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mardi 31 janvier 2017

Crise existentielle

Crise existentielle ? Cela peut-il vous concerner ?
Sartre et Camus, peut-être Kierkegaard ou Heidegger ? L'absurde ? Cette mode d'intellos d'après guerre ? Impossible ! Eh bien non.

La crise existentielle, c'est le vide. C'est un état d'angoisse sournoise, intermittente. Cela peut vous saisir dans votre cuisine.
Pourquoi maintenant ? Nous sommes orphelins d'idéologies pour charbonniers. Elles nous disaient ce qui était bien et mal. Mais, les problèmes éternels, comme la mort, n'ont pas disparu. D'où crise. 

Que faire face à une crise existentielle ?
  1. Option 1. Ne pas penser. Tourbillon de distractions, alcool ou Jihad.
  2. Option 2. Tenir tête. Une méthode. 
  • a) Sonder son inconscient. 
  • b) Si l'on y parvient, ce qui fait peur s'exprime simplement. 
  • c) Traitement paradoxal. Est-il possible de vivre dans un monde dans lequel ce qui fait peur est une réalité ? 
  • d) Regardons l'histoire. Certains ont été confrontés à cette situation, il suffit de s'inspirer de leur expérience.
Morale. Affronter la crise, c'est ne pas être lâche. C'est être homme. Récompense immanente.

Alexandre Koyré

Alexandre Koyré, philosophe des sciences. La science fait des découvertes qui changent notre manière de penser, non ? Non. La science ne fait que confirmer nos idées préconçues, dit Koyré. On ne trouve que ce que l'on cherche. Galilée ou Newton résultent d'une façon de concevoir le monde nouvelle. Avant on pensait séparation entre terre et espace. Après on a fusionné les deux.

Querelle de clerc ? Non, c'est notre bonheur qui est en jeu. Car ce modèle mental a laissé l'homme de côté. On a cherché à régler sa vie avec ce que l'on avait : les lois de la physique. Et s'il suffisait d'adopter une autre façon de penser pour sauver la planète et nous assurer le bonheur ? Hannah Arendt, peut-être venue de Husserl, semble dire comme Koyré. Bergson, idem. (Koyré a suivi les cours d'Husserl et Bergson.) Et la systémique d'après guerre cherche à créer une science de la société. Koyré semble avoir l'élite intellectuelle (la vraie, celle qui est capable de penser) de son côté. 

Mais ceux qui dominent le monde ne sont pas des Husserl ou Bergson.  Ils sont "concentrés sur leur objectif" disent les Américains. Des managers professionnels ou des ritualistes de l'intelligence. Des individualistes que leur succès conforte dans leur contentement de soi. Ils financent une science à leur image : une science de l'individu. Et si la science du développement durable ne pouvait résulter que de l'élimination à la loyale des "individualistes" par des "sociaux", qui battraient les premiers à leur propre jeu, l'économie ? 

lundi 30 janvier 2017

Effet Macron

Ce matin, France Info interviewait des partisans de M.Fillon et de M.Valls. J'ai été surpris d'entendre "Macron" des deux côtés. Les premiers disant qu'ils auraient envisagé Macron, si M.Fillon ne s'était pas montré à la hauteur de l'attaque qu'il subit. Les seconds se demandaient si M.Macron n'est pas plus proche d'eux que l'idéologique Hamon. Comment quelqu'un qui n'était rien il y a quelques temps peut faire croire à autant de monde qu'il peut être un président crédible ? 

Une théorie traite de cette question. Il s'agit de "l'anchoring", l'ancrage. Un groupe de gens peut se mettre d'accord sur une même action, par exemple se retrouver en un même endroit, sans avoir besoin de se parler. C'est ainsi que l'on peut avoir l'impression de savoir ce que "les autres" pensent. Je ne suis pas sûr que l'on sache expliquer ce phénomène. En tout cas, il semble que l'on partage des sortes de stéréotypes culturels de ce que doit être la "bonne solution". Par exemple certains endroits d'un bâtiment ou d'une campagne semblent de "bons endroits" pour se retrouver. M.Macron doit avoir de telles caractéristiques. 

(On pourrait peut-être les déterminer par "perceptual mapping".)

Style république

Je me suis mis à lire des auteurs d'avant guerre. Surprise. Je les croyais des barbons ennuyeux. Or, leur style est simple, court, dynamique, avec une sorte de modestie, mais aussi d'efficacité. Ils font passer beaucoup en peu de mots, et surtout l'amour de la vie. Je le nomme : style république. Il commence avec Victor Hugo. Il s'oppose au style ancien régime de Mme de Sévigné, du cardinal de Retz ou du duc de Saint Simon, qui s'achève avec Chateaubriand (un faiseur, si l'on veut me croire). 

Curieusement, de cette période nous ne retenons que Proust, et ses constructions bancales, ou Céline. Pour moi Céline s'écoute écrire. Il fait du style pour le style. Il n'y a plus de coeur, que de la mécanique. Il annonce l'art moderne. Il ne crée qu'en fonction du marché. Le style de notre temps est le style spéculation. 

dimanche 29 janvier 2017

Effet Fillon

M.Fillon est attaqué. Il surprend par la maladresse de sa défense. Pour lui, l'effet Hollande a commencé avant même l'élection ! Comment se fait-il que plus vous attaquiez certains hommes politiques, MM.Trump, Clinton ou Sarkozy, plus leur côte monte, alors que d'autres s'effondrent à la première pichenette ?

Effet Talleyrand (ou son opposé : Tartuffe) ? Certains politiques portent un projet qui est "au dessus" des valeurs. La fin justifie les moyens. D'autres ne vivent que par les apparences. Ils sont pris en injonction paradoxale entre leur intérêt, qu'ils ne parviennent pas à maîtriser, et les dîtes apparences.

