'avons fait. 

Pour commencer, il n'a rien de précieux ou de rare. Les Romains en avaient déjà déplacé un grand nombre. Ils sont à nouveau à la mode au 19ème siècle. Et le sultan Mehmet Ali joue de la rivalité entre Anglais et Français, et de la folie des antiquités égyptiennes, pour leur fourguer quelques vieilleries sans valeur en échange de transferts technologiques. C'était un précurseur du vide grenier.

Le voyage de l'obélisque est une aventure à la Jules Vernes. La science, nouvelle, et la détermination de quelques individus, calculant sur leurs pieds, triomphe des crues, des tempêtes et des épidémies. Son héros est un ingénieur de marine, polytechnicien.

Et si l'obélisque s'installe place de la Concorde, c'est parce que Louis-Philippe sait qu'il est un sujet de concorde. La science réconcilie royalistes et révolutionnaires.

Les Anglais ont eu aussi leurs obélisques. Ils n'en ont pas fait tout un plat. Ils s'en sont vite lassés. L'un d'entre eux a d'ailleurs fini à New York.

(Dossier de presse.)

The Economist comme monopole

J'ai toujours reçu The Economist le vendredi. Depuis quelques temps, il arrive le samedi (après avoir eu un écart le mardi, la semaine de l'élection européenne). Mon créneau de lecture étant le vendredi soir, je le lis donc désormais sur Internet... 

Que se passe-t-il ai-je demandé au service client ? C'est normal m'a-t-on répondu. Autrement dit, pour The Economist le client compte bien peu devant une petite économie de transport. Jadis le client était roi. Maintenant, on lui fait les poches. Comme à tous ceux qui se trouvent en position de faiblesse. Voila le "libre échange" que The Economist appelle de ses vœux ?

mardi 24 juin 2014

Réformer le permis de conduire ? chiche !

Comme de temps à autres, ce blog ouvre ses billets à Serge Delwasse. Aujourd'hui, il réforme le permis de conduire :

Le ministre de l'Intérieur vient d'annoncer une réforme du permis de conduire centrée sur deux axes : l'externalisation de l'examen théorique d'une part, et l'avancement de l'âge de la conduite accompagnée d'autre part. Immédiatement, les syndicats d'examinateurs ont... appelé à la grève ! nous ne sommes pas en France pour rien. Pourtant, cette nouvelle réforme sera, une fois de plus, bien inutile. Nous proposons ici de réellement transformer ledit permis de conduire.

La quadrature du Cercle
Le monde a changé. Si l'on vit très bien - par exemple à Paris - sans voiture, il est difficile de vivre sans le permis. Celui qui n'a pas de permis est perçu comme un infirme, voire un (quasi-)délinquant privé de son permis pour des motifs peu avouables : vitesse, alcool, drogue. Et pour travailler, en province, il faut être autonome. Il importe donc que le permis soit le moins cher possible, rapide et
D'un autre côté, la société souhaite, à raison, des routes plus sûres. On a donc successivement rallongé la durée de l'examen, augmenté le nombre d'heures de conduite pour passer in fine à 20, augmenté objectivement la difficulté du théorique. On parle maintenant de rajouter une épreuve de secourisme...
Enfin, l'Etat ne souhaite pas augmenter significativement le nombre d'examinateurs. Economies obligent..

Les chiffres sont violents
En 2011, par exemple :
  • 740 000 personnes ont atteint l'âge de 18 ans (source insee)
  • 85 000 permis ont été invalidés ou annulés (source ministère de l'intérieur)
  • 742 000 permis B ont été délivrés,
    • pour un coût moyen de 1500 euros (source insee)
    • avec, en moyenne 35 heures de conduite et de 1 à 9 mois
    • et un taux de réussite à l'examen de 55%
Certains vont se former en Lozère, où les délais sont plus courts et le trafic moins complexe qu' à Paris, d'autres en Espagne. Ce sont néanmoins environ 80 000 personnes qui se sont retrouvées sur le marché du travail sans permis. Si l'on multiplie par 45, durée moyenne d'une carrière, on parle d'un déficit à terme de permis de 3,5 millions. A comparer avec les 450 000 (source ONISR, 2010) conducteurs réguliers... sans permis.

Une réforme inutile de plus
Que propose le ministre ?
  • externaliser l'examen ou employer des retraités - sorte de réservistes du ministère de l'intérieur : artifice permettant de ne pas embaucher, mais ne générant aucune économie réelle
  • réduire la durée de l'examen pour passer de 12 à 13 par jour : certes, mais pourquoi l'avoir augmenté il y a 10 ans ?
  • passer la conduite accompagnée de 16 à 15 ans. Type même de la mesurette qui n'aura aucun effet.
Il faut donc trouver de nouvelles idées, j'en propose deux.

Offrir le théorique à tous
Jusque dans les années 60, l'école, quand on la quittait, vous donnait les armes nécessaires pour vous débrouiller dans la vie : vous saviez lire, écrire, compter.
Jusqu'en 1996, beaucoup de jeunes passaient le permis lors de leur service militaire.
Aujourd'hui, les jeunes ne font plus leur service, et on ne peut se débrouiller dans la vie sans savoir conduire. Par ailleurs, l'examen théorique est le type même de l'examen difficile, totalement anti-instinctif, où le bachotage et la concentration sont indispensables. C'est donc à l'école - en fait le collège - de prendre cette formation à sa charge. Sur quel modèle ? Les établissements passent des contrats avec une ou plusieurs auto-écoles. Ainsi ces dernières ne perdent pas de chiffre d'affaires. Et l'examen est inclus dans le brevet (passé en moyenne à 16 ans). Ainsi, on ne trouverait plus de gens, sachant conduire mais roulant sans permis pour cause de théorique trop difficile.

Apprendre la conduite sur simulateur
Comment faire ? Agréer un ou plusieurs logiciels, tournant sur un PC avec un ou deux écrans.
Quel impact ? Les 30 heures actuelles pourraient passer à 40, dont 30 de simulateur. Le coût du permis serait divisé par deux. Les moins doués pourraient "faire du rab", à un tarif raisonnable. Le taux de réussite à l'examen n'en étant qu'amélioré. Les auto-écoles verraient leur chiffre d'affaires baisser sensiblement, mais pas leurs marges, le coût marginal de l'heure de simulateur étant quasi-nul (un instructeur pouvant superviser plusieurs élèves à la fois.

Pas possible ? Si l'on peut apprendre à piloter un avion de chasse, un A380, un TGV, voire un pétrolier, sur simulateur, il me semble difficile de soutenir que ça ne serait pas possible pour une voiture. Cela vaut en tous cas le coup d'essayer...
Car crash 1.jpg

« Car crash 1 » par ThueTravail personnel. Sous licence Public domain via Wikimedia Commons.

L'exploit, force et faiblesse de la France ?

Il y a quelques jours, j'écoutais Dominique Rocheteau. Il parlait à France Culture de sa carrière. Elle a été marquée par deux exploits, Saint Etienne contre Kiev, et France Brésil. Exploits dont son équipe est sortie épuisée (en particulier, Rocheteau est blessé).

Je me demande si l'on ne retrouve pas ce phénomène régulièrement dans notre histoire, sportive ou non. (Dès Vercingétorix ?) Nous sommes capables d'exploits, mais pas de mesure.

L'innovation de rupture existe-t-elle ?

Aux USA, on ne parle que d'innovation de rupture. C'est la théorie de Christen Christensen, un penseur de Harvard. Mais, apparemment, si l'on se donne la peine de vérifier son raisonnement, on découvre qu'il est faux. L'innovation qui réussit semble être beaucoup plus "incrémentale" que "de rupture". 

