vendredi 31 juillet 2015

Quatre idées pour faire réussir une réorganisation

Une entreprise se réorganise. Vous dirigez une équipe. Que faut-il faire dans ces conditions ? Question que me pose un journaliste. Je lui ai dit que je ne croyais pas aux conseils. Chaque situation est spécifique. Et partir sur des idées préconçues rend sourd aux réalités. Je lui ai donc proposé d'analyser mon expérience, pour voir si l'on y trouvait quelque chose d'utile. Exercice bancal et périlleux. Voici quelques idées qui en sont sorties et que je note avant de les avoir oubliées...

Première idée : écouter avant de parler (!). Les dirigeants que j'ai rencontrés tendaient à transmettre, par leur discours, des inquiétudes qui leur étaient propres. Or, elles n'étaient pas celles de leurs équipes. D'où panique. Surtout les dites équipes avaient des problèmes qui étaient faciles à résoudre par les dirigeants. 
Une technique d'écoute est, simplement, de faire faire, par ses collaborateurs directs un "audit de dysfonctionnement" : qu'est-ce qui ne va pas ? Généralement, il ne sort pas grand chose de compliqué. Des questions mineures mais frustrantes. Mais la démarche a souvent un gros bénéfice : elle permet à tous de s'exprimer et elle montre qu'on est à leur écoute, ce qui est très apprécié.

Deuxième idée : faire le contraire de ce que l'on pense. Exemple du plan de licenciement.
  • Ce que les gens avec qui j'ai travaillé sur cette question pensaient c'est 1) je suis coupable de ne pas avoir été licencié ; 2) il faut travailler plus avec moins de moyens. Cercle vicieux résultant : on se jette à corps perdu dans des activités inutiles. L'entreprise entre dans un mouvement brownien qui bousille la vie des gens. 
  • Le contraire : 1) il y a eu réorganisation, donc on travaille normalement, mais différemment ; 2) le plan de licenciement a appliqué des règles justes. Ce qui demande au responsable de bien comprendre la logique du plan. Je lui conseille d'ailleurs, s'il en arrive à penser que 1) et 2) n'ont pas été respectés, de partir. 
Pour éviter le mouvement brownien, une technique efficace est de faire une revue d'emploi du temps. On découvre systématiquement que l'on fait des choses qui ne servent à rien, ou qui n'ont aucune priorité. J'ai vu des remises en ordre qui réduisaient de 50%, parfois plus, les emplois du temps de managers surchargés.

Troisième idée : libérer 50% de son temps. Pour 1) être à l'écoute (passer un peu plus de temps que d'ordinaire avec ses collaborateurs de façon à entendre les signaux faibles de leurs inquiétudes) ; pouvoir réagir en cas de difficulté. 

Quatrième idée : indicateur de succès = optimisme. Regarder la tête des gens. Demander à ceux qui ne sont pas dans leur assiette, ce qui ne va pas. Et les aider à se tirer d'affaire. L'optimisme est communicatif. J'ai remarqué que dès que les trois ou quatre inquiets majeurs retrouvent le sourire, le mouvement est enclenché, le changement est réussi. 

Marre des livres de management

Je lis actuellement des livres de management. Ils expliquent comment l'on doit organiser l'entreprise. Eh bien, j'en ai marre de ce type de livres. Je n'ai rencontré que cela toute ma vie. Ils ne sont que de l'utopie, et l'utopie produit, à des doses plus ou moins fortes, le totalitarisme. 

Je crois qu'il n'y a que l'expérience qui vaille. Or, elle a tout de même quelque-chose de remarquable, c'est que l'on peut s'inspirer de l'expérience des autres. Ce qui ne va pas de soi, lorsque l'on y réfléchit bien. En effet, pourquoi les circonstances que nous rencontrons sont elles "suffisamment" similaires à celles qu'a connues un de nos contemporains pour que l'on puisse suivre ce qu'il nous dit ? C'est une question que je me posais à l'époque où je travaillais avec les fabricants de bouteilles. Le sable est quelque-chose de remarquablement hétérogène. Et pourtant, chauffé il donne toujours du verre d'une certaine qualité. Idem pour le blé, la farine et le pain. Idem pour l'homme, unique, et la médecine, générale. 

jeudi 30 juillet 2015

Dis-moi ce que tu écoutes...

Etes vous une personne d'empathie, ou de "système" (celui qui cherche les règles qui sous-tendent un phénomène) ? Des chercheurs de Cambridge ont trouvé que cela est corrélé à la musique que vous écoutez...
Fortement empathique : 
  • Hallelujah – Jeff Buckley 
  • Come away with me – Norah Jones 
  • All of me – Billie Holliday 
  • Crazy little thing called love – Queen  
Fortement systémique : 
  • Concerto in C – Antonio Vivaldi 
  • Etude Opus 65 No 3 — Alexander Scriabin 
  • God save the Queen – The Sex Pistols 
  • Enter Sandman – Metallica
Choix difficile pour un homme de changement, car le changement est une question d'empathie et de systèmes, alors qu'ici ils semblent en opposition... En tout cas, si je suis capable de tout absorber, je suis plus empathique que systémique... 

L'homme victime d'inégalité

Voici ce que donnent les résultats du bac 2015 (S, ES et L). Gauche : pourcentage par rapport aux inscrits au bac. A droite pourcentage par rapport à la classe des 18 ans. Colonne centrale : les mentions.

59,8% 56,3%
Filles
Garçons
Filles
Garçons
9,1% 6,3% TB 5,4% 3,5%
16,8% 13,2% B 10,0% 7,4%
28,4% 26,4% AB 17,0% 14,9%
54,2% 45,9% Mention 32,5% 25,8%
30,4% 32,8% Passe 18,2% 18,5%
11,7% 13,8% Rattrapage 7,0% 7,8%
4,6% 8,7% Recalé 2,8% 4,9%

Conclusion : les filles réussissent bien mieux que les garçons. Et c'est là qu'il y a quelque chose de bizarre. Car, partout on nous parle de ces pauvres femmes maltraitées. Mais, on ne nous dit pas lorsque l'inégalité s'inverse. Aujourd'hui, ce sont les hommes qu'il faut défendre !

(En fait, l'homme conserve un atout : il est probablement plus combatif que la femme. Ainsi, alors qu'il y a significativement moins d'hommes que de femmes qui se présentent à HEC, il y a significativement plus d'hommes que de femmes qui y entrent.)

mercredi 29 juillet 2015

Le déclin de la critique de film

La critique de film, phénomène très français : émission de France Culture, dimanche dernier. J'en retiens que la critique est quasiment aussi vieille que le film, qu'elle a été particulièrement forte en temps de guerre. Mais qu'elle s'est séparée de l'opinion quand elle a désavoué La grande vadrouille. Depuis, c'est le déclin. Il n'y a plus de grands critiques que l'on écoute religieusement. Tout le monde est devenu critique, et c'est consternant. 

Je me suis demandé si cela ne ressortissait pas à la fameuse "crise de l'autorité", dont on parle tant, et si ce n'était pas liée à la "massification de l'enseignement supérieur". Justification : l'intellectuel a perdu son monopole de la pensée ; on s'est peut-être rendu compte que ce qu'il disait souffrait de biais idéologiques.

Comment reconstituer cette autorité ? Peut-être en deux temps : 1) il faut retrouver des bases de jugement séduisantes, travail de recherche ; 2) il faut être connu. Tout cela peut demander beaucoup de temps. Cela signifie peut-être qu'une condition nécessaire pour se constituer une autorité est de posséder une fortune personnelle. L'autorité aux héritiers ?

Qu'est-ce que la science

Une nuée de littéraires se sont proclamés scientifiques. En particulier sociologues ou anthropologues. Cela est lié au courant du "postmodernisme", semble-t-il. Exemple : Bourdieu. Leur objectif : utiliser la science au service de leurs convictions. Voilà, petit à petit, ce que j'ai aperçu, en écrivant ce blog.

Ils ont transformé la science en son envers. Ils ont cru que la forme du raisonnement justifiait le fond. La science comme cocon de l'argument d'autorité, en quelque-sorte. Pour eux, elle doit démontrer leurs a priori, elle est basée sur la certitude. Alors que, dans son acception usuelle, elle est la découverte du neuf, et elle est fondée sur le doute. Pour Karl Popper, elle se caractérise par des prévisions "falsifiables", il est possible de les tester, et de découvrir qu'elles sont fausses. C'est cela l'honnêteté intellectuelle. C'est savoir que ce qui nous semble juste pourrait être faux. C'est la prudence ?

