vendredi 8 novembre 2019

Pierre Rosanvallon : une démocratie forte est complexe

Conférence de Pierre Rosanvallon, au Collège de France, mercredi dernier. Désenchantement démocratique : que faire ? Voici ce que j'ai retenu.

Le mot démocratie a mis du temps à s'imposer. "Pouvoir du peuple" inquiétait. Pour le reste, l'histoire de la démocratie est celle d'illusions perdues, d'espoirs qui se muent en trahisons.

Des conditions sociales aux situations sociales : l'homme politique en dinosaure
Cependant, cela a semblé un temps marcher. Mais la société a changé. Hier, elle était faite de groupes homogènes (les paysans, les catholiques, etc.) de gens peu instruits. Ils avaient leurs représentants politiques, qui pensaient pour eux. Aujourd'hui, tout le monde est éduqué, et supposé penser par lui-même. Il n'y a plus que des individus. Aux "conditions sociales" ont succédé des "situations sociales". Comme l'a montré le mouvement des Gilets jaunes, des gens dissemblables peuvent être réunis par les circonstances. "Les émotions sont plus importantes que les intérêts." Mots clés : défiance et perte de contrôle.

Les forces représentatives traditionnelles, des syndicats aux partis politiques, sont désorientées. La notion de programme n'a plus de sens, elles parlent d'intérêt général, de moyenne statistique, alors qu'il n'y a plus que des individualités, à l'émotion elles répondent subvention et matérialisme...

Le populisme : une solution aux attentes du peuple
Le populisme, lui, a compris l'air du temps. Il offre un leader qui incarne le peuple. Un leader qui répond à l'émotion par l'émotion. Et pour qui l'on n'est qu'ami ou ennemi : en dressant le peuple contre les "1%", ou contre "les autres", il lui redonne une unité, un sens, il rétablit la confiance en son sein. Et le protectionnisme est la promesse d'une reprise de contrôle sur son destin.

Une démocratie forte est complexe
Si la démocratie veut battre le populisme sur son terrain, elle doit se complexifier. Ce qui manque aux citoyens, c'est de savoir que "leurs problèmes sont mis sur la table". Il faut qu'ils puissent raconter ce qu'ils vivent. Mais, il faut aussi "démultiplier les formes de souveraineté". L'action politique ne doit pas se limiter aux élections. Il faut pouvoir agir sur la constitution (rôle des cours suprêmes). En outre, la société doit se doter d'institutions indépendantes (par exemple de régulation de biens communs). Finalement, le peuple a besoin "d'un oeil", d'un moyen de surveillance, permanent, de ceux à qui il donne le pouvoir. C'est la condition nécessaire du contrôle.

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