(M.Sarkozy a apporté son soutien à M.Fillon. "Hier tu me condamnais, je te pardonne, car tu es un des nôtres" ? La vengeance est un plat qui se mange froid ?)

Culture pop

Un article disait que M.Obama avait été le prince de la "pop culture". (C'est aussi vrai de Mme Obama.) C'était un arbitre du bon goût en termes de série télé, et l'hôte idéal des talk shows... Aux USA, on appelle cela "pop culture". C'est la culture du peuple. Je ne pense pas qu'il y ait d'équivalent en France : il n'y a plus véritablement de "peuple", au sens "classe populaire". La bourrée corrézienne est ce qui s'en rapproche le plus ?

Cette culture est devenue celle de Bob Dylan et Joan Baez. C'est maintenant une culture d'intellectuels riches. Elle a ses revues, comme Rolling Stones, ou les Inrocks en France, et toute une industrie de critiques érudits. C'est un art de vivre. Et si l'intellectuel avait cru que comprendre le peuple c'était jouer du rock, et fréquenter les stars du show biz ? Et s'il avait fini par penser qu'il était le peuple ? Après tout, la pop music a créé une grande ferveur. Il pouvait être pardonné d'estimer appartenir à un mouvement populaire. Ce n'est plus le cas.

Le plus étrange dans cette histoire est la France. En effet, l'équivalent de Bob Dylan chez nous, c'est Renaud. Mais, dans l'ensemble, la tendance "peuple" a pour base une culture qui n'est pas la nôtre.

samedi 28 janvier 2017

Theresa May

Qui est Theresa May ? 

Ce que l'on peut en entendre fait d'elle une porteuse d'une "troisième voie". Entre les élites et le populisme. Elle défend les "99%". Seulement, elle a tiré de bien mauvaises cartes. L'Europe peut être un formidable ennemi. Faute d'esprit de corps, et du fait d'une bureaucratie coupée des réalités, elle est facile à diviser, certes. Cependant, Mme May semble trop bien pour avoir recours à des procédés que la morale réprouve.

Aurions-nous intérêt à l'aider ?  Ce n'est pas pour rien que nous étions dans le même marché : nous sommes des partenaires naturels. Surtout, c'est la seule expérimentation crédible que nous ayons d'une alternative pragmatique au populisme. En se souvenant toutefois que si elle n'est pas perfide, sa nation l'est. Et qu'il ne faut pas que le reste de l'Europe suive son exemple. Impossible n'est pas français. 

Voies sur berges et post truth

La mairie de Paris a fermé les voies sur berge, et s'est engagée dans une guerre avec la Région. Des deux côtés, on démontre que l'autre a tort, en exploitant la même base de données ! Tout est une question d'interprétation.

Avant d'accuser M.Trump de "post truth", quelques-uns feraient bien de balayer devant leur porte...

vendredi 27 janvier 2017

Le retour de Juppé ?

Et si M.Fillon ne se présentait pas ? Qui pourrait le remplacer ? M.Juppé, logiquement. Mais, M.Sarkozy ne serait-il pas tenté de manifester ses droits ? Si A. Juppé revient, E. Macron est enterré, et il n'y a plus besoin de vote utile, à gauche. Cela fait aussi l'affaire de Marine Le Pen, qui va faire un gros score.

Comme quoi, en politique, il faut des nerfs d'acier. Cela explique peut-être pourquoi l'homme politique manque de beaucoup d'autres talents qui sembleraient pourtant utiles à une saine gestion de nos intérêts : il vit dans un monde hostile, dans lequel seule l'espèce la plus fruste peut survivre.

Perfide Albion

Il n'y a pas longtemps, l'Angleterre braillait qu'elle ne voulait pas de M.Trump sur son territoire. Elle était, me semble-t-il, la seule à être allée aussi loi. Eh bien, aujourd'hui, Mme May se jette dans ses bras. Avoir le pouvoir, ça change tout.

Cela devrait servir de leçon à France Culture, qui se délecte des manifestations contre M.Trump, en croyant peut-être qu'une manifestation d'intellectuels a la moindre utilité. Mais si l'on peut craindre une manifestation d'affamés, qui peut avoir peur de songe-creux ?

Pénélope fait tapisserie

Qu'a pu faire Penelope Fillon pour 500.000€ ? se demande-t-on. Réponse évidente : une tapisserie. En attendant son mari. Généralement, cela demande vingt ans. 

Comme MM.Giscard d'Estaing, Sarkozy et Hollande le montrent, en France, le ridicule tue. Le vase de M.Fillon commence à être très plein. 

(Il semblerait que la tapisserie de Pénélope devait servir de linceul à son beau-père.)

Tweet de Trump

On ne dirige pas un pays par Twitter. C'est évidemment ridicule, dit-on de M.Trump. Et pourquoi pas ? Toute la presse américaine est opposée à M.Trump : Twitter et le meilleur moyen, pour lui, de toucher son électorat. De Gaulle aurait adoré. Et, en plus, la presse marche à tous les coups. Elle dénonce, et fait des gorges chaudes... des contre-vérités de M.Trump. Comme pendant la campagne présidentielle, elle mange dans sa main. Elle ne fait que parler de lui. Tout bénef. Serait-ce un mec de 70 ans, qui va faire un succès de l'incertain Twitter ?

Ce qui est inquiétant avec M.Trump n'est pas qu'il est idiot. Au contraire.

jeudi 26 janvier 2017

Présidon

Mélenchon, Hamon, Fillon, Macron. Il semble qu'il faille avoir un nom en "on" pour être président.

Le neutre "on", la marque du changement ?

