vendredi 31 octobre 2014

Les promesses trahies d’Internet


Je crois que la plus fausse d’entre-elles a été la promesse d’un monde libertaire. (Cf. HUITEMA, Christian, Et Dieu créa l’Internet, Eyrolles,1996.) Car Internet, ressemble de plus en plus à un avatar du totalitarisme ! Non seulement, il n’y a pas de place pour les petits, mais une seule société s’accapare un marché ! Et aussi, c’est la NSA et Google, qui veulent savoir tout sur tout le monde, mais aussi Facebook, outil de flicage domestique. 

Et si les prochaines générations, contrairement à ce que l’on nous dit, fuyaient Internet comme la peste ?  

Osons l'Allemagne

J'aperçois l'annonce d'un débat pour Centraliens : et si vous envisagiez d'aller travailler en Allemagne ? Ce qui m'a surpris. 

En fait, moi aussi, je vante les mérites de l'Allemagne pour le jeune :
  • La France est obnubilée par le diplôme. En Allemagne, ce qui compte, c'est d'être compétent et d'être un bon joueur d'équipe. Il n'y a aucune limite à la carrière de celui qui réunit ces qualités. Qu'il soit Espagnol, Grec ou Français. 
  • En Allemagne, on travaille bien, on est bien payé, et les relations de travail sont pacifiées. 
Mais un paradoxe me frappe dans la discussion centralienne. Si le Centralien veut partir en Allemagne, c'est qu'il est au chômage. Or, former des Centraliens coûte très cher. Et on nous rebat les oreilles de ce que ce type d'ingénieur est supposé être innovateur, créateur, entrepreneur, clé de voûte d'une compétitivité qui bat de l'aile... Dans ces conditions, comment expliquer que tout ce potentiel et cet investissement soit tenté de se vendre au plus offrant ?

jeudi 30 octobre 2014

Danger Gluten ?

Pourquoi en veut-on soudainement au gluten ? Les céréales n'ont-elles pas nourri l'humanité depuis au moins 10000 ans. Michael Specter du New Yorker enquête. Que sait-on? 
  • Augmentation massive des victimes de la maladie cœliaque (plus de x4 en 50 ans aux USA), liée au gluten. Mais elle ne concerne qu'un pour cent de la population. 
  • Des études semblaient montrer qu'effectivement, il y avait une sensibilité forte d'une part large de la population au gluten. Mais, on a découvert que le coupable était plus probablement des glucides complexes. 
  • Il y a eu une augmentation énorme de l'utilisation du gluten, partout dans l'industrie alimentaire. En particulier du seitan (ou équivalent bas de gamme), qui est une sorte de gluten concentré, si je comprends bien.
  • La façon industrielle de fabriquer le pain n'a plus rien à voir avec ce qu'elle a été jusqu'à il y a peu. (Peut-on encore parler de "pain" ?, se demande l'article.)
  • Les aliments sans gluten remplacent le gluten par pire... 
Bref, s'il y a un peu de feu, il semble qu'il y ait beaucoup de fumée. 

Je me demande si l'on n'est pas devant une forme de cercle vicieux. L'industrie est prête à tout pour augmenter ses ventes et ses marges. Le public est de plus en plus inquiet. Toute crainte est amplifiée démesurément. Sans compter que la crise provoque peut-être des angoisses propices à la recherche de boucs émissaires ? 
Vincent Willem van Gogh 049.jpg

« Vincent Willem van Gogh 049 » par Vincent van GoghNational Gallery (NG3861), London. Sous licence Public domain via Wikimedia Commons.

6000

On trouve 6000 billets sur ce blog. Le temps d’un bilan.

Une nouveauté, pour commencer. Il accueille des vidéos. Prolongement un peu tardif de ce que j’avais entamé avec Décideurs TV. Et satisfaction. Il est agréable de faire un travail d’artisan avec d’autres artisans (Neoxia). Prendre du temps de bien faire une bonne interview, et d’apprendre à mieux faire la prochaine fois. Mais le matériau n’est pas simple à travailler. C’est un être humain qui n’est pas entraîné pour ça. Attention à ne perdre ni émotion ni spontanéité, gages de vérité.

Sinon, une fois de plus, je constate que ce blog a marqué un changement dans mon existence. Je lui consacre, en partage avec mes obligations domestiques, mon week-end. C’est devenu une partie de ma vie privé. C’est un moyen de sortir de la presse quotidienne. Une tentative de ne pas subir son sort.

Et c’est fantastique ce que l’on peut découvrir lorsque l’on réfléchit un moment. Beaucoup de ce que l’on croit est faux. Et même ce que l’on croit être. Toute cette erreur résulte d’une sorte de manipulation sociale, me semble-t-il. La société veut nous rendre obéissants. Elle nous lave le cerveau. C’est aussi dans l’intérêt, à court terme, de beaucoup.

Mais qu’il est difficile de réfléchir ! Cela ne s’accommode ni du travail, ni du stress quotidien. Ses pires ennemis sont la satisfaction de soi, la paresse, le cynisme…

Au fond, ce blog, qui marche sur le principe du paradoxe, en est un lui-même un. Ce n’est pas du tout un exercice de communication. C’est une enquête sur le monde et surtout sur moi.

mercredi 29 octobre 2014

Les réformes de l’Etat sont-elles contre-productives ?

Les réformes de l’Etat marcheraient-elles sur la tête ? L’Etat est vu comme une source de coûts. Donc on réduit l’Etat. Mais l’Education nationale produit les hommes dont a besoin l’économie (au moins), l’Etat assure leur santé, il les défend d’Ebola, il leur permet de ne pas s'en faire pour leur retraite, donc de dépenser l'argent que, sinon, ils économiseraient… Il faudrait, au contraire, investir, pour le rendre plus efficace !

Mais, alors, qu’est-ce qui ne va pas ? C’est que nos politiques font n’importe quoi. Guerre au Mali, tout TGV, Grand Paris, dépenses somptuaires des collectivités locales…

L’origine de tout cela ne viendrait-il pas d’un changement de paradigme ? Le génie s'est échappé de la bouteille ? Pour les Lumières, le peuple c’était le bien. La politique, pour les Athéniens, c’était le citoyen qui décide de son sort. Aujourd’hui, ses élus se sont affranchis du peuple qu'ils sont supposés représenter. Ils le croient porteur du mal. D’où deux attitudes :
  1. Faire le bien contre sa volonté. Série de croisades de gauche : abolition de la peine de mort, 35h, mariage pour tous. Et leurs équivalents de droite.
  2. Faire le mal pour séduire le peuple. C’est le populisme. Aussi de tous bords.
Elles ont en commun qu’elles nous expédient par le fond. 

Change in France

Tranche de vie. Le changement tel qu’il se vit en France.

J’anime un club de consultants. Une réunion, il y a quelques mois. Un dirigeant, qui a beaucoup d’estime pour nous, nous demande comment nous faire profiter de ses clients. Un des participants, qui n’appartient pas au club, mais qui en est un ami, s’indigne. « Détournement de bien social. » Tout le groupe lui emboîte le pas. C’est la curée. Curieux. L’homme est la droiture même. Et il voulait nous aider. Finalement un participant a une idée. Moi, heureux : voilà de quoi faire un partenariat ! Non, il y a bien plus compétent que moi, me répond-il ! Pourtant, il a consacré l’essentiel de sa carrière au sujet ! Sur ce, une participante, qui ne connaît rien à la question, lui donne raison. Son ex mari (qui la licenciée d’une manière que je juge abjecte) aurait toutes les qualités pour bien faire ce travail. Résultat ? La réunion a fait émerger une solution honnête. Mais nous n’en profiterons pas. Qui voudrait travailler avec de tels furieux ? Impolis de surcroît. 

Ces comportements sont bien français :

  • Nous tendons à prendre la cause de nos ennemis contre nos amis.
  • Quand on nous demande de faire ce pour quoi nous semblons faits, nous nous révoltons.
J’ai du mal à trouver une explication satisfaisante au premier point. Pour le second, il me semble que cela vient de notre tendance à la théorie. Lorsque l’on nous parle d’une tâche à accomplir, nous percevons la solution idéale. Mais, lorsqu’il s’agit de la réaliser, nous en sommes, évidemment, incapables. 

mardi 28 octobre 2014

Perte de valeur par fuite de talents

Echec récurrent des fusions acquisitions. Grand désastre du changement. Pourquoi ? La Tribune cite une étude internationale :
Si près des trois quarts (73%) des entreprises interrogées à travers le monde affirment avoir réussi à retenir plus de 80% des collaborateurs clés à qui elles ont fait signer une convention de maintien en poste au moment de la fusion-acquisition, moins de la moitié (44%) disent avoir réussi à retenir ces mêmes collaborateurs un an après la fin de cette période
Ce qui fait, en grande partie, la valeur du entreprise, ce sont ses hommes ? La découverte à 1000 milliards de $ (perdus) ?  

Changement et université, anciens et modernes

Pourquoi l'Université a-t-elle changé ? J'ai transmis mon billet précédent à un universitaire professionnel. Il ressort de son analyse un mécanisme surprenant. 