Et c'est aussi pour cela que l'économie est une science. En dépit de tout le mal que j'en dis, les économistes ont essayé de démontrer que leurs préjugés étaient justes. Cela n'a pas marché. Ce qui fait avancer la recherche

mardi 28 juillet 2015

The Economist est en vente

The Economist est en vente, ai-je lu il y a quelques jours. (Article du Financial Times.) Le groupe Pearson, actionnaire depuis 1957, et qui possède 50% de ses actions, cherche un acquéreur. Il a déjà vendu le Financial Times. 

Selon moi, il n'a probablement pas tort. Car The Economist est sur la pente descendante. Il est victime, en décalé par rapport à la profession, de la révolution numérique. Ses revenus publicitaires disparaissent. Mais le plus intéressant n'est pas là. The Economist a un système qui lui garantit l'indépendance de pensée. Des "trustees" s'assurent qu'il ne subit aucune pression de ses actionnaires. D'où deux remarques :
  1. Ce modèle ne pourrait-il pas être adopté par les journaux français ? 
  2. Ce dispositif rend difficile la vente, puisque l'actionnaire a peu de pouvoir. En outre, il transforme les journalistes en rentiers, opposés à tout changement. Effectivement, le titre subirait une grosse décote : The Economist ferait deux fois les bénéfices du FT mais vaudrait autant.
Et deux idées :
  1. Pourquoi ne pas entrer en bourse ? Le petit porteur n'a aucune velléité de contrôle de l'entreprise. Et ses critères d'investissement sont irrationnels. Love money.
  2. Il y a peut-être du travail pour un activiste. Celui qui parviendrait à entrer dans le groupe, à démonter le système assurant son indépendance d'écriture pourrait faire rapidement une plus-value de 400m£. 

Pourquoi ça ne marche pas ?

J'entends dire partout que "rien ne marche". C'est vrai pour tout, la France et ses hommes politiques, les cyclistes qui passent au rouge, ou les enfants qui ne font pas ce qui est bon pour eux. 

L'exemple des enfants. Un élève dit à Jean-Paul Brighelli, normalien supérieur : à quoi bon perdre mon temps au lycée, je gagne déjà plus que vous ? Idem pour le fils d'un ami : pourquoi bousiller ma jeunesse à faire polytechnique, comme toi, alors que je me débrouille très bien sans cela ?

Dans ces histoires, qui est le plus intelligent : l'élite de la nation, ou l'enfant ? Notre action résulte de notre interprétation des événements, et cette interprétation n'est pas gratuite. En effet la société est un système. Comme tout système, elle nous code pour que nous suivions ses règles et ne la fassions pas changer. Mais sont-elles dans notre intérêt ? Et si c'était ce lavage de cerveau qui nous faisait échouer ? Voir les choses différemment transforme l'image que nous avons du monde. 

(Sa grand mère disait à mon grand père : pourquoi ferais-tu des études, nous n'en avons pas fait, mais nous avons réussi ?)

lundi 27 juillet 2015

Le haut technocrate bloque le changement

Avant guerre, ou plutôt à l'époque de Vichy ?, il y a eu un consensus parmi les hauts technocrates, du type du consensus de Washington : ils savaient comment organiser la société. Pour assurer son bonheur il fallait lui appliquer les conseils de la science. Cette idée a triomphé après guerre, à une époque où le changement consistait à reconstruire l'économie et à diffuser les découvertes faites durant la guerre. 

Mais aujourd'hui, cela ne va plus. Le technocrate applique des techniques que d'autres ont inventées. Or, elles ne fonctionnent pas. Il faut en trouver de nouvelles. Le technocrate doit se faire enquêteur. Et il doit être guidé par l'intérêt de l'organisation qu'il dirige. Changement douloureux ?

Les enjeux de la transformation numérique selon Paul Krugman

"Uber apporte deux choses au marché des taxis. L'une est la révolution du smartphone (...) L'autre est l'entreprise dont les travailleurs sont supposés être des entrepreneurs, pas des employés, ce qui exempte la dite entreprise des réglementations conçues pour protéger les intérêts des employés." dit Paul Krugman. "Il est sûrement possible de séparer ces deux problèmes, de favoriser l'utilisation de nouvelles technologies sans porter atteinte aux intérêts des travailleurs."

Paul Krugman formule un des grandes questions de notre temps. Depuis les débuts de la révolution industrielle, et ses métiers à tisser, le progrès technique s'est imposé contre l'homme. Et l'on a trouvé cela normal. Et si, maintenant, on combinait progrès et droits de l'homme ? Principe de précaution bien compris ? 

(Voir L'apocalypse joyeuse de Jean-Baptiste Fressoz ou comment le progrès technique nous a été donné. Question qui se pose, alors : et si sa diffusion rapide s'expliquait par la volonté de détrousser ses semblables, excellente façon de gagner beaucoup ? L'innovation, c'est le vol ?)

Vasco de Gama

Un livre qui aurait fait beaucoup de bruit au Portugal. En effet, Vasco de Gama y est une figure nationale, peut-être à l'image des pères fondateurs américains, or, ici, il ne paraît pas héroïque. En fait, il ne paraît pas très clairement. En effet, on a très peu d'informations sur cette période. Et le livre, écrit par un citoyen indien, qui enseigne aux USA et au Collège de France, parle couramment portugais, et apparemment entend aussi l'arabe, est construit sur les textes d'époque.

Les grandes explorations sont un prolongement des croisades. Elles sont d'ailleurs menées par des ordres religieux. Reconquista : les Portugais et les Espagnols chassent les Musulmans de leurs territoires. Puis ils les pourchassent partout dans le monde. Ils espèrent ainsi libérer Jérusalem. Il y a plusieurs raisons, probablement, à cette nouvelle croisade : idéologie, au moins au début, s'enrichir et faire du commerce, mais aussi éloigner des nobles qui sont en conflit permanent avec un pouvoir royal qui veut s'affirmer. 

Gama est un nobliau à qui, semble-t-il, on confie une escadre parce que, n'étant pas très précieux, on peut se permettre de le perdre. Mais il a un coup de chance, et arrive jusqu'en Inde. C'est un rustre, peureux et vaniteux, qui tire avant de réfléchir, et qui massacre beaucoup. Mais, sa réussite lui vaudra le statut de vache sacrée. Quant aux Portugais, ils font triste figure. L'Océan indien est le terrain d'un commerce intense entre des sociétés sophistiquées. Les Portugais y arrivent comme des éléphants dans un magasin de porcelaine. Ils sont étonnamment primitifs. Un curieux mélange d'illumination et de méchanceté. Ils voient des "Maures" (musulmans) partout. A tel point qu'ils prennent les Hindous, puisque ce ne sont pas des Maures, pour des Chrétiens. Surtout, ils sont pauvres. Ils n'ont rien à échanger contre les marchandises de la région. Par nature ou par nécessité ce sont des pirates. Ils viennent dans l'Océan indien pour s'enrichir personnellement. La corruption est ce qui caractérise le mieux les systèmes de gouvernement qu'ils tentent d'installer. C'est leur haine de l'humanité et leur armement qui font leur force ? Greed and fear, comme disent les Anglo-Saxons ? 

Ce qui rappelle les théories nazies. Et si la force de l'Occident avait été une méchanceté d'intellects limités ? Et si c'était le sort des civilisations évoluées d'être victimes des attaques de ce que nous nommons aujourd'hui la "barbarie", sans peut-être comprendre à qui s'applique le mieux ce terme ?

(SUBRAMANYAN, Sanjay, Vasco de Gama, Points Histoire, 2014.)

dimanche 26 juillet 2015

Effets imprévus de la tactique Tsipras

Depuis qu'elle est au pouvoir, ce blog s'interroge sur l'équipe Tsipras : bande d'amateurs ou fin négociateurs ? Jean Quatremer analyse la question. Il en arrive à quelque-chose qui ressemble à mes conclusions : ce sont des amateurs mais ils ont obtenu l'essentiel... Ils ont fait le contraire de leurs promesses et sérieusement aggravé la situation de leur nation, mais ils ont maintenant les mains libres pour la diriger. Aux innocents les mains pleines, aurait dit mon grand père ?

Cameron imite Tsipras

Après le Grexit, le Brexit. Comme M.Tsipras, M.Cameron annonce un référendum pour bientôt. Lui aussi pense qu'il va obtenir des concessions de l'Europe, qui ne veut pas le voir partir. Et il a avancé la date du référendum de 2017 à 2016, pour augmenter l'anxiété de survie de l'Europe et ne pas être gêné par les élections allemandes et françaises. 

Une question qui est rarement posée est : quelles conséquences pourraient avoir ces concessions ? En particulier, pour le petit peuple européen.

Quelles sont ses chances de réussite ? Apparemment élevées. L'Allemagne est un fan de l'Angleterre, et la France pense que Mme Le Pen profiterait d'un Brexit

Il reste que M.Cameron serait un négociateur plus maladroit que ses prédécesseurs. En effet, il est peu à l'aise avec les autres Européens. Et que Mme Merkel, qui semble le seul dirigeant de l'UE ayant un comportement responsable, a une vision de l'intérêt collectif européen. Sainte Angela, priez pour nous ?