Growth hacking

Growth hacking entre dans notre vocabulaire. Nouveau mot en "hack", comme hacker ou biohacking. Hack, veut dire tailler (à la hache ou à la serpe). A hack, c'est un journaliste qui pisse de la copie. De manière figurative, cela signifie faire une entorse sérieuse à la légalité et la bonne éducation. Au MIT, le hacker est appelé pirate. C'est un mal pour un bien, espère-t-on. Mais il peut être un "innovateur" au sens du sociologue Merton, c'est-à-dire un "pervers". Le pervers narcissique est un hacker. Il utilise les lois sociales à l'envers de leur esprit. (Innovation.)

Et en termes de croissance ? C'est donner la valeur monétaire maximale à un projet, le plus vite possible, ce qui justifie tous les moyens. C'est la comptabilité créative d'ENRON, et d'IBM des années 80. C'est surtout l'hormone du même nom. Mais donnée à l'autre, pas à soi. C'est Goldman Sachs et coquins.

Et si votre coiffeur vous proposait un hair hacking ? Avant d'absorber une idée, ne faudrait-il pas s'interroger sur sa signification ?

Le noble et le néant

Ce qui m'avait frappé dans la princesse de Clèves, je le retrouve chez Musset : le noble vivait au Club Med. Sa vie n'était que réjouissances et plaisirs. Et sentimentalité incompréhensible aujourd'hui. C'est peut-être ce qu'a rêvé pour nous Marx. Et ce que la gauche a essayé de réaliser. 

Mais le noble ne voyait pas ainsi les choses. Ce qui faisait sa force c'était son mépris de la mort. La guerre était un jeu, comme la chasse. Il y vivait des émotions fortes. Il lui devait sa domination sur une population qui, elle, craignait pour son existence. Quant au loisir, c'était le moyen de tremper sa force d'âme en la confrontant à la tentation. Il transformait le dilettantisme en esthétique, en "culture" dirait-on aujourd'hui. Ce qui ne tue pas renforce.

Mais, à trop tenter le diable, le néant a eu le dessus sur le noble. Comme quoi le nihilisme n'a pas que du bon.

mercredi 25 janvier 2017

Pré post Truth

J'entendais une fille d'immigré maghrébin dire qu'elle avait découvert tardivement que son grand-père avait été le disciple favori d'un sage soufi, et que son père avait appliqué cette sagesse dans sa vie. Ce qui lui a donné une grande force. Cette histoire est celle de la France. Les gens qui ont fait la France d'après guerre, immigrés inclus, étaient dépositaires de richesses culturelles. Dans leur communauté ils étaient des gens qui comptaient. Une élite avancée. Mais ils ont cru que la France avait mieux à proposer. Ils ont accepté une vie difficile pour que leurs enfants profitent du miracle du progrès. 

Cette histoire a été réécrite. On en a fait des exploités, des pauvres types. Et ceux qui ont tenu ce discours, lorsqu'ils se sont trouvés au pouvoir, ont cru qu'il était une politique. Ils n'ont pas vu qu'ils avaient une responsabilité. Celle de faire que l'édifice qu'avaient construit leurs parents puisse respecter sa raison d'être : créer les conditions qui permettrait à l'homme de ne plus être tenté par la folie. Le plein emploi était la clé de voute de l'édifice. 

Du coup, tous ces sacrifices n'ont servi à rien. On n'est pas en 33, et M.Trump n'est pas Hitler. Mais la façon dont ils ont pris le pouvoir a de curieuses similitudes. 

(Note technique. Le dispositif qui permettait la prospérité d'après guerre, ou l'équilibre de la zone euro, n'est pas statique, comme le croient les économistes, mais dynamique. C'est l'effort de tous qui empêche la barbarie. Pas une prétendue "loi naturelle". Il fallait réinventer Bretton Woods, pas le détruire.)

Break dance

Break dance ? Affrontement entre deux gangs. Mais on ne passe pas aux actes. Chaque camp veut impressionner l'autre par une prouesse. Exploits individuels d'abord. Dignes d'une épreuve olympique de gymnastique au sol. Ou d'un numéro de comédie musicale américaine, mais sans trucages. Ce qui est décisif, me semble-t-il, c'est le moment où le groupe adopte une sorte de chorégraphie spontanée, auto-organisée.

La culture fut-elle créée par des voyous ? Le voyou est-il le père du citoyen respectable ? Ou, encore, l'individu aspire-t-il à "faire société", comme disent les intellectuels ? 

Changer un monde pourri

Quand une société est corrompue, comment peut-elle changer ? Tout le monde est coupable. On m'interpelle. J'ai répondu : c'est pourtant ce qui s'est passé après guerre : à quelques fusillés pour l'exemple près, il y a eu remise à zéro. Et ce partout en Europe, et au Japon. Comme l'explique Bergson, il y a eu redéfinition de la réalité.

Mais ça ne marche pas toujours. En MBA on m'a enseigné l'efficacité parfaite du marché. Ce qui m'a surpris, alors, c'est que cette théorie ne reposait sur aucun précédent. Elle n'était pas scientifique. J'ai fait remarquer à un professeur que des observations triviales ne collaient pas avec ses présupposés. Il m'a répondu que cela était connu, mais pas suffisant pour ébranler la théorie. Elle continue à définir notre réalité.

Limites du "post modernisme", que l'on appelle maintenant "post truth" ? On a cru que l'on pouvait créer à sa guise la réalité. Mais il semble qu'il y ait quelque chose qui soit indépendant de nos talents d'illusionnistes.

mardi 24 janvier 2017

Le cours de marketing du professeur Trump

Qu'est-ce qui a pavé la voie qui a mené M.Trump à la présidence ? Une émission de télévision. Il a compris que des valeurs opposées à ce que prêche Hollywood et les médias, la société en général, faisaient vendre. Preuve supplémentaire : M.Trump n'a pas une célébrité pour lui. Ce qu'a fait M.Trump s'appelle une étude de marché. Ouvrez un cours de marketing et tout s'éclaire. 