Et l'Allemagne semble particulièrement apte à ce type d'innovation, qui tend à faire prospérer l'industrie existante plutôt que de la détruire. Ce qui en fait un excellent exportateur, contrairement aux USA. Et ce en dépit d'une grosse différence de coût de main d'oeuvre

Question : à qui profite le crime ? Probablement à celui qui vend de l'innovation de rupture au pigeon qui est assez stupide pour le croire... Comme les autres modes de management. 

lundi 23 juin 2014

Les Jardins d'Adonis

Vendredi soir, j'étais à l'UNESCO. On y donnait "Les jardins d'Adonis" de Wassim Soubra. En présence du président libanais. Entre autres sommités. L'invitation parlait "d'Opéra d'Orient". Mais ce n'était pas un opéra. Plutôt une suite de poèmes, ou de chants. Une conteuse et deux cantatrices, cinq instruments (piano, percussions, oud, violoncelle et clarinette). Un spectacle pour un amphithéâtre grec, me suis-je dit. Un spectacle qui aurait plu à Albert Camus ?

Je me suis demandé si cet opéra n'était pas à l'image d'une certaine intelligentsia libanaise. Une intelligentsia qui décrirait sa culture comme méditerranéenne, d'où la revendication de multiples influences. Grecques en premier (Adonis, mais aussi la forme du spectacle) ? Arabe aussi (mais il y a continuité). Et un peu française (le dispositif musical). Une intelligentsia, enfin, qui aurait dépassé les fractures confessionnelles, et son statut de diaspora, et aspirerait à une nation. Une intelligentsia désemparée. Ce qui expliquerait qu'elle fasse un triomphe à tout ce qui lui laisse penser que son rêve n'est pas mort ? A ce spectacle, par exemple ?
l'événement (...) montrera le vrai visage de notre pays, celui du dialogue et de la renaissance, porteur d'un message d'espoir, car le Liban, comme les jardins d'Adonis, refleurira. (Article)

Elisabeth II, reine de France

Elisabeth II a connu un triomphe en France, le jour du débarquement. Alors, The Economist s'est demandé pourquoi. Et si nous avions la nostalgie de la royauté ? Notre président n'est-il pas un roi en CDD ?

J'écoutais des amis parler d'elle. Il s'agissait surtout des bévues de Barack Obama, de François Hollande et d'Anne Hidalgo. Et si la popularité de la reine d'Angleterre venait, simplement, de ce qu'elle est un être humain sympathique ?

dimanche 22 juin 2014

L’économie de marché, ou l’art de coincer la bulle

Amazon ou la bulle permanente. Amazon vaut 500 fois son bénéfice (grande leçon pour Alstom !). Amazon, c’est la course en avant dans l’hétéroclite. Réel potentiel ou art de faire durer la spéculation ? Les groupes américains cherchent à changer de nationalité, de façon à pouvoir mettre la main sur les fonds qui sont planqués à l’étranger par peur du fisc. Les génériques n’ont pas produit les baisses de prix escomptés. Les grands laboratoires graissent la patte de leurs concurrents, jouent sur la publicité ou sur des modifications d’apparence, pour maintenir leurs monopoles au-delà de l’expiration de leurs brevets. Le poids du secteur financier n’a pas cessé de croître ces derniers temps. Curieusement, il n’y a pas eu effet d’échelle. L’augmentation de son train de vie a excédé celle de ses revenus. Et cela « s’est accompagné d’un ralentissement de la croissance économique ». Les ventes en ligne dominent le marché du voyage. Il arrive à maturité. L’évolution technologique est la principale force sur laquelle jouer.

Et si l'Angleterre était l'hirondelle qui annonce la fin de cette ère spéculative ? L'Angleterre se racornit. Sa puissance politique et économique disparaît. Elle était liée à son secteur financier et à ses partenariats avec les USA et l'UE. Mais l'influence internationale de ses derniers est désormais faible. Et la réglementation financière et le repli national des banques ont réduit à peu de choses les banques anglaises et enlèvent leur intérêt aux atouts de la City. Parallèlement, le capitalisme d’Etat s’est réinventé. Au lieu de diriger les entreprises, il devient une sorte de minorité de blocage. (Ce qui me semble être le modèle allemand.) Les Chinois bloquent le rapprochement des 3 principaux armateurs mondiaux.

Les crises en cours modifient les équilibres internationaux. En ce qui concerne l’Ukraine, tout est une question de gaz. Les pipelines russes veulent contourner l’Ukraine. Les USA et l’UE refusent, ce qui fait tomber le gouvernement bulgare. Quant aux Suédois et aux Finlandais ils se rapprochent de l’OTAN. Les Kazakhs nouent une alliance inconfortable avec les Russes. La crise irakienne rapproche l’Amérique de l’Iran, et les Kurdes d’une nation. Pétrole. Les crises irakienne, syrienne et libyenne vont réduire l’offre, d'où augmentation de prix. Ailleurs, la justice américaine veut faire payer l’Argentine pour des dettes acquises par des fonds spéculatifs. Comment contourner cette décision ? En Inde, le parti du congrès est réduit à néant, et sans leader. Sa stratégie consiste à attendre les erreurs du gouvernement. Les Chinois submergent le Tibet. Et l’Indonésie est un curieux pays. Le quatrième plus peuplé au monde, il est fait de « 14466 îles, avec plus de 360 groupes ethniques parlant 719 langues ». Une forme de régionalisme prendrait le pas sur le centralisme des dernières décennies. Mais il tiendrait ensemble grâce à des liens interpersonnels forts. Qui sont aussi vecteurs de corruption. 

Les fougères auraient produit un refroidissement climatique. Elles ont piégé du carbone et sont devenues pétrole. (Où l’on apprend aussi que la science s’en remet au « crowdfounding ».) Newton fut « le dernier des magiciens ». Il rêvait d’alchimie. 

Fête du bruit

Hier, fête de la musique. Succès mondial. Je suis passé près du Trocadéro où était installée une animation. Cela ressemblait à une animation de plage. Très bruyant. C'est ce que semblaient dire les musiciens interviewés par France Musique, le soir. Cette fête est la victoire des amplis. Quant à eux, ils ne voient pas son utilité. Ils font de la musique toute l'année. 

Nouvel exemple d'effet imprévu du changement ? "Faites de la musique", on pensait favoriser la pratique de la musique. Or, comme à chaque fois qu'on laisse faire, la mauvaise herbe chasse la bonne ? D'ailleurs, comme le montre le Trocadéro, le pouvoir politique demeure convaincu qu'être populaire, c'est du pain et des jeux ?

Solution à la dette : le contrôle de gestion

RFF / SNCF : déjà vu ? Le problème de la France, c'est la dette. Et, j'ai l'impression que, dans les années 90, on a trouvé une idée très intelligente pour s'en débarrasser. La confier à plus faible que soi. Pour cela on a pris l'excuse de la libéralisation de l'économie. Alcatel s'est débarrassé de sa dette sur Alstom. Idem pour l'Etat et les Régions. Et RFF / SNCF, donc. Mais le marché et la concurrence n'ont pas fait à notre place le sale boulot. Au contraire, les nouvelles entités ont accumulé de la dette bien plus vite que les anciennes.

Alors, quel est le problème de la France ? C'est le contrôle de gestion. Nulle part, il n'existe un système qui interdise de dépenser plus que nous gagnons. C'est la contrainte du contrôle de gestion qui est la condition du management véritable. Elle force l'entreprise à être intelligente, à innover, afin de faire mieux avec moins.