Représentation collective et changement

La "représentation collective" est la grande découverte de l'économie. C'est la "capacité à imputer des croyances et des représentations à des entités", comme "le marché", par exemple. (Voir aussi, ici.)

C'est ainsi que tout trader peut penser que l'euro doit grimper, mais être convaincu que "le marché" en a décidé autrement, et donc agir en fonction. Ce qui produit une prédiction auto-réalisatrice. 

Le phénomène me semble lié au changement. J'ai observé que le changement se fait lorsque chaque membre d'un groupe découvre que "les autres" (entité collective souvent malveillante !), contrairement à ce qu'il croyait, pensent comme lui.

Ce qui m'a fait m'interroger :
  1. Votons nous en fonction de nos choix, ou en fonction de celui "des autres" ? (Pas forcément pour faire comme eux, mais pour obtenir ce que nous voulons, compte-tenu de leur choix ?)
  2. Tout le travail des lobbys, n'est-il pas de nous faire croire que "les autres" pensent quelque-chose ? 
  3. Ce phénomène de croyance collective n'est-il pas amplifié par l'individualisme, "l'économie de marché", qui fait que l'influence de la société est réduite... ? Le marché aurait-il l'effet inverse de celui qu'annoncent ses théoriciens : loin de créer les conditions de la liberté individuelle, il encouragerait le panurgisme ? 
(1 ou / et 2 expliqueraient-ils le fait que les sondages annoncent, partout en Europe, la victoire d'un extrémisme qui ne se manifeste pas le jour du vote ?)

samedi 25 juillet 2015

Le changement vu par le gouvernant français

Un ami suédois s'étonnait que l'Europe ait adopté l'euro, alors que l'on savait dès le départ qu'il poserait des problèmes insolubles. Idem pour la Grèce qui est, culturellement, un panier percé. Je lui ai répondu qu'il n'avait pas compris la façon dont le changement était mené dans notre pays. Ceux qui prennent une décision sont conscients de ses conséquences. Mais puisqu'ils l'ont prise pour le bien public, c'est à la collectivité de s'adapter. Comment ? Ce n'est pas leur problème. Tout leur travail, leur art même, est de mettre la dite collectivité dos au mur. Généralement par dissimulation. Et en reculant dès qu'elle proteste. 

La crise agricole (billet précédent) semble illustrer cette technique. 

Le rôle de l'Etat français dans la crise agricole

Il n'y aura plus d'éleveurs en Europe du Sud, disait The Economist. Ils auront été tués par l'agriculture industrielle du nord, et la disparition de la PAC. Je me suis demandé si la crise actuelle venait de là. Il semblerait qu'il y ait effectivement un problème de compétitivité, et que le pire soit à venir : la suppression des quotas laitiers va être destructrice. 

J'ai l'impression que la conduite de ce changement reflète les différences culturelles européennes. J'entendais hier la radio dire que l'Allemagne l'avait anticipé (en avait été l'instigateur ?), et avait donné des subventions à ses éleveurs pour qu'ils se préparent. En France, le gouvernement n'a rien dit. Maintenant il réagit quand il est trop tard. Serai-il plus malin que les Allemands : il n'a pas eu de mauvaise nouvelle à annoncer, et, en crise, il peut étaler sa compassion ? 

vendredi 24 juillet 2015

Légitimité du Conseil constitutionnel

Loi sur le renseignement. Le gouvernement saisit le Conseil Constitutionnel, qui lui donne raison.

Vue de loin, cette loi ne semble pas conforme à ce qui a fait l'esprit de la République depuis 1789. Se faire surveiller est-il un "droit de l'homme" ? A-t-on démontré l'efficacité du flicage Internet dans la lutte contre quoi que ce soit ? Et quid de ses effets pervers ? 

Non seulement le gouvernement refuse le débat démocratique, mais, en plus, il l'étouffe par l'argument d'autorité du Conseil Constitutionnel. Jeu dangereux. Car, ce faisant il sape l'autorité du dit Conseil. A la solde de qui est-il ?, est-on en droit de se demander.

PS. Un article du Point sur ce sujet. Il semble dire que les raisons de la loi seraient économiques. Et que les USA, pionniers de ce type de mesures, en seraient revenus. La France aurait-elle une fois encore une guerre de retard ? 

Kabla plus fort qu'Amazon ?

Amazon et Hervé Kabla twittent, chacun, un de mes tweets. Qui pensez-vous qui ait le plus gros impact ? (Si j'en crois les chiffres que me donne Google, cependant.)

Et si Hervé avait quelques leçons de transformation numérique à donner à Amazon ? 

Les pauvres sont-ils heureux ?

Et si la pauvreté n'était pas incompatible avec le bonheur ? C'est la question que pose l'anthropologue Jean-Pierre Le Goff, dans un chapitre de La fin du village. Il interviewe d'anciens vanniers. La vannerie était un métier de pauvres, très dur. Et ceux qui le faisaient étaient mal considérés. Une activité pour Bohémiens, ou équivalents, vivant dans des marais. 

Et pourtant, ils étaient exceptionnellement heureux. "Il y avait une solidarité incroyable." Le travail se faisait en chansons. Et il y avait beaucoup de fêtes villageoises. Et on était fier de son ouvrage. Et on respectait son patron, un expert du métier, et un professeur. Et, surtout ?, comme le dit Camus, on préférait la mesure à l'absolu. 
La frontière entre se limiter et se résigner peut sembler mince, mais la distinction aide à comprendre une mentalité qui semble avoir disparu. 
Donnant sa part à la passion, les anciens ne considéraient pas que celle-ci dû régenter durablement les rapports humains, sinon au prix de leur destruction, en rendant impossible la vie collective : ils demeuraient fondamentalement attachés à la raison et à la modération, tout en sachant que le plaisir et la passion sont constitutifs de l'humain.

jeudi 23 juillet 2015

Et si les syndicats changeaient de tactique ?

Hier j'entendais dire que les syndicats de Radio France avaient opposé à leur direction une étude qui montrait que le plan qu'elle prévoyait n'atteindrait pas les objectifs qui lui étaient assignés. Le gouvernement aurait fait un bruit favorable. La direction de Radio France se serait montrée ouverte à la discussion. 

Dans un précédent billet, j'expliquais que la grève n'était plus efficace. En revanche, il me semble que cette technique l'est. Je crois que si les syndicats prenaient une perspective d'actionnaire, ils défendraient bien mieux les intérêts des salariés qu'aujourd'hui. Et cela pour au moins deux raisons :
  • La plupart de nos dirigeants ont une faille : ce sont des "gestionnaires" (énarques pour la plupart). Ce sont des ritualistes qui appliquent des "modes de management". Ils ne réfléchissent pas en termes d'intérêt de l'entreprise. D'ailleurs ils connaissent rarement son métier.
  • Les plans d'économie actuels portent sur le personnel. Or, son salaire occupe une part relativement faible des coûts de l'entreprise. Et c'est l'homme qui demeure encore le meilleur "créateur de valeur" de l'entreprise, pas la machine ou le "numérique". 

L'Homme, selon Clint Eastwood

Les films de Clint Eastwood sont bâtis sur un même schéma. Un homme se retrouve face à des circonstances terribles. Il fait front, et il réussit. Message : être un homme c'est avoir le courage d'affronter ses responsabilités. Et, même si l'on est à Al Catraz, ou pire, c'est possible. C'est ainsi que l'on acquiert la dignité, qui est la vertu cardinale de l'Homme. Mais cette vertu est aussi celle du peuple (américain). 

Étrangement, cela me paraît être ce que dit Camus

Or, Clint Eastwood est vu comme un facho. Car, il défend le peuple, qui vote Reagan ou Bush et leurs faibles QI combinés, contre les vertus élevées des intellectuels, qui, eux, votent démocrate.

Cela pose surtout la curieuse question de ce qu'est la nature de l'intellectuel. Est-il quelqu'un qui refuse ses responsabilités ? Un esprit fuyant qui vit en dehors de la réalité ? Qui réinvente cette dernière pour mieux nous en exclure, et servir ses intérêts ? L'intellectuel comme manipulateur de la raison ? 

(Quant à Reagan et Bush, on dit un peu partout qu'ils ont été manipulés par d'autres intérêts. Tant que le peuple ne sera pas représenté par des intellectuels qui n'ont pas perdu leurs racines populaires, il ne pourra qu'être exploité ?)

mercredi 22 juillet 2015

Camus incompris

Pourquoi Camus ne s'est-il pas exprimé clairement ? Ce qu'il dit est que l'Occident est victime d'un mal : la croyance que l'absolu est réalisable. Or, cela conduit aux pires atrocités. L'antidote, c'est la nature et le peuple, l'amour de la vie et la mesure en toutes choses. (Billet précédent.)