Kotler, Marketing Management
Voici ce que donne l'étude : l'axe du mal n'est pas couvert par les médias ! Même s'il ne représente que 40% de l'Amérique, c'est gigantesque. (D'autant que c'est vrai de l'Europe continentale.) Comment exploiter ce marché ? M.Murdoch en donne une idée. Mais la technique de M.Trump est plus subtile. C'est celle du "capital de marque". Il met son nom partout.  Cours de MBA : ce qui vaut le plus cher dans une entreprise, c'est son nom, la marque. Parce qu'on lui associe une expérience. Quoi de mieux, dès lors, que président des USA ? Quel meilleur héritage laisser à ses descendants ? Et sa communication "post truth" ?? Lorsqu'il dit qu'il n'y a jamais eu autant de monde à une intronisation, c'est faux. Mais c'est ce que veut entendre son électorat. Et ce d'autant plus qu'il est pauvre, et qu'il a fait un gros sacrifice financier pour se payer le voyage. Bref, c'est très bien joué. Bases des techniques de communication. (Mieux : dans ce cas, l'Eglise dirait que c'est un pieux mensonge : le bon communicant est doué d'empathie.)

Ries et Trout, le marketing guerrier
Cette communication a un avantage redoutable : elle enfonce ses adversaires dans leurs préjugés. La faille de l'intelligentsia, c'est de se croire supérieurement intelligente. Vos forces sont vos faiblesses ! L'art de Sun Zu est celui du businessman disent Ries et Trout.

(Hitler a exploité la bêtise de l'intelligentsia avant M. Trump. On peut être inquiet. Au moins, pour le moment, le Reich que M.Trump veut installer sur Terre est de dimension raisonnable, et pas de mille ans...)

Culture boxe

Il y a quelques temps, j'ai rencontré le fondateur d'un club de boxe. Sa clientèle était faite de plusieurs segments. Beaucoup de jeunes femmes. Elles arrêtaient le sport à leur premier enfant. Beaucoup de trentenaires masculins, cadres sup. Et des quinquagénaires pris du démon de midi sportif. A cela s'ajoutait de vrais boxeurs, pauvres, qui devaient se saigner aux quatre veines pour payer leur cotisation. C'est eux qui donnaient sa légitimité au club. Et, enfin, des vedettes du show biz, qui, elles, ne payaient rien ("payer" n'appartiendrait pas au vocabulaire de ce type de personnes), et avaient un comportement, apparemment, infect. (Je n'ai pas compris si elles présentaient un intérêt pour la notoriété du club, ou s'il était impossible de les écarter : elles exerçaient une sorte de droit de cuissage moderne.)

Qu'en déduire ? La boxe, façon d'éliminer le stress d'une vie contre nature ? Le parvenu a besoin de s'encanailler ? De se mesurer au peuple pour lui prouver sa supériorité ?... La boxe telle qu'elle est pratiquée mérite une étude anthropologique. 

Post truth : nouvelle ère

J'ai parlé d'une théorie portant sur Shakespeare qui a été relayée par la presse. Il suffit de lire Shakespeare pour constater qu'elle est fausse. Exemple de "post truth". Car il n'y a pas que M.Trump qui soit concerné. Imaginez, par exemple, que votre entreprise vous demande de faire quelque-chose de pas bien. Vous allez obtempérer, et donner une explication honnête à vos actes. Agir autrement serait risqué. Avez-vous réfléchi à ce que peuvent produire, sur vous, des milliards de gens procédant ainsi ? Non seulement plus rien n'est vrai, mais cette influence s'insinue partout. Même le milliardaire, même le patron de presse, qui semblent en tirer les ficelles, sont impuissants contre elle. Et que dire des enfants ? Gigantesque lavage de cerveau.

Et si nous parvenions à y survivre ? Nous serions des surhommes ? Ce qui ne détruit pas renforce. Il est tentant de croire, comme les nazis, que la société fait progresser l'homme en le confrontant au néant. Le nihilisme aurait-il du bon ? Serait-il une loi de la nature ? Mais, n'y aurait-il pas une autre façon, plus humaine, de changer ?

lundi 23 janvier 2017

Hamon Tour

Je me suis trompé. Je pensais que M.Valls ne passerait pas le premier tour de la primaire de la gauche. En fait, contrairement à ce qui s'est passé dans le camp adverse, deux candidats défendaient la même ligne. On n'en était pas revenu aux courants. Pour le reste, j'avais probablement bien vu. Comme à droite, il y a retour aux fondamentaux. 

Ce qui pourrait être inquiétant pour M.Fillon. Car cela pourrait signifier que, pour l'intérêt du parti, il est mieux de coller à la pureté originelle que de gouverner. Serait-ce un retour à ce que l'on a appelé les "deux France" ? Deux groupes qui défendent les intérêts de leurs adhérents par leur pouvoir de nuisance, façon Corée du Nord ? 

La peur du paradoxe

Lorsque j'enseignais, les dernières années, je faisais peur à mes élèves...

L'exercice que je leur proposais était le paradoxe. Qu'est-ce qui leur paraissait bizarre ? Innocent, et évident, non ? Pourtant cela provoquait des comportements étranges. Paradoxe du paradoxe.

Le savoir-faire de la jeunesse serait-il de nous dire ce que nous avons envie d'entendre ? Elle n'a pas d'avis, elle adapte son ramage à nos idées ? Elle a peur, en révélant ce qu'elle pense, de se faire condamner, ou de trahir ce qu'elle croit être la noirceur de son âme ?!

De l'action du leader

Bergson pense qu'il existe des "êtres privilégiés", qui ont la faculté de changer le monde. Ils lui apportent, aussi, une touche personnelle. Cette idée se retrouve dans les théories du management : ces êtres exceptionnels sont appelés des "leaders". 

