mercredi 31 janvier 2018

Détournement de but

Détournement de but (displacement of goal). Ce billet ne parle pas de foot mais du sociologue Robert Merton. Il avait observé ce phénomène chez les bureaucrates. Ils vénéraient le moyen, en perdant de vue la fin. Le règlement, c'est le règlement.

Exemples ? Le marché, divinisé par certains Anglo-saxons : par l'offre et la demande, le marché règle la société, sans besoin d'intervention humaine ; le prix qu'il fixe est le résultat d'un vote ; le marché est la démocratie. Il y a aussi l'intellectuel. Julien Benda disait que le rôle de l'intellectuel était de défendre des principes. Eh bien, l'intellectuel rend un culte aux dits principes, et obtient l'inverse de ce qu'il cherchait. C'est aussi le fameux phénomène du "silo", qui rend le changement impossible. Chacun est dans sa tranchée. Il est insensible à l'intérêt général.

Les Lumières l'avaient bien vu. C'était même probablement leur combat. La liberté, était celle de notre esprit, prisonnier de coutumes. Mais elles n'ont pas trouvé à ce mal de solution, puisqu'il nous assaille toujours. Etrange phénomène.

Le nom Macron

De qui Macron est-il le nom ? se demandait-on à l'époque de l'élection présidentielle. La question me semble être restée sans réponse.

A l'époque de la Commission Attali, j'avais invité un de ses membres à un Club Economie que j'animais. C'était un économiste respecté, jeune. Il venait de publier un livre dans lequel il appliquait la logique de la gestion d'entreprise à l'économie française. Il avait identifié les réformes qui pourraient rapporter le plus à l'entreprise France, et avait mis, en regard, leur coût, dans une logique de Return On Investment, pour utiliser le mot français approprié.

Avec le recul, je pense qu'il représentait la tendance Macron. A savoir un mélange d'amour du marché et d'idées "socialement avancées". Il s'était trouvé en opposition avec une autre race d'économistes, qu'il qualifiait de "bien roses". Ils partageaient ses objectifs mais pas, pour parler comme ce blog, sa philosophie de conduite du changement. De manière inattendue, l'économiste de gauche voulait exproprier, alors que l'économiste de droite voulait payer. Le cas des taxis illustre le différend. Des deux côtés on estime que le chômeur doit conduire un taxi. Il se trouve que les taxis existants ont payé très cher le droit de faire leur métier. Pour l'économiste de gauche, il fallait liquider le gêneur. Pour l'économiste de droite, il fallait obtenir son consentement contre une partie des gains réalisés. L'économiste rose a gagné. (Ce qui a fait le lit du FN ?)

M.Macron a peut-être réussi la dernière étape d'un changement. La gauche s'était convertie à l'économie. La droite avait adopté la contre-culture de gauche. M.Macron a fait la fusion de l'économie et de "l'avancée sociale".

mardi 30 janvier 2018

Dangers du médicament

Nouvel exemple d'énantiodromie ? Aux USA, l'espérance de vie régresse. Une cause en serait l'usage des opiacés. 63.000 morts en 2016. Il ne s'expliquerait pas tant par des drames de la pauvreté que par l'usage qu'en fait la médecine, qui transforme ses patients en junkies... (Article de The Economist.)

Peut-être serait-il temps de créer une médecine qui n'utilise pas la chimie ? Ou, peut-être, serait-il utile de s'interroger sur une société qui brutalise ses membres ?

The passenger

Publicité pour "The Passenger". Renseignement pris, "The passenger" est la traduction française de "The commuter". Car c'est l'histoire d'un banlieusard qui "se retrouve pris dans un terrible engrenage. Une conspiration qui devient une question de vie ou de mort, pour lui ainsi que pour tous les autres passagers !" dit Allociné.

Imaginons que cette oeuvre soit la seule qui surnage de notre temps, que penserait-on ? Que la vie dans un train de banlieue est un combat ? L'art, pour autant que l'on puisse parler d'art ici, ne cherche pas à dire la vérité, mais à susciter une émotion. Celle-ci a sans doute une fonction, mais qui dépasse notre entendement.

C'est peut-être parce qu'on a voulu, ces derniers temps, que l'art ait un sens, que j'ai le sentiment qu'on l'a tué ?

Routes sans lois

Le Mexique en 1938. Graham Greene y enquête sur les persécutions qu'y subit l'Eglise. Il en résulte un surprenant reportage. Les gens sont laids, la nourriture est mauvaise, les routes sont impraticables, les logements des taudis, il est malade... Il ne voit rien du paysage. Il va d'un point de son périple à un autre, en maudissant les attentes forcées que lui font subir des transports locaux peu fiables. Heureusement qu'il y a quelques êtres civilisés au Mexique, allemands ou norvégiens. Et quelques romans anglais, qui lui font regretter délicieusement sa patrie. Le livre est le récit de ses tourments.

Je me suis demandé si Graham Greene n'avait pas écrit une étude de l'âme anglaise. L'Anglais a une passion pour les voyages, au sens premier du terme "passion" : il se complaît dans la souffrance que lui apporte l'inadaptation de ses moeurs contre nature à la réalité du monde.

(Ce genre culturel, l'Anglais en difficulté à l'étranger, a un nom : "Brits in the shit". Il fait vendre les journaux.)

lundi 29 janvier 2018

Complot

France Culture s'interrogeait (samedi) sur le désarroi du PS. Il serait dû à une erreur stratégique. Le Think Tank Terra Nova lui a suggéré une tactique électorales s'appuyant sur les immigrés, les femmes et les jeunes. Le président de Terra Nova reconnaissait que cela avait été bête. Si cette information n'était pas venue de France Culture, j'aurais cru à des fake news du FN, financées par Poutine ! Sans parler de la stupidité mathématique de ce raisonnement, et de son invraisemblable ignorance des réalités, je me suis demandé ce que le PS comptait faire des Français de souche. Et, comment peut-on s'appeler "socialiste" quand on hait une partie de la société ? Et le dirigeant de Terra Nova, vieux Français de souche, comme les prétendants à la direction du PS, était-il suicidaire ?...

Y a-t-il une théorie psychologique pour expliquer ce fatras d'irrationalité ? J'y perds mon latin. Le mieux que j'ai trouvé, c'est Paul Watzlawick, et son "jeu sans fin". L'homme construit des systèmes intellectuels, faux par définition puisque représentations de la réalité (pas réalité elle-même). Des contradictions apparaissent fatalement. Au lieu de voir que le système nie la réalité, l'homme renie la vérité pour le système. Pris dans son délire, il devient fou.

(PS. Depuis, j'ai retrouvé l'étude dont il est question ici. Et j'ai compris pourquoi elle ne m'avait pas frappé. Elle date de 2011. On y disait que les immigrés tendaient à voter massivement pour la gauche, et que les jeunes et les femmes avaient des sensibilités qui lui étaient favorables. L'étude semblait ressortir au cynisme politique ordinaire, qui consiste à se faire élire en jouant une partie des citoyens contre l'autre. C'est la tactique qui a réussi à M.Obama. Seulement, peut-être que, pour M.Obama, il s'agissait effectivement d'une tactique, alors que pour Mme Clinton et le PS, c'était leur intime conviction ? Le peuple ne s'y est pas trompé ?)

Réforme de l'éducation

On réforme le secondaire. Plus de filières, mais des majeures et des mineures. Voilà un changement... Qu'ai-je à en dire ? Je n'y comprends rien. Quel est le problème qu'a voulu résoudre le gouvernement ? Pourquoi cette méthode plutôt qu'une autre ? Et quid de sa mise en oeuvre ? Et quid de l'opposition ? Il n'y en a plus, ou personne ne sait quoi penser ?

En quoi ces réformes prennent-elles en compte les questions fondamentales qui se posent à la société. A savoir, la disparition du projet de la Révolution, une école qui "libère" l'individu par l'éducation ; la disparition du projet de la 3ème République : l'ascenseur social ; et, finalement, l'excès d'offre par rapport à la demande qu'ont causé les réformes Haby, et le décalage entre le besoin de la société et la formation dispensée par l'école ?

Probablement, comme le programme de gouvernement de M.Macron, cette réforme a été conçue par des "spécialistes". Elle améliorera peut-être la situation, mais elle accepte un statu quo mondial comme un acquis. Surtout, c'est un changement de droit divin. Comme d'habitude, mais mené avec un talent qui asphyxie la résistance au changement.

dimanche 28 janvier 2018

Anges pécheurs

Il y aurait des anges imparfaits dans le Coran. C'est ce que disait la radio ce matin. Leur histoire mérite d'être comptée. Les anges se seraient étonnés que Dieu leur demande de révérer sa création, les hommes, alors qu'elle est aussi peu exemplaire. Dieu leur aurait répondu qu'ils feraient comme elle dans les mêmes conditions. Joignant le geste à la parole, il teste cette prévision "falsifiable" (pour reprendre le vocabulaire de Karl Popper, on dirait peut-être "réfutable" en français). Il expédie sur terre ses deux anges les plus vertueux. Et, en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, ils sont corrompus par une femme. Elle leur fauche la formule divine de téléportation. Elle s'établit définitivement au ciel. C'est Vénus.