C'est vrai pour l'Etat, comme pour les entreprises.

samedi 21 juin 2014

Alstom ou l'apprentissage du capitalisme ?

Si j'interprète correctement ce que j'entends, dans l'affaire Alstom l'Etat n'a pas les réflexes collectivistes qu'on lui prête ordinairement. Loin de vouloir protéger Alstom, il cherche à le vendre le plus cher possible, me semble-t-il. Aurait-il commencé à comprendre comment fonctionne l'économie de marché ?

L'économie de marché, c'est transformer une trentaine de personnes dans un garage en quelque-chose que d'autres sont prêts à payer 20md$ (2 fois Alstom). C'est ce que les Anglo-saxons appellent "hype". C'est la "création de valeur". C'est faire passer des vessies pour des lanternes.

Et si l'Etat se mettait à "valoriser" sérieusement les actifs français ? La plupart de nos industries ont demandé des siècles de mise au point douloureuse, d'investissements massifs... beaucoup de pays seraient près à les accueillir.

(PS. Depuis ce billet (écrit quelques jours avant sa publication), le gouvernement a choisi GE. Point de vue de The Economist : le gouvernement aurait, peut-être bien, transformé ce qui s'annonçait comme une capitulation en rase campagne en alliance stratégique nécessaire au développement d'Alstom. Où l'on voit aussi que les Américains peuvent être de meilleurs partenaires que les Allemands.)

Le chaos comme cancer social

Pourquoi le changement produit-il le chaos, suite. Une nouvelle modélisation.

"Pourquoi dois-je me battre contre ceux pour qui je me bats", me disait un dirigeant de l'économie sociale. Constatation que j'entends souvent. Pourquoi ceux que l'on veut aider cherchent-ils à nous voler ? Cela s'explique facilement, si l'on part de l'idée que :
  1. nous sommes dans un régime clientéliste qui nous a appris à vivre sur la bête ; 
  2. nous avons une très haute opinion de nous-même qui nous fait croire que tout nous est dû. 
Cela explique un paradoxe curieux : pourquoi ne m'en veut-on pas de rendre des services, que l'on ne me rend pas ? (Les psychologues disent qu'ainsi je fais perdre la face à mes interlocuteurs, ce pour quoi ils devraient me haïr.)

Mais ce n'est pas nouveau. Pourquoi le chaos ? Parce que les conditions s'y prêtent :
  • La division des tâches. L'efficacité sociale passe par la spécialisation. C'est aussi une situation de monopole facile à exploiter. Plutôt que de jouer son rôle social, on nuit à la société. 
  • La déréglementation de la fin du XXème. Ce qui évite d'ordinaire le phénomène précédent est probablement le contrôle (le lien) social. La déréglementation, plus généralement l'individualisation de la société, en le rendant difficile, a donc favorisé la transformation de la division des tâches en un cancer social

vendredi 20 juin 2014

Les milieux d'affaires américains font l'histoire

L'Amérique veut le pétrole irakien, elle envahit le pays. L'Amérique découvre le gaz de schiste, elle se retire précipitamment. Cause ou corrélation ? L'Amérique a des forces militaires supérieures à tout ce que le reste du monde peut aligner (au moins en termes d'investissements). Ce dispositif serait-il aux mains des intérêts d'un petit nombre de lobbys ? 

Que l'Amérique ne voit pas plus loin que son nez est de notoriété publique. Par exemple, on lui attribue généralement la montée de l'islamisme. Elle l'a armé pour vaincre l'URSS en Afghanistan. Elle savait que ce ne serait pas sans conséquences. Mais elle jugeait que le jeu en valait la chandelle. (Ce qui n'est pas aussi idiot qu'on le croit : elle subit très peu les dites conséquences.) Qu'elle n'ait pas respecté les engagements de son président est aussi en partie responsable de la transformation de la guerre de 14 en guerre de 40. Mais, jusqu'ici, on estimait que les lobbys n'avaient pas de pouvoir politique. Faudrait-il réviser notre jugement ?

(Sur les USA et l'Islam, voir ceci, et, surtout, ses références.)

Comment réussir ses enfants

Dîner entre vieux amis. Je les écoute parler de leurs enfants. Ils me semblent réussis. Ma définition de la réussite ? Ces enfants semblent bien dans leur peau. Ils ont fait des études qu'ils ont voulues. Ce sont de bonnes études, au sens où elles ont un prestige certain. Pour autant, ils ne se sont pas dirigés vers l'hyper élitisme et la concurrence acharnée.

Recette de succès ? Je pense qu'il s'agit d'une sorte de modération heureuse. Mes amis ont une vie qui correspondait, hier, à celle de la classe moyenne. Pas de divorce, cadre de vie calme (banlieue), ambitions modérées. Ils n'appartiennent pas à la jet set des nouveaux riches aux enfants déstructurés.

Mais, sans être très riches, ce sont des gens riches. Et cela donne peut-être une mesure de l'inflation qu'a connue notre société. Le bonheur qui hier était accessible au petit employé demande aujourd'hui de payer l'ISF.

jeudi 19 juin 2014

Fusion RFF SNCF : enquête

Que penser de la fusion RFF, SNCF ? Pas facilement compréhensible cette affaire. On sépare RFF et SNCF, puis on les fusionne. Dans l'entreprise, on appelle ça une "mode de management". C'est la gestion par l'idéologie. Tentative (pas très satisfaisante) d'enquête :

97, il y avait l'idéologie du marché. Il fallait séparer les rails des trains, de façon à ce que le monopole de la SNCF soit attaqué par d'autres entreprises. Cela produirait le meilleur des mondes. Baisse des prix et innovation. Résultats :
  • Les cheminots résistent (probablement pour ne pas perdre leur statut, RFF étant apparemment de droit privé). Le gouvernement, libéral, lâche. Si bien qu'ils n'ont pas été transférés chez RFF. Et que RFF est une toute petite société, qui doit sous-traiter la quasi totalité de son activité à la SNCF... Cela semble surtout avoir produit ce que produit dans le privé une telle stratégie : le dilemme du prisonnier. Une forme d'irresponsabilité. L'envers de ce qui était recherché. Au lieu d'une quête de rentabilité par l'innovation, on s'enrichit en escroquant l'autre. D'où à la fois négociations interminables et augmentation injustifiée des coûts pour la collectivité, qui, en dernière instance, doit régler les factures. (Je tire ces informations d'ici.)
  • Et la concurrence ? Le rail est naturellement monopolistique. Dans ces conditions, comment garantir qu'en remplaçant l'esprit du service public par celui de l'enrichissement de l'actionnaire, on n'en arrive pas à la situation du marché de l'énergie en Angleterre ? Plus du tout d'investissement, et des prix usuraires ? 
Bref, la réforme mettra probablement un terme à l'irresponsabilité. C'est un mieux. Mais pas une solution. Le problème de la SNCF, c'est la dette. Or, la réforme de 97 était un tour de passe-passe, qui transférait la dette de la SNCF à RFF. En revenir à la situation précédente améliorera-t-il les choses ? Ne faut-il pas attaquer le cœur du problème ? D'autant que cette réforme accouche d'une "usine à gaz"...

Quant aux syndicats, ils ne s'opposeraient pas à la fusion, mais, plutôt, voudraient un retour à la SNCF d'avant. Ils semblent craindre que, cette fois, il y ait réellement privatisation. L'argumentation est difficile à saisir. Surtout, c'est maladroit. J'ai l'impression que cette grève fait beaucoup de mécontentement alors qu'elle est peu suivie. Elle fait perdre de la crédibilité aux syndicats. N'est-il pas extrêmement dangereux de crier "au loup", prématurément ? 