Je me demande si ces leaders ont réellement la faculté de créer la réalité. Je soupçonne qu'ils ressemblent au sculpteur. Il révèlent une potentialité de la pierre. Mais, on peut tirer plusieurs statues d'une même pierre ! c'est peut-être là que le leader a un impact décisif sur l'avenir. Mais peut-il vraiment faire acte créatif ? Je soupçonne que c'est l'histoire de beaucoup d'idéologies. Elles ont révélé quelque chose d'important, mais elles étaient aussi porteuses de beaucoup "d'irréaliste". Et cette partie de leur héritage n'a cessé de nous poser des problèmes. A l'image des conséquences du progrès scientifique.

dimanche 22 janvier 2017

Michael Landon

Hasards d'un enchaînement de liens wikipedia. Je lis la vie de Michael Landon, personnage principal de La petite maison dans la prairie. (Faute de télé, je n'ai pas vu cette série, mais j'en ai tout de même entendu parler.) Eh bien, c'est effroyable. Il a eu une enfance détestable, avec une mère qui le haïssait. Et ensuite il s'est tué au tabac et à l'alcool. Mon exploration vagabonde de wikipédia me montre qu'il n'a pas été le seul artiste dans ce cas. 

Le rayonnement de l'artiste est-il une compensation aux mauvais traitements qu'il a reçus ? En fait, ce qui me frappe dans ces histoires, c'est que l'on nous dit que les parents sont naturellement bons pour leurs enfants. Mais pourquoi cela serait-il le cas ? On trouve aussi normal que la vie soit un rapport de force, pourquoi ne s'exercerait-il pas dans la famille, d'autant que l'enfant est faible par construction ? 

Si ce n'est pas fréquemment le cas, c'est probablement du fait de la société, qui l'empêche. Paradoxalement, l'individualisme va probablement à l'encontre du développement de l'individu. C'est la société qui fait l'homme libre ?

Le paradoxe de Bergson

Le philosophe Lucien Lévy-Bruhl observe que les primitifs ne sont pas reconnaissants. Lorsque la médecine occidentale les soigne, ils ne se sentent pas débiteurs. Même, ils lui réclament une rémunération !

Ce qui rappelle l'histoire suivante à Henri Bergson. Quand il était enfant, on a dû lui extraire des dents de lait. Pour mettre un terme à ses hurlements le dentiste lui donnait une pièce. Elle lui permettait de s'acheter des sucres d'orge. la conclusion que Bergson enfant aurait pu en tirer était que le dentiste payait pour faire souffrir les gens, sa vocation. 

Leçon : comportement bizarre ne signifie pas bêtise. Chacun voit midi à sa porte. S'il ne comprend pas le bien que vous voulez lui faire, c'est parce qu'il n'a pas la même porte que vous. C'est le paradoxe. Moteur de ce blog.

samedi 21 janvier 2017

Vrai et faux changement

Bergson trouve deux sources à la morale. Il y a la contrainte sociale : on la respecte pour que la société, dont nous dépendons, puisse marcher. Et l'envie, "l'aspiration". Elle serait peut être même le prolongement de l'élan qui fait avancer le monde. Élan relayé par des êtres exceptionnels, comme Socrate. Leur exemple suscite des vocations, qui propagent, de proche en proche, leur message pendant des millénaires. Ces êtres sont des créateurs. Rien de ce qu'ils ont fait n'était prévisible.

Je constate qu'il y a effectivement deux types de changements. Il y a le "faux changement". Il est formulé comme un changement, mais il ne fait que renforcer le statu quo : vous devez vous sacrifier, pour que je ne change pas. Il peut se parer des couleurs du progrès : c'est la transformation numérique qui l'exige !, par exemple.
Et il y a le "vrai changement", qui, lui, embarque tout le monde. Il y a peut-être création, aussi. Mais c'est une création collective, à mon avis. Est-elle portée par l'énergie des origines ?

Le changement selon Bergson

Bergson explique ainsi le changement. L'artiste ne produit pas quelque chose que nous aimons, il redéfinit nos critères de jugement. Nous ne voyons plus l'art de la même façon avant et après lui. Idem pour tout changement. Il existe des êtres exceptionnels qui ont la capacité de créer la réalité. On y croit. Et elle naît.

Le changement naît tout armé, et fini. 

(Serge Moscovici a fait une expérience qui montre qu'effectivement, dans certaines conditions, notre vision du monde (des couleurs dans son cas) peut être reprogrammée.)

vendredi 20 janvier 2017

Mr Trump and Dr Obama

Il y a un test psychologique qui vous montre tel que vous vous rêvez et tel que vous êtes. Il semblerait que ce soit l'histoire de Trump et d'Obama. Obama, c'est l'homme idéal. Il a une faculté hors du commun à s'adapter à la situation dans laquelle il se trouve. Il domine de sa grâce et de son intelligence les lieux où nous aimerions tous être. Les Olympes de la culture populaire. C'est le people ultime. Quant à Trump, il ne s'adapte pas. Il est toujours lui même, désarmant de maladresse. Désespéré d'être aimé, même de ses ennemis. Il nous ressemble. Voilà ce que dit cet article, si je l'ai bien compris.

Trump de Paris Match

Paris Match connaît bien Donald Trump. C'est le client idéal. Il vit dans le faste, et ne connaît pas la langue de bois. Parfait pour un reportage tel que le veut le lecteur de Paris Match. 

Trump ? Il était fier de montrer sa réussite, ses avions et ses immeubles. Il a eu aussi ses passages à vide. Il en parle avec toujours autant de franchise. Puis il devient une vedette du show biz. Alors, il a senti que le peuple l'aimait. Et il a compris que le pouvoir était à sa portée. Qu'il pouvait prendre Washington, la seule ville qui lui ait jamais résisté. 

Trump ou la quête de la puissance ?