L'anthropologie ne dit pas autre chose. L'homme est conditionné par son environnement. Kurt Lewin en avait fait un principe de conduite du changement. En tout cas, une religion qui a de tels anges mérite le respect.

Jeff Koons

Vendredi matin France Culture disait le plus grand mal de Jeff Koons. J'ai retenu qu'on le jugeait un escroc, sans talent. L'argent est devenu le seul mobile de l'art.

Mais pourquoi s'en rendre compte si tard ? N'est ce pas le projet revendiqué par le pop art : devenir riche sans talent ? Refus de l'élitisme et de la culture, propre de la contre culture américaine ?

Hier, la "libération de la parole" des femmes semble une guerre fratricide. La gauche se retournerait-elle contre ses idéaux et ses héros ? Ceux-ci n'avaient-ils aucune substance, comme beaucoup l'ont cru, ou ont-ils été minés de l'intérieur ?

Davos

Greed and fear, disent les Anglos-saxons, lorsqu'ils parlent du marché. C'est probablement aussi ce qui caractérise le patron. En particulier, il a peur du changement. Si j'en crois le Financial Times, cette année il s'inquiétait du grand mouvement de contestation des élites qui parcourt le monde. C'est pourquoi il attendait avec curiosité la venue de M.Trump à Davos.

Il a été rassuré. De M.Macron à M.Trump, le mot d'ordre était : investissez chez nous. Quant à M.Trump, on l'apprécie de plus en plus. Car, ce que redoute l'entreprise, c'est l'incertitude. (Elle n'aime la concurrence que lorsqu'elle s'applique aux autres. Pour le reste elle adore les lois.) M.Trump est apparu un instant imprévisible. Mais, son bilan de président a rassuré les inquiets. D'ailleurs, il a montré à Davos que, quand il le voulait, il pouvait faire un discours dans lequel se reconnaîtrait n'importe quel président américain.

La conclusion de Davos : business first ?

(Mais à condition de respecter quelques apparences, et de ne pas trop en faire en termes de licenciements sauvages, de réduction des salaires ?)

samedi 27 janvier 2018

Sucre et Alzheimer

Elle sucre les fraises, disait-on, dans mon enfance, d'une personne âgée. C'est juste. Il y aurait une troublante corrélation entre un excès de consommation de sucre et la maladie d'Alzheimer. 86 millions d'Américains auraient un taux de sucre dans le sang supérieur à la normale. Ce qui semble signifier que l'on peut parler de "régime américain", comme on parle de "régime méditerranéen". Mais pour des raisons opposées.

Le mal serait d'autant plus certain que l'on aurait commencé le régime plus tôt. Inquiétez-vous pour vos enfants.

Mais tout n'est pas noir. Voilà, peut-être, un peu de baume pour le coeur des démocrates américains : M.Trump est certainement un sujet à risque élevé.

(L'étude qui est à l'origine de ce billet ne dit pas ce que donne le mélange de sucre et de bouton rouge.)

Paul Krugman

Il y a quelques temps M.Trump se serait payé la tête de Paul Krugman, prix Nobel d'économie. M.Krugman, un des opposants les plus acharnés à M.Trump (et, généralement, à tout ce qui est républicain), a annoncé que la politique de M.Trump serait un désastre. Or la bourse américaine bat des records. Mais, à long terme, l'économiste n'a-il pas raison ? D'ailleurs, M.Krugman a prévu que la zone euro n'était pas viable. Tremblons ?

Eternelle question. Le scientifique peut-il dicter sa volonté aux éléments, ou doit-il apprendre d'eux ? M.Trump, prochain prix Nobel d'économie, exaeco avec la zone euro ?

(A noter qu'il y a une autre tradition américaine, celle qu'illustre la Harvard Business Review. C'est : "apprenez des gens qui réussissent"... Le bon usage des traditions est fonction des circonstances, aux USA.)

Le choix de Sophie

M.Trump est un grand manipulateur. Il a proposé aux démocrates "le choix de Sophie". Vous votez le budget de ma grande muraille mexicaine, et je légalise vos enfants d'immigrés.

Les démocrates se sont indignés. Malheureusement, c'est eux qui avaient commencé ces tractations douteuses : vous légalisez mes enfants d'immigrés, ou je vous coupe la lumière. Quand on dîne avec le Diable...

vendredi 26 janvier 2018

Framing

A l'occasion de sa première année au pouvoir, M.Trump a accusé la presse d'être "à 90% hostile". France Culture s'en faisait l'écho. En gros, elle disait qu'il était impossible de mesurer ces 90%.

France Culture a été victime d'une manipulation grossière, qui s'appelle "framing". L'affirmation de M.Trump, qui pourrait être volontairement fausse, a orienté sa réponse. Non seulement elle l'a amenée à répercuter la déclaration de M.Trump, mais elle l'a placée sur la défensive : mais non, la presse ne dit pas un mal excessif de M.Trump.

Comment répondre à un framing ? En refusant les hypothèses sous jacentes. Par exemple : la presse juge par elle même, elle ne joue pas pour tel et tel camp. S'il se trouve qu'à 90% elle désapprouve une mesure de M.Trump, c'est que cette mesure est mauvaise.

Prix Nobel

Il y a quelques temps Richard Thaler a obtenu le prix Nobel. Il est l'inventeur de l'économie comportementale. En gros, il explique que l'économie qui vaut des prix Nobel est fondée sur des bases fausses, et que l'expérience quotidienne a raison. La société a des raisons que la raison ne comprend pas.

Les Lumières ont pensé que la raison pouvait diriger le monde. Il en a résulté des désastres. En fait, la raison n'est qu'un outil. Il faut apprendre à la piloter. Le prix Nobel ne dit peut-être pas qu'une personne est intelligente, mais qu'elle a fait un pas pour adapter la raison à la réalité ?

jeudi 25 janvier 2018

Brésil

Lula est en procès. Dilma et Lula n'ont pas fait ce que l'on attendait d'eux, au Brésil. Ils se sont alliés aux classes qu'ils avaient combattues. Peut-être était-ce par pragmatisme ? Cela a permis de réorienter une partie des financements publics vers le peuple (en en perdant beaucoup au passage). Ce qui était un peu plus en contravention avec leurs valeurs, c'est que Dilma et Lula ont vécu royalement, en bonne intelligence avec leurs ennemis d'hier.

On reproche aussi à cette manne financière d'avoir rendu une partie de la population assistée. Ce qui est désagréable au reste d'un peuple de gens modestes, qui vit difficilement. Le phénomène ne semble pas propre au Brésil. On le décrit un peu partout. Il y a une sorte d'alliance du très riche et du marginal, contre l'intermédiaire. Cela se voyait déjà dans les démocraties grecques à l'époque de Thucydide. Est-ce propre à la démocratie ? Dans d'autres régimes (comme l'entreprise !), chacun a un rôle social. Dans la démocratie, l'équilibre, et peut-être le mouvement, viendrait-il du conflit ?

(Chez Thucydide, ce conflit entre oligarques et démos conduit aussi à la dislocation.)

Fin du monde

Si je fais fortune, je finirai ma vie dans une université américaine au soleil. Voilà ce que je disais quand j'avais quatorze ans. Dans mon enfance, la science émerveillait. On pensait qu'elle produirait toujours des résultats nouveaux et surprenants. D'ailleurs, il était plus important de comprendre, d'apprendre, que de découvrir.

La science inspire maintenant la méfiance. Elle patine, et l'accès général à l'éducation a démystifié le savant. Certes il nous domine par son talent. Mais c'est aussi le cas du collectionneur de timbres, ou du champion de 100m. Comme me le disait un mathématicien, la mathématique moderne ne se préoccupe-t-elle pas de problèmes triviaux ? Ce qui a ébranlé la science, c'est la découverte qu'elle reposait sur un a priori, non scientifique : il existe une vérité absolue que l'on peut approcher par la raison. Le pire, peut-être, c'est qu'entre les mains de l'entreprise, elle cherche artificiellement à retrouver sa gloire : elle s'engage, sans contrôle social, dans des chemins dangereux : manipulation du vivant, par exemple.

Doit-on abandonner la science ? Peut-être, comme le disait Niels Bohr du fer à cheval qu'il avait mis sur sa porte : "il paraît que cela marche, même quand on n'y croit pas" ?

mercredi 24 janvier 2018

Bouddhisme nationaliste

Les Bouddhistes nationalistes massacreraient les Rohingyas, selon les nouvelles de Birmanie.

C'est étrange. Ne nous dit-on pas que le Bouddhisme est pacifique ? A moins que les religions soient autre chose que leur message. Un signe de reconnaissance pour un groupe. Et les groupes, semblent dire les sciences humaines, n'aiment pas les étrangers. Parce qu'ils les menacent. Et ce par définition.

Google bien public

De grands publicitaires anglais poussent Google et Facebook à se doter de régulateurs indépendants, disait, en substance, le Financial Times.