Affrontement entre anciens et modernes, entre "enseignants" et "chercheurs". C'est un peu de Gaulle contre Sarkozy. D'un côté des professeurs éminents, arrogants, un peu ridicules, qui créent une oeuvre indépendamment des modes. De l'autre des arrivistes, jeunes, intellectuellement limités, mais plein d'énergie. Ils ont utilisé les idées issues de la globalisation (Shanghai, internationalisation des cours, "mesure de la performance" par la publication...) pour mettre en faute les premiers, et prendre leur place. Aujourd'hui, leurs idées leur explosent à la figure. (Encore plus à celle des étudiants.) On découvre que les techniques de leurs prédécesseurs étaient bien mieux adaptées à la globalisation et à l'entreprise, et à la recherche, que les leurs. Mais, trop tard ! 

Ce qui amène à un autre point curieux. Contrairement aux anciens, les nouveaux aiment l'argent. Or, l'Université paie mal. Ce qui les amène peut-être à aller chercher des revenus ailleurs. Raison des dysfonctionnements que j'observe ? En effet, j'apprends aussi que les anciens faisaient, dans l'ombre, un gros travail de coordination, d'accompagnement des élèves, de communication aux entreprises... Il aurait disparu.

(Pourquoi parle-t-on de "chercheurs" ? "aujourd'hui, ceux qui dirigent la formation se targuent d'être des scientifiques (la preuve : "ils publient dans des revues étoilées" ...), alors que leur production scientifique ou académique se situe à un "infra ou proto" niveau (dans un micro-cadre conceptuel donné non nécessairement discuté ou tout bêtement en périphrasant ce que d'autres écrivent)").

lundi 27 octobre 2014

SNCF et dette publique

Pourquoi la SNCF est-elle en difficulté ? Selon la Cour des Comptes, pas principalement du fait de son inefficacité. Mais parce que le politique lui a imposé des projets qui sont des gouffres financiers. Et ce n'est même pas une question d'aménagement du territoire, qui pourrait justifier des pertes. On a voulu un tout TGV, et on le fait rouler sur des lignes ordinaires... 

Et si l'on avait là les raisons des déficits du pays ? Des hommes politiques irresponsables, ou qui n'ont aucun sens pratique ? 

Et si, du coup, les réformes en cours allaient à l'envers ? Elles cherchent à faire gagner l'administration en efficacité, en plombant ses comptes à coups d'investissements informatiques allemands !, alors qu'il faudrait fournir des tuteurs à nos hommes politiques ? 

Règlements de comptes à Bruxelles

Rien ne va plus à Bruxelles. M.Renzi a pris la tête de la fronde.

Chaque Etat refuse la mesure qui le contraint. Ce qui semble coincer, surtout, c'est l'arbitraire de Bruxelles. Les décisions ne sont pas prises par un parlement élu, mais par un individu, selon son bon plaisir.
C’est moins le «qui décide quoi», comme le dit Renzi, qui est en jeu, dès lors que les États partagent la même monnaie, que le «comment on décide», c’est-à-dire le contrôle démocratique au niveau européen.
Et cela, nos chefs d'Etat ne sont pas prêts de l'accepter lorsque cela vient de quelqu'un d'autre qu'eux.

Qu'il y ait crise me semble une bonne chose. L'Europe est un marché de dupes. Tant que les Etats n'auront pas mis leurs problèmes sur la table et qu'ils n'auront pas décidé qu'ils ont envie (ou non) de continuer ensemble, et comment ce faire, rien n'ira. Ce qui ne tue pas renforce. 

Louis XI

Il ne répondait pas à l’image que l’on peut se faire d’un souverain. Il ne s’habillait pas comme un roi, il ne parlait ni ne pensait comme un roi ; il ne témoignait pas à ses princes et à ses seigneurs cette affection qu’éprouvent naturellement à leur endroit tout véritable roi. Il s’entourait d’hommes qui étaient dangereusement laborieux, dangereusement intelligents et lamentablement mal nés. Il avait toute espèce d’étrangers à son service et préférait même leur compagnie à celle d’honnêtes français.
Mieux qu’un roman ! La vie d’un d’extraterrestre parmi les souverains français : un roi intelligent ! Un roi qui n’aurait aucun des défauts, le complexe de supériorité, la morgue et l’étroitesse d’esprit en particulier, que l’on associe au Français.

Il a fait passer la France de la féodalité à une « monarchie nationale ». En parvenant à écraser les grands féodaux qui menaçaient son pouvoir, il est parvenu à construire un édifice suffisamment solide pour que l’incompétence de ses successeurs ne puisse le détruire. Pour cela il a utilisé des techniques étonnamment modernes. Bien que bon militaire et extrêmement courageux, ses conquêtes ont été essentiellement pacifiques. Il a exploité les faiblesses de ses adversaires, en les enfermant dans des toiles d’alliances. C’est ainsi qu’il a défait Charles le Téméraire, sans combat. Il a joué sur tous les tableaux. Il s’est entouré de gens les plus compétents de son temps, parfois d’anciens ennemis dont il avait pu juger la valeur. Il a tissé des alliances internationales, souvent avec des aventuriers comme Warwick et Sforza, qu’il admirait. Il a dépensé sans compter, soit pour soutenir les ennemis de ses ennemis, soit pour rendre dépendants ceux qui pouvaient lui être utiles. (Mais pas pour lui, il n'aimait pas le luxe et vivait proche du peuple.) Il a monté un réseau de renseignements sans équivalent. Mais, peut être plus étonnamment, il s’est servi en maître de l’arme économique. Et ce pour enlever à ses adversaires la capacité de trouver l'argent nécessaire à la guerre. Il a aussi été un souverain européen. Il a surtout été prudent. Tout en contrôlant l’Italie, par exemple, il a su se garder de s’y engager dans des aventures risquées.

Contrairement à ces successeurs, il ne s’est pas comporté comme s’il était le souverain le plus grand de son temps. Au contraire, il semble avoir considéré que les puissances qui l’entouraient étaient fort dangereuses. C’est ainsi qu’il est parvenu à les manipuler. 

MURAY KENDALL, Paul, Louis XI, Pluriel, 2014. 

dimanche 26 octobre 2014

C’est reparti comme en 29

The Economist pense que nous sommes sur le bord, terrifiant, d’une grande dépression. Phénomène curieux. Ce serait un mal endémique. Mais nous l’avons oublié, parce que les mesures prises après guerre pour le contrer ont provoqué une grande inflation. Du coup, on a crû que c’était cela le problème. Autre paradoxe, ce serait la baisse du prix de l’énergie qui pourrait nous pousser dans le précipice. L’Europe est particulièrement en danger. En effet, la déflation va rendre insoutenable la pile de dettes des pays de sa périphérie.

Que faudrait-il faire ? Relance. Reconstruire les lamentables infrastructures de transport américaines et permettre le déficit à la périphérie européenne. Seulement, les populistes qui sont au pouvoir veulent faire exactement le contraire. (Etrangement « l’armée de chômeurs, forte de 25m de personnes (…) ne semble pas galvaniser les politiciens autant qu’un taux d’intérêt d’obligation d’Etat à 7%. »)

Si la baisse du prix de l’énergie plonge l’Occident dans la dépression, elle devrait être favorable aux pays émergents et particulièrement nuisible aux grands Satans de The Economist : Venezuela, Russie et Iran. L’Arabie Saoudite aurait laissé choir les cours, pour donner une leçon à ses concurrents, dont les coûts de production sont beaucoup plus élevés que les siens.

Quant au cours des actions, il devrait devenir hautement incertain.

Pourquoi les hommes d’affaire haïssent-ils M.Obama ? Pourtant, leurs entreprises et eux n’ont jamais été aussi riches, alors que le peuple, lui, s’est appauvri ? Parce qu’aux USA tout le monde en veut à tout le monde. Les très grandes entreprises pensent qu’ailleurs les conditions sont encore plus favorables qu’aux USA. Et les petites souffrent, notamment à cause des grandes.

« Les députés sont le prolongement des intérêts commerciaux et peuvent être vendus et échangés ». Le mal de l’Ukraine, c’est la corruption. Si le pays ne parvient pas à la maîtriser, cela pourrait se terminer par un Maidan en armes… Le Japon est atteint du même mal. Deux ministres donnent leur démission. Les Suédois traquent un sous-marin russe. Mais faute de budget militaire, ils n’ont plus les moyens de ce faire. M.Renzi serait extrêmement populaire. Il pourrait vouloir déclencher une élection qui lui donnerait les pouvoirs de réformer l’économie. La France essaie de réformer ses collectivités locales endettées, par exemple Argenteuil. (« Entre 2000 et 2010 le nombre d’employés des mairies a augmenté de 26%.) Cela pourrait conduire à une augmentation des impôts locaux et à une attaque du pouvoir central par les « barons des partis politiques », qui dirigent les villes. Mme Aubry aurait donné le coup d’envoi des hostilités.