Voilà qui aurait pu être une plate-forme de revendication formidable. En effet, on peut multiplier les preuves des conséquences de notre comportement. Quant à la seconde partie de sa thèse, elle nous brosse dans le sens du poil. C'est un extraordinaire message d'espoir. 

Ce qui est surprenant est que l'on a pris Camus pour un spécialiste de l'absurde, alors qu'il est tout le contraire. L'absurde, au fond, n'est qu'une excuse pour mépriser l'autre et ce qui compte pour lui. C'est une philosophie de gosse de riche, qui casse les jouets du pauvre. Tout le contraire de l'esprit d'un Camus fier de ses origines populaire. 

Surtout, pourquoi les philosophes ne s'expriment-ils pas plus clairement ? Parce qu'ils sont victimes de leur formation, qui les a conditionnés pour produire des raisonnements pseudo-scientifiques ? En tout cas, il est possible que, si l'élite intellectuelle française ne s'était pas méprise sur Camus, il ne serait pas devenu un auteur de best sellers, et personne n'en parlerait plus. Pour dynamiter la société, il faut en respecter scrupuleusement les règles ? 

Camus, profession de foi


Ce que dit Camus dans "Les Amandiers" :
Il suffit (...) de connaître ce que nous voulons. Et ce que nous voulons justement c’est ne plus jamais nous incliner devant le sabre, ne plus jamais donner raison à la force qui ne se met pas au service de l’esprit. 
C’est une tâche, il est vrai, qui n’a pas de fin. Mais nous sommes la pour la continuer. Je ne crois pas assez à la raison pour souscrire au progrès, ni à aucune philosophie de l’Histoire. (...) Nous savons que nous sommes dans la contradiction, mais que nous devons refuser la contradiction et faire ce qu’il faut pour la réduire. Notre tâche d'homme est de trouver les quelques formules qui apaiseront l’angoisse infinie des âmes libres. Nous avons à recoudre ce qui est déchiré, à rendre la justice imaginable dans un monde si évidemment injuste, le bonheur significatif pour des peuples empoisonnés par le malheur du siècle. Naturellement, c’est une tâche surhumaine. Mais on appelle surhumaines les tâches que les hommes mettent longtemps à accomplir, voilà tout. 
Sachons donc ce que nous voulons, restons fermes sur l’esprit, même si la force prend pour nous séduire le visage d’une idée ou du confort. La première chose est de ne pas désespérer. N’écoutons pas trop ceux qui crient à la fin du monde. Les civilisations ne meurent pas si aisément et même si ce monde devait couler, ce serait après d’autres. Il est bien vrai que nous sommes dans une époque tragique. Mais trop de gens confondent le tragique et le désespoir. “Le tragique, disait Lawrence, devrait être comme un grand coup de pied donné au malheur.” 

mardi 21 juillet 2015

Théorie de la vie

Le moteur de l'évolution serait la capacité à évacuer l'énergie.

C'est ainsi qu'aurait émergé le vivant, très efficace à ce jeu. Cela découlerait du second principe de la thermodynamique. Du moins si je comprends bien les travaux d'un physicien biochimiste du MIT. (A new physics theory of life.)
The formula, based on established physics, indicates that when a group of atoms is driven by an external source of energy (like the sun or chemical fuel) and surrounded by a heat bath (like the ocean or atmosphere), it will often gradually restructure itself in order to dissipate increasingly more energy. This could mean that under certain conditions, matter inexorably acquires the key physical attribute associated with life.
Intrigant. Cependant, vue la complexité des créations, qui prennent des formes tarabiscotées, il semblerait que ce ne soit pas le seul facteur en action. Sans compter que je soupçonne qu'à un instant donné, il y a des tas d'espèces vivantes avec des capacités différentes en termes de gestion de l'énergie... A moins qu'il faille prendre le problème au niveau de l'écosystème ?... 

Méchant Amazon

Jean-Philippe Toussait juge Amazon. (Rediffusion d'un "A voix nue" de France Culture, il y a deux semaines.) Amazon est malhonnête puisqu'il ne fait (faisait) pas payer les frais de port en France, alors qu'il les fait payer ailleurs. C'est du dumping. 

Ce qui est singulièrement idiot. Car, ailleurs, les prix du livre ne sont pas encadrés. Le modèle Amazon : le prix le plus faible possible. (Ce qui fait qu'il peut être tentant d'acheter des livres anglais aux USA, y compris avec frais de port.) 

Il est dommage qu'Amazon n'ait pas été l'occasion d'un débat démocratique. Car ce qui se jouait n'était pas que le sort des libraires, mais aussi celui du consommateur, et, peut-être surtout, celui de l'accès à la connaissance. 

lundi 20 juillet 2015

Big data : tremblez, Google arrive...

Curiosité. Je regarde ce que Google me dit des sources du trafic de mon blog. Première source : http://myhealthcare.com/blog/stop-forced-vaccinations/, un article américain qui refuse la vaccination obligatoire, et qui ne fait, bien entendu, aucune référence à mon blog. Deuxième source : un article du wikipedia anglais concernant "Jeovah". 

Est-ce ainsi que Google nous démontre sa capacité exceptionnelle à analyser l'information ? Si c'est le cas, les assureurs peuvent dormir sur leurs deux oreilles... 

Gouvernement de la zone euro

Hollande plaide pour un gouvernement de la zone euro, lis-je. Pour moi c'est une question de conduite du changement :
  • Nous avons une monnaie commune. Il faut donc que chaque pays parvienne à s'adapter aux changements de son environnement, sans le secours de manipulation monétaire. Ce qui, comme on le voit, ne se fait pas par quelque mécanisme miraculeux qu'il suffirait de "laisser faire". Il faut, me semble-t-il, une démarche volontariste de transformation du tissu économique, qui respecte les contraintes politiques que s'est donnée la démocratie. Il faut probablement un "changement planifié". Idée et réalisation : en bas. Coordination : en haut. 
  • Cela signifie, surtout, intervenir en amont, avant que les pays ne mettent en oeuvre leurs décisions. Exemple : un grand nombre de nos problèmes actuels viennent de l'Allemagne. Elle a pris, unilatéralement, des décisions qui nous forcent à la contorsion. Notamment, une fusion "égalitaire" avec l'Allemagne de l'est, qui a plombé ses comptes. Ce dont elle s'est tirée par une dévaluation compétitive (Schröder), qui nous force maintenant à une politique de rigueur. Autre exemple : sa politique énergétique. 
En résumé, il me semble que les gouvernements devraient débattre des politiques qu'ils envisagent, quand elles sont susceptibles d'affecter les autres nations. Et, tous, doivent, une fois qu'ils ont accepté une politique, prévoir une démarche de mise en oeuvre qui leur permettra de l'appliquer efficacement. 

dimanche 19 juillet 2015

La science émergente des réseaux

Une science des réseaux émergerait-elle ? Sa raison d'être serait qu'Internet présenterait un risque systémique...

Internet sous-tend de plus en plus d'autres réseaux, par exemple les réseaux électriques. Ils jouent un rôle grandissant dans le fonctionnement de l'humanité. Or, les scientifiques semblent découvrir qu'ils ont des comportements inattendus. Ils pourraient subir des "transitions de phase" qui les rendraient hyperconnectés. Alors ils pourraient s'effondrer comme un seul homme. Et ce pas forcément par malveillance.

Ai-je compris l'article dont je tire ces considérations ?... Je retiens deux idées :
  1. Conformément à ce que dit la théorie de la complexité, c'est le comportement local qui fait les caractéristiques globales du système : si l'on change les règles d'interconnexion, le réseau ne se développe pas anarchiquement, mais de manière homogène. Par ailleurs, il connaîtra l'hyperconnexion d'un seul coup. ("percolation explosive"). J'imagine qu'ainsi on peut contrôler son développement, et l'arrêter à temps. 
  2. Le mieux serait l'ennemi du bien. Il faut tolérer des légers dysfonctionnements, une non optimisation du réseau, de façon à éviter qu'il devienne hyperconnecté et fragile. 
Voilà qui peut avoir beaucoup d'applications. Exemples :
  • Militaire : le jeu est probablement d'éviter que les réseaux de son camp ne soient hyperconnectés, et, au contraire, pousser le réseau adverse à l'hyperconnexion. 
  • Médical : prévenir les épidémies. 
  • Changement. Il semble qu'il y ait ici une façon de mener un changement social. Il retisserait un réseau, plutôt qu'il n'utiliserait ses caractéristiques existantes pour le faire évoluer.
(à creuser.)

Dieu tient-il ses promesses ?