Une de mes vieilles idées : ces réseaux sont des monopoles, ils auraient besoin d'une régulation pour bien public. Cela n'exclut pas la propriété privée : les routes sont confiées à des concessionnaires, The Economist possède une sorte de comité d'éthique, par exemple.

Cela réduirait peut-être leur liberté de manoeuvre, mais, surtout, cela les déchargerait de lourdes responsabilités, et les rendrait peut être sympathiques. Compliqué à réussir ? Ou, plutôt, intéressant exercice de RSE, mondial ?

mardi 23 janvier 2018

Droits de l'homme

Lorsque M.Macron a rendu visite à la Chine, on lui a reproché de ne pas avoir parlé de "droits de l'homme". Soudainement, quelque chose m'a frappé que je n'avais pas compris jusque-là. La définition de "droits de l'homme". Il s'agissait de défendre trois opposants au régime, qui sont en prison. Des intellectuels.

Mais, sur une population qui compte plus d'un milliard de personnes, n'y a-t-il que trois personnes qui souffrent ? Des mineurs de fond ? Des paysans déplacés par millions ?... Cela m'a rappelé l'époque soviétique : on ne parlait au mieux que de Sakharov et de quelques autres ; on se fichait des conditions atroces dans lesquelles on vivait au Goulag. Quant à Mao, non seulement personne ne s'est préoccupé des résultats de ses révolutions culturelles, mais ceux qui auraient pu le faire étaient de son côté !

J'ai compris alors le bonheur d'être un intellectuel. Vous gagnez le paradis en échange de quelques manifestations bruyantes.

(Une illustration de mon billet traitant de "moral licensing".)

Dreyfus

L'affaire Dreyfus, une question d'antisémitisme ? Probablement pas comme on l'entend.

Quand on y regarde bien, les deux camps étaient antisémites. C'est ce qui a probablement fait que l'armée n'a pas poussé très loin son enquête, lorsqu'elle a soupçonné Alfred Dreyfus. Mais, l'antisémitisme a été aussi un argument de l'autre camp : on ne peut pas nous accuser de partialité, puisque nous sommes antisémites. Et que le capitaine Dreyfus, contrairement à son frère, n'est pas estimable. Ce qui s'est affronté dans l'affaire Dreyfus, ce sont, probablement, deux universaux : la Vérité et l'Armée. De chaque côté on a montré que l'on était prêt à leur sacrifier ce que l'on avait de plus cher. Parfois sa vie.

(Ce qui a été fatal à l'armée est, peut-être, qu'elle a accepté le concept de justice, fondée sur la recherche de la vérité. Le ver était dans le fruit ?
Sur l'antisémitisme général, il s'explique, approximativement, par le fait que la droite assimilait le Juif à l'étranger, et la gauche au capitalisme.
Ces idées viennent d'ici et d'ici.)

lundi 22 janvier 2018

Dialectique

J'ai toujours tort, dit ce blog. Depuis que je suis tout petit, je me rends compte, de temps à autre, que ce que je crois, sans savoir que je le croyais, est faux. Peut-être que, pour avancer, il faut croire à la vérité, alors qu'elle n'existe pas ? "L'erreur est humaine" dis-je aussi. Mais il ne faut pas croire trop longtemps à une vérité donnée : "Persévérer est diabolique." Ce mécanisme qui nous permet de marcher sur l'eau est peut-être ce que certains appelleraient la "dialectique". Une discussion permanente avec le monde, qui se déroule en passant de certitude en certitude opposée, sans que le phénomène ne soit circulaire.

En conséquence, on ne peut pas dire à quelqu'un : "vous pensez que", en brandissant une de ses déclarations passées. Bien sûr, la loi peut condamner certains agissements contraires à l'intérêt général. Mais, pour se faire une idée de la personnalité de quelqu'un, le "juger", au sens non juridique du terme, il faut prendre en compte le mouvement qui le porte. Car notre vie c'est ce mouvement ?

Cryopréservation du démocrate

Mes amis du Canada passent plusieurs mois à une température inférieure à celle de mon congélateur. Cela prolonge-t-il la durée de leur vie ? Cette pensée m'a amené à l'article "Cryopréservation" de wikipedia. J'ai découvert que certaines grenouilles se congelaient ! Le problème que pose la congélation à l'être vivant c'est la glace. Elle détruit les cellules. Ces grenouilles possèdent un mécanisme qui les remplit d'antigel. On essaie de faire de même pour l'homme.

A quoi me servirait une Cryopréservation ? demanderez-vous. A attendre la mise au point du traitement d'une de vos maladies. Phénomène Belle au bois dormant. Votre vie s'arrête le temps que naisse le prince charmant que vous méritez. Les démocrates américains devraient-ils tenter la Cryopréservation ?

(Mais, la cryopréservation pose aussi l'éternelle question liée au progrès : nos bricolages avec la vie ne peuvent-ils pas provoquer des conséquences physiologiques imprévues ?)

dimanche 21 janvier 2018

Le complot de Davos

Ceux qui parlent de complot devraient lire l'article cité par le précédent billet. Il y est dit que les gens qui se rassemblent à Davos ont le sentiment d'être l'élite, qui tire les ficelles du monde. M.Macron, pensent-ils, est l'un des leurs. Il les rassure. Mais M.Trump les inquiète. Leur ère est-elle en passe de s'achever ?

L'homme de Davos

M.Mélenchon devrait-il lire The Financial Times ? Voici ce qu'on y dit de M.Macron. "Le président Macron est un ancien banquier, qui s'est engagé dans la libéralisation de l'économie française mais qui a aussi des idées progressives en termes de société. Il s'est engagé à réaliser une intégration européenne renforcée et une coopération internationale contre le changement climatique. Il est diplômé des meilleures écoles françaises et parle anglais couramment. En d'autres termes, le président Macron est l'idéal de Davos. Si, dans dix ans, il sort de la politique française, il n'est pas difficile de l'imaginer accoudé au comptoir du centre du congrès, en tant que patron d'une grande entreprise ou d'une organisation internationale."

Voilà comment il est vu, et voilà pourquoi il a un tel succès international.

Mais est-ce réellement lui ? Un Français peut-il avoir ce type d'ambition ? D'ailleurs a-t-on envie de diriger une entreprise lorsque l'on a gouverné un pays ?

(En VO : President Macron is a former banker, who is committed to liberalising reform of the French economy but who also has “progressive” social attitudes. He is committed to deeper European integration and international co-operation on climate change. He is a graduate of France’s leading educational institutions and speaks fluent English. In other words, President Macron ticks every Davos box. If, in a decade’s time, he finds himself out of power in France, it is not hard to see him propping up the coffee bar in the congress centre, as the head of a big corporation or international organisation.)

Père relatif

Florence Dupont, anthropologue, parle de la notion de "père" chez les Romains. Nous devenons père à la naissance d'un enfant. Le Romain devient père à la mort de son père ! Et la génétique n'a rien à voir dans l'affaire. Le père de famille gouverne un groupe d'hommes, sur lequel il a un pouvoir absolu, mais envers lequel il a des devoirs. Il désigne celui qui prendra sa place. La logique de la succession n'est peut-être pas génétique. Mais tout aussi logique. Le successeur ressemble au succédé. Par exemple, si le père est un esclave affranchi, le "fils" peut être choisi pour l'être aussi. Car le fils génétique, s'il est né libre, est dissemblable de son père.

Juste ou injuste ? Les Romains n'y voyaient certainement rien à redire. Un trait culturel de notre société est de penser qu'il n'y a qu'une culture, la nôtre. Du coup, nous expliquons l'histoire comme un "progrès" vers notre société, et nous jugeons le passé à l'aune de nos valeurs.

L'art de la provocation

J'écoutais un journaliste espagnol, ayant vécu aux USA, expliquer que M.Trump vivait de la polémique. Il a passé un moment dans l'industrie du catch, où l'insulte est spectacle. Il n'est heureux que dans un tel milieu.

La provocation semble le principe de vie de beaucoup de gens. Est-ce durable ? Vu l'âge de M.Trump, la réponse est probablement oui. Explication ? A chaque fois qu'il dit une bêtise, ses adversaires pensent qu'il est fini ? Ce qui les empêche de trouver un moyen efficace de le liquider ? Aussi, le danger l'excite, ce qui le force à être sur ses gardes ?

Plus subtil, peut-être. En dépit de médias hostiles, il est le centre de l'attention mondiale. (Kim Jong Un et Nicolas Sarkozy doivent baver d'admiration.) Il y parvient par ses provocations. Mais c'est justement parce que les médias sont hostiles, que M.Trump dispose d'une extraordinaire caisse de résonance. C'est l'art de la guerre, à son meilleur ! (Sun Zu serait admiratif.)

Plus étrange, peut-être. Je soupçonne un phénomène bizarre : avoir une énorme notoriété, quelle qu'en soit la raison, est bon.

samedi 20 janvier 2018

Changement paradoxal

L'affaire Weinstein tournerait-elle au maccarthysme ? Aux USA, les dénonciations se multiplient. Mais les actes dont il est question sont-ils délictueux ?