« Personne ne sait quand le Nigeria va basculer dans le chaos. Mais ce jour semble de plus en plus proche. » Contrairement à ce que je disais récemment, le Nigeria est à feu et à sang. Son Nord Est est sans Etat. Boko Haram l’a remplacé. La croissance chinoise devrait revenir vers la moyenne. Dans 10 ans son PIB devrait toujours être inférieur à celui des USA.

Les fabricants de téléphones mobiles chinois vont faire un malheur. Ils ont fait leur fortune sur un marché protégé. Et ils se sont préparés aux règles du jeu de l’Occident. Ils ont les meilleurs avocats et la meilleure innovation. (Une leçon de protectionnisme pour débutants ?) Le marché de l’informatique (hors mobiles) est en crise. Les profits des grands reculent. Ils n’ont plus d’idées gagnantes. Ils vont devoir se restructurer. La mode des aliments sans gluten aurait gagné le monde, et serait là pour longtemps.

L’entreprise est pleine de tirs-au-flanc. Tout en haut et tout en bas de l’échelle des salaires. Essentiellement. « Les emplois sont souvent situés la où les gens pauvres n’ont pas les moyens de vivre. » Une partie du chômage s’expliquerait par des raisons géographiques. Les pauvres habiteraient des zones éloignées des emplois, dotées de mauvaises écoles, et minées par la criminalité...

Guillaume II ressemblait bizarrement à Hitler. Difforme et idiot, il avait eu une jeunesse effroyable. Est-ce pour cela qu’il a déclaré la guerre à l’Europe en 14 et qu’il pensait que les Juifs étaient le mal absolu ? Jadis les dirigeants étaient payés un salaire fixe (1m$ en moyenne, pour les 50 plus grosses entreprises américaine). La mode des bonus a produit un enrichissement colossal. « En 1970, le PDG moyen gagnait 25 fois le salaire de l’ouvrier moyen. Aujourd’hui le rapport est passé à plus de 300. » (Tim Cook d’Apple a reçu 378m$ en 2011.)

Miracle anglais

L'Angleterre crée des emplois...
Those earning less than two thirds of median hourly pay - equivalent to £7.69 an hour - rose by 250,000 to 5.2m last year, the Resolution Foundation said. (BBC)
Mais ce sont des emplois misérables. Ce qui pose des difficultés à l'Etat : les impôts ne rentrent pas, et il faut aider ces gens. (Subvention déguisée à ceux qui en tirent profit ?)

Tout savoir sur le principe de précaution

Louis Gallois a publié récemment, avec le président de la FNSEA, un article réclamant un principe d’innovation qui contrebalance le principe de précaution. Louis Gallois préside aussi la Fabrique de l’Industrie. Il lui a demandé de monter une commission d’enquête sur le sujet. Résultat ? Elle lui a donné un bonnet d’âne...
Confrontés au foisonnement des normes et règlementations, les industriels sont parfois tentés de dénoncer un usage excessif du principe de précaution. La présente note montre que ce n’est pas tant le principe lui-même que l’invocation abusive qui en est souvent faite qui est en cause. Il semble plus constructif de prendre acte des aspirations de la société à une sécurité renforcée et d’y répondre en mettant en place des espaces de dialogue qui permettent d’écouter les parties prenantes, de leur montrer que leurs préoccupations sont prises en compte, de prouver aux pouvoirs publics qu’ils n’ont pas besoin de renforcer leurs exigences ou de multiplier les réglementations.
Car la constitution de 1789 est construite sur le principe de libre entreprise (article 4)
La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.
Quant au principe de précaution, c’est un tigre de papier. Tout d’abord, il n’a rien de français, il répond à une préoccupation mondiale, particulièrement européenne (et la loi française suit l’européenne), et encore plus européenne du nord. Si la France a une particularité, c’est de l’avoir inscrit dans sa constitution. Mais il n’est opposable à rien.
En France, le principe de précaution est inscrit dans la Constitution par le biais de la Charte de l’environnement. Le texte énonce : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veilleront, par application du principe de précaution, et dans leurs domaines d’attribution, à la mise en oeuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »
Ce qui ne semble que simple bon sens !

Si nous avons une image de froussards, c’est la faute de notre gouvernement. Car il est incapable de garantir la sécurité du citoyen, ou même une expertise indépendante. (Cf. Le Mediator, la mort par canicule et autres scandales.) Dès qu’il sent que la population s’indigne, il s’abrite derrière le principe de précaution, pour donner l’illusion de l’action. D’où « une action publique désordonnée ». Ce qui rend le monde de l’entrepreneur imprévisible et stressant. Exemple type : la fracturation hydraulique. Des préfets l’autorisent sans consultation. Mécontentement. Le gouvernement l’interdit. Voilà qui est en contradiction avec le principe de précaution qui demande « des actions mesurées » !

Pourquoi cela n’est-il pas le cas ailleurs ? Parce qu’aux USA, il y a des mesures de rétorsions efficaces. Elles forcent les industriels à la prudence. Les class actions ont rapporté 164md$ aux victimes de l’amiante. Parce qu’en Europe du nord, les politiques se construisent par consensus. Mais aussi parce que ces pays n’ont pas nos activistes fous furieux inaccessibles à la raison.

Bref, si l’entreprise veut éviter les désagréments de la méfiance, et l’action des dits fous furieux, elle doit s’expliquer clairement et chercher à comprendre ceux que concernent ses décisions.
Ce dialogue n’élimine pas tous les conflits mais il permet d’éviter que des opposants irréductibles ne rallient à leur cause les publics simplement désireux d’être rassurés sur le fait que leurs préoccupations sont entendues et de mieux comprendre les enjeux.

samedi 25 octobre 2014

La fin du progrès technique

La voiture sans chauffeur n'a vraisemblablement pas d'avenir, dit The Economist. Pas pour une raison technique : elle fonctionne. Mais parce que la baisse des salaires combinée aux économies permises par le "digital" rendent plus avantageux d'utiliser un chauffeur que d'investir dans la recherche. 

En créant une classe de pauvres, l'économie de marché a tué l'intérêt économique du progrès technique. Pire : on pourrait être tenté, de plus en plus, de remplacer la machine par l'homme. On aurait alors une sorte de progrès négatif. Une destruction de ce que l'humanité a créé. Paradoxal. 

Changements et université

J'interroge mes élèves sur leur perception de l'université (que, moi-même, je ne vois que pour faire mes cours). Il en ressort un curieux sentiment d'hypocrisie : à titre d'exemples :
  • Pourquoi le Master dans lequel j'enseigne a-t-il déménagé dans un autre établissement alors qu'il n'y a aucune possibilité d'avoir accès à ses installations ? Raison officielle : se rapprocher des entreprises - on est à la Défense -, mais, il n'y a pas de contact avec les entreprises ! 
  • Pourquoi la partie apprentissage du Master est-elle restée sur le site historique, alors que c'est elle qui a le plus de raison de vouloir se rapprocher de l'entreprise ? 
  • Il y aurait un superbe système d'information que personne n’utiliserait. (Je n’étais pas au courant !)
  • Le Master est présenté comme international. Or, il n'y pas de cours en anglais. Seulement 2h de cours hebdomadaires de formation au TOEIC, un test que tout le monde a passé !
  • Tous les cours parlent de l'importance de la communication alors qu’il n’y a pas de communication au sein de l'équipe enseignante et de l'administration. 
  • Pas de salle de réunion pour travaux de groupe alors que le cours est fondé sur ce type d'exercices. 
  • Exercices scolaires alors que l’université est supposée former des professionnels. 
  • Le nom du Master (Comptabilité Audit Reporting) est illisible par les employeurs (qui veulent embaucher des contrôleurs de gestion). 
  • Problèmes administratifs : réinscriptions, transfert d’information entre universités, paiement des frais d’inscription non adaptés aux étrangers, dysfonctionnements divers. 
  • Pas de temps pour la recherche de stage.
  • Université de gestion mal gérée ! (En pertes, alors qu'elle fut longtemps excédentaire.)
  • Positionnement grande école est-il judicieux ? Perte de ce qui a fait le succès de l'Université ?
A quoi, on peut ajouter que la cote du Master a baissé.

Ce qu'il y a d'étrange là dedans, c'est que l'on a l'impression que tout ce que l'on a dit contre l'université (au moins celle-ci) était faux. En revanche, c'est maintenant que c'est vrai !

Exemple de moment thucydidien ?

vendredi 24 octobre 2014

De la concurrence scolaire

Les thuriféraires du libre choix de l’établissement considèrent qu’il favorise la concurrence entre établissements et, pour cette raison, l’efficacité du système éducatif. Cette idée très répandue relève de l’idéologie et non de l’analyse (...) Les recherches tant nationales qu’internationales convergent sur un autre constat. L’absence de choix ou un choix régulé des demandes parentales favorise la mixité sociale, facteur d’efficacité : le niveau moyen des élèves est globalement plus élevé dans les systèmes scolaires socialement mixtes (Pierre Merle, « L’affectation des élèves dans les établissements scolaires », La Vie des idées, 21 octobre 2014. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/L-affectation-des-eleves-dans-les.html) 
Forme de dilemme du prisonnier ? En voulant défendre les intérêts de leurs enfants, les parents dégradent le système scolaire, ce qui va contre leur intérêt, et, encore plus, contre celui de la société ? En tout cas, nouvel exemple du tissu d'âneries auquel nous avons eu droit ces dernières années ? 