L'Intelligence Artificielle fait peur à la Silicon Valley

Je lis ceci dans le Financial Times : 
Tech leaders at Davos fret over effect of AI on jobs 
Silicon Valley fears vilification like bankers for prospering at expense of everyman 

Curieux. En France, on entend qu'il n'y a rien de mieux que l'Intelligence Artificielle. Alors même que ceux qui ont le plus à en bénéficier, s'inquiètent. La France parvient-elle encore à penser ou ne fait-elle que relayer, avec dix ans de retard, des idées qui viennent d'ailleurs ?

Que cache le revenu universel ?

Le revenu universel fait l'unanimité à gauche et à droite. En fait, dit la vidéo ci-dessous, il repose sur deux idéologies convergentes. Toutes deux partent du principe que dans le monde de l'ordinateur, beaucoup de gens seront inemployables. Et l'Etat ne pourra plus jouer son rôle de protection de l'individu. Le revenu universel est une, misérable, contrepartie pour ceux qui auront tout perdu. Une contrepartie provisoire, le temps qu'ils acceptent le changement ? 


(D'où rejet des élites ? Le monde solidaire construit après guerre pour permettre à l'homme de vivre une vie d'être humain, a été conduit par leur gestion à une société dans laquelle ils aimeraient que l'on trouve naturel qu'ils ont tout gagné, et que les gens qu'ils devaient servir ont tout perdu ?)

jeudi 19 janvier 2017

Elections à rebondissements

Derniers sondages. Comme prévu la gauche pourrait envisager un vote utile. Il se partagerait probablement entre MM.Macron, démon tentateur, et Mélenchon, solidement installé dans le retour aux fondamentaux. Le coming out de M.Fillon en homme fort aurait été sans lendemain. Ce qui permettrait à Mme Le Pen de récupérer son aile droite, et d'augmenter ses chances d'être au second tour... Ce qui est peut-être, paradoxalement, bon pour M.Fillon, qui pourrait se retrouver face à elle. A mois que M.Macron profite d'un effet Fillon, ou Trump. 

La démocratie française prend parfois l'aspect d'une roulette russe ?

Espèce d'élite !

Trump et ses acolytes ont fait les mêmes études que nous, pourquoi nous trahissent-ils ? lis-je dans les journaux américains. Même réaction, entendue chez France Info, concernant M.Valls et sa dénonciation des journalistes. Pourquoi est-il préférable d'avoir commis les pires abominations que d'avoir fait les meilleures études ? 

L'élite se dit ultra intelligente. Hier matin, France Culture parlait de "bêtise" pour caractériser une partie de la population allemande. (Mme Clinton a tenu les mêmes propos pour certains de ses concitoyens.) Mais le résultat de son action confirme-t-il cette assertion ? Elle doit ses privilèges à ses titres. Et ses mérites ? Ce n'est pas Normale Sup qui a fait Pasteur. Mais Pasteur qui a fait Normale Sup. On ne naît pas élite, on le devient ? A titre posthume ?

Europe forte

De Trump à Putin, en passant par Xi Jinping ou May, partout le mot d'ordre est malheur au vaincu (et xénophobie). Et tout ce monde ne rêve et ne parle que de disloquer l'Europe. (A l'exception de Xi Jinping, qui a reçu une éducation chinoise.)

Et l'Europe, avec sa détestation de soi et sa bureaucratie velléitaire, si facile à manipuler, mais aussi avec ses ressources à piller, est la victime idéale. Si elle éclate, il ne fera pas bon appartenir à l'un de ses anciens constituants. Le plus amusant est que, contrairement à ses concurrents, chez elle le nationalisme n'est pas synonyme de solidarité, de sursaut orgueilleux, mais de débâcle et de sauve-qui-peut.

L'anxiété de survie sera-t-elle assez forte pour la rendre intelligente ?

mercredi 18 janvier 2017

Diesel et changement

Comme souvent la France a une guerre de retard. Cette fois-ci il s'agit du Diesel. Le Japon aurait entamé un plan d'élimination dès 2000, alors que la France ne fait toujours rien. La radio citait aussi le cas de l'amiante, que l'on a mis des années à interdire, alors qu'on savait qu'elle tuait. D'où vient cette curieuse inertie ? Cela m'a rappelé M.Chirac, qui a dit à son ministre des finances, qui lui parlait de déficit : après moi le déluge. (Ou à peu près.)

En fait, j'ai rencontré ce phénomène dans la vie courante. La situation : un problème local de santé, avec des conséquences possibles très graves, une loi qui n'est pas appliquée, et le groupe qui fait bloc, pour ne rien faire, alors que la question n'était probablement pas coûteuse à régler. J'ai constaté un égoïsme invraisemblable : la simple perspective d'avoir quelque chose à payer (on ne savait pas quoi !) avait rendu certaines personnes hystériques, et ce toutes tendances politiques confondues. Curieusement, cette résistance sous-entendait aussi que l'on estimait que la loi ne pourrait être appliquée. Cet égoïsme et ce sentiment d'impuissance congénitale de l’État expliquent peut-être le blocage du changement, en France. En effet, ensemble, il est relativement facile de résoudre n'importe quel problème. Dans une société aussi fracturée par l'intérêt à court terme que la société française, c'est surhumain ?

Messie Macron

Macron séduit, apparemment. A droite et à gauche. Mais que peut faire un président si complètement inexpérimenté ?

Seule hypothèse positive visible : aide-toi, Macron t'aidera. Il ne fait rien. Mais son arrivée désinhibe les initiatives qui ne demandaient qu'à s'exprimer. Comme dans cette histoire, vraie, d'escroc qui construit une autoroute. Définition de "messie" ?

mardi 17 janvier 2017

Foules sentimentales

Une directrice de la communication me disait que l'entreprise vivait à l'heure de l'intimidation. Elle ne savait dire à ses salariés que ce qu'ils faisaient était mal. A l'envers, mon interlocutrice a cherché à mettre en valeur les réussites individuelles et collectives. Avec des résultats épatants. J'avais noté ce phénomène, insupportable, chez mon premier employeur. (C'est pour cela que je l'ai fuit.) Mais je croyais que c'était exceptionnel. Honte à moi ! ai-je pensé. 