Je me demande s'il ne faut pas y voir un changement, et une injonction paradoxale. Le changement vient du passage de la femme de 68 à celle du 21ème siècle. La première veut être traitée d'homme comme un autre. La seconde, tout en étant de moeurs libres, croit à l'amour romantique. Elle veut le droit au prince charmant jetable. L'injonction paradoxale est là. Car l'offre ne peut s'adapter à la demande.

L'argumentation de la femme du 21ème siècle est un autre paradoxe. Car elle dit qu'elle est victime du pouvoir masculin. Or, cette campagne semble montrer que c'est elle qui possède le pouvoir. Quel usage en fait-elle ?

Objectif Trump

Plus l'objectif est difficile, plus le changement est facile. La raison en est simple : il est difficile d'améliorer un peu ce que l'on fait déjà bien. En revanche, pour changer radicalement, il faut chercher des idées totalement nouvelles, ce qui est relativement facile. Dans le domaine des sciences du management, la technique qui en résulte s'appelle le "stretch goal" (changement systémique).

Et si M.Trump était notre stretch goal ? Si nous croyons réellement au changement climatique, il va falloir compenser le manque de vertu américaine. Ce sera même bon pour les Américains. Car, si nous y parvenons, ils pourront nous imiter.

C'est, d'ailleurs, une autre technique de conduite du changement. Tout le monde n'avance pas à la même vitesse. Une dynamique de groupe se lance par l'exemple du succès. Il déclenche une concurrence, qui amène chacun à vouloir dépasser l'autre. Louons Trump ?

vendredi 19 janvier 2018

Administratrices vertueuses

Les femmes et les conseils d'administration. Rien de ce que l'on croit n'est vrai. Voilà la conclusion d'un spécialiste, qui vient de faire une étude sur la question.

La France serait la championne de l'administratrice, en nombre. La loi des 40% est appliquée, sauf par les filiales des groupes étrangers. Si vous voulez une administratrice, vous la trouverez et d'excellent niveau. Comme il n'y a pas de pénurie, les administratrices n'ont pas besoin de multiplier les mandats. Chaque administratrice en a généralement un seul.

On a entendu dire que l'administratrice améliorait l'efficacité des conseils d'administration. Ce que l'on constate, c'est qu'elle en améliore l'ambiance et l'esprit. Par l'exemple elle les amène à travailler ! En revanche, il semble que ce sont les entreprises dynamiques qui fassent appel à des femmes, non les administratrices qui font réussir les entreprises. Cela s'expliquerait par une étude de McKinsey. Les conseils d'administration n'ont qu'un rôle mineur, voire pas de rôle du tout, dans la gestion des entreprises. En tout cas pas celui que l'on attend d'eux, qui est de définir leur stratégie : en particulier "ils auraient une mauvaise compréhension de la stratégie de l'entreprise "! Mais, au moins, depuis que les femmes y sont présentes, ils sauvent les apparences ? Tout est perdu fors l'honneur ?

Changement

Montesquieu disait que les sociétés reposaient sur un principe ("esprit"). Je constate qu'il y a du vrai dans cette idée. Dans ma jeunesse, un principe de la société était la "science". Je crois que l'on entendait par là qu'il existait une "vérité" absolue. Aujourd'hui, on vit à l'heure du post modernisme : la conviction par l'argumentation. La vérité est relative, c'est celle que croit la société. Ou qu'on lui a fait croire. D'où la vogue de la théorie du complot, qui n'est pas sans fondements.

Il y a une troisième voie. C'est le pragmatisme, au sens du courant philosophique américain qui porte ce nom. Son principe est la démarche scientifique. C'est une enquête sur les faits, à base d'expériences. S'il y a une "vérité", c'est une modélisation. Elle sort, éventuellement, de cette enquête, parce qu'elle a fait la preuve de son efficacité. Autrement dit, le succès de l'enquête n'est pas obligatoire, il demande du talent, l'inspiration. Mais aussi, la vérité n'est ni absolue, ni relative. C'est un mouvement, une construction permanente. Quand le mouvement s'arrête, il n'y a plus de vérité, et plus rien.

J'ai interprété l'élection de M.Macron comme une tentative de virage vers le pragmatisme. Un changement de principe.

Bioéthique

Hier matin j'entendais parler de Bioéthique. Une invitée de France Culture affirmait que nous avions une loi beaucoup trop contraignante. Elle bloquait l'innovation. Elle n'était pas en phase avec l'évolution de la société. Nous étions les seuls dans ce cas. La loi avait été écrite par des vieux, qui n'étaient pas représentatifs. Mais elle n'avait rien contre les vieux, puisqu'elle était elle-même grand mère.

Je ne connais rien à la fameuse loi. Mais cette grand mère est bien de son temps. Elle illustre les travers du débat contemporain. En effet, en quoi est-ce un argument recevable, que de dire que nous avons tort, parce que nous ne pensons pas comme les autres ? ( Et quels autres ?) En quoi une loi bioéthique forte est-elle contradictoire avec l'opinion de la société ? N'entend-on pas que les sondages constatent que cette société croit à la théorie du complot, donc n'a pas confiance en ceux qui décident de son sort ? Cette société a-t-elle envie de relâcher le contrôle sur la manipulation du vivant ?

Avant de parler de bioéthique, parlons éthique ? C'est ce type d'argumentation fautive qui fait le lit de M.Trump ? ( Un autre grand père.)

jeudi 18 janvier 2018

Vinci et la ZAD

Vinci va-t-il gagner cent millions, cent cinquante millions, trois cents millions, pour n'avoir rien fait ? L'abandon de Notre Dame des Landes pose cette question. J'entendais quelqu'un dire que Vinci a beaucoup d'intérêts en commun avec l'Etat et donc qu'il sera accommodant. Certes, mais cela signifie que ce qu'il n'aura pas reçu pour Notre Dame, il l'obtiendra des péages d'autoroute. Et, qui sait s'il ne le gagnera pas au centuple, puisqu'alors sa rémunération échappera au regard du citoyen ?

Peut-être est-il temps de comprendre que l'Etat c'est nous, et que nous ferions bien de concevoir des processus de décision démocratiques un peu moins ridicules que ceux qui ont abouti à Notre Dame des Landes.

(Quand il s'agit de Notre Dame, on est autorisé à croire au miracle.)

Antiquité, territoire des écarts

L'anthropologie étudie l'antiquité. Ce que l'on en dit depuis trois siècles au moins est totalement faux ! Par exemple, le "théâtre" est une invention récente. L'antiquité n'avait rien d'équivalent. D'où des textes d'un "théâtre" grec qui n'ont aucun sens. Surtout pas celui que nous leur donnons. Autre cas, élémentaire : le voyage d'Ulysse. Il illustre la "métis", un terme intraduisible, dont la définition est peut-être l'Odyssée ! En ces temps, on voyageait beaucoup. L'hospitalité était nécessaire. L'Odyssée est l'histoire d'une succession de mauvais hôtes, et de la façon de se sortir habilement d'affaire, la métis. Le livre multiplie les exemples tout aussi surprenants.

Pourquoi "écarts" ? Parce que l'antiquité nous fait faire un pas de côté, et nous regarder de l'extérieur. Nos débats n'ont rien d'universel. Nous utilisons des "catégories", comme le théâtre, la sexualité, l'immigration... qui nous sont propres. Elles sont incompréhensibles à une autre culture. Ou, plutôt, pour en approcher le sens, celle-ci doit employer notre mot et lui associer les expériences qui s'y rapportent. La particularité de notre culture est qu'elle est "ethnocentrique". D'une part, elle interprète le passé, comme une étape du progrès dont nous sommes le faîte, alors que chaque culture était un système qui avait sa logique propre. D'autre part, elle juge ce qui s'y passait, avec ses valeurs, alors qu'elles n'avaient pas cours alors, et que l'on ne s'en portait pas plus mal.

Nous sommes atteints par une fossilisation effrayante de la pensée. Les philosophes en sont les artisans. L'homo n'a plus rien de sapiens. Peut-être même d'homo. Si l'on parle autant d'intelligence artificielle, est-ce parce qu'il n'y a plus d'intelligence ? Car la réelle intelligence n'a rien à craindre de la machine ?

Un ouvrage qui fait perdre le nord. A lire tant que nous en avons encore la faculté.

mercredi 17 janvier 2018

Libéralisme

Vendredi soir on s'étripait sur la question du "libéralisme", chez France Culture. Je n'ai pas eu le temps d'entendre la définition de libéralisme. Mais j'ai cru comprendre que c'était une question de "principes" et que la France était illibérale, et qu'il fallait prendre modèle sur l'Angleterre.

En Angleterre, les classes supérieures et inférieures ne semblent pas se comprendre. Elles n'ont pas accès à la même culture. Peut-on parler de libéralisme si tout le monde n'a pas l'équipement culturel qui lui permet de participer au débat politique qui est la démocratie ? A moins que le paradoxe se résolve en disant que libéralisme = respecter certains principes ? Comme l'Angleterre les respecte, elle est libérale ?