France Culture débattait de la promesse. Et notamment de la question de Dieu tenant promesse. Je ne prétends pas avoir compris, ou même correctement écouté, ce qui se disait, mais j'en ai retenu que l'on ne pouvait pas être sûr de tenir promesse, puisque l'on ne maîtrise pas l'avenir ; en revanche la société ne marcherait pas si nous ne pensions que c'était possible. Seul Dieu, qui contrôle tout, peut s'engager. 

Est-il dans notre intérêt qu'il fasse des promesses ? S'il parvient à contrôler tous les facteurs de contingence, cela veut dire qu'il détermine nos mouvements, donc que nous ne sommes que des pantins. Et si la condition de la promesse était la possibilité de ne pas pouvoir la tenir ? 

samedi 18 juillet 2015

Le client est roi

En termes de gestion de l'entreprise deux théories semblent s'affronter : il faut ubériser l'employé ou, au contraire, tout vient de lui. Or, jadis, c'était le client qui était roi. 

Cela voulait dire que lorsqu'une entreprise n'allait pas, elle cherchait à mieux faire son travail, pas à réduire ses coûts ou à attendre l'étincelle divine de ses employés. (Bien entendu, ils jouent un rôle capital pour détecter les mouvements du marché, et aider à en tirer parti.) Et cela est aussi vrai pour l'Etat. Si ses services ne vont pas, c'est parce qu'ils ne servent plus correctement le citoyen. 

Pourquoi l'avons-nous oublié ? Parce que l'entreprise est dirigée par des énarques, et pas des entrepreneurs ? Et parce que l'Etat, qui prétend se calquer sur l'entreprise, ne fait qu'imiter des fonctionnaires ?

(Ce n'est pas mieux ailleurs, où ce sont les MBA, autre forme d'énarques, qui commandent.)

Retour au référendum grec

Beaucoup de Grecs semblent en vouloir à M.Tsipras d'avoir appelé à voter non lors d'un référendum, puis d'avoir fait le contraire de ce qu'il avait dit. Tsipras, démission !

Une des idées que je répète souvent est que, dans une négociation, le négociateur s'intéresse moins à son adversaire qu'à son camp. J'ai observé cela chez les avocats : impressionner le client compte plus qu'influencer le juge... C'est une question de rapport de forces. Je me demande si cela n'a pas été le cas ici. Avec ce référendum, M.Tsipras a peut-être muselé son opposition. Ce qui lui a laissé les mains libres pour accepter un accord vital. 

Mon idée du moment est qu'il pourrait dire, dans un second temps, aux Européens : j'ai prouvé ma bonne volonté, mais maintenant mon pays est exsangue, il ne fonctionne plus, aidez-moi en abandonnant une partie de ma dette. 

vendredi 17 juillet 2015

Iran et enjeux de l'accord nucléaire

Quels sont les enjeux des négociations actuelles entre Iraniens et Occidentaux ? On nous explique que c'est une histoire de guerre nucléaire. Peut être. Mais la technologie de la bombe nucléaire n'a rien de compliqué, et beaucoup de pays la possèdent. En outre, l'Iran utilise cette technologie pour des usages civils, me disait quelqu'un qui a fréquenté le pays. 

Et si la raison de la négociation correspondait à ces conséquences ? L'Iran est un pays dynamique, innovant, avec quelques-uns des meilleurs ingénieurs au monde, beaucoup plus proche du modèle occidental que tout ce qui se fait dans la région. C'est un marché important, en particulier pour les USA. C'est aussi le plus puissant contre-poids au sunnisme, à l'Etat Islamique et à l'influence saoudienne et Qatari. C'est diviser pour régner ?

Mais si l'objet des négociations n'est pas nucléaire, pourquoi a-t-on fait tout ce bruit autour du nucléaire ? Et si ce n'avait été qu'un moyen de gêner l'Iran, vu alors comme un ennemi ? Des mystères de la diplomatie ? 

Noces et Eté

Essais de Camus. Son premier livre, en ce qui concerne Noces, dont la version initiale a été publiée en 1936. Tous les thèmes de son oeuvre à venir sont déjà présents. Mais c'est avant tout une déclaration d'amour à l'Algérie et à ses humbles. 

Certes, la vie est difficile. Mais elle n'est pas absurde, elle ne fait que nous poser des "énigmes". C'est l'amour de la vie qui nous donne la force de les affronter, et l'observation du (petit) peuple, toujours digne dans l'adversité, et de la nature, qui nous aident à les résoudre. Voilà qui s'oppose frontalement à ce que l'Occident considère comme le progrès : la nature remplacée par l'oeuvre de l'homme, la ville, et une marche vers l'absolu d'un hypothétique paradis, justifiant toutes les turpitudes, et les totalitarismes. 

Dommage que le centenaire de la naissance de Camus ait raté. Car il y avait des idées extrêmement fortes ici. Les écologistes, par exemple, auraient pu se reconnaître dans cette vision de la nature comme inspiration de l'action. C'aurait aussi été l'occasion de débattre de la nature du peuple. Et si ce qui le caractérisait était la mesure, l'amour de la vie, et la dignité ? On aurait pu, encore, parler de l'Algérie. Elle n'est pas dans ce livre comme on nous la présente. Ceux que l'on considère maintenant comme des colons, se voyaient comme des Algériens de souche, de même qu'il y a des Bretons et des Parisiens. Loin d'exploiter les populations autochtones, ils vivaient ensemble, une vie apparemment très dure, qui se terminait prématurément, avec l'épuisement de leurs forces physiques. Ils ressemblaient à des Américains qui n'auraient pas exterminé les Indiens. Et qui n'auraient pas cherché la fortune. Des Québécois, donc.

(Camus, Albert, Noces suivi de l'Eté, Folio, 2015.)

jeudi 16 juillet 2015

Le succès du changement est en nous... malheureusement ?

Mon Graal. Me faire comprendre lorsque j'explique ce qu'est le changement. Un exemple pour montrer où se situent mes difficultés. 

Parmentier. Il veut faire consommer au Français des pommes de terre. Un discours ventant leur bénéfice n'a aucun effet. Alors, il fait entourer un champ de pommes de terre par la troupe. Le Français vient les voler. 

Ce que nous entendons ordinairement par changement correspond à l'attitude initiale de Parmentier. C'est, plus ou moins, j'ordonne, tu obéis. Le changement comme décision. Cela fonctionne quand l'ordre correspond à un processus social installé. Par exemple au code de la route. Ce n'est pas le cas ici. Il faut construire un nouveau processus. C'est cela le changement. Ce qui le rend compliqué est que, dans le domaine social, les matériaux à utiliser ne sont pas visibles, ils appartiennent à l'inconscient collectif. Dans cet exemple, on fait appel à un réflexe lié à la relation à l'autorité qui est propre à la France, et que l'on ne retrouverait pas ailleurs. 

Le principal du travail du changement consiste donc à rechercher ces "matériaux". Cela se fait en se mêlant à la société que l'on veut faire changer, en participant à son action, de façon à repérer ses règles culturelles. Le résultat du changement est une nouvelle règle : faire planter des champs et les faire entourer par la troupe. 

Le plus difficile dans ce travail est de remettre en cause ses propres préjugés. En effet, nous sommes formatés par la société dans laquelle nous vivons. Il faut se changer avant de changer les autres.

(Autre exemple. Le type de changement que j'ai eu à mener ces dernières années est de faire comprendre au dirigeant que les idées qui peuvent sauver son entreprise sont "en bas". Blocage : n'est-il pas supposé être celui qui sait ? Solution : il fixe un objectif et met en place un dispositif de consultation de ses équipes. Elles lui donnent ainsi leurs idées. Tout est dans l'ordre.) 

Système immunitaire et agression sociale

Un médecin me disait, au sujet de mon cas, qu'une accumulation de fatigue et de stress affaiblissait le système immunitaire. De ce fait, des virus ordinairement inoffensifs peuvent le traverser et faire de gros dommages. 

Je me suis dit que si la société est capable d'agresser notre système immunitaire, peut être que 68 et le néolibéralisme sont une réaction à cette agression. Leur solution : il faut éliminer la société. Du coup, l'homme se trouve seul et sans défense, en particulier par rapport à ceux qui ont derrière eux la force de ce qui reste de la société. 

Il me semble, en conséquence, qu'il faut renforcer notre système immunitaire social
  1. Il faut créer un réseau de gens de confiance. C'est un travail individuel. 
  2. Il faut aussi préserver les structures sociales dont nous disposons. En particulier notre service public, qui est l'expression de la solidarité collective. Ses intentions sont bonnes. Ce qui ne va pas, c'est leur mise en oeuvre, qui est maladroite. Il faut améliorer, et non réformer. 
(Les dangers de la société pour notre système immunitaire se trouvent aussi ici.)

mercredi 15 juillet 2015

Changement et peste

"Sans deux mutations mineures la peste n'aurait pas été plus qu'un désagrément gastro-intestinal", dit le Washington Post. Le changement aurait eu lieu il y a 1500 ans. 