Génération collabo ?

Une de mes élèves s'est gentiment indignée que je dise du mal de mes étudiants dans un précédent billet (irresponsables et gamins). En fait, je m'inquiète pour eux. Et j'aimerais qu'ils aient, plus souvent, sa réaction :
  • Pour la première fois, ma classe était quasiment vide. Alors que le cours était prévu depuis le début de l'année scolaire, beaucoup d'étudiants n'ont pas pu s'extraire de leurs stages. Pourquoi ? parce qu'ils sont indispensables ! Des entreprises de multimilliardaires (parfois oisifs) vivent grâce au stagiaire ! Il en serait de même des cabinets de conseil. Or, c'est contraire à la loi. Si le stagiaire est mal payé, c'est parce qu'il est supposé apprendre. 
  • Pour la première fois, des élèves ne font pas figurer leur nom sur Internet. Ils ont peur de Big Google et de ses moteurs de recherche. Ils ont peur que leur passé les rattrape. 
  • Lorsque je leur ai demandé ce qu'ils attendaient des cours, j'ai eu la surprise de n'entendre que des requêtes à court terme. A commencer par une meilleure maîtrise d'Excel ! L'obsession de mes élèves, c'est l'entretien d'embauche. Le long terme, on s'en fiche. Et mon cours, le changement ? C'est du meilleur effet sur un CV ! 
Un dirigeant que j'avais invité leur a dit qu'ils devaient "sortir du moule". Je partage son point de vue. Une fois de plus, c'est la liberté de l'homme qui est en jeu. On le terrorise : si tu ne penses pas comme on le veut, tu n'auras pas de travail ! On nous prépare une génération collabo ?

Pour le reste, cette session m'a montré que j'avais tort. Ni gamins, ni irresponsables. Les études que je leur ai demandées étaient très sérieuses, très pertinentes. Ils comprennent fort bien comment fonctionnent les entreprises. Et ils sont capables de penser par eux-mêmes, et originalement. Ils ont peut-être, simplement, besoin de prendre confiance en eux, d'apprendre à ne pas se laisser faire. Peut-être aussi sont-ils trop seuls. L'union fait la force. Etudiants de tous les pays, unissez-vous ?

(Et un article qui arrive à cette conclusion, faites-vous des amis c'est une question de survie, en partant d'un autre angle. Et un autre qui plaide pour un Internet qui oublie...)

mercredi 18 juin 2014

Ariane, après Alstom, Arcelor et Pechiney ?

Airbus et Safran veulent s'emparer d'Arianespace et d'une partie du CNES. Tout est curieux dans cette affaire.
  • Je pensais qu'Airbus ne voulait plus travailler dans le spatial. 
  • Les justifications de l'acquisition sont celles que l'on a utilisées lors de la déréglementation des années 80, et qui sont loin d'avoir fait leurs preuves. Inefficacité de l'Etat (le CNES), concurrence étrangère, privée, bien meilleure : Space X. 
  • Or, Space X est apparemment massivement subventionné par l'Etat américain. Ce qui semble contradictoire. 
Cela ressemble à une manœuvre de fonds d'investissement. Une pépite sous-évaluée sur laquelle on peut faire une grosse plus-value si l'on sait la faire briller ? Il y aura bien quelque pays émergent pour se l'offrir. Ou même un milliardaire qui rêve d'étoiles. D'ailleurs, il n'aura pas besoin de se priver. Arianespace coûte une fraction de start up.

(Quant à M.Hollande, il est enthousiasmé. Il a compris que c'était bon pour la nation, l'emploi et l'innovation.)

PS. Suite du feuilleton, quelques semaines plus tard, la Tribune le qualifie de "casse du siècle" : article.

Du marché et de la régulation par l'offre et la demande

Mon savon à barbe ayant disparu des étagères de mon supermarché, pas assez rentable ?, je vais le chercher ailleurs. Du coup, j'y fait mes courses. Surprise : le pain y est 20% moins cher, même fournisseur, pourtant. J'en doute, je vérifie tout ce que je peux. C'est bien le même. Pour le thé, près de 15% de moins.

Jusqu'ici, je ne regardais pas le prix, pensant que le jeu de l'offre et de la demande devait réguler le marché. Il n'en est rien ! Quant au supermarché, je ne le crois plus géré par des commerçants. Là aussi, l'actionnaire doit être roi. Et l'économiste. En ces temps de crise ne nous dit-il pas que l'inflation nous ferait le plus grand bien ?

mardi 17 juin 2014

L'innovation c'est le vol ?

Tout un tas d'industries ringardes, liquidées par l'innovation, en théorie, se portent magnifiquement. C'est le cas des montres, des stylos, des voiliers, de la fabrication "high cost" de certains vêtements ou de livres... Voilà ce qu'observe The Economist. Il s'en émerveille.

Ce phénomène me semble avoir une interprétation curieuse. Tout se passe comme si l’innovation avait pour effet de prendre au pauvre pour donner au riche. D'où la question : et si c'était son réel moteur (ou un de ses moteurs ?), créer la pauvreté par la technique du miroir aux alouettes ? 

Modélisation du chaos

Chez les Égyptiens, les Chinois, les Grecs ou peut-être encore aujourd'hui, le monde semble passer par des phases de chaos. Caractéristique : personne ne semble plus à sa place. Tentative de modélisation :
  • Certains savent faire, d'autres savent parler. Si ceux qui savent parler parviennent à convaincre la société qu'ils savent faire, ils prennent les commandes de la dite société, et éliminent les autres. A terme, ceux qui parlent apprennent, un peu, à faire. Et ceux qui savaient perdent leurs compétences. Justification a posteriori. En outre, dans une société moderne, ceux qui parlent peuvent achètent des machines et de la valetaille. Ils se dispensent du savoir des autres.
  • Ce "chaos" ne résulte pas nécessairement d'une sorte de coup d'Etat. On peut imaginer, par exemple, que du fait d'un ralentissement de la croissance, "ceux qui parlent" ne pouvant plus trouver de nouveaux domaines à conquérir, s'en prennent à l'édifice social.
  • Qui sont "ceux qui parlent" ? Je les vois ayant le profil et le comportement de l'homme politique. Ils sont poussés par l'ambition. Ils ne dorment pas. Mais ils ne travaillent pas non plus. Ils n'ont pas de vie privée. Mais ce sont des jouisseurs. Ils sont là où se joue l'action. Ce sont, surtout, des "survivants" : ils sont quasiment indestructibles, c'est dans le danger qu'ils donnent le meilleur d'eux-mêmes. Ils réagissent dans l'instant. Le stress les stimule. 
  • Comment éviter de se faire écraser ? En reconstituant la société, dont le principe est l'entraide. C'est-à-dire en se faisant des alliés qui puissent compenser ses faiblesses. Malheureusement, la société est devenue très égoïste. Peu de gens comprennent qu'ils auraient plus à gagner à s'aider qu'à perdre. 

lundi 16 juin 2014

Obama et l'Irak : c'est ma faute, qu'ils se débrouillent ?

Les sectes islamistes les plus arriérées s'emparent de l'Irak. Toute la région est menacée de s'effondrer dans le chaos. Et si M.Obama était responsable ? se demande The Economist. En effet, n'est-ce pas lui qui a décidé d'une évacuation accélérée du pays ? Bien sûr, il n'est pas possible de discuter de la question. Car, sans M.Bush, on n'en serait pas là. Les Républicains n'ont pas intérêt à parler d'une culpabilité qui est la leur. Et les Américains n'ont plus envie de payer les erreurs de leurs présidents. C'est maintenant aux Irakiens de le faire. Demain aux Afghans. (Au passage, The Economist salue l'extraordinaire cynisme de M.Obama.)