(Donner cet équipement intellectuel commun est le projet français depuis la Révolution.)

Moral licensing

Les psychologues ont un nom pour tout. "Moral licensing", c'est l'autorisation implicite que se donne celui qui fait le bien à transgresser ses principes. Apparemment des études scientifiques auraient montré ce phénomène à l'oeuvre chez les écologistes.

Je me demande si on ne le retrouve pas chez Mme de Sévigné. Elle vient d'écouter un prêche édifiant, et elle regarde d'un oeil indifférent le massacre, dans des conditions atroces, d'une révolte de miséreux bretons. (Et toutes ces affaires de harcèlement sexuel dans les milieux de gauche ?) Le "moral licensing" me concerne, d'ailleurs. Le régime alimentaire que m'inflige la Faculté me semblant excessif, je m'autorise un nombre d'entorses qui l'est peut-être aussi.

Les principes absolus aboliraient-ils le sens des responsabilités ? Et cela parce qu'ils nous font tellement souffrir qu'ils nous poussent à chercher des compensations ?

mardi 16 janvier 2018

Sympathie

M.Macron n'est pas sympathique. C'est rare pour un homme politique. Le charisme est un atout décisif dans cette profession. M.Macron est un manoeuvrier. J'observe, autour de moi, que ceux qui ont voté pour lui ont fait preuve des mêmes caractéristiques. Ils ne l'ont pas élu "par défaut", comme on le dit parfois, mais pour sa capacité à changer le pays, d'une manière acceptable, mais pas idéale.

M.Macron sait probablement qu'il ne lui sera rien pardonné. Il sait aussi qu'il sera jugé sur ses résultats. Saine situation ?

Bien s'entourer

Le premier ministre Edouard Philippe est allé rencontrer les élus concernés par notre Dame des Landes. Qu'un premier ministre s'informe ainsi avant de prendre une décision me semble nouveau.

Il y a peu on disait que, à quelques exceptions près, le gouvernement était fait d'inconnus. Cela a toujours été le cas. Mais, cette fois, j'ai l'impression que les inconnus sont des gens compétents, qui travaillent. Ils ne prendront pas forcément de bonnes décisions, mais, au moins, ils jugeront en leur âme et conscience. Et ils sortiront de l'anonymat ?

M.Macron a su s'entourer. Ce qui est une qualité.

lundi 15 janvier 2018

Complot

Un nombre surprenant de Français croit à la "théorie du complot". France Culture le déplorait. Mais, en même temps, cette radio s'inquiète des scandales sanitaires qui se succèdent. Nous cacherait-on quelque-chose ?

J'entendais, au sujet du voyage de M.Macron en Chine, que l'Europe s'était faite tondre comme un mouton par ce pays. Voilà un propos qui aurait été impensable il y a seulement un an. De même la radioactivité de Tchernobyl s'était arrêtée aux frontières de la France. Et le "consensus de Washington" ? Quelques Américains puissants se mettent d'accord pour réformer le monde. Il en résulte une série de crises effroyables, notamment en Asie et en Russie. Elles ont dû démolir la vie de centaines de millions de personnes. Dans ces conditions, pourquoi ne pas penser que les USA soient aussi derrière les malheurs du Moyen Orient ? D'ailleurs, Ben Laden n'a-t-il pas commencé comme un agent américain ?...

Nos gouvernants cultivent le secret. Ils ne reconnaissent jamais leurs fautes. Ils font preuve d'un complexe de supériorité surprenant, et d'un mépris sans limites pour ceux qu'ils gouvernent. Voilà une hypothèse vraisemblable que l'on peut faire. Maintenant, qui est le plus ridicule ? Celui qui croit au complot ? Ou celui qui ne comprend pas pourquoi on croit au complot ?

Romantisme et raison

Le Romantisme rejette la raison. Comme la systémique, Gödel et les neurosciences, il juge que la raison ne fonctionne pas. Ou plutôt que ce qui est réellement important pour l'homme est au delà de la raison. C'est l'idée, aussi, de Kierkegaard et des existentialistes, et de la religion. Comment faire sans la raison ? Passer par l'intuition, l'inspiration. D'où l'importance de l'art pour ces gens. (Camus se disait un "artiste", ce qui m'a toujours surpris : ne l'est pas qui veut.)

La pensée allemande a été romantique, et l'on a vu où cela nous a menés. On n'échappe pas aussi facilement à la raison, et à ses erreurs ?

Pour ma part, je pense que le rôle de l'intuition est indéniable. Eureka, dit Archimède. Toute création commence par un éclair de génie, que l'on serait bien en mal d'expliquer, sinon qu'il lui faut des circonstances favorables (souvent, comme pour Archimède, une vie de labeur). La théorie de la complexité parle "d'émergence". Mais le phénomène est trop rare pour qu'on en fasse un usage quotidien. En conséquence, l'intuition peut fournir un objectif à notre vie. Mais, pour se diriger vers lui, il faut utiliser notre outil imparfait : la raison. Pour cela, il faut essayer de comprendre les défauts de celle-ci, et comment s'en protéger, comme le disait un précédent billet.

dimanche 14 janvier 2018

Samuel Fuller

La France a censuré Samuel Fuller. C'est ce que disait une émission de France Culture. On était dans les années 50 et un de ses films avait choisi pour méchants des communistes. On ne pouvait pas dire cela en France, alors que 30% de la population votait communiste. Curieusement, le film venait de recevoir un prix en Italie, pays bien plus communiste que le nôtre.

La censure est-elle un trait culturel français ? Une question qui mériterait une étude.

(Le film est "Le port de la drogue", en français, car il ne parle pas de drogue en anglais... Article Inrock, où l'on voit que la caractéristique de Fuller était, aussi, de se faire censurer...)

Qualité de l'éducation

Comment les Anglo-saxons parviennent-ils à conserver la qualité de leur éducation supérieure ? Cela vient, je soupçonne, d'un paradoxe systémique. Ils le font par la sélection. Une sélection purement aléatoire, qui porte sur la naissance plus que sur le talent. (Il y a aussi de la discrimination positive. Mais elle ne fait de tort qu'aux classes moyennes, et pas à l'élite. Et n'apporte pas grand chose aux prolétaires, qui, de toute manière, ne possèdent pas les codes sociaux de la réussite.) De cette sélection sortent des enseignants de bon niveau et bien payés. Ce sont eux qui font la qualité du système.

En France, la massification de l'enseignement supérieur produit des élèves médiocres, donc des enseignants médiocres. Cercle vicieux. En fait, tout commence à la maternelle, les premiers apprentissages étant décisifs. Là aussi le système d'apartheid anglo-saxon est plus efficace que notre démocratie approximative. Comment renverser le cercle vicieux ? Deux idées, pour gagner en productivité, sans changer les principes de notre modèle :
  • Un rôle accru de la famille, pour l'apprentissage initial. (Nb. une part importante de la population a un niveau de formation supérieur à celui des enseignants du primaire.)
  • Pour l'enseignement supérieur, apprendre à l'élève à apprendre, et lui fournir les moyens (MOOC, etc.) de se cultiver. 
Tout cela permettrait aux enseignants de se concentrer sur ceux qui ont le plus besoin d'aide. Au début, il y aurait probablement des inégalités criantes, mais elles se résorberaient au fur et à mesure que la connaissance se répand.

samedi 13 janvier 2018

Clémenceau

Clémenceau était fameux pour ne rien laisser passer. Quand il était interpellé, à la chambre, il reprenait un à un tous les arguments de ses adversaires. Il était aussi fameux pour ses duels. Apparemment, son art du discours ne lui suffisait pas toujours pour convaincre.

Pour qu'une société fonctionne correctement, il faut discuter de tout, sans quoi des raisonnements fautifs peuvent s'amplifier en mouvements de foule dévastateurs. Mais comment y parvenir sans en arriver aux mains, comme Clémenceau ? Si l'on savait répondre à cette question, le gouvernement n'aurait pas à écrire de lois sur les "fake news".

(Le lieutenant Colombo, ou Edgar Schein et son "humble inquiry" ont peut-être une partie de la solution. Mais il n'est pas simple de les imiter.)

(Clémenceau de référence.)

Imprévisibilité

Les hommes sont tous les mêmes et tous différents. Je l'ai noté au sujet des étudiants. Il changent en bloc, par génération. Mais, au sein d'une génération, chaque groupe a un comportement spécifique. Ce qui est d'ailleurs injuste : si vous appartenez à un groupe de "bons élèves" vous aurez une forte probabilité d'être bon élève. Et inversement. En revanche, quand on cherche à creuser, on constate que chaque étudiant est extrêmement différent des autres.

Or, ce n'est pas ce à quoi l'on s'attend. "Je te connais comme si je t'avais fait", me disait ma mère. Grave illusion, qui fait commettre les plus regrettables erreurs. Chaque homme est un étranger. Et c'est peut-être la seule bonne façon de l'aborder. En revanche, les structuralistes, qui soutenaient cette thèse, ont peut-être loupé quelque-chose. Certes l'homme n'est pas déterminé par son histoire, mais connaître cette histoire facilite grandement la découverte de son identité.