(On apprend aussi que la France est devenue exceptionnelle par sa discrimination scolaire...) 

Le FN peut-il gagner ?

Par certains côtés, le FN paraît imbattable. N'a-t-il pas la capacité de rassembler les voix des mécontents ? Mais, il ne semble pas avoir la compétence de gouverner. Et, contrairement à d'autres partis extrémistes étrangers, il fait l'objet d'une forme de diabolisation. 

Je me demande si ce n'est pas ce qui pourrait le faire réussir. En effet, les partis traditionnels ne semblent pas désireux de discuter avec lui de ses faiblesses. Ils disent à l'électeur : vous avez le choix entre nous et le diable, notre opposé. Vu leur bilan, ils soumettent la France à une grande tentation... 

Le problème vient peut-être de ce qu'ils ne veulent pas avouer qu'ils ne savent pas où ils vont. Dommage, parce que dans un monde où domine l'incertitude, c'est eux qui ont l'avantage...

jeudi 23 octobre 2014

Airbnb condamné : la fin des "disrupteurs" ?

A state government report into Airbnb’s home letting service in New York called for more regulation of the sharing economy, after finding that 72% of its listings in the city were illegal and broke one code or another. It also found a notable concentration of multiple properties let by the same individuals; 6% of landlords took 37% of the revenue. (The Economist)
L'économie traditionnelle aurait-elle trouvé le point faible des pirates du "digital" ? Justement, que ce sont des pirates ?

(Dans la même série. Le Financial Times titre : TV’s big guns take on the disrupters, New streaming services from HBO and CBS show how the networks are fighting back.)

Apprenons à aimer les Anglo-saxons

Ce blog est violemment anti Anglo-saxons. Probablement, il n’est pas seul dans son cas. Partout on leur reproche leur hypocrisie. Généralement en leur assimilant l’Occident.

Nous commettons tous la même erreur. Nous déduisons des actes des Anglo-saxons ce à quoi ils croient. Et donc leurs objectifs à long terme. En fait, le long terme n’existe pas pour eux. L’action n’est corrélée qu’à une intention à court terme. L’Anglo-saxon a des valeurs, à long terme, qui ne se déduisent pas de ses actes. Il ressemble à un voilier face au vent. Il tire des bords pour atteindre son objectif. Pour autant, cela ne signifie pas que son comportement soit sans danger. Il peut faire des bords trop longs et perdre le cap, ou s’échouer. Ou le cap peut être mauvais. Mais, les critiques qui lui sont faites sont infondées.

Voici la réflexion que je tire des changements d’avis de The Economist et de McKinsey

mercredi 22 octobre 2014

Jean-Jacques Pauvert

La semaine dernière France culture rediffusait une série d'interviews de l'éditeur Jean-Jacques Pauvert. J'ai découvert un homme intéressant. 

A une époque où l'on n'est rien si l'on n'est pas Bac+5, il n'avait pas dépassé la seconde. Et pourtant il m'a semblé bien supérieur à nos grands intellectuels. En particulier, à la ribambelle de philosophes que l'on vénère. Il me semble qu'il a livré un combat contre l'hypocrisie. Pour la liberté de parole. Ou peut-être encore plus pour la liberté de penser. Il semble aussi avoir cherché à lire l'oeuvre comme on l'aurait fait à l'époque de sa publication. Curieusement, il a recherché les procès qu'on lui a faits. Il espérait que l'on y discuterait des raisons de la censure. Mais, il a été déçu. Si je l'ai bien compris, la censure n'a pas de raison. 

Il a perdu la bataille. La publication de l'oeuvre de Sade, le prouve. Il le voyait comme un grand écrivain, original, important. Aujourd'hui, on le lit (ou plutôt on en parle, je doute que beaucoup de monde l'ait lu) parce que c'est "bien" de le faire. Parce qu'ainsi on est un esprit avancé. Un révolté reconnu.

(JJ. Pauvert parle de censure en France.)

Qu'est-ce que la volonté générale ?

J’ai l’impression que l’on a longtemps pensé que le vote était l’expression de la volonté générale. Ce qui est curieux, lorsque l’on y réfléchit. Puisque on nous donne généralement le choix entre la peste et le choléra.

Variante anglo-saxonne : le prix est l’expression d’un vote démocratique. Les acteurs du marché votent avec leur argent. Autrement dit, le marché, c’est la réalisation de la démocratie. Pas besoin de politique. Et ceux qui n’ont pas d’argent ? Dieu les a jugés indignes de lui.

Pour ma part, il me semble qu’il faut se tourner vers l’anthropologie. Comme les Pygmées d’Eric Minnaert, périodiquement, une société se trouve dans des circonstances difficiles. D'où dépression. Dans certains cas, elle se traduit dans les statistiques. Par exemple, par une envolée des chiffres des suicides (idée de Durkheim). Comme aujourd’hui, en France. Première expression (inconsciente) de cette volonté générale. 

Deuxième étape de son expression : sortez-nous de ce cauchemar ! Pour ce faire, tout n’est pas possible. C'est la théorie de Robert Merton. Il y a des moyens acceptables et d’autres non. Cette théorie illustre bien notre situation. 
  • D’un côté, il y a les milieux financiers. Ils sont « innovateurs » : pour nous sauver, nous devons renoncer à nos valeurs. Notre salut passe par notre destruction ! 
  • Ensuite, il y a notre gouvernement. Il est ritualiste (bien qu’il soit de plus en plus tenté par l’innovation). Il pense que ce qu’il fait est bien. Pas besoin de changer dans ces conditions.
Ce qui nous manque, c’est une solution « conforme » : un moyen de nous transformer, en respectant nos valeurs. Autrement dit « changer pour ne pas changer ». 

mardi 21 octobre 2014

Allocations familiales

Le gouvernement veut faire varier le montant d'allocations familiales en fonction des revenus. A droite et à gauche, les hommes politiques s'opposent à la mesure. Bonne ou mauvaise mesure ?
  • C'est une spirale dangereuse disent les politiques. D'ordinaire c'est un argument qui m'agrée. Mais là, j'ai du mal à comprendre de quoi il s'agit. Les impôts me semblent aussi modulés en fonction des revenus, et personne n'y voit rien à redire. Mais j'ai peut-être raté quelque chose. En fait, j'ai un peu de mal à comprendre pourquoi on donnerait de l'argent à des gens qui ont des revenus élevés, pour l'entretien de leurs enfants. D'autant que les sommes sont ridicules en comparaison avec ce qu'ils gagnent. 
  • Efficacité économique. On nous dit qu'il faudrait une relance. Là, c'est le contraire. Certes. Mais puisque tout le monde veut faire des économies, y a-t-il d'autres idées plus efficaces ? 

Eliminer Ebola, leçon nigérienne

Comment le Nigeria s'y est-il pris pour se débarrasser d'Ebola ? Très rapide identification des contaminés et de ceux qu'ils ont rencontrés (898 contacts pour deux personnes !), isolement. Apparemment, cela n'est pas allé totalement de soi, il a souvent fallu faire preuve de "persuasion". Et le fait que le peuple ait confiance en l'Etat a été probablement un facteur de succès important.

Que peut-on en déduire ?
  • Que ces techniques ne peuvent pas être utilisées là où l'épidémie est installée. 
  • Qu'un Etat en bon état de fonctionnement réagit vite et bien à une épidémie, parce que ses institutions sont bien conçues, parce que leurs membres font preuve d'initiative judicieuse et d'autonomie, et parce que la population lui fait confiance. Selon ces critères d'évaluation, les USA seraient inférieurs au Nigéria, me semble dire l'article. 
(Utile rappel de l'utilité de l'Etat, à une époque où l'on dit qu'il est porteur du mal et que l'entreprise à elle seule fait le bonheur public ?)

Qu’est-ce qui compte le plus dans l’enseignement ?

L’examen de mon cas particulier, me fait dire que ce que l’on doit attendre de l’enseignement, c’est avant tout une éducation de la raison. C'est la capacité de mettre des mots sur notre inconscient. D’avoir une opinion argumentée sur tout. Sans cela on s’expose à être un esclave ou un incendiaire manipulés. Autrement dit, un animal.

C’est le rôle de l’enseignement littéraire de nous apprendre à nous exprimer. Je pense qu’il a connu un succès certain à l’époque de l’Ancien régime. Mme de Sévigné ou le duc de Saint Simon en sont deux exemples marquants. En tout cas, c’est une des mes faiblesses.

L’intérêt d’un enseignement scientifique arrive ensuite. Le danger de la seule expression élégante de son inconscient est le sophisme et l’hypocrisie. La science, si elle est correctement comprise, apporte la rigueur scientifique. A ce point, il reste à affronter les problèmes qu'empêche de masquer une telle morale.

Dans ce cas, c’est peut-être plus la démarche scientifique que la science elle-même, qui est utile. 

lundi 20 octobre 2014

Disparition de la classe moyenne

Communication à l'ONU concernant la croissance des inégalités, leurs causes et leurs conséquences (vidéo). 