Voilà les dangers du changement. Cela est imprévisible, et ça peut être dévastateur. C'est d'ailleurs probablement son principe : une innovation qui trouve une faille dans le vivant. La question qui se pose est : y a-t-il des circonstances qui favorisent ce type de changement ? En particulier d'autres changements ? 

Par ailleurs, j'apprends que la peste serait endémique aux USA. Et que l'on en meurt encore de temps en temps

L'économie, science sociale

L'autre jour j'entendais l'économiste André Orléan parler de "promesse", dans une émission de France Culture. Sa thèse est que l'économie est une science sociale. En particulier, comme dans toute science sociale, la dimension collective est première. Il citait des crises qui s'arrêtent du jour au lendemain sans que rien ne soit fait (notamment celle de 1926, en France). Raison: l'homme calque son comportement sur ce qu'il pense être celui des autres. Idem pour la monnaie. Elle a une valeur, parce que l'on pense que les autres lui en donnent une. 

Il est membre fondateur des "Economistes atterrés". Ils le sont parce que l'économie moderne, celle qui guide les politiques, repose sur des fondements erronés. Pour ma part, je me demande, si la théorie inspire le politique. Elle me semble plutôt être une rationalisation de l'esprit du temps. Ce qui illustre sa théorie : l'économiste officiel dit ce qu'il pense que la société veut entendre. 

mardi 14 juillet 2015

Les boissons sucrées tuent...

Les boissons sucrées tueraient chaque année 30 personnes par million en France et 404 au Mexique. Même en France, cela représente plus de 1800 personnes par an, ce qui n'a rien de négligeable, y compris par comparaison aux morts de la route. (Article de Forbes.) Qu'en penser ? 

Holacratie et libération de l'entreprise, anti ubérisation ?

On me parle de "libération de l'entreprise". En particulier "d'holacratie". Il s'agit de déléguer la responsabilité de décision le plus possible et le plus bas possible dans une organisation faite d'équipes auto organisées. Et je surprends tout le monde en rappelant que ces théories sont anciennes. Mais, qu'elles arrivent maintenant annonce peut-être un changement social. En particulier, je les rattache au manifeste de Francis Mer. Selon lui, le capital de l'entreprise est essentiellement humain, pas uniquement financier. En fait, la libération de l'entreprise pourrait être une solution alternative à l'ubérisation. Voilà pourquoi :

Il me semble que le problème qui préoccupe actuellement le plus nos dirigeants et gouvernants est la paralysie de l'entreprise et de la société. Elles sont devenues d'énormes bureaucraties dont les couches supérieures sont peuplées de rentiers : comment rendre l'entreprise combative ?, se demandent-ils. Leur réponse dépend de l'hypothèse qu'ils font sur la cause de création de valeur. 
  • C'est le marché : solution = ubérisation. 
  • C'est l'être humain : solution = "libérer" sa créativité. D'où holacratie. 
Je pense que ces deux hypothèses ont un point commun, faux : l'individu. Pour moi, c'est la société qui crée, plutôt que l'individu "s'auto organisant" spontanément (soit de son propre fait, soit du fait des forces du marché). Les processus de création humains, par exemple conception et fabrication d'une voiture, sont extrêmement complexes, et demandent beaucoup de temps pour se mettre au point. Sans compter qu'ils reposent sur une phase préliminaire de créativité étendue à l'ensemble de la société et qui peut demander des siècles pour arriver à maturité (par exemple la conception du moteur). C'est donc la créativité sociale qu'il faut libérer, en premier. 

Conseil et action

La crise grecque me semble illustrer un enseignement que je tire de mon expérience. Le conseilleur n'est d'aucune utilité. En effet, il donne ses conseils en fonction de ce qu'il voit de la réalité (par exemple de la Grèce et de l'Europe). Mais la réalité est très différente des apparences. Et surtout, elle se révèle dans l'action, et dans la réaction. Elle est même ignorée de celui, pays ou personne, qu'elle concerne. Elle est inconsciente. 

Il n'y a que l'action qui vaille. J'ai constaté qu'il arrive que, lorsque l'on est au cœur du mouvement, on ait l'impression soudainement de comprendre ce qui se passe, et de savoir comment agir. Et ça marche. Nous avons en nous, me semble-t-il, des mécanismes qui nous permettent de saisir ce qui est inconscient, et d'en tirer des règles de comportement. 

lundi 13 juillet 2015

La transformation numérique comme ubérisation

Un ami me raconte qu'un cabinet de conseil est venu faire la révolution numérique dans son entreprise. Mot d'ordre : ubérisez-vous. Quand j'écoute ce qu'il me dit, je vois deux enjeux dans l'auto ubérisation de l'entreprise :
  • Tout d'abord une théorie qui revient depuis des décennies dans les journaux de management. L'ubérisation de l'entreprise c'est l'établissement d'un marché au sein même de l'entreprise. Dorénavant, les employés sont en concurrence parfaite. D'où réduction de salaires à un niveau à peu près suffisant pour assurer la vie. (La justification de l'installation du marché dans l'entreprise est qu'il serait une force de créativité, sans effort.)
  • Mais ce n'est peut-être pas l'objectif premier de la mesure. L'ubérisation est un système de contrôle de l'organisation qui ne coûte rien. C'est d'ailleurs pourquoi le marché tient autant de place dans les théories libérales, depuis les Lumières : il règle la société sans appel à la loi. Or, aujourd'hui, les grandes entreprises sont devenues essentiellement des structures de contrôle, d'énormes bureaucraties. Et les salaires des couches dirigeantes ont énormément augmenté (quand Michel Bon a pris la tête de France Télécom, il y a vingt ans, il a demandé 1mF de salaire annuel...). Il faut impérativement réduire les coûts fixes de l'entreprise. Question de vie ou de mort. 

Crise grecque et art de la négociation

J'ai cru avoir tort, et j'ai peut-être eu raison. Je pensais que la crise grecque allait illustrer les caractéristiques, irrationnelles, de toute négociation. Eh puis, il m'a semblé que les Grecs étaient des amateurs qui allaient disparaître sans avoir même combattu. Mais j'en reviens à ma première hypothèse. 

C'est le roman de Francis Walder, Saint Germain ou la négociation, qui me paraît expliquer le mieux ce qu'est une négociation. C'est une succession de coups de théâtre irrationnels. Ils sont suscités par un sentiment d'injustice, qui provoque la révolte. A chaque fois, un camp prend l'avantage, du fait de l'effet de surprise et de l'énergie que lui donne le désespoir. Mais l'autre, revenu de son étonnement, découvre qu'il s'est fait posséder. Il s'indigne... Et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'un équilibre s'établisse. C'est l'inconscient qui est aux commandes. 

Dans le cas Grec ? On a eu le référendum ; puis les concessions grecques ; puis l'Allemagne et la Finlande qui se mettent à dire qu'on ne peut pas faire confiance à la Grèce...

PS. Il semble bien que les choses aient continué sur ce même mode : la Grèce démarre ses réformes, sans contrepartie. Elle veut prouver qu'elle n'est pas telle qu'on la dit. La réduction de sa dette fera l'objet de discussions ultérieures... (Article de Jean Quatremer.) 

dimanche 12 juillet 2015

Le bac a-t-il encore un sens ?

J'entendais dire qu'il y avait 617.900 bacheliers. Il y a 175 ans, à l'époque de Flaubert, ce nombre était de 4000. Dans le premier cas, plus de 77% de la population, dans l'autre 1. Quel a été l'impact de ce changement ? 

Le diplôme, en lui-même, n'a plus beaucoup de valeur. On espère en retrouver un peu dans la mention. Les félicitations du jury, devenues mécaniques à 18 de moyenne, à défaut, la mention très bien. Mais que récompense-t-elle ? Un bourrin ou un génie ? 

Ce n'est pas le niveau de l'élève qui s'est le plus effondré, mais celui de l'enseignement. Flaubert ou Camus ont eu pour enseignants de lycée d'éminents normaliens. Aujourd'hui, leurs équivalents sont profs de Fac ou, plus souvent, membres de droit de l'oligarchie qui gouverne le pays et ses entreprises. Et il est probable que ces normaliens, vu ce qui précède, n'ont pas les compétences de leurs prédécesseurs. En revanche ils ont des complexes de supériorité que ces derniers n'avaient pas. Ils ont quelque-chose de la noblesse d'Ancien régime. 

Un autre grand changement est arrivé après guerre. La troisième république considérait l'enseignement comme devant être élitiste. Cela conduisait à une sélection impitoyable, au moment du certificat d'études. Ce que le système considérait comme l'élite des pauvres recevait une formation de riche. Aujourd'hui, cet élitisme a été éradiqué. Si bien que le pauvre n'a plus accès aux "meilleures écoles". Quant au riche, ses diplômes ronflants sanctionnent une éducation médiocre. Si bien qu'il n'y a plus que notre élite qui se considère comme telle. Quand tout le monde a fait des études, être diplômé de l'ENA n'a rien d'admirable. 