N'y a-t-il pas, aussi, une explication de la déprime ambiante ? nous sommes-nous demandé. Mais aussi du rejet des "élites" ? Ne sont-elles pas les vecteurs de cette atmosphère délétère ?

Le paradoxe du patron

Curieusement, l'Américain semble préférer les "robber barrons" de type Trump que les gentils patrons de la silicon valley. Première explication : comme on l'a vu avec Mme Clinton, y aurait-il une forme d'incompatibilité à se dire de gauche et à nager dans l'argent ? Seconde explication : les dirigeants de la silicon valley doivent leurs idées nobles à leurs études. Mais, ces études font aussi qu'ils ont créé un business qui a besoin d'employés qui les ont faites. Peu de gens auraient un travail si toutes les entreprises ressemblaient aux leurs. 

Les robber barrons, pour leur part, on bâti leur fortune sur l'exploitation d'une masse d'hommes peu qualifiés par l'homme sans foi ni loi. Mieux vaut être exploité que mort ? 

lundi 16 janvier 2017

Paraboles incompréhensibles

L'émission Chrétiens d'Orient parlait de paraboles de la Bible difficiles à comprendre. Kierkegaard dit que le sens du message religieux est dans ses contradictions. 

Et s'il n'avait aucun sens ? me suis-je interrogé. N'est-il pas un assemblage disparate de textes venus de partout ? Et si c'était, comme dans la fable du Laboureur, ou avec les oracles, chinois ou autres, ce qui faisait sa puissance évocatrice ? C'est en cherchant à expliquer l'insensé que naissent des idées géniales. Le pouvoir de la religion, c'est de débloquer notre créativité. Sans cela elle est paralysée par la peur de l'univers blanc. Mais, bien sûr, pour que ça marche, il faut croire. 

André Leroi-Gourhan

Samedi soir j'entendais parler d'André Leroi-Gourhan. Préhistorien et anthropologue illustre. Illustre, certes, mais que reste-t-il de ses travaux ? Il a déconstruit les théories sur les religions préhistoriques, qui ne s'en sont pas relevées. Et ses théories, par exemple sur l'art préhistorique, ont elles-mêmes été déconstruites. Son héritage se limite peut-être à des techniques de fouille. Elles nous permettent d'accumuler des masses de données que nous ne savons pas expliquer. Et qui finiront par nous encombrer. 

En lisant une encyclopédie des années 50, je me suis demandé si nous n'avions pas été victimes d'une illusion. Nous avons cru pouvoir connaître le passé. En fait, nous ne faisions qu'y projeter nos idées reçues. De même, nous pensions distinguer un chemin vers l'avenir. Un chemin tracé par la "science". Mais la science n'a abouti, en quelque sorte, qu'au "big data", un chaos de données informe. Même la physique s'est enlisée. 

Et si c'était la fin de l'Histoire ? Et si, comme le dit Hannah Arendt, nous devions redécouvrir le présent ? Mais pas un présent d'après moi le déluge, façon 68, mais un présent de responsabilité, façon existentialistes "mystiques" (Camus et pas Sartre). Car une absence d'avenir ne veut pas dire le néant et l'absurde, mais, au contraire, la richesse à la fois inquiétante et merveilleuse de la vie. 

dimanche 15 janvier 2017

Le rêve de nos pères

Ce matin j'entendais une "Française issue de l'immigration" raconter son parcours initiatique. Une famille nombreuse dont tous les enfants font des études brillantes. Un besoin d'affirmation de soi, dans le melting pot de la banlieue française, qui prend des aspects divers selon les personnalités et les circonstances. Pour elle ce sera le port du voile dès 1986. Il y a aussi la découverte que ses parents ne sont pas ceux qu'elle pense. Ils sont porteurs d'une richesse culturelle (soufisme) subtile et qui vient de loin. Et peut-être aussi d'un rêve. Que leurs enfants aient accès à une sorte de paradis terrestre, dont la clé est l'éducation. 

J'aurais pu reconnaître l'histoire de ma famille. Le monde d'après guerre a fait un rêve. Celui d'une société pacifiée, qui garantirait à tous des conditions de vie qui leur permettraient de s'épanouir. Ce n'était pas le cours de l'Histoire qui ferait ce paradis terrestre, mais la volonté des hommes. Le paradis est un équilibre dynamique, comme la Hollande, gagnée sur la mer, à coups de digues ! Une volonté, en particulier, qui assurerait le "plein emploi", par une lutte de tous les instants. Mais, à partir de 68 ?, une nouvelle narration est apparue. Celle de la lutte des classes. Nos parents ne furent plus des héros qui préparaient une société nouvelle, mais des "ouvriers", des pauvres. Ce qui voulait dire, selon les besoins de la cause, des marginaux losers ou des beaufs colonialistes. D'où, aussi, "déréglementation" : nos élites, en premier, ne se sentaient plus aucune contrainte vis à vis des obligations que sous-entendait le maintien en fonctionnement de notre paradis terrestre. (A l'étage mondial, ses digues étaient les accords de Bretton Woods.) Elles pouvaient profiter de la position que leur avait donnée la société, sans assurer le rôle qui allait avec. Elles affirmaient qu'elle était due à leur mérite exclusif (nous sommes "l'élite"). On a laissé le chômage s'installer (en expliquant que la performance de l'économie le demandait !), les trains arriver en retard, ou ne plus arriver du tout... Le rêve du paradis terrestre a été remplacé par celui de la paresse, du "laisser faire". Et à son cortège de bons sentiments, dont l'objet est de justifier un statu quo confortable pour certains.