Dans les années 80 / 90 la pensée commune voulait que l'on supprime la réglementation et les impôts de façon à libérer la créativité. Cela devait faire la fortune collective. Or, cela a eu une conséquence bien plus évidente : les riches se sont enrichis, mais pas la collectivité. Transfert plutôt que croissance ? Hold up pour gogos ?

Un diagramme que j'ai retenu : la disparition de la classe moyenne. Surprise supplémentaire : l'Angleterre est très en avance sur tout le monde dans ce domaine ; le peloton est emmené par l'Espagne.

La réduction de la classe moyenne anglaise est de l'ordre de 10%.

Evolution politique de la France

Comment modéliser la situation politique de la France ? Voici où ce blog m'amène :
  • La France a été longtemps radicale. En fait jusqu’à de Gaulle. Le radicalisme n’est rien d’autre que la mise en œuvre des idées de la Révolution. Je pense qu’il correspond toujours à l’esprit de la nation. 
  • Les partis de gouvernement actuels me semblent représenter les privilégiés d’hier. D’ailleurs, ils sont ouvertement « anti Lumières » (cf. le postmodernisme de gauche) :
    • D’un côté N.Sarkozy à repris le combat de « la première droite » de la classification de René Rémond (les possédants), la seule à s’être toujours opposée à la Révolution.  
    • De l’autre, la gauche a repris le discours moraliste de l’Eglise catholique (aucun lien avec la religion du même nom) dont l'objet est d’assurer le statu quo en convainquant le peuple qu’il porte une faute originelle (le colonialisme). 
  • Mais le radicalisme est aussi un individualisme, et les égos qui le constituent l’empêchent de rassembler ses forces pour gouverner dans le respect de l'intérêt général. Aujourd'hui, le radicalisme, c'est aussi bien Bayrou, Borloo, Loos, Morin, Rama Yade que Valls ou Rocard.
  • Faute d'union, ses thèses ont été récupérées par le FN, défenseur de tout ce qui est national.
Sacre-coeur-paris.jpg


« Sacre-coeur-paris ». Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.

dimanche 19 octobre 2014

Déflation et politique du pire

Risque de politique du pire. Cela pourrait être le message de la semaine. L’Allemagne est bloquée, bloque l’Europe et le monde. Mme Merkel en est en grande partie responsable. Elle a développé une technique redoutable pour conserver indéfiniment le pouvoir. Elle dit aux Allemands ce qu’ils ont envie d’entendre. En leur faisant croire que cela vient d’elle. Or, les Allemands ne veulent pas bouger. C’est pour cela qu’ils désirent imposer des réformes au reste de l’Europe. Idem aux USA. Les Républicains vont prendre le pouvoir aux prochaines élections et réduire M.Obama à l’impuissance. Il y aurait de quoi s’entendre, mais ce n’est pas dans l’intérêt des extrémistes de chaque bord. D’autant qu’il est possible de réutiliser les techniques mises au point par le subtil B.Obama pour démolir ce qu’il a construit. Idem en Angleterre. Il serait simple de satisfaire les aspirations, modestes, de la population. Elles n’ont rien à voir avec les thèses de Ukip. Partout en Europe, c’est la même chose. « Les populistes ne vont pas prendre le pouvoir (…) Cela laisse le gouvernement entre les mains des partis traditionnels (…) Puisque la zone euro poursuit une intégration de plus en plus étroite pour survivre, cela signifie demander aux électeurs de faire confiance à des institutions qu’ils en sont venus à mépriser. »

La déflation saisit le monde. « La crainte des investisseurs semble être que le monde développé glisse dans la spirale de la déflation (…) La récente faiblesse de l’euro et du yen pourrait être un signe que ces régions exportent la déflation au reste du monde, leurs exportateurs baissant leurs prix pour prendre des parts de marché ». Parmi les conséquences : prix du pétrole en baisse accélérée. Economie mondiale faible donc demande faible et offre en hausse, de tous côtés. Au Japon, les réformes économiques dont on attendait tant de bien plongeraient le pays dans la récession.

Ailleurs, autres crises ordinaires. Les Serbes basculent dans l’autoritarisme. Mais ils organisent des défilés d’homosexuels pour donner le change à l’UE. Renversement d’alliances en Turquie. Le gouvernement lâcherait les Kurdes, devenus alliés des USA, et se rabibocherait avec les généraux, et jouerait les comparses de l’Etat Islamique. Ce dernier réinvente l’esclavage. Le pouvoir syrien est faible. Mais il ne veut pas abandonner, même pour une solution qui lui sauverait la face. Résultat : chaos probable.

L’Irlande élimine une mesure qui permettait aux entreprises (étrangères) de ne pas payer d’impôts. Mais la compense par une contre-mesure. En Inde, M.Modi voudrait rendre fiable son administration avant, éventuellement ?, de libéraliser son économie. (Ce qui me semble sage.)

Ebola. Croissance exponentielle du nombre de victimes. Il devrait atteindre 10.000 par semaine. Compliqué et coûteux (une capacité de traitement de 100.000 lits coûterait de 1 à 2md$ par mois) d’enrayer l’épidémie. D’autant qu’elle attaque en premier les systèmes immunitaires sociaux, c’est-à-dire les personnels médicaux. Il faut des centres de traitement, changer les comportements  des populations et que les vaccins dont on dispose se révèlent efficaces. Puis relever les pays touchés des dévastations subies.

L’électronique européenne relèverait (modestement) la tête « grâce à sa force dans des technologies qui conviennent bien au nouveau monde des objets interconnectés et de consommation ultra basse puissance ». Apple offre un nouveau système de paiement sans contact. Les bénéfices n'en sont pas évidents pour le marché occidental. Mais les normes pourraient être utiles aux pays en développement, où la téléphonie mobile se substitue déjà aux réseaux financiers.

Toutes les prévisions faites au sujet d’Internet étaient fausses. L’univers d’hier n’a rien de différent de celui d’aujourd’hui. « Il y a un monde entre « disruption » et destruction ». Les économistes se sont trompés. Baisser les taux d’intérêt ne stimule pas l’économie ! Ce qui le fait, c’est la perception que les choses vont bien…

La statistique et le changement

il faut critiquer la quantification du monde, puis le requantifier pour le changer. C’est pourquoi la statistique doit être autant vue comme un instrument de la démocratie que comme une institution dont il faut débattre.
Comme tout, les statistiques peuvent être la meilleure et la pire des choses. Elles peuvent permettre de simplifier un problème, de nous montrer où agir. Mais elles peuvent tout aussi bien être outil de manipulation. Dernier exemple en date :
À l’ère néolibérale, le gouvernement cherche moins à protéger les travailleurs ou à se donner les moyens d’un pilotage macroéconomique de la société qu’à mettre en place un système d’incitation. Ce système s’appuie sur la modélisation micro-économétrique ou des techniques de benchmarking (les indicateurs de performance comme les classements ou les palmarès). La spécificité de ces techniques est celle de quantifier en rétroagissant directement sur les acteurs quantifiés.
Bilel Benbouzid, « Quantifier pour transformer », La Vie des idées, 3 octobre 2014. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Quantifier-pour-transformer.html (Recension d’un livre d’Alain Desrosières.)

samedi 18 octobre 2014

Nos enfants sont malheureux

D’après une étude de l’Unicef les enfants français seraient méchamment malheureux.
Les adolescents connaissent, en France, un mal-être dont l’ampleur frappe l’Unicef. (…) 43% des jeunes de 15 ans et plus seraient ainsi en « situation de souffrance psychologique ».
Y a-t-il une réalité derrière ces chiffres me suis-je demandé ? (Une réelle souffrance.) Peut-être : on parle beaucoup de suicide.

En tout cas, tout est surprenant. Les lieux habituels de sécurité deviennent ceux de l’angoisse. Ecole, famille, réseaux sociaux. Mères plutôt que pères. Il y a aussi du prévisible : pauvres plutôt que riches et divorcés plutôt qu’unis.

La liberté qu’a tant voulu 68 a-t-elle été obtenue aux dépens des plus faibles ? 

Pourquoi les Anglais veulent-ils quitter l'Europe ?

L'UE, créature d'un dr Frankenstein anglais?  Les Anglais ont voulu l'ouverture à l'Est de l'UE. Ensuite, ils auraient ouvert leurs frontières à l'immigration. (Alors que la France a attendu 7 ans pour ce faire.) Comme prévu par les théories économiques cela a eu un effet positif sur l'économie anglaise. Seulement, les profits ont été mal répartis. Les riches se sont enrichis. Les pauvres ont perdu leur emploi. Voici ce que disait il y a quelques temps une émission de France Culture. Et voilà pourquoi les Anglais veulent aujourd'hui fuir leur créature. 