(Il en est de même de tout. Par exemple, la physique classique ou la chimie la plus élémentaire sont aussi imprévisibles. C'est pour cela que l'on a besoin d'ingénieurs : ils doivent faire des mises au point, en fonction de ce qu'ils observent, et qui ne correspond pas à ce qu'avaient prévu les scientifiques.)

vendredi 12 janvier 2018

Obama

Les intellectuels américains pensent qu'une grande partie de leurs contemporains sont des fascistes racistes. N'ont-ils pas élu M.Trump ? Curieusement, ils ne se demandent pas comment ces fachos ont fait pour élire, et réélire, M.Obama, un nègre. Certes il n'a pas été porté par une vague immense. Mais il a été élu, et réélu, au moins aussi bien que ses prédécesseurs. Et pourtant, il n'a rien fait pour se faire des amis. On pourrait dire la même chose de la France, qui nomme chaque année Omar Sy personne la plus sympathique. (Et Yannick Noah est éternellement au sommet des classements.)

Et si c'était l'intellectuel qui créait le mal qu'il combat ?

Trump, idiot utile ?

Mauvais Trump, bonne Europe, lit-on. Et si c'était un exemple de "mauvais flic, bon flic" ?

C'est parce que M.Trump dit ce que tout le monde pense, qu'il fait bouger les choses, et que les "bons" peuvent tirer les marrons du feu, en disant : aidez-moi, sinon il fait un malheur ?

jeudi 11 janvier 2018

La renaissance de 68 ?

Je disais, en fin d'année, que M.Macron enterrait 68. Et si 68 renaissait ? me fait demander le billet précédent. Et si Harvey Weinstein était l'hirondelle qui refait le printemps ? Le test existentiel qui révèle que 68 ne fut pas un mouvement de paresseux, comme semblait le penser M.Sarkozy, mais répondait à de puissantes et respectables aspirations ?

La conséquence de la capacité humaine au changement est d'avoir toujours tort ?

Puritanisme

Catherine Deneuve et quelques autres femmes célèbres se rebellent contre les réactions suscitées par l'affaire Weinstein. (Tribune.) Ce qui est surprenant est qu'elles utilisent les mots de ce blog. Notamment puritanisme et déni de justice. (Mais avec quelques autres idées plus subtiles, comme défense de l'amour maladroit et jeu du fondamentalisme.)

Pourquoi cette convergence ? Probablement, comme le dit ce blog, parce que ce mouvement est anti 68, et que Catherine Deneuve et ses cosignataires sont, probablement, des femmes de 68. Mais aussi parce qu'elles soulèvent des questions essentielles, et qu'elles n'ont pas été posées.

Affrontement sain. Jusqu'ici on avait l'impression qu'il y avait une pensée unique et, pire, une police de la morale. Les intellectuels avaient une voix unique. S'ils avaient une opposition, elle était silencieuse. Du coup elle était récupérée par les populistes et autres fondamentalistes. Ce qu'il y a de remarquable dans cette tribune, c'est son courage. En fait, elle est cohérente. Elle montre des femmes qui n'ont pas froid aux yeux, qui ne hurlent pas avec les loups. Et s'il n'y avait pas de démocratie sans parole ? Et si, pour qu'elle fonctionne, il fallait que chaque opinion ait la même aptitude à s'exprimer ? Et si c'était le retour de l'intelligence ?

(PS. Et où sont les hommes dans cette affaire ? Une chose qui ne change pas : le courage est féminin ?)

Paris Syndrome

Connaissez-vous le syndrome de Paris ? C'est la désillusion qui vous envoie à l'asile. La déception fatale qui frappe l'étranger lorsqu'il arrive dans notre capitale.

(Paris Syndrome is described as a temporary mental health disorder that strikes visitors upon discovering that the Paris doesn't meet their romantic expectations. The dissonance between the myth of the city and its reality is apparently so great that a sort of psychiatric breakdown ensues.
Article.)

Curieusement, j'ai noté cet effet. En particulier à une époque où je donnais un cours optionnel en MBA. Curieusement, tous les étrangers, et rien que les étrangers, choisissaient ce cours. Et je ne pouvais démarrer le programme prévu qu'après une première séance durant laquelle les participants m'expliquaient à quel point le Français et la France étaient criminellement stupides. Ce à quoi je répondais que tout ce qui leur paraissait mal était l'expression d'une culture très honorable. L'argumentation n'était certainement pas définitivement efficace, mais, au moins, elle semblait les calmer.

mercredi 10 janvier 2018

Bulgarie et Roumanie

Bulgarie et Roumanie sont entrées dans l'UE grâce à M.Blair. Il voulait les remercier de leur soutien durant la guerre d'Irak. Et faire de l'UE un grand capharnaüm. Voici ce que dit un journaliste bulgare, cité par Politico. Il semble aussi penser que la Bulgarie est une sorte d'asile de fous, qui ne devrait pas faire de vieux os dans l'UE.

Paradoxe de l'élite politique anglaise qui se plaignait auprès de son peuple de l'UE, alors qu'elle en tirait les ficelles... Mais aussi question sur la France, où ce type de nouvelle n'a pas été diffusé : comment peut-on s'appeler une démocratie, si l'on n'informe pas correctement son peuple ?

Ridicule Trump

Pourquoi nous critique-t-il, il est des nôtres ? Voici ce que je lisais dans la presse américaine, démocrate, avant l'élection de M.Trump. M.Trump est un membre de l'élite intellectuelle, qui critique l'élite intellectuelle ! (On disait la même chose, à l'époque, de M.Macron.) M.Trump a en effet fait des études prestigieuses. Et il a été un moment démocrate.

De l'art du ridicule
Si on le dépeint maintenant comme un imbécile, c'est, probablement, l'effet d'un trait culturel américain. L'Amérique ne semble pas croire à la vérité. Ce qui est vrai est ce que le peuple croit. Voix du peuple, voix de Dieu. Et le peuple est influençable. Il y a une expression qui dit plus où moins "jeter quelque-chose contre le mur pour voir s'il tient" (wikipedia, pour une variante). C'est un art subtil. Une ancienne journaliste (française : cela marche aussi chez nous) m'a expliqué qu'elle avait trouvé un surnom à une personne : "le robot". Effectivement, perdu dans ses pensées, il marchait comme un robot. Elle estimait que cela serait suffisant pour causer sa perte.

mardi 9 janvier 2018

Fake book

Le livre qui vient d'être consacré à M.Trump est une illustration du phénomène "fake news". Voilà ce que j'ai retenu d'une émission de France Culture. A savoir qu'il est écrit par un journaliste qui n'en est pas un, et qui prend l'information avec beaucoup de légèreté. Et qu'il joue sur un biais humain : rechercher les nouvelles qui confirment ce que l'on croit déjà.

Si nous nous flattons de notre perspicacité en entendant une nouvelle, c'est que quelqu'un est en train de nous manipuler, avec succès ?

The trend is your friend

The trend is your friend, disait un article de McKinsey. La mode est votre amie. C'est curieux, parce que c'est une devise pour mouton de Panurge, par pour leader admirable. C'est, aussi, la recette de la spéculation, et de la crise.

Dans ma jeunesse, les gourous du management braillaient "changez l'avenir à votre avantage". "Strategy as stretch", la stratégie comme transformation, et non comme soumission. C'est Monsanto. Ce n'est pas mieux, diront quelques pisse-vinaigres. Mais rien n'empêche l'entreprise d'avoir une conscience. C'est ce qu'a cherché à lui donner un troisième grand courant du management : la Corporate Social Responsability ou Responsabilité Sociale des Entreprises.

(D'autres encore diront peut-être que si le dirigeant n'est capable que de suivre des tendances, il ne faut pas lui demander l'impossible : d'être responsable. C'est le rôle de l'Etat, et l'entreprise suivra les tendances qu'il lui fixera.)

lundi 8 janvier 2018

Turquie et France

La Turquie se sent isolée. Elle se cherche un allié. M.Macron semble le candidat idéal.

Qu'a-t-il à gagner ? Des affaires.

La presse ne s'intéresse qu'aux droits de l'homme. Mais reflète-t-elle les intérêts du peuple ? Comme un vieux film le faisait dire à Surcouf : "on se bat toujours pour ce que l'on n'a pas" ? (Un Anglais lui demandait pourquoi il se battait pour de l'argent, alors que les Anglais se battaient pour l'honneur.)

Malin comme un singe

Le singe et la banane. Depuis des décennies, on vous assène cette histoire dès que l'on veut parler de changement. Morale : les règles sociales sont dues à des causes qui n'existent plus. Elles bloquent donc le changement pour rien.