Au fond, le changement a réussi. Tout ceci a effectivement conduit à une uniformisation du pays. Que certains s'approprient des positions du seul fait qu'ils ont obtenu tel ou tel diplôme paraît maintenant une injustice. La suite du changement consistera-t-elle à éliminer cette injustice ? Ou un nouveau type de changement va-t-il démarrer ? 

Le changement par des chemins de traverse

Mon éditeur me demande de parler de mon histoire. Ma réponse :

Tout était dans mon premier livre ! Le travail que je fais depuis 15 ans est une enquête. Mais elle m’a surtout permis de mettre des noms frappants sur ce que j’avais observé.

Deux de ces noms sont « changement planifié » et « changement dirigé ». La cause du livre était une constatation. Depuis les années 80, je rencontre des organisations malheureuses. Pourquoi ? « Changement dirigé ». Changement bureaucratique imposé par le haut au bas. Or, le savoir dont le changement a besoin pour réussir est en bas. Bref, le changement est mal conçu et échoue. D’où cercle vicieux de perte de compétitivité et de dégradation des conditions de travail. Mais, il y a une autre manière de procéder. Le changement planifié. Idées et mise en œuvre sont la responsabilité d’en bas. Le haut organise le changement. Il n’y a ici rien de nouveau. Tocqueville a dénoncé le changement dirigé comme le mal de la France, depuis l’Ancien régime. Et l’ensemble des travaux de Kurt Lewin, le père de la recherche moderne sur le changement, porte sur le changement planifié. C’était aussi le cheval de bataille de Michael Beer, éminent professeur de la Harvard Business School, avec qui j’ai beaucoup échangé au début des années 2000.

Trois idées ont guidé tous mes livres. Je voulais donner des conseils à l’action. Mais des conseils très particuliers. Ce que la nouvelle « économie comportementale » appelle « nudge », « coup de pouce ». C’est l’opposé de la démarche programmatique propre au changement dirigé. Je voulais aussi rattacher ce travail à la science. Ce qui m’a entraîné, par une suite de hasards, aux origines de la pensée humaine. Mais, surtout, je voulais être lu de tous. J’ai pensé qu’il fallait multiplier les exemples. Or, mes exemples initiaux venaient de l’entreprise. J’ai vite compris que la France n’aime pas l’entreprise. Alors j’ai parlé de politique, de couple, d’évolution… Cette recherche d’exemples m’a amené dans un voyage inquiétant. Car depuis des millénaires nous semblons jouer au même jeu. En répétant les mêmes erreurs. La suite de ce texte résume quinze ans d’enquête.

Enquête chez les scientifiques

Au commencement, il y eu des cours de MBA. Le changement y est à la mode. Un texte m’a frappé. Je disais la même chose que la dynamique des systèmes. La dynamique des systèmes vient de Jay Forrester du MIT. Dans les années 90, on parlait d’un de ses avatars, « l’organisation apprenante » de Peter Senge. Mais, nous n’étions pas d’accord sur tout. Mon expérience montre que l’on ne peut pas modéliser une organisation a priori, comme le croit la dynamique des systèmes. C’est en voulant la changer qu’émerge ce qui motive son comportement. Alors, je suis entré en contact avec Edgar Schein. Il est, en quelque sorte, le pape de l’Organization Development. L’équivalent, pour le groupe humain, de Françoise Dolto, pour l’individu. A l’époque, je ne savais pas tout cela. Je lis un article de lui. Je lui écris pour lui donner mon avis. Il me répond, après quelques échanges, que j’ai réinventé son travail. Il m’a conseillé de lire ses livres. Ce qui m’a amené à d’autres lectures, et à écrire à d’autres chercheurs. De fil en aiguille, je me suis mis à explorer les sciences. A la recherche de fondations solides. Plus je me suis enfoncé, moins j’en ai trouvées. Jusqu’à découvrir que la philosophie était première. La philosophie allemande, par exemple, annonce la sociologie moderne. Or cette philosophie est le fruit de la culture dont elle est issue. C’est un résultat fondamental d’anthropologie. Un groupe humain est une « organisation apprenante ». Il apprend de son expérience. Et il représente ce savoir en une « pensée ». C’est elle qui guide les actions de l’homme. La science est un moyen, propre à l’Occident, de formuler ce savoir collectif. De ce fait, toutes les cultures ont des choses à nous apprendre. Et peut-être, en ces temps de fin du monde, les cultures « primitives », plus que les autres. Car elles ont vécu en permanence sur le fil du rasoir.

Les piliers des sciences du changement

Où ce travail, m’a-t-il mené ? Je vais le résumer en quelques noms.

Kurt Lewin a été le premier à appliquer la science aux changements sociétaux. Ayant connu l’Allemagne nazie, il voulait, définitivement, éradiquer le totalitarisme. Il est mort d’épuisement.

En fait, la question fondamentale, en termes de changement, est : pourquoi s’y intéresser ? Principalement pour des raisons négatives. Pourquoi mes enfants sont-ils irrationnels ? Pourquoi mon couple ne va pas ? Pourquoi mon chef a-t-il un comportement bizarre ? Pourquoi ce que j’aimais dans mon pays disparaît-il ? Pourquoi les réformes gouvernementales échouent-elles ? Pourquoi le choix politique est-il aussi pauvre ? Pourquoi le chômage ? Pourquoi était-ce mieux avant ? Pourquoi la guerre d’Iraq ? Pourquoi la crise de l’euro ? Pourquoi notre développement n’est-il pas durable ? Bref, pourquoi « ça ne marche pas » ?

Le changement, c’est avant tout faire que « ce qui ne marche pas », « marche ». Et cela revient exactement, pour l’individu, à passer de la dépression à son envers, l’optimisme. Nouveau nom : Martin Seligman. Ce psychologue est le spécialiste de l’optimisme. Il dit : dépression = l’aléa détruit ; optimisme = l’imprévu stimule.

Arrive alors Paul Watzlawick, un autre psychologue. Il montre pourquoi nos changements ratent. Le groupe humain est un « système ». « Système » s’oppose à « chaos ». Autrement dit la caractéristique du système est de conserver un ordre. Conséquence : il s’oppose au changement. Ou, plutôt, il refuse le changement qui menace cet ordre, car il est vital. En effet, tous système à la possibilité de changer, mais selon certaines règles. Et c’est parce que nous ne les respectons pas que nos changements échouent. Et que notre vie, ou celle de notre nation ou du monde, s’enfonce dans des cercles vicieux parfois fatals. Conduire le changement, c’est, avant tout, changer son modèle mental du monde. Car c’est parce que nous pensons faux que nous agissons mal.

Comment s’y prendre ? Le pragmatisme explique que le changement résulte d’un processus. Pas d’une décision. Le pragmatisme est un des très puissants courants de la philosophie américaine. Mais ses idées se retrouvent un peu partout. Chez les Chinois, les Grecs anciens, Kant, Camus, Watzalwick et bien d’autres. Le pragmatisme c’est la science comme recherche de « ce qui marche ». De « la voie », diraient les Chinois. Deux mots clés : enquête et expérience.

L’occident refuse le changement

Cependant, quelque-chose manquait à mon premier livre. Je n’avais pas compris que ce qui me paraissait évident, et n’était qu’une redécouverte de savoirs anciens, n’allait pas de soi.

Dans mon enquête quelqu’un m’a particulièrement marqué. Dennis Meadows, un autre collaborateur de Jay Forrester, et l’un des auteurs du rapport du Club de Rome, « les limites à la croissance ». Il a bataillé toute sa vie pour nous convaincre que nous courrions à la catastrophe. Aujourd’hui, il a jeté l’éponge. Notre modèle sociétal est par nature vicié. Il repose sur la croissance. Or, une croissance éternelle est, évidemment !, impossible. Mais nous ne le comprendrons que quand il sera trop tard. Dans peu de temps. Solution ? Résilience. Trouver des moyens pour que l’espèce humaine encaisse ce choc destructeur, sans totalement perdre son âme.

Il est tellement inquiétant, et désillusionné, que je ne l’ai pas pris au sérieux. Il m’a fallu trois ans pour me convaincre qu’il avait certainement raison. Car j’ai fini par comprendre que ce qui nous animait était ce que Nietzsche a appelé « la volonté de puissance ». Le désir de plier l’autre et la nature à nos désirs. Autrement dit, la culture occidentale nie le changement.