En écoutant ceci, je me suis dit deux choses. D'abord, qu'il est curieux que l'Angleterre n'aille pas mieux, alors qu'elle semble avoir réussi tout un tas de coups tordus. Ensuite, je me suis demandé si, un jour, nos dirigeants politiques ne pourraient pas s'adresser à nous comme à des adultes. Et nous dire, par exemple : voilà, nous pensons que le libre échange doit créer la prospérité. Puis discuter de ce que l'on sait des bénéfices possibles de cette mesure. Et, ensuite, décider si nous voulons ou non l'appliquer. 

vendredi 17 octobre 2014

McKinsey réinvente le capitalisme

McKinsey en révolutionnaire ? En tout cas, article très critique vis-à-vis des idées qui tiennent le haut du pavé. Pour lui le capitalisme ce n'est pas le marché. Pas plus qu'il n'est stimulé par la valeur actionnaire. 

Le monde ce n'est pas une machine qui trouve automatiquement son équilibre. C'est un écosystème de forces en interactions. Et le capitalisme est un formidable moyen de résoudre des problèmes. Pas un système optimal de répartition de la misère. Le PIB devrait être remplacé par la quantité de nouveaux problèmes résolus. De combien notre vie s'est elle améliorée cette année ? (Avec une telle définition, nous sommes en dépression depuis belle lurette !) Quant à la maximisation de la valeur actionnaire, hors sujet. Ce qui est rare, c'est la connaissance. Et l'Etat, que l'on disait inutile ? L'économie crée du bon et du mauvais. La démocratie est le système le plus efficace pour faire le tri, et créer des lois qui favorisent le premier et empêchent le second. 

Intéressant point de vue. Probablement proche de ce à quoi je suis arrivé. Mais je demeure attaché à l'idée que la seule mesure de progrès est celle de la faculté de résilience de la société, c'est-à-dire de sa capacité à s'adapter au changement. (Capacité que je ne sais, bien entendu, pas mesurer.)

La force du FN

J'entendais France Culture discuter FN, il y a quelques jours. On disait que sa force venait de ce que, contrairement aux autres partis, il parlait aux électeurs des sujets ayant rapport aux élections en cours, législatives, municipales ou autres européennes.

Une étude semble dire aussi que la force du FN est d'être relativement modéré ! Ce qui lui permet de maintenir en son sein de multiples courants apparemment opposés, qui vont de certaines thèses associées à la gauche, à l'Algérie française. 

En tout cas, la gauche parait avoir joué le rôle de l'arroseur arrosé. Pierre Bérégovoy aurait déclaré « On a tout intérêt à pousser le Front national, il rend la droite inéligible. Plus il est fort, plus nous sommes imbattables. C’est la chance historique des socialistes ». Le FN avait "150 adhérents à jour de cotisation en 1982"...

(Vient de : Ismaïl Ferhat, « Front national, un parcours sinueux », La Vie des idées, 10 octobre 2014. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Front-national-un-parcours-sinueux.html. Recension d'un livre de Valérie Igounet.)

jeudi 16 octobre 2014

Ebola et le changement

L'Occident pensait être à l'abri d'Ebola. Ce n'est peut-être pas le cas. La raison pourrait en être une question de changement. 

Il est assez facile de se défendre d'Ebola, si je comprends bien. Il faut se protéger des sécrétions corporelles des personnes contaminées. Ce qui demande un équipement peu coûteux et quelques procédures apparemment simples, mais contraignantes. Ce que révèlent les morts de personnels soignants, c'est que ces procédures ne sont pas parfaitement respectées

Ce qui me ramène à mon expérience du changement. Un changement mal mené produit ce genre de résultats. Il va trop loin, parce qu'il détruit ce qui semble superflu. Or, ce superflu est utile en cas de crise. Il suscite aussi  du stress, et ce souvent à dessein, en pensant que le stress produit la performance. Or, la sérénité du personnel est essentielle pour bien réagir à l'aléa. D'où une question : les réformes de l'Etat occidental ne vont-elles pas trop loin, ou au mauvais endroit ? 

Silicon Valley : rendements décroissants ?

La Silicon Valley connaîtrait-elle le phénomène des rendements décroissants ? C'est ce que semble dire un article. Il faut de plus en plus d'énergie pour produire de moins en moins ! Les idées qui l'ont portée cette dernière décennie seraient en fin de course. 

L'article semble croire que l'on aura bientôt une autre vague d'innovations. Mais est-ce certain ? Y a-t-il les découvertes fondamentales qui puissent fournir le matériau de base dont a besoin la silicon valley ? Après tout, son origine, c'est le silicone, l'invention de l'électronique... 

mercredi 15 octobre 2014

Le gratuit et la crise

Pour combattre le vieillissement, j’ai décidé de réapprendre du vocabulaire anglais. Je note les mots que je ne connais pas. Je cherche leur signification. J’en ai toujours eu l’envie. Mais utiliser un dictionnaire m’épuisait. Avec Internet, c’est bien plus simple. Voilà un usage que j’avais sous-estimé parce qu’il était gratuit. Et pour lequel j’aurais été prêt à payer.

Ce qui m’amène à une question. Et si notre crise était liée au gratuit ? Que beaucoup de choses soient gratuites dans le monde Internet a mis en faillite les entreprises existantes en les remplaçant par un ersatz de peu de valeur perçue. Beaucoup de destruction qui ont accouché de quelques souris : Google et autre Facebook.

Mais pouvait-on faire autrement ? J’en reviens aux idées de François Bourgeois. L’innovation aurait été utile à l’humanité si elle avait été adoptée par l’économie existante. Mais celle-ci, toute occupée de maximiser la valeur actionnaire (qui se trouve entre les mains des dirigeants et des fonds d’investissement), s’est opposée au changement. Pour s’imposer, les forces de l’innovation ont dû employer les grands moyens. Ceux de la spéculation. Ce fut la bulle Internet, pour commencer. Emmenées par le génial Goldman Sachs, elles nous ont convaincus que tout devait être gratuit. Au fond, comme dans toutes les batailles du Moyen-âge, la piétaille a été la victime d’un affrontement entre frères ennemis. 

Condorcet

Condorcet fut un « mouton enragé ». Intellectuel timide et maladroit, orateur inaudible à une époque de tribuns, il n’en fut pas moins une sorte d’extrémiste forcené qui se fit beaucoup d’ennemis. A commencer par ceux de sa caste d’origine.

Petite, mais vieille, noblesse. Pauvre. Jeunesse mal connue, mais apparemment triste. Il découvre les mathématiques. Elles seront son refuge et la passion de sa vie. Elles lui font connaître la gloire. Les philosophes des Lumières l’accueillent comme l’un des leurs. A une époque où la science et le progrès sont une sorte de folie collective, il acquiert une réputation de rock star, une considération universelle. Il accède au pouvoir avec son ami Turgot, devenu ministre. Il brûle d’appliquer la science au gouvernement du pays. Mais soit que les bénéfices soient trop longs à se manifester, soit que la dite science ne soit pas totalement au point, Turgot est remplacé par Necker. Du libre échange on passe au protectionnisme exigé par le peuple. Puis c’est la Révolution. S’il ne parvient jamais à se faire entendre, Condorcet va y jouer un rôle de premier plan par ses écrits et le respect que l’on porte à sa réputation scientifique. Il travaille d’ailleurs jour et nuit. Il sera le précurseur de beaucoup de nos idées modernes. Il est, avant tout le monde, républicain (les révolutionnaires seront longtemps favorables à une monarchie constitutionnelle), contre la peine de mort, pour l’égalité des hommes et des femmes. C’est aussi le père du système éducatif qui fut l’âme de notre pays, jusqu’à récemment. Le mouton enragé accompagne la marche de la révolution vers la gauche. Longtemps proche des Girondins, il les abandonne pour se rapprocher de Danton. Car son dernier combat sera contre la désunion des Révolutionnaires, et, pour cette raison, contre Robespierre. Ce qui lui vaudra la haine de ce dernier. Et de mourir, épuisé, en prison. Les nobles idées du « dernier des philosophes » des Lumières n’ont pas pesé lourd face à la folie des hommes. 

(Elisabeth et Robert Badinter, Condorcet, Le livre de poche, 1988. Par ailleurs, Condorcet aurait été un précurseur de la sociologie et de l'économie moderne.)

mardi 14 octobre 2014

Mauvais exemple allemand

Décidément le modèle allemand est critiqué... Un économiste germanique explique, dans le FT, que l'économie du pays ne fonctionne que par l'exportation. Et surtout que cette exportation demande un taux de croissance énorme du reste du monde. La croissance émergente s'étant effondrée, l'Allemagne se prépare de tristes lendemains.

Va-t-elle réagir ? Non. Le seul indicateur qui compte pour elle est celui du chômage. Il n'a jamais été aussi bas. Surtout, plus ça va mal, et plus elle est convaincue qu'elle a raison.

En tout cas, j'ai l'impression que le pays fait l'objet de critiques de plus en plus unanimes. Pourra-t-il y rester longtemps sourd ?

La mathématique sociale du marquis de Condorcet

Et si Condorcet était le père de l’économie moderne ?, me suis-je demandé.

Condorcet fut le « dernier des philosophes ». Il a été adoubé par Voltaire et d’Alembert, il a correspondu avec Frédéric II. Dès sa jeunesse il est reconnu comme un immense mathématicien. Son prestige est énorme, mondial. Et pourtant contrairement à des Euler, Laplace ou Lagrange, qui sont ses contemporains, il n’a pas laissé grande trace dans les livres de cours.