Eh bien, c'est idiot. Ce qu'a observé Konrad Lorentz, c'est que l'animal aime ce qui est nouveau. Et la communauté suit l'innovateur qui réussit. Autrement dit, le singe et la banane sont des inventions. De même que l'idée, répandue par des universitaires éminents, que l'homme n'aime pas le changement. Il est probable que l'homme n'aime pas certains changements. Ceux que l'on veut lui imposer sans discussion. Peut-être, dans ce domaine, comme l'animal, a-t-il une capacité de discernement ?

dimanche 7 janvier 2018

La mouche

Nos grands esprits sont idiots. C'est le sentiment que j'ai en étudiant leurs travaux. Ils étaient des virtuoses d'une technique, la philosophie, les mathématiques, l'écriture ou autres. Ce qui les rend difficiles à comprendre, donc on les admire. Mais, lorsqu'on en vient à leur vision du monde, elle est indigente, voire ridicule. Comme leur vie.

Les psychologues disent que, pour réussir, l'optimisme est déterminant. C'est la théorie de la mouche. L'homme est comme une mouche contre une vite. Il se tape la tête contre un problème. Il ne peut que le résoudre par hasard. Il faut qu'il ait assez d'inconscience pour s'entêter suffisamment longtemps pour qu'un courant d'air dévie sa course, et lui fasse trouver la sortie. La science a dû nous donner cette inconscience.

Il semble que, même en l'absence de science, nous ayons tous une réserve d'inconscience. Si l'on cherche bien, on trouve au fond de nous des choses en lesquelles nous croyons. Si l'on arrive à les faire émerger, confrontées à la réalité, elles provoquent une réaction qui pousse l'homme en avant. Ce phénomène s'appelle "révolte" chez Camus.

Monument Trump

L'Amérique a été faite par des criminels de génie. Ils font partie de la culture du pays. Ils ont été à l'origine d'une prospérité qui a profité à tous. C'est ce que disait, en substance, l'étude sur la Mafia dont parle ce blog.

Cela ferait enrager l'intellectuel, mais M.Trump appartient sans doute à cette tradition qui tient au coeur de l'Amérique. Et, beaucoup le regretteront, mais elle n'a peut-être pas tort. Au moins à court terme. Le "key performance indicator" de M.Trump est probablement le revenu des classes populaires. S'il parvient à créer une demande d'emploi supérieure à l'offre, il aura gagné. Pour cela il use de mesures protectionnistes, et cherche à rapatrier le maximum d'entreprises chez lui.

Mais, il lui reste une épreuve. Comme ses prédécesseurs, il va probablement perdre la majorité au Sénat. Va-t-il, comme M.Obama, refuser de discuter avec son opposition ? Ou va-t-il rechercher des compromis, un peu douteux, avec certains, autre tradition américaine ?

Joie

"La plupart des hommes ne font les grands maux que par les scrupules qu'ils ont à faire les moindres" (Cardinal de Retz)

Ne serait-ce pas le propre de notre temps ? A force de vouloir être innocents comme des colombes, nous faisons de la vie un purgatoire ? Ce qui donne du charme à l'enfer et provoque des réactions violentes ?

samedi 6 janvier 2018

Apologie du mal

Pourquoi ne pas faire le mal ? disaient les premiers films de Roman Polanski. Il n'avait pas prévu le retour en force du puritanisme. Une chape de glace.

Et si, comme le filmait Roman Polanski, on pouvait retrouver un peu de joie en bravant les interdits ? C'est peut-être ce qu'ont pensé les Américains, lorsqu'ils ont élu M. Trump. Et vous, qu'auriez-vous envie de transgresser ?

En lisant Konrad Lorentz, j'ai pensé à la science. Elle a mauvaise presse. Peut-être que l'on s'est fait des illusions sur son pouvoir. Mais c'est merveilleux ce que l'on a su apprendre. Et c'est surprenant à quel point ce que l'on croit savoir est erroné. J'ai retrouvé un enthousiasme d'enfance.

Affreux Trump

Qu'il est bête. Voilà ce que dit un livre sur M.Trump. Il est incapable de se concentrer, il prend des décisions instinctives, et il ne lit pas. En plus il s'est effondré quand il a appris qu'il avait gagné les élections, et sa fille critique sa coiffure.

Quoi de neuf ? Il est évident que M.Trump se comporte comme il s'est toujours comporté. Et, d'ailleurs, comme se comportent beaucoup d'entrepreneurs. Le monde, la finance et les multinationales sont massivement dirigés par de brillants technocrates. Est-ce pour autant qu'ils sont bien gérés ? Que ces gens nous ont évité une guerre en 40 ou en 14 ? Est-ce pour autant que l'on ne parle pas de changement climatique ?...

La solution à nos problèmes n'est peut-être pas M.Trump, mais elle n'est pas plus chez ses opposés.

(J'ai lu pas mal de biographies de gens que les USA admirent. Elles aussi se concentrent sur les bizarreries de leur sujet. Mais elles en font les causes de son succès !)

vendredi 5 janvier 2018

Céline

Doit-on publier les pamphlets anti-sémites écrits par Céline ? France Culture s'insurgeait contre cette idée. France Culture, probablement, veut protéger le public, incapable d'avoir un saint jugement. Tout le monde ne peut pas avoir l'intellect du journaliste de France Culture.

Pour ma part, je trouve bizarre cette censure. Car, amputé de son antisémitisme, Céline n'est pas Céline. Il pourrait presque être n'importe quel bien pensant moderne. Et même un bien pensant estimé pour la qualité de son oeuvre. Ce dont bien peu de bien pensants, y compris salariés par France Culture, sont capables.

Victime de 68

Paradoxe de 68 : les soixante-huitards se voyaient comme des victimes, alors que leurs parents les disaient privilégiés. En effet ils pensaient leur avoir donné ce qu'ils n'avaient pas eu, et ce qui avait le plus de prix pour eux : l'éducation. Or, qui dit éducation signifie ne pas avoir à gagner sa vie, donc une forme d'oisiveté. Pourtant, les jeunes se considéraient comme des prolétaires opprimés par la société !

Une anecdote explique peut-être cette différence de perspective. Une jeune femme raconte que, du fait de ses diplômes, elle gagnait beaucoup plus que ses parents. Ceux-ci, conformément à la tradition, pensaient qu'elle apporterait son salaire à la famille. Or, elle a jugé qu'il était dû à son mérite, et que sa famille était sinistre. Et elle a fuit ses parents. (L'étude dont je tire ces réflexions. Une même histoire est arrivée à un ami libanais, venu faire ses études en France. Une fois qu'il a eu un emploi, sa famille lui a demandé de payer les études de son frère. Ce qu'il a trouvé injuste.)

Le conflit de 68 est-il venu d'une méprise ? Les parents pensaient que les enfants leur devaient leurs études, les enfants pensaient qu'ils devaient leur situation à leur travail, mais rien n'aurait été possible sans la transformation de la société ? A moins qu'il faille évoquer une idée de Tocqueville concernant les causes de la Révolution ? Comme à l'époque de Louis XVI, plus on donne au peuple, plus il est furieux ? Leurs études ont montré aux étudiants qu'ils venaient d'un milieu "défavorisé" ?

J'entendais un interviewé de France Culture se dire homme de gauche, ce qu'il définissait ainsi : "être du côté des perdants". Le combat du soixante-huitard a été la défense de la "victime", victime à laquelle il s'assimilait ? En même temps, son enrichissement personnel dû à sa position sociale a créé un écart béant entre sa situation matérielle et ses idées. C'est le phénomène Bobo. Le gagnant de la transformation du monde critique ses perdants, la classe moyenne, symbole de la société à laquelle il livre combat. C'est peut-être cette critique de son électorat qui a été fatale à Mme Clinton.

(Et si le paradoxe venait de plus loin ? Je me demande si le grand mouvement de "massification" de l'enseignement supérieur, qui a démarré après guerre aux USA, n'avait pas pour objet de créer une classe moyenne importante, garante de la stabilité du modèle capitaliste...)

jeudi 4 janvier 2018

Manif de Notre Dame

La Manif pour tous est inacceptable. Elle met en cause une mesure démocratiquement adoptée. Voilà ce que disait, en substance, une invitée de France Culture. Mais, cela n'est-il pas encore plus vrai pour Notre Dame des Landes ? D'autant qu'il y a eu référendum local, l'expression ultime de la volonté populaire, de la "démocratie".

L'émission portait sur la laïcité. Cela me semble dire que la laïcité doit traiter de bien plus que de la religion. La question qu'elle pose, probablement, est celle des "communautés" dans une société démocratique. 

Changement respectueux

Le changement dont parle mon premier livre est social. La culture (au sens anthropologique) contient des règles de changement, si on les applique, « on transforme les organisations sans bouleverser les hommes » (mon deuxième livre). Mais, depuis dix mille ans, et singulièrement ces derniers temps, l’histoire est apprentie sorcière. Elle nous force à des changements individuels qui vont jusqu’à des modifications de notre génome. Changement par la crise : change ou crève. (D'où existentialiste comme méthode de conduite du changement, individuel.) Le premier est le changement selon Proudhon (social), le second celui de Marx (nihiliste : on broie de l'humain pour faire le bien de l’humanité).