Ce qu'il y a de curieux dans l'affaire irakienne, c'est qu'elle semble révélatrice d'un phénomène général. La "démocratie" n'a pas amené à la tête du pays ce qu'il avait de meilleur, mais a donné le pouvoir à des intérêts particuliers. C'est leur arbitraire qui a jeté le peuple dans les bras des extrémistes. Il semblerait que, partout où l'Occident intervient, c'est le même phénomène qui se produit. Afghanistan, Mali, jadis Viet Nam. 

Que va-t-il arriver ? Aussi bien en Syrie qu'en Irak, personne ne semble pouvoir gagner ou perdre. Dès qu'un camp menace de prendre le dessus, ceux qui sont derrière ses opposants interviennent pour l'arrêter. En outre, le statu quo arrange beaucoup de monde. Les Kurdes, par exemple, qui ont créé un Etat semi autonome, non officiel. Peut-être aussi les Israéliens, lâchés, comme tout le monde, par M.Obama. Donc, le chaos devrait se maintenir

Quelles conséquences pour nous ? Limitées ? Quelques actes terroristes spectaculaires, peut-être. Peut-être aussi un prix de l'énergie élevé, pour certains. Mais pas pour les USA, protégées par leur gaz de schiste. Ce qui explique leur désintérêt ? 

Et si l'innovation était une question d'alliances ?

Et si une entreprise analysait ses alliances comme son portefeuille de produits, avec une sorte de "matrice BCG" ? Intérêt ? Avoir des alliances diverses permet, en les mélangeant, d'innover par codéveloppement. Exemple Toyota contre Peugeot. Toyota, alliances équilibrées. Peugeot, recherche quasi exclusive de la réduction de coûts...

L'article, venu de l'Insead.

Mes idées d'écosystème seraient elles en passe de gagner du terrain ?

(Un autre graphique fameux : les 5 forces de Porter, en VO.)

dimanche 15 juin 2014

Chaos, principe du capitalisme de marché ?

Irak. L’intervention américaine a donné l’Irak à des intérêts particuliers. D’où révolte du peuple. D’où terreau pour Al Qaeda. Europe. Mme Merkel a besoin de l’Angleterre pour faire pièce à la France et bâtir une Europe libérale. L’irresponsabilité de M.Cameron ne lui facilite pas la tâche. Alors, elle temporise. Avec le temps, on peut faire avaler n’importe quoi aux uns et aux autres. D’ailleurs, tout va bien en Allemagne. Le marché européen redevient porteur, la baisse de l’euro favorise les exportations, le marché domestique consomme. Le capitalisme de marché a vaincu l’Italie ? Mediobanca avait des participations dans les très grandes entreprises. Mission de reconstruction donnée en 46. Aujourd’hui, elle se retire. C’est le marché financier qui la remplace. Il en est de même dans la PME. Là, c’est un capitalisme familial qui disparaît. Ukraine. Le peuple veut nettoyer la corruption oligarchique. Mais les mêmes sont à la tête du pays. Les USA désertent Israël. Reste l’Europe. Mais l’Europe est un chaos confus. Aux USA, les Républicains vont reprendre le pouvoir. Cependant, le peuple s’en méfie. La faute à Bush. Il a fait l’envers de ce qu’il avait promis.

Le régulateur américain mène une croisade contre le financement par les banques internationales des ennemis des USA. Pour cela, il va au-delà de l’esprit des lois et inflige des peines terrifiantes. Résultat : les banques, par prudence, ne font plus d’affaires avec les pays qui auraient le plus besoin de leurs services. Le petit investisseur est bien meilleur que le grand analyste. Et cela parce qu’il a moins de pression à la conformité. Innovation chez les fonds d’investissement. Plutôt que d’acheter des entreprises, ils les reconstruisent de zéro. Les vieilles industries innovent. La destruction créatrice ne les liquide pas (cf. montres, stylos, voiliers, vêtements traditionnels, livres…). Elle en fait des niches hyper rentables et innovantes. Destruction créatrice de HP ? HP cherche de nouvelles idées pour renouveler des affaires qui vont mal. Pour l’instant, la seule certitude, c’est que 50.000 personnes ont été licenciées. Bataille de la batterie. Par l’effet d’échelle on veut abaisser massivement son coût. Destruction créatrice de l’automobile. Cependant, une grosse partie de ce coût est de la matière…

Football. La nature d’une société influe sur le succès du penalty. L’anxiété de l’échec est insoutenable pour l’individualiste. 

Le régime des intermittents est-il juste ?

La presse étrangère parle de nos intermittents et de leur grève. Ailleurs, ils font des petits boulots, et ne se révoltent pas contre leur gagne-pain. Que dit-elle de notre système ?
  • Il remonterait à 1936. Le gouvernement de l'époque aurait constaté que l'industrie du cinéma reposait sur l'emploi précaire d'artisans, et que si ceux-ci n'avaient pas certaines garanties, ils iraient travailler ailleurs. En quelque sorte, la France a donné un salaire à ces personnes, qu'elles travaillent ou non. 
  • Le coût de l'affaire, 1md€. 100000 personnes en bénéficieraient. 
  • Le système se prête à l'abus et à la fraude. En fait, ces fonds sont détournés par l'industrie de la culture. Ils subventionnent des gens riches !
Ce système étant par nature déficitaire, il serait, du fait de ses pertes cumulées, responsable d'une grosse partie du déficit de la sécurité sociale. Il n'aurait donc rien d'anecdotique. (Contrairement à ce que je pensais.)

Mais le problème n'est peut-être pas là. C'est l'assurance chômage qui finance les intermittents. C'est donc un détournement du terme "assurance", puisque, en quelque sorte, l'aléa est certain. Surtout, c'est une partie de la population, le salarié du privé, qui supporte seule une mesure d'intérêt général. En particulier, les fonctionnaires ne seraient pas concernés, alors que ce sont de gros consommateurs de culture. Contradiction avec notre acception actuelle de "justice" ? 

Conclusion provisoire :
  • Le système est peut-être justifié, mais exclusivement pour une partie de ceux qui en profitent aujourd'hui. En particulier, beaucoup pourraient avoir un second travail, comme ailleurs dans le monde, sans que cela nuise à qui que ce soit.
  • Le régime devrait être payé, en premier lieu, par ceux qui en profitent. Industrie de la culture ou du tourisme (régions à festivals, par exemple), stars, et clients aisés. 
  • S'il reste de la place pour des subventions, c'est l'Etat, donc l'impôt collectif, et pas un groupe de défavorisés, qui doit les financer. 
(PS. Complément : l'Etat semble parti pour prendre en charge une portion du régime des intermittents.)

samedi 14 juin 2014

Chant du cygne du syndicalisme français ?

Hier, voyage à Villepinte. Arrivée à la station RER de St Michel. Je découvre que la grève de la SNCF n'est pas terminée. Un train sur trois. J'attends. Mais les panneaux n'annoncent jamais plus loin que gare du nord. Au bout d'un moment, je me dis que c'est là que tout doit se jouer. Effectivement. Mais où aller, ensuite ? Voies 31, 32, au dessus, dit un grand noir de la SNCF. Rassurant et efficace. Il lui faut peu de mots pour diriger le troupeau désorienté qui débarque du train. (Nous aurions besoin d'un grand noir rassurant à la tête du gouvernement, me suis-je dit. Mais, j'imagine que le PS jugerait ma proposition une haïssable discrimination...).