En fait, il n’a rien inventé, il a utilisé les outils de son temps. En particulier les travaux de Bayes, qui permettent d’estimer la probabilité d’un événement à partir d’observations sur sa fréquence de survenue dans le passé.

Il pensait que l’histoire était la marche de la raison se dégageant de l’obscurantisme. Il a voulu accélérer ce phénomène, si je comprends bien, en concevant la « mathématique sociale ». C’est peut-être bien la science de la décision pour l’action ou « pragmatique ». Un procédé qui permet de prendre les décisions les meilleures possibles. Son idée semble avoir été la suivante.

Tout d’abord, les mathématiques seraient une forme de langage, dégagé de ce qui produit la confusion du langage ordinaire. L’homme habile peut ramener la clé de voûte de tout problème à une formulation mathématique. Les économistes modernes parleraient de « modélisation ». Tout phénomène peut être modélisé par la raison. Les probabilités permettent alors d’estimer, à partir de l’observation, les paramètres constitutifs du modèle. Et donc de prendre une décision qui minimise le risque d’erreur.

Tout ceci s’accompagne de techniques qui permettent de clarifier le débat. Symbolique mathématique d’une part (pas au point à l’époque), mais aussi, statistiques et techniques de représentation de données, telles que les tableaux ou les courbes (pas plus au point).

En économie, Condorcet serait qualifié aujourd’hui de libéral. Il était l’ami des physiocrates et d’Adam Smith, dont sa femme a traduit les travaux. C’était un homme de libre échange et de laisser faire. Mais ce qui me frappe surtout c’est sa proximité avec l’économiste moderne. En particulier avec la démarche méthodologique d’Arrow, seul économiste dont j’ai regardé les travaux. (Arrow a traité du paradoxe de Condorcet, mais, apparemment, en l’attribuant initialement à quelqu’un d’autre et sans avoir lu les travaux de Condorcet.)

Son argumentation s’appuie sur une démonstration mathématique incompréhensible supposée la prouver. Cela peut très vite tourner au sophisme mathématique. Car ce raisonnement compliqué masque des hypothèses implicites, qui représentent un a priori idéologique. (Ce que la « raison » nous permet de voir c’est ce que notre culture y a semé. Pas la vérité absolue, pour peu qu’elle existe. Voici ce que mon idéologie propre, appuyée par les travaux d’anthropologie, me fait penser.)

L’erreur se manifeste dès ses premiers travaux en physique. Il a voulu appliquer cette technique au problème des trois corps. Mais toute sa démonstration repose sur une hypothèse fausse : une équation polynomiale est soluble par radicaux.

Sa théorie du vote semble victime du même biais. Pour lui le vote est une méthode de recherche de la vérité. Il fait l’hypothèse que la société est constituée d’individus indépendants les uns des autres. Ce qui l’amène à une contradiction, le fameux paradoxe de Condorcet. Mais il ne semble pas l’avoir ému. En fait, il fait tout pour combattre la dimension systémique de la société. Ainsi, ses travaux l’amènent à envisager que les acteurs s’influencent les uns les autres. Ce que son rôle, quelque peu pitoyable, dans la Révolution lui a permis d’observer. Il en arrive à entrapercevoir ce qui va devenir la théorie des jeux. Mais il cherche surtout à éviter que cette situation puisse se produire.

Curieusement, ce que montre Gilles-Gaston Granger, c'est que, non seulement Condorcet n'a rien découvert, mais que, surtout, il a négligé toutes les idées révolutionnaires sur lesquelles débouchaient ses travaux...

Condorcet, djihadiste de l'individualisme libéral ?

GRANGER, Gilles-Gaston, La mathématique sociale du marquis de Condorcet, Odile Jacob, 1989.

lundi 13 octobre 2014

Dangers des réformes de l'Etat

Lettre de l'Agence de la Biomédecine. Elle me demande de faire un don de moelle osseuse. Il se trouve que j'en discute actuellement. En effet, comme toute l'administration, elle est l'objet de réformes visant à réduire son budget. En 4 ans, il a été diminué de l'ordre de 20%, à service constant. Un départ à la retraite sur deux n'étant pas remplacé, de surcroît. 

Curieusement, on ne s'est pas intéressé aux impacts possibles de ces économies. Quelles sont les enjeux ? A titre d'exemple, la greffe de reins, que coordonne l'Agence. Il y a 12.800 personnes en attente d'une greffe. Ces personnes peuvent subir 3 dialyses par semaine à 5000€ la dialyse. Soit de l'ordre de 800.000€ par an. Sans compter que leur activité économique s'en ressent. Une greffe coûte 150.000€. L'Etat ne joue-t-il pas avec le feu ?, peut-on se demander. D'ailleurs, au lieu de chercher à faire des économies de bouts de chandelle, ne serait-il pas judicieux d'accélérer les greffes ? (Le facteur bloquant serait le don d'organes.) Il y a des milliards à gagner ! D'autant que, quelque-peu perfidement, l'Etat demande à l'ensemble de l'Agence de réduire son budget total. Or, son activité cellules souches (>50m€) couvre ses frais sans subvention de l'Etat ou de la Sécurité Sociale. L'activité greffe en elle-même ne représente qu'une vingtaine de millions. 

En fait, l'Etat n'est pas sans une certaine habileté machiavélique. Tout d'abord le sens des réformes qu'il mène depuis la LOLF est le contrôle de gestion de ses dépenses. Il le fait dans la règle de l'art. Ensuite, parce qu'il ne conduit pas le changement uniquement en imposant ses lois. D'en haut. Il infiltre dans chaque unité ses hommes. Ce sont eux qui dirigent le changement. Enfin, au moins dans le cas de l'Agence, parce que toute dégradation du service conduit à une augmentation brutale des dépenses de la Sécurité Sociale, elle réagit immédiatement. Le système présente donc une forme de robustesse.

(De telles économies seraient-elles à l'origine des dysfonctionnements du système de santé espagnol, et d'un mort par Ebola ?)

Conférences Macy

Découverte : les conférences Macy. Un sujet qui devrait me toucher. De 46 à 53, tout un tas de gens que j’ai découverts en étudiant le changement se réunissent dans ces fameuses conférences. Ce sont les éminences de la systémique, ou, plutôt, de la cybernétique.

Mais, là où les choses prennent un tour que je n’avais pas prévu, c’est qu’ils semblent avoir une idée derrière la tête. Ils cherchent à faire triompher le modèle américain sur le soviétique. Et ce modèle, c’est le conservatisme et l’individualisme. Son ennemi ? La prétention que l’homme peut changer son sort.

Ce qui plait dans la cybernétique, ce sont ses boucles de rétroaction. Ce qui qui garantit l’homéostasie. Elles signifient que l’équilibre, c’est le bien. Que c’est l’homme qui doit s’adapter à la société, et pas l’inverse : « à un moment où l’innovation sociale était découragée, ces idées fournissaient aussi une explication réaliste de la société, centrée sur ce qui est et non sur ce qui fut ou pourrait être, en grande partie indépendante de la volonté humaine, dans laquelle les individus devaient s’adapter à l’état des choses, décourageant toute forme d’action sociale ayant pour objectif le changement. »

Encore plus inquiétant : « puisque les guerres commencent dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que la défense de la paix doit être construite ». En outre, cette période est le triomphe de la machine et de l'ingénieur. On pense que l'homme, lui aussi, peut-être programmé. Qu'il y a, quelque part, un levier sur lequel jouer pour le rendre pacifique. 

Ces conférences furent-elles un événement isolé, ou appartiennent-elles à un mouvement général ? Et si la société des Trente glorieuses avait résulté d’une volonté de conditionner l’être humain (par la cybernétique ou autre). Du désir de nous transformer en moutons ? Projet qui aurait, au moins partiellement, réussi ?

(Mes citations viennent d’ici.)

dimanche 12 octobre 2014

Calme avant la tempête ?

En Italie, M.Renzi tente de faire passer des réformes. Il veut convaincre Mme Merkel de sa bonne volonté. Afin qu’elle fasse un geste. Sinon, c’est la chute libre. La France, elle, ne fait même pas semblant. Ce qui énerve considérablement ceux qui se sont serré la ceinture. Particulièrement les petits pays. La Grèce a une énorme économie souterraine. Le meilleur moyen de la faire se dissoudre serait une reprise de la croissance. Ebola tue en Espagne. Les économies budgétaires auraient-elles affaibli son système de santé ? Partout Ebola fait peur. Si bien que l’on prend des mesures qui pourraient bien accroître les risques. (Par exemple en interdisant certains vols, ce qui amène les voyageurs à adopter des moyens de transport que l’on ne contrôle pas.) En Ukraine, la paix est guerrière. Mais personne n’a intérêt à ce que le conflit reparte. Si c’est le cas, ce sera le chaos. En attendant, l’Ukraine et le Vénézuéla devraient connaître la faillite. A Hong Kong, le gouvernement chinois espère que le temps va endormir les manifestants. Mais ceux-ci auraient la population de leur côté. En Belgique, un nouveau gouvernement est nommé. Le parti séparatiste flamand ne demanderait plus l’indépendance, mais des réformes économiques. La situation reste explosive. Le Moyen-Orient était fait de régimes féodaux. La disparition des pouvoirs centraux (victimes du printemps arabe ou de l’Occident) a laissé libre cours aux guerres de milices. En Chine, l’expérimentation de la zone de libre échange de Shanghai aurait accouché d’une souris. Les bureaucrates locaux, pris de panique par la campagne anti-corruption de M.Xi seraient paralysés. D’une manière générale, le pays semble dans la situation du Japon des années 80. Il ne parvient plus à gagner en productivité. Les Israéliens rêvent de Berlin. La vie y est moins dangereuse et moins chère que chez eux. M.Obama a tellement peur des conséquences imprévues de ses actes, qu’il ne fait plus rien. Ce qui aura des conséquences graves, dit un de ses proches.