Changement respectueux
Y a-t-il un bon changement ? On pourrait dire que le changement social est altruiste. On change sans remise en cause de l'individu. C’est peut être le changement d’après guerre. Mais c'est aussi prendre l'homme pour un idiot. Et il y a le changement égoïste, comme par exemple l’euro. Il part du principe que « l’intendance suivra ». Mais c'est aussi avoir confiance en l'homme. Et n'oublions pas Maslow. La vie de l'homme est une réalisation de soi. L'homme se réalise par le changement, comme le papillon. Et ce changement est avant tout social.

Pour le professeur d'organisation des entreprises Jean-Pierre Schmitt, l'entreprise idéale est respectueuse. Je crois que mon idéal de changement est respectueux. Si l’on fait un changement qui prend l’autre pour un imbécile ou qui casse tout sans se préoccuper de savoir s’il y a une chance de rebâtir, ce n’est pas respectueux. Le vrai respect est probablement entre les deux. C’est peut-être aider l’autre à « réaliser son identité », en faisant émerger les conditions qui le permettront. C’est aimer son potentiel. C’est ce que fait le bon entraîneur. Changement du troisième type ?

mercredi 3 janvier 2018

Esprit du temps

Le psychologue Robert Cialdini dit qu'une des lois implicites d'une société est "tu me donnes, je te rends". Cela semble évident : la société est construite sur un échange équilibré de dons et contre dons. Comme on peut le constater, ce n'est plus le cas. Pas besoin d'évoquer le bien et le mal pour l'expliquer. Quand une société a pour principe l'égoïsme, "si tu me donnes, c'est que cela te rapporte". D'ailleurs, tout est gratuit sur Internet, et pourtant on y fait des fortunes sans précédent. Curieusement, c'est la charité chrétienne, à l'envers : ce que l'on donne à l'indigent est remboursé au centuple par Dieu.

Il est possible que nous revenions vers un peu plus de solidarité. Cependant, les pionniers du mouvement feraient probablement bien de prendre en considération d'où ils partent...

(L'Etat providence aurait-il été un, le ?, facteur favorable à l'émergence de l'égoïsme ?)

Résilience

Résilience, solution au changement climatique. C'est ce que semble dire Véolia. Je suis arrivé à cette idée, il y a une vingtaine d'années. Je donnais un cours en école de commerce. Pour illustrer la question de la stratégie en environnement incertain, j'avais fait une improvisation sur le réchauffement climatique. Il n'y avait pas encore de consensus sur le sujet. En particulier, un journal aussi important que The Economist était climatosceptique. Face à l'incertitude, il y a trois stratégies (complémentaires) :
  • Changer l'avenir : éviter que la température augmente de plus de 2°.
  • S'adapter. C'est l'option résilience. C'est absorber le choc. Voire en profiter pour se transformer. 
  • L'option. Acquérir des compétences qui pourraient être utiles au cas où.
La principale caractéristique du changement est que l'on ne sait pas ce qui se passera. Dans le doute, il vaut mieux s'abstenir. Cependant, cela ne semble pas possible. Donc, préparons-nous à des phénomènes violents.

Depuis, je suis entré en contact avec Dennis Meadows, un des rédacteurs du rapport du club de Rome. Il s'est résigné à la catastrophe. La résilience est notre seul salut. C'est une question beaucoup plus complexe que celle envisagée par Véolia ou mon cours. En effet, la déflagration qu'il envisage touche des centaines de millions de personnes. La crise actuelle des immigrés donne une pale idée du problème.

mardi 2 janvier 2018

Uchronie

En écoutant le concert de nouvel an, de Vienne (avec le regret que l'on ne puisse pas échapper au Beau  Danube...), j'ai pensé : pourquoi ne pas faire un appel à proposition de nouvelles valses, modèle 1840 ?

D'ailleurs, pourquoi ne pas revenir sur ses pas ? Mais pas à la mode des nationalistes, qui désirent un avenir figé. Pourquoi ne pas retourner à une période de gloire, mais en essayant de choisir un avenir différent de celui qui a été suivi à l'époque ? En se demandant ce qui a raté. Pourquoi ne pas introduire le redoublement dans l'histoire ?

Contre culture

La contre culture américaine a changé le monde, disait un précédent billet. Et elle n'est pas "contre" mais partie intégrante. Rien d'original. N'est-ce pas ce qui s'est passé lors des guerres napoléoniennes ? Les idéaux révolutionnaires ont submergé l'Europe, alors qu'ils n'avaient plus cours dans l'empire français ? Et la décolonisation ?

La contre culture est pétrie des valeurs de sa culture. Si bien qu'en pensant apporter la lumière, elle produit le chaos. C'est peut-être ce qui s'est passé en Allemagne. D'où explosion européenne et mondiale. Et ce qui survient dans les ex colonies européennes ?

Une culture semble être faite d'opposés, de frères ennemis. Comme le Yin et le Yang. Leur "affrontement" lui permet d'avancer. Mais, l'affrontement ne donne pas de troisième état. Il n'y a pas de fin de l'histoire. Sauf lorsque la contre culture attaque une culture étrangère. Soit elle résiste et reprend un état antérieur (Asie), soit elle disparaît (Afrique) ?

Mystérieux.

lundi 1 janvier 2018

Vingt ans de 98

Il y a vingt ans la France gagnait la coupe du monde de foot. On y voyait le triomphe d'un melting pot bien français.

Or, à la fois pour l'équipe et pour le pays, la prédiction n'a pas été auto réalisatrice. Elle a encouragé les pouvoirs d'alors à faire ce qu'ils avaient le plus envie de faire : rien ?

Centenaire de 18

Dommage que l'on ne cherche pas à tirer de leçons de la guerre de 14....

Des idées qui me sont venues en rédigeant ce blog :
  • Ses raisons, d'abord. Cela semble avoir été l'idéologie. La volonté de puissance allemande, bizarre combinaison de romantisme et de technologie, qui paraît un contre-coup des guerres napoléoniennes, se heurte à une France vieillissante à l'élite éternellement médiocre. L'Angleterre est aussi en déclin. 
  • Tout ce monde est sauvé par l'Amérique, qui tire les marrons du feu. On pensait que ce serait la der des der, or elle a été la cause du chaos. Les USA, au lieu de chercher à canaliser l'énergie allemande vers des fins pacifiques, et de prolonger le remboursement de la dette alliée (projet de Wilson), ont laissé l'Europe s'étriper. Et la bulle spéculative de 29 a mis le feu aux poudres. 
  • 45 aura tiré les leçons de ces erreurs. Leçons qui auront été vite oubliées. Une vague de libéralisme balaie le monde, d'autant que l'effondrement de l'URSS semble annoncer le millénaire capitaliste. Les USA pensent que leur heure est venue. Mais, comme en 29, les crises spéculatives se suivent. D'abord locales, puis mondiales. 
  • Les changements que nous avons connus ces derniers temps (les blocs régionaux se refermant en partie, les USA se repliant sur leur territoire, des leaders plus ou moins nationalistes étant élus un peu partout...) semblent annoncer un nouvelle ère. Une société un peu moins coincée qu'après guerre, mais un peu plus communautaire que libérale ?

Cinquantenaire de 68

Cinquantenaire de 68. Histoire d'un changement surprenant :

Un ami, tendance Hamon, me disait avoir affronté la Manif pour tous. Mais, la gauche c'est l'union libre, pas le mariage, non ? Il a paru interloqué. 68 a combattu l'autorité. Or, des palais de la République au sommet des multinationales d'Etat, les soixantehuitards et leurs épigones sont partout. Y compris à l'Académie française, temple de la ringardise ! 68 a dégagé l'autorité, mais ses héritiers font des anars d'hier des saints laïcs. Et on est passé de l'interdit d'interdire à un moralisme inquisitorial. Le nu en est un exemple : 68, c'était la libération du vêtement ; bientôt, les statues seront habillées. (C'était aussi l'apologie de la pornographie !) Et la justice ? Avec Harvey Weinstein et l'appel à la délation et le Jihadisme et ses fiches S, justice d'exception, sans protestation ? Et ainsi de suite.

Les soixante-huitard sont devenus ce qu'ils reprochaient à leurs parents d'être (et que ces derniers n'étaient probablement pas). De la liberté des moeurs au puritanisme. Qui l'eut prévu ? Enantiodromie ?

(Peut-être Jacques Brel : c'est exactement son histoire de notaires...)

Généreuse année

Un de mes amis haïssait Pasteur. Je n'ai jamais compris pourquoi.

La transformation du dit ami a été surprenante. Il était un homme simple et modeste, timide. Il est devenu, brutalement, une sorte de mouton enragé. Un écologiste militant voulant réformer le monde. Tout en étant, curieusement, un fou de bagnoles et grand amateur de foie gras.

On parle de la haine, fonds de commerce des populismes, mais en ont-ils le monopole ? Et ceux qui veulent faire le bien ? La haine, volonté de puissance de Nietzsche ?

Bergson pensait que l'univers avait pour principe la générosité. Beaucoup de gens cherchent à créer "du sens". Ils veulent nous donner un objectif. Mais, qu'est-ce qui est le plus important ? Le sens ou le principe ? Une société ayant pour principe la générosité ne serait-ce pas suffisant à notre bonheur ? Aime et fais ce que tu veux ?