J'entre dans un train. Il se remplit mais ne part pas. Puis, j'entends que ce n'est pas le bon. Les agents de la SNCF le confirment. Il faut aller de l'autre côté du quai. Je regarde les panneaux : ce n'est pas la bonne direction ! Les touristes sont furieux. Ils vont d'un train à l'autre, chargés de bagages. Finalement, on est parti. A petite vitesse d'abord. Puis, dès que le wagon se vide un peu, un chanteur se produit. Façon Ghetto-blaster. Je sens les vibrations de la sono dans les pages de mon livre (de circonstance : la faculté de juger de Kant). Mais je suis arrivé à l'heure. Comme quoi ma manie de l'avance a du bon !

Enseignements ? La France se donne en spectacle ? Ou illustration du ritualisme ? Le seul mode d'expression des syndicats de la SNCF, c'est la grève ? Comportement suicidaire ? En tout cas, entre les jours fériés, durant lesquels les entreprises s'arrêtent, et les grèves, il ne fait pas bon être entrepreneur ou travailleur précaire en France. Mais c'était une bonne illustration de ce dont j'allais discuter à Villepinte. Nous devons nous habituer à un monde déréglé. Finie la France d'après guerre qui nous avait mis dans un cocon. Comme le judoka, il faut s'inscrire dans le mouvement des choses. Donc apprendre à apprécier la SNCF, tant qu'elle a encore des syndicats, et les Ghetto-blasters, nous pourrions en avoir besoin pour gagner notre pain, demain. 

Les sciences de la forme

Quatorze scientifiques parlent du rôle des formes dans leur discipline. J’ai acheté ce livre en me demandant si les formes avaient une réalité. Ou si c’était l’esprit de l'homme qui le prédisposait à voir des formes partout. En effet, il se passe un phénomène curieux. Les phénomènes naturels (les vagues, l’arc en ciel…) semblent modélisables. Mais, plus on veut être précis, plus le modèle se complique, et plus on semble s’éloigner du but. Par exemple, deux vagues ne se ressemblent pas. Je pensais aussi que le livre parlerait de psychologie. Ni l’un, ni l’autre. Et il n'y a pas de définition de "forme". Ce que j’en retiens, toutefois :

Effectivement, on se pose la question de savoir quelle est la réalité de la forme (sans résultat apparemment). Cependant, il semble qu’un des premiers travaux du bébé est de parvenir à structurer le monde. La notion de forme paraît donc critique dans l’entendement.

Point qui m’a plus particulièrement intéressé : vie, complexité et changement. Il semblerait que les espèces les moins sophistiquées soient régulées par la sélection naturelle : les individus « faibles » sont éliminés. Quant aux espèces complexes, leurs individus ont la capacité de se transformer. En particulier, notre système nerveux est en changement permanent, jusqu’à notre mort.
L’individu lui-même – organisé socialement – s’adapte en se modifiant, en modifiant sa propre mémoire, ses propres connaissances.
Comme si, d’une certaine façon, avaient été sélectionnés des gènes qui permettent aux individus d’échapper au déterminisme génétique absolument strict.
Le cerveau humain reste embryonnaire et continue à se construire en réponse aux stimulations sensorielles dans toutes les acceptions du terme.
(Alain Prochiantz)
Les sciences de la forme aujourd'hui, Seuil, 1994. 

vendredi 13 juin 2014

La rigueur crée le chômage

Un article dit, de nouveau, que la rigueur ne produit pas la croissance et l'emploi. Contrairement à ce qu'affirmait, hier encore, l'économiste. La rigueur, c'est le chômage. On le constate aujourd'hui : plus un pays s'est infligé de rigueur, plus il s'est enfoncé dans le chômage. Or, notre gouvernement s'engage dans cette voie...

Y a-t-il d'autres raisons à cette politique ? Une forme de justice ? Depuis des décennies nos gouvernements se comportent de manière irresponsable, nos partenaires veulent nous faire payer pour nos fautes ? Rationalité d'un comportement suicidaire ? Ou, encore, la France est à terre, malheur au vaincu ?

Jusqu'à ce qu'il y ait révolte, et que le monde réalise qu'il est allé trop loin ? (Comme lors de la confrontation Bercy / Défense.) La raison est l'opium du peuple, il n'y a que les rapports de force qui comptent ?

(Une référence utile ? SCHELLING, Thomas C, The strategy of conflict, Harvard University Press, 1981.)

Ecosystème d'idées ?

Un article disait que les écosystèmes naturels n'étaient pas stables. Leurs espèces constitutives variaient. J'ai l'impression qu'il en est de même pour les idées. Par exemple, le FN défend maintenant les pauvres et les droits de l'homme, alors que la gauche leur préfère les discriminations. De même, les homosexuels sont passés de droite à gauche. Quant au mariage, on se l'arrache, alors que la gauche me semblait jadis lui préférer l'union libre.

L'écosystème est-il une girouette ? Et si, au contraire, il avait une identité, et que celle-ci cherchait à s'adapter aux circonstances en modifiant les espèces qui la composent ? De même qu'une équipe de foot est modifiée, lorsqu'elle a des difficultés, ou qu'elle change de division. Par exemple, la gauche n'est-elle pas le parti du "bien" (par opposition au "mal") ? Le FN, celui de la nation ?

Quelle est "l'identité" d'un écosystème naturel ?

jeudi 12 juin 2014

Et si l'hypocrisie (américaine) avait fait son temps ?

Apparemment, la France est sous une forte pression pour ne pas livrer de navires Mistral aux Russes. Pour une fois, la France ne feint pas les bons sentiments. M.Fabius explique que ces bateaux représentent beaucoup d'emplois.

Il aurait pu aussi dire que ses critiques devraient commencer par balayer devant leur porte. La Grande Bretagne est la terre d'adoption des oligarques russes. M.Obama fait voter une loi qui lève la plupart des restrictions sur l'exportation de matériel militaire. Nos bateaux ne seraient pas équipés d'armements et auraient des coques civiles, une tactique qu'utilise l'armement allemand pour contourner les embargos.

Mais cela aurait été grossier.

Et si c'était une tactique efficace ? Au jeu de l'hypocrisie les USA (i.e. softpower), ou l'Allemagne seront toujours meilleurs que nous, abandonnons-le ? Reconnaissons nos faiblesses, nous sommes un pays insignifiant et pauvre, et faisons en des forces ?

La France et l'entraide

Groupe de consultants indépendants. L'un propose : et si nous prospections ensemble ? Un autre (qui crève de faim) : je ne vois pas ce que je pourrais dire de vous.

Je crois qu'il y a beaucoup de la France dans ce petit exemple. Nous avons une image extraordinairement flatteuse de ce que nous possédons, et une terriblement mauvaise opinion des autres.

Faute de pouvoir nous entraider, nous nous faisons exploiter. Et ce d'autant plus que le dispositif nécessaire pour supporter notre pouvoir de nuisance, laisse peu d'argent à nous donner en salaire.

mercredi 11 juin 2014

L'armée marque contre Bercy

Apparemment, Bercy voulait saigner le budget de la défense. Cela a produit une révolte dit la Tribune. Tous unis. Généraux, industrie de l'armement, députés de tous bords, ministre. Le gouvernement a dû reculer.

Un classique du changement en France ? La réforme : l'attaque par coup bas ? Et la réaction : "la communauté délinquante", tous unis contre l'injustice ? Notre mode particulier de résistance au changement ?

Le travail doit-il être un plaisir ?