Enfin une bonne nouvelle pour l’Europe ? Le dollar s’enchérirait. Ce qui serait bon pour nos exportations. Mais mauvais pour les pays émergents, que les investisseurs pourraient fuir. Mais l’Amérique pourrait accuser l’Allemagne, grande bénéficiaire et hyper excédentaire, de lui voler des emplois. Le Luxembourg n’est pas qu’un paradis fiscal. Il présente beaucoup d’intérêts pour beaucoup de gens riches. Les milliardaires français construisent des musées privés.

L’adoption de la télémédecine serait bloquée par le fait qu’elle demanderait la réorganisation de la médecine. Ça va mal pour l’industrie pétrolière. Les prix du pétrole baissent, les coûts augmentent. Alors elle abandonne ses mégaprojets (forages en eau profonde et Arctique) et parie, comme un seul mouton, sur le gaz de schiste. Pas de chance, car « si le prix du pétrole continue à baisser, pas même le miracle américain du schiste en sortira indemne ». Ça va mal pour l’industrie automobile. Comme un seul mouton, elle parie sur le haut de gamme. Malheureusement, « les automobilistes n’apprécient pas assez la marque des constructeurs de masse pour vouloir leur acheter plus que des modèles de base ». 

Le Lean d’Hitachi consulting

Brochure d’Hitachi consulting (la division conseil d’Hitachi). Cela parle de Lean. Je crains le pire. Un discours de consultant convenu.

Mais ça commence bien. Elle cite ma référence préférée : The machine that changed the world. L’étude du MIT qui est à l’origine du terme. Elle se poursuit encore mieux. En attaquant notre façon (occidentale) de mettre en œuvre le Lean. Avec l’exemple d’un client, fabricant automobile (!). Il a beaucoup investi dans le Lean, sans résultat. « Pour beaucoup, Lean est une façon branchée de dire balayer l’atelier ou réduire les coûts. » Pour que le Lean fasse des miracles, il faut faire simple. Et surtout comprendre que le leadership doit venir d’en bas, alors : « la motivation des employés, leur créativité, travail d’équipe, fierté atteint des sommets, et l’amélioration continue devient un constituant de la culture du travail quotidien ».

samedi 11 octobre 2014

Jean-Charles Naouri

Enchaînement d'idées. On me parle de Casino. Cela me rappelle qu'il est dirigé par Jean-Charles Naouri. Et que j'ai lu dans ma jeunesse qu'il a fait des études brillantes. Il aurait même égalé l'inégalable Henri Poincaré au concours de Polytechnique. Mais il aurait choisi Normale sup.

Du coup, je suis allé voir ce qu'en disait Wikipédia. Ensuite, il est devenu inspecteur des finances, a travaillé pour Pierre Bérégovoy et "il est l'architecte de la dérégulation des marchés financiers en France en allégeant le contrôle des changes et en supprimant l'encadrement du crédit" précise Wikipedia. Puis il rejoint Rothschild, crée son fonds d'investissement, et devient milliardaire. 

Quel gâchis de talent, me suis-je dit. Ce qui est révélateur de mes valeurs !

(Les flambeurs du Crédit Lyonnais, publié par le Canard enchaîné, affirme qu'il aurait profité des déboires du Crédit Lyonnais, comme d'autres grandes fortunes françaises, par ailleurs.)

Napoléon a-t-il nui à la France ?

Napoléon a fait de la France une puissance de seconde division, dit The Economist.

Je ne suis pas si sûr que ce soit sa faute. Ce qui s'est joué à son époque a été la lutte de l'absolutisme contre la démocratie. Une France révolutionnaire était un scandale qu'on ne pouvait permettre de subsister. (C'est d'ailleurs peut-être pour cela qu'elle est toujours aussi faible et haïe. Elle est encore porteuse de valeurs abhorrées.) La seule transition acceptable était, me semble-t-il, une sorte de monarchie à l'anglaise. Louis XVI l'a refusée. Et Napoléon s'étant pris pour Alexandre, il ne pouvait terminer que comme lui. Et la France aussi.  

vendredi 10 octobre 2014

Que produit l’enseignement français ?

L’enseignement que délivre l’Education nationale est en grande partie inutile, ai-je dit précédemment. Je pense que cela a une conséquence inattendue. L’élève n’est pas dupe. Il n’a aucun respect pour son professeur. Un tel enseignement développe l’esprit critique et entraîne l’élève à la méfiance. C’est le début de la liberté.

Cependant, cela a un gros inconvénient. L’homme devient cynique. Il rejette tout en bloc. Le dangereux, comme ce qu’il pourrait utiliser à son profit. Il est passif. Il n’agit pas. Il est incapable d’une action politique constructive. Et c’est pourquoi, finalement, il se fait manipuler. 

De l’intérêt de nourir les pauvres

Quelqu’un me disait récemment qu’il avait rencontré un éminent personnage qui lui avait tenu des propos assez nettement à droite des opinions du FN. (Ce qui est apparemment courant dans ces milieux privilégiés.) Arrêtons de nourrir les miséreux lui a-t-on dit, en particulier.

Ce à quoi il a répondu que, si on le faisait, il faudrait renforcer la police et l’armée. Ce qui coûterait bien plus cher que la Sécurité Sociale. Il a convaincu son interlocuteur. 

jeudi 9 octobre 2014

Qu’est-ce que l’autorité ?

Débat mystérieux. Depuis quelques-temps j’entends parler « d’autorité ». On s’étripe en son nom. Et c’est un très vieux débat. Hannah Arendt en parle déjà en 1961. Voici ce que j’ai fini par comprendre.

L’autorité est de droite. Elle signifie qu’il y a une forme de bien, que l’homme ne le connaît pas spontanément, et qu’il faut le lui enseigner, sans faire appel à son libre arbitre. La gauche se révolte. Totalitarisme ! L’homme naît avec une personnalité et des talents, qu’il s’agit de développer.

Comme d’habitude, je pense que gauche et droite ont à la fois tort et raison. Elles ont raison lorsqu’elles critiquent la théorie adverse, mais faux lorsqu’elles croient détenir la vérité.

Pour ma part, je suis favorable à la théorie de Maslow. Pour lui l’homme est comme un arbre. Au début, il faut le nourrir, le protéger. Ensuite, il donnera ce qu’il est le seul à pouvoir donner.

Cependant, l’application de tout ceci est compliquée. La phase autoritaire doit être bienveillante, et non un lavage de cerveau. En outre autorité ne signifie pas qu’enseignement d’un savoir, c’est aussi fournir des conditions favorables à l’apprentissage. Une salle de classe ne peut pas être un chaos.

Aujourd’hui on a probablement le pire des mondes. L’enseignement est à la fois terriblement dogmatique, et vide de sens, il déforme plus qu’il ne forme et, en même temps, il est sans autorité.  

(Suite de mon billet sur Michel Serres. Par ailleurs, la meilleure façon d'interpréter ces théories est probablement comme des sophismes qui visent à défendre un intérêt.)

Michel Serres en gauchiste ?

Je tombe sur un article qui explique les théories de Michel Serres simplement. Loin de l’image de gentil grand père que j’avais en tête, je découvre un Michel Serres révolutionnaire. Voici ce que je comprends.

Il penserait que la menace écologique qui plane sur l’humanité va faire oublier à l’homme son individualisme. Il doit redécouvrir son lien au monde, ce qui passe par l’expérience individuelle. L’enseignant n’enseigne donc plus. Il aide l’individu à cultiver ses talents, à s’épanouir. L’enfant n’est pas vu comme quelqu’un qui doit apprendre, mais comme quelqu’un qui sait ! On retrouve ici le débat, si mystérieux pour moi, sur l’autorité.

Voilà une théorie qui me semble bien dangereuse. D’abord parce que c’est une théorie. Vice français. M.Serres prétend connaître l’avenir, nous dicter la seule bonne façon d'agir. Or, il me semble que l’avenir est imprévisible, et que le déterminisme est une cause perdue.

Mais surtout, ce type de théories a inspiré les formateurs des pauvres. Les riches, eux, en sont restés à l’autorité. C’est pourquoi ils se sont enrichis. La société a ses règles. Les ignorer c’est se condamner à être un looser.