Du coup, j’ai suivi l’exemple de Dennis Meadows. La catastrophe étant probablement inévitable, je suis parti de la perspective de l’individu qui se demande comment se tirer d’affaires. Et, pour commencer, comment échapper à la manipulation de notre cerveau qui nous fait nier la nécessité du changement. Puis, comment construire sa résilience, pour affronter l’inconnu. Tout cela en cherchant dans le patrimoine de nos connaissances des techniques efficaces.  C’est le projet de mon dernier livre. 

samedi 11 juillet 2015

Le changement vu de Cambridge

Port Moresby parliament building front, by Steve Shattuck.jpg
"Port Moresby parliament building front, by Steve Shattuck"
by 
Steve Shattuck from Canberra, Australia - Shattuck_11266.
Licensed under 
CC BY 2.0 via Wikimedia Commons.

Étrange. Alors que le gouvernement décrète le changement, qu'il y a des experts du changement partout, l'université de Cambridge s'interroge sur la question. Comment se fait-il que les choses changent brutalement ? Mystère. Il existe des mécanismes qui font que le changement est brutal et imprévisible. Interview de 5 spécialistes, de différentes disciplines. 

Le plus inquiétant est "le biochimiste". Les bactéries "sentent" si elles sont en force ou non. Dès qu'elles ont une masse critique, leur comportement d'individuel devient collectif. Et le système immunitaire de la proie est submergé sans avoir vu arriver l'attaque. 

Le plus amusant est probablement l'anthropologue. Du jour au lendemain, une ethnie de Papouasie-Nouvelle Guinée a abandonné sa religion pour le protestantisme, et a transformé sa population en pasteurs. Ce qui lui a permis de conserver la position sociale dominante qu'elle avait toujours eue. 

Le psychologue parle du rôle déterminant des leaders d'opinion. Le sociologue explique que nous n'avons pas de croyance bien chevillée au corps. "Quand la marée change, c'est parce que les gens ont trouvé un moyen d'expliquer le changement d'une façon qui transforme et convainc, à peu près". L'historien montre le rôle du doute. Dès qu'il parvient à se répandre, le changement n'est pas loin.

Il se trouve aussi que "de récentes recherches ont montré qu'une zone du cerveau (...) régit particulièrement fortement à l'influence sociale et joue donc un rôle critique dans notre capacité et notre désir de conformité".

(Taylor Whiffen, Peter, The turning tide, CAM, n°75.)

Pascal et énantiodromie

"L'homme n'est ni ange, ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l'ange fait la bête" dit Pascal. Enantiodromie

Notre époque moralisatrice ne ferait-elle pas bien de garder cette phrase en tête ?

vendredi 10 juillet 2015

Acteur économique irrationnel

Les erreurs ont un mérite : elles font avancer la science. Nos gouvernants justifiaient leurs décisions par une théorie économique qui repose sur des bases fausses : la rationalité humaine. On vient de s'en rendre compte. Mais, curieusement, pas en faisant appel à d'autres sciences. Mais en partant du point de vue de l'économie, en le poussant à l'absurde. 

Ce que l'on découvre est que, à l'exception des autistes, nous avons une "théorie de l'esprit" : "la capacité de comprendre les intention des autres personnes". Cela a une conséquence inattendue : nous attribuons une intention à tout, y compris lorsqu'il ne peut y avoir intention. Soit parce que ce n'est pas humain, soit du fait de phénomènes de groupe ("le marché").

Par ailleurs, "les décisions les plus intéressantes sont fondées sur des valeurs, lors desquelles votre cerveau a sa propre monnaie unique qui vous permet de comparer des choses". Cependant, selon la façon dont les choses sont présentées, la décision peut ne pas être la même... 

(Cela vient d'une interview du Dr Benedetto De Martino, dans JOLIN, Lucy, Bubble vision, CAM, n°75.)

Déchet toxique grec

Si les négociation sur la dette grecque ne vont pas c'est qu'elles sont victimes d'un "déchet toxique". Les Grecs, semblent-ils, ne pourront jamais repayer leurs dettes

Si la Grèce était une ville ou une région française, l'Etat prendrait probablement en charge ses dettes. Si c'était une ville américaine (comme Detroit), elle ferait faillite. Y a-t-il d'autres solutions pour une zone géographique ayant une même monnaie ? En tout cas peu de pays européens semblent prêts à aider les Grecs. Alors, faut-il attendre suffisamment pour qu'ils se fassent une raison, et qu'ils comprennent que le cas de la Grèce n'est pas aberrent, qu'une union économique va devoir faire face à beaucoup d'autres aléas et que le cas grec est un exercice d'apprentissage ?

(En fait, il est possible qu'il y ait un second déchet toxique. Beaucoup craignent peut-être que, dette ou pas dette, la Grèce, mais aussi la France et l'Italie, soit incapable de vivre autrement qu'en parasite de la zone...)

PS. En appui de ma parenthèse : histoire de l'irresponsabilité grecque

jeudi 9 juillet 2015

Fallait-il élargir l'Europe ?

Crise grecque. Un invité de France Culture disait l'autre jour qu'il n'aurait pas fallu étendre l'Europe à des pays aussi pauvres que la Grèce, les pays de l'Est. Et dire que l'on a même envisagé la Turquie ! 

Je soupçonne qu'il y avait d'autres motivations qu'économiques dans cette affaire. L'élargissement a été mené par les Anglo-saxons. Il avait probablement pour objet de s'assurer que le plus possible de pays seraient dans le camp du bien (en particulier la Turquie, rempart contre l'islamisme, et les pays de l'Est, barrage à la Russie), et que l'Europe continentale deviendrait un marché, divisé et impuissant, et pas une nation, unie et fermée. 

Cependant, que l'élargissement produise une bulle spéculative n'allait pas de soi. Il y a eu d'autres injections de capitaux, plan Marshall, Chine actuelle..., qui n'ont pas eu cet effet, me semble-t-il. Au contraire, même : que les pays pauvres deviennent riches aurait pu faire notre fortune. Pourquoi cela n'a-t-il pas réussi ? Deux facteurs sont peut-être importants dans la réussite d'une telle opération :
  • Un besoin de l'économie, et, peut-être plus encore, de la population. 
  • Une forme de planification. L'argent est canalisé vers des emplois utiles. 
En tout cas, il est curieux que l'économie n'étudie pas ces phénomènes, et demeure victime du fantasme de l'équation mathématique.

(Sur les freins à l'élargissement. Sur l'intégration de l'Ukraine.)

Toulouse chinois

Le gouvernement vend une partie des actions de l'aéroport de Toulouse à un groupe chinois. Ce qui provoque un certain mécontentement

Apparemment, l'idée du groupe est de se servir de l'aéroport comme "hub". Cela pourrait créer une sorte de délocalisation à l'envers, en amenant des entreprises chinoises dans la région. Est-ce une des raisons de la vente ? Bonne idée ? Quel type d'emplois ? Correspondent-ils aux compétences de la région ? Cela pourrait aussi amener des investisseurs chinois, mais les entrepreneurs français ne semblent pas très coopératifs... Et un hub, c'est aussi des avions qui ne font que se poser et repartir. Cela pourrait apporter un peu de bruit et de fureur asiatiques à une ville où il faisait bon vivre ? (D'ailleurs sur le modèle chinois : on y construit les villes autour des aéroports.)

Mais, surtout, il se révèle que le groupe chinois ne serait pas très fréquentable. Le gouvernement serait-il allé un peu vite en besogne ? 

Il n'y a pas d'omelette sans casser des œufs ? Précaution n'est pas toulousain ? Et démocratie pas trop français : l'affaire semble particulièrement confuse ? 

mercredi 8 juillet 2015

Grèce : changement contrôlé ?

Nouveauté dans la crise grecque. On envisage maintenant une "séparation à l'amiable". L'UE aiderait la Grèce à sortir de l'euro, en limitant les dommages. 

C'est une bonne nouvelle. Ce que disent mes livres est que la conduite du changement doit être un processus contrôlé. Mais je me suis heurté à un mur d'incompréhension : nous pensons que le changement est une décision. Une fois prise, le changement ne peut que réussir. J'étais découragé.

Que faut-il pour contrôler le changement ? Avant tout, un mécanisme qui permette de corriger le tir lorsqu'il s'écarte de ce qui était prévu. Il faut donc un système de mesure, et un autre de réaction rapide. Tout ceci doit être "correctement dimensionné" pour être efficace. Pour pouvoir mesurer, il faut un objectif. Par exemple, du côté de la zone euro, il est possible que ce soit les taux d'emprunt des Etats. Si c'est le cas, le système de contrôle doit réagir efficacement dès que ces taux menacent de s'élever. 

Y a-t-il un mécanisme de ce type dans le projet européen ? Je n'en sais rien. Ce qui veut peut-être dire que cette idée est plus une manœuvre de négociation (nous n'avons pas peur de votre départ) qu'une stratégie bien ferme.