Je tombe sur une citation de Nietzsche :
« Se trouver un travail pour avoir un salaire : - voilà ce qui rend aujourd'hui presque tous les hommes égaux dans les pays civilisés ; pour eux tous le travail est un moyen et non la fin ; c'est pourquoi ils mettent peu de finesse au choix du travail, pourvu qu'il procure un gain abondant. 
Or, il y a des hommes rares qui préfèrent périr plutôt que de travailler sans plaisir : ils sont délicats et difficiles à satisfaire, ils ne se contentent pas d'un gros gain lorsque le travail n'est pas lui-même le gain de tous les gains. De cette espèce d'hommes rares font partie les artistes et les contemplatifs, mais aussi ces oisifs qui passent leur vie à la chasse ou bien aux intrigues d'amour et aux aventures. Tous cherchent le travail et la peine lorsqu'ils sont mêlés de plaisir, et le travail le plus difficile et le plus dur, s'il le faut. Sinon, ils sont décidés à paresser, quand bien même cette paresse signifierait misère, déshonneur, péril pour la santé et pour la vie. Ils ne craignent pas tant l'ennui que le travail sans plaisir : il leur faut même beaucoup d'ennui pour que leur travail réussisse. Pour le penseur et pour l'esprit inventif, l'ennui est ce calme plat de l'âme qui précède la course heureuse et les vents joyeux ; il leur faut le supporter, en attendre les effets à part eux : - voilà précisément ce que les natures inférieures n'arrivent absolument pas à obtenir d'elles-mêmes ! Chasser l'ennui à tout prix est aussi vulgaire que travailler sans plaisir. »
Ce qui m'a rappelé une de mes premières décisions dont j'ai gardé le souvenir. Je me suis dit que, quitte à travailler, autant faire du travail quelque-chose d'intéressant. Du coup, je n'ai plus fait que travailler... Surtout maintenant que je suis indépendant. Quant à l'ennui, je pense aussi que je ne m'ennuie plus, et que c'est gênant. Je lis, j'écris... Jadis, je m'ennuyais ferme pendant les vacances. Et cela produisait, effectivement, une forme de régénérescence.

mardi 10 juin 2014

La multinationale ne passera pas ?

La semaine dernière The Economist enjoignait la Chine et l'Inde d'abandonner leur modèle de conglomérat. Pas innovant, inefficace. Remplacez le par la multinationale anglo-saxonne, disait-il.

Je soupçonne que le blocage est culturel. La multinationale ressemble étrangement à l'Angleterre, telle qu'elle est organisée depuis le Moyen-âge. Une élite démocratique, qui exploite une masse de hooligans. Et si le conglomérat asiatique était, lui aussi, un fait culturel ? Et si l'Asie se disait qu'elle s'est assez occidentalisée comme cela ? Qu'elle est devenue suffisamment compétitive pour ne pas avoir à changer plus ?

Le diplôme et ses problèmes

Je constate depuis que j'enseigne que l'élève arrive en cours mal disposé. Il n'est pas intéressé. Il n'a pas envie de travailler. Il a un comportement d'irresponsable, de gamin.

Cela me semble venir de ce que, en France, le diplôme est un moyen, plus ou moins aléatoire, de sélection sociale. Le contenu du cours est sans importance.

lundi 9 juin 2014

Le totalitarisme aurait-il vaincu Internet ?

Et Dieu créa l'Internet a écrit un polytechnicien, dans les années 90. On pensait alors qu'Internet signifiait la fin des monopoles publics, de l'Etat, la liberté, en bref.

Depuis l'affaire Snowden les choses ont curieusement changé. La paranoïa gagne Internet. Partout, on voit la main des services secrets américains. On en vient même à se demander s'ils n'ont pas infiltré la communauté libertaire de l'opensource. On commence à ne plus avoir confiance en rien et en personne.

Le plus étrange dans cette histoire est que Big Brother soit américain. L'Américain serait-il terrorisé par la liberté ? Ne l'accepterait-il que manipulée ? L'Amérique serait-elle, culturellement et fondamentalement, totalitaire ?

(HUITEMA, Christian, Et Dieu créa l'Internet, Eyrolles, 1995.)

Qu'est-ce que les Lumières ?

Le postmodernisme donne une définition des Lumières qui n'est pas la mienne. Quels sont ses principes, selon moi ? 

Il me semble que le fondement de cette pensée, de Montesquieu à Kant, en passant par Rousseau, est la liberté. Pour que l'homme soit libre, il doit y avoir "égalité de puissance" (Rousseau et Montesquieu). C'est à dire que rien ne doit avoir la "puissance" d'imposer quoi que ce soit à l'individu. D'où notre fameuse "égalité", si souvent ridiculisée par les Anglo-saxons. Mais, surtout et beaucoup plus subtilement, l'homme ne doit pas pouvoir être réduit à l'état d'animal, de chose (Kant), par lavage de cerveau. Il doit avoir la capacité (raison) de critiquer. L'éducation joue donc un rôle central pour les Lumières. Puisque c'est elle qui peut réduire l'homme à l'état de larve, ou, au contraire, lui donner les armes qui lui permettront de conquérir sa liberté. 

Toute cette réflexion me semble se ramener à un principe unique : l'individualisme. La caractéristique culturelle de l'Occident, c'est de croire à un individu libre de toute contrainte. En quelque sorte de refuser la dimension première de la société. L'individu n'a pas de parents, pas d'enfance. Il sort de la cuisse de Jupiter. Or, l'individu peut soit être un joueur d'équipe, soit un parasite, aveuglé par son intérêt (cf. Sade), et qui nie l'humanité même des autres hommes (Sade encore). Quelle est la stratégie du parasite ? Il met la société à son service en instrumentalisant les règles qui assurent sa cohésion. Il utilise ces règles de façon à faire de l'homme un animal. 

dimanche 8 juin 2014

Une nouvelle semaine de surplace mondial

Rien ne semble pouvoir sauver le pauvre Hollande. Collé à 18% d’opinions favorables. Dommage, il fait une bonne politique. L’Espagne change de roi. Le précédent n’avait pas su comprendre les évolutions de la société. Miracle allemand sans lendemain ? Déficit démographique, que le pays ne cherche pas à compenser par le gain de productivité. Investissements en baisse, éducation peu performante… La croisade anti Juncker de M.Cameron serait-elle allée trop loin ? L’omnipotente Mme Merkel partage ses vues sur l’avenir libéral de l’Europe, mais est agacée. Il est bien que l’Angleterre veuille faire triompher ses intérêts au détriment de l’intérêt général. Mais pas qu’elle le fasse au détriment des apparences d’entente cordiale. En réalité, pour Cameron, la menace n’est pas l’Europe, on l’aime trop, mais l’Angleterre. Il y fait monter un espoir qu’il est incapable de satisfaire. Dans leur lutte contre les Russes, les Polonais, déçus par la tiédeur européenne, se tournent vers les Américains. L’Europe est-elle antisémite ? A moins de vouloir fuir les taxes françaises, The Economist estime qu’Israël demeure moins sûr que l’UE. La Chine stimule une croissance qui faiblit. Le Brésil est parvenu à stopper la déforestation par la contrainte. La contrainte marche, finalement. Fin de règne de M.Obama. Il soigne sa place dans l’histoire. Il a relâché 5 Talibans de Guantanamo, contre un Américain, passé à l’ennemi de son plein gré. La seconde partie de l’affaire n’était pas prévue. La première si. Malin. Les Talibans étaient des prisonniers de guerre. Ils auraient été relâchés quoi qu’il arrive. En outre, l’Amérique va devoir négocier avec les Talibans. M.Obama s’intéresse maintenant au changement climatique. Il promulgue des lois néfastes à la production de charbon. Réaction hostile des Etats producteurs, et des hommes politiques, y compris de son camps (ils risquent de perdre de ce fait les prochaines élections). En fait, manœuvre pour forcer les Indiens et les Chinois à suivre son exemple. D’autant que le gaz de schiste, guère plus cher que le charbon et moins polluant, est en passe d’inonder le marché américain. La croissance chinoise faiblit. Le gouvernement procède à une relance.

Et si les services secrets américains avaient infiltré la communauté Internet ? Toujours est-il qu’il n’y a pas encore de marché pour la protection des données. Comment faire du business en France ? Mettez un énarque dans votre équipe. Ses copains du gouvernement n’ont rien à lui refuser. Voilà l’histoire de Clara Gaymard et de GE, dans l'affaire Alstom. La force d’Apple ? Son écosystème de produits. Il en renforce l’interopérabilité. Les producteurs d’énergie allemands relèvent la tête. Torpillés par des surinvestissements, l’arrêt du programme nucléaire national, les subventions aux énergies renouvelables, les tribunaux pourraient leur accorder de grosses compensations. Malheureusement, ils sont en panne de stratégie. Automobile, haut de gamme japonais. Dans les années 90, on disait qu’il allait balayer le monde. Or, il a été ridiculisé par les Allemands, et même par les Anglais (aux mains des Indiens). Les Japonais n’y croient plus. Seul Lexus en a encore un peu sous la pédale.

Où il est démontré que le marché a pris le relai du public en termes d’innovation. La nanoparticule contre la bactérie ? Mieux que les antibiotiques en perte d’efficacité ? Peut-être, pour certaines applications. Mais il demeure des dangers. Le micro satellite, bâti sur la technologie smartphone est en passe de transformer l’industrie spatiale, y compris du propulseur. On fabrique des microscopes en papier, pour les pauvres. La montre mécanique innove. Comme elle se vend très cher, elle a de l’argent à investir dans la recherche.

Football. Coupe du monde au Qatar. Le Qatar aurait acheté quelques pays africains ainsi que Platini et Sarkozy. (Voilà un type de manœuvre qui serait inconcevable en Angleterre, ou aux USA.)

Le postmodernisme, religion du marché ?

Suite de mon enquête sur le postmodernisme. Très intéressant article de Mary Klage. Le postmodernisme serait la pensée associée à la société de consommation. Autrement dit sa justification, son mythe fondateur. C'est une théorie de Frederic Jameson. Et le texte de Mary Klage semble la confirmer.

Le chemin pour parvenir à ce résultat est inattendu. Le postmodernisme est une réaction au "modernisme", fruit des Lumières. Les Lumières veulent construire l'ordre à partir du chaos, grâce à la science, qui est l'émanation de la raison. Le mythe fondateur de cette pensée est le progrès.

Le postmodernisme s'oppose à ce qu'il voit comme un totalitarisme, qui refuse la différence (homosexuels, par exemple), que la pensée moderniste assimilerait au chaos. La grande idée du postmodernisme est qu'il n'y a pas de "grand récit". Le destin humain n'est porté par rien. Il ne va nulle part. Tout est relatif. C'est un constat d'impuissance. L'homme ne peut pas agir sur les événements. Seules sont possibles des petites histoires du moment présent.

Le monde expliqué...
Ce modèle extrêmement simple a un pouvoir d'explication surprenant :
  • Il explique la révolte à laquelle nous avons assisté récemment, révolte de ceux qui croient à une "grande histoire", par exemple à une religion, à la nation, au progrès... Explication de l'émergence du Tea Party, Manif pour tous, Al Qaïda...
  • La gauche est le mouvement postmoderniste par essence. Cela explique tous ses combats. Combats extraordinairement abstraits pour l'homme ordinaire. Son obsession de la discrimination est ici, mariage pour tous, théorie du genre, tout est là. Mais aussi abandon des "grands récits" auxquels on continue à l'associer. En particulier, "libération de la classe ouvrière", plus généralement le progrès et le combat pour l'amélioration du sort de l'humanité, vue comme une communauté (comme dans "socialisme"). 
  • C'est la victoire du marché, et de l'homme réduit à sa dimension d'électron libre, d'animal, de jouisseur, consommateur, ou, pour les perdants, de bête de boucherie. C'est ainsi que, paradoxalement, la gauche rejoint la droite ultralibérale et néoconservatrice. Et ce en utilisant des arguments scientifiques, pour réfuter la science.
(J'ai trouvé cet article ici : http://www.webnietzsche.fr/postmode.htm)

samedi 7 juin 2014

De l'incapacité du gouvernant à juger

Dans l'affaire Alstom, le gouvernement a négligé les intérêts du petit porteur. Cela va avoir des effets à long terme fâcheux. Ainsi parlait Serge Delwasse.

Peut-on faire la même remarque sur l'affaire BNP ? L'action gouvernementale semble réflexe. Elle ne prend pas en compte toutes les dimensions de la question. Et, surtout, pas ses conséquences à long terme. Cela me rappelle la législation "au fait divers" de M.Sarkozy. Mais aussi une décision de Mme Royal, qui avait, semble-t-il, éjecté un chanteur d'un festival, au motif qu'il parlait mal des femmes. (Mais quid de la liberté de parole ? Et, surtout, de la capacité de jugement du peuple ? Qu'arrive-t-il à une nation dont le peuple est considéré comme un animal ? La victoire de la démagogie ?...)

Or, comment la justice procède-t-elle ? Elle fait une enquête, pour commencer. Et elle est longue. Et elle est à charge et à décharge. C'est à dire qu'elle doit prendre en compte tous les aspects de la question. Puis, il y a le jugement à proprement parler. D'un côté des techniciens du droit, de l'autre des représentants de la société. La justice naît du débat démocratique. 

Et si nous, et notre gouvernement, devions réapprendre à juger ?

Qu'est-ce que le postmodernisme ?

Et si le postmodernisme était l'esprit de 68 ? me suis-je demandé. Je lisais alors un texte sur les techniques de conduite du changement. Et il se trouve qu'on a essayé d'y appliquer les théories postmodernistes !

En fait, d'après une enquête rapide, personne ne sait définir le postmodernisme. Un thème commun aux courants qui le constituent, cependant, serait la dénonciation de la société comme moyen d'oppression. Et l'appel à sa destruction.

Ce qui m'amène à ma phrase d'introduction est une conjonction de faits. Les troupes combattantes de 68 semblent avoir été constituées de "mal lotis". Des gens mécontents de leur sort. Michel Foucault aussi semble avoir été malheureux. Ainsi que Richard Descoings, le réformateur de Sciences Po. Et si 68 et ce qui s'en est suivi avaient été la revanche de tous ces mécontents ? Une revanche que la théorie du "post modernisme" aurait rationalisé ? Une revanche de gosses de riches qui cassent les jouets du pauvre ?

A la réflexion, je me suis demandé si ce n'était pas le résultat logique de la société d'après guerre. Son individualisme matérialiste a produit des petits riches en manque d'affection. Certes, certains ont réussi, comme Foucault ou Descoings. Mais n'ont-ils pas souffert, terriblement, de solitude ? Plus que tout, ils auraient voulu de l'aide, mais ils ne l'ont pas eue ? Alors ils ont voulu détruire ce qu'ils croyaient la cause de leur mal ? Ce qu'il nous faut, c'est réinventer la société, et l'entraide ?

(Un livre sur le poststructuralisme, autre nom du postmodernisme, refus de toute autorité. Autorité, synonyme du pouvoir paternaliste oppressif d'après guerre ? Ce qui expliquerait les théories actuelles sur le genre et autres ? Un autre sur la réaction conservatrice à l'esprit 68.)