Et nous, quel rêve aurons-nous pour nos enfants ? 

Pas de limites à la croissance ?

Je suis dans ma cuisine. Aussi loin que porte mon regard, je ne vois que toxicité. Sacs en plastic, produits de nettoyage, peintures, microparticules aériennes, électroménager non recyclable, nourriture artificielle, poissons chargés de métaux lourds et d'antibiotiques, médicaments douteux, eau aux pesticides et aux antibiotiques... Que peut-on y faire, en dépit de toute notre bonne volonté, individuelle ? me demandè-je.

D'ailleurs, cela devrait susciter une vague d'innovations, donc un renouveau de la croissance ! Pourquoi rien ne se passe-t-il ? Parce qu'il faudrait une action collective, un effort de "guerre", comme aiment à dire les Américains, et que l'esprit du temps est à la "concurrence", à la "compétitivité", au chacun pour soi ?

samedi 14 janvier 2017

M.Sarkozy précurseur de M.Trump

M.Sarkozy, bien avant M.Trump, fut un président postmoderne. C'est ce qu'explique "Les nouveaux bien pensants". M.Sarkozy ne disait-il pas, lui-aussi, tout et son contraire dans le même souffle ? 

Alors M.Trump serait-il aussi fragile que M.Sarkozy ? Lorsque l'instinct animal remplace la raison, il faut à la fois être fort et avoir la peau épaisse. M.Sarkozy, probablement, était un animal de compagnie. 

Représentations des données

Il y a quelque-chose d'incohérent dans la façon dont on représente les données. On utilise la technique de la carte d'identité : taille, couleur des yeux, endroit de résidence, date de naissance... Or, lorsque l'on parle d'une question, par exemple qui va voter pour qui ?, on place naturellement les individus de la population concernée dans des catégories : les bobos, les fachos, les ménagères de plus de 50 ans, la génération 68, les diplômés, les retraités, les chômeurs, les riches, les 0,01%, les provinciaux, les fonctionnaires, etc. Nous les représentons par leur appartenance à des groupes. On espère ainsi expliquer simplement un phénomène : "les riches votent à droite". Or, ces catégories sont rarement pertinentes. Celles qui le sont sont généralement une représentation hybride. Par exemple, le "bricoleur pro" va poser ses fenêtres, sans assistance. 

Voilà pourquoi l'analyse relationnelle est une manière naturelle de représenter les individus d'une population. Contrairement à celle que l'on emploie. Elle les décrit par leur appartenance à des catégories qui semblent importantes. Puis, à partir de là, elle constitue des groupes que le plus de choses possible rapprochent, et le moins de choses possible éloignent. 

Curieux que l'on n'y ait pas pensé plus tôt.

vendredi 13 janvier 2017

Négocier à l'ère Trump

Trump ordonne, les patrons de l'automobile obtempèrent. De Ford à Renault, en passant par Toyota, tous font allégeance et parlent création d'emplois américains. Le populisme, ça marche ? Mais, que feriez-vous à leur place ? Comment négocier avec un être irrationnel ? Surtout lorsqu'il dirige la plus grande puissance mondiale et la moitié du budget militaire de la Terre ? En lisant "Saint Germain ou la négociation". 

Une négociation c'est de l'irrationalité qui donne un résultat rationnel. Le négociateur est mu par l'instinct. Il réagit comme un furieux lorsque vous touchez son intérêt. Mais il recule lorsqu'il va trop loin et sent qu'il vous a rendu furieux. La négociation, c'est une question de vie ou de mort. Mais cela débouche sur un équilibre de forces.

Lorsque l'intellectuel a inventé le "postmodernisme", après guerre, il a annoncé la défaite de la raison. Il a cru que ce serait la manipulation du langage, son art !, qui assurerait la domination du monde. Erreur, lui répond M.Trump, l'ère post truth est celle de l'animal. 

Homme possédé

Le monde de Musset et de Mauriac était bien loin de la théorie du genre. Au moins dans le haute société, la femme était un objet de fantasme. L'homme rêvait de posséder son âme, bien plus que son corps. (En fait, l'un était lié à l'autre.) Mais, c'était parfois le contraire qui se produisait. Mauriac décrit, par exemple, une situation que les psychologues qualifieraient "d'emprise". La femme a fait de l'homme un pantin. Sa raison a subi un court circuit, il ne s'appartient plus. A se demander si notre société n'a pas plus libéré l'homme que la femme...

jeudi 12 janvier 2017

Le changement, c'est moi

Tout est possible en Amérique, a dit Barack Obama, le jour de son élection. Même un noir peut-être président. Mais que laissera-t-il comme héritage ? M.Trump ? Et si, pour lui comme pour M.Hollande, le changement s'était arrêté à son élection ?

L'humanité gémit

"L’humanité gémit, à demi écrasée sous le poids des progrès qu’elle a faits. Elle ne sait pas assez que son avenir dépend d’elle. A elle de voir d’abord si elle veut continuer à vivre. A elle de se demander ensuite si elle veut vivre seulement, ou fournir en outre l’effort nécessaire pour que s’accomplisse, jusque sur notre planète réfractaire, la fonction essentielle de l’univers, qui est une machine à faire des dieux." (Bergson, Les Deux Sources de la morale et de la religion, dernières phrases.)

Un temps où les philosophes savaient écrire, nous parler du présent et nous donner un espoir ?

Développement des élites

Drame de la pauvreté. Les enfants des campagnes américaines vont jouer dans les bois au lieu de faire leurs devoirs scolaires. Voici ce que j'ai lu dans un journal américain, atterré. Au même moment on est navré de la médiocrité de l'enseignement. Étrange retournement des choses. L'artificiel, bon marché, a remplacé le naturel. 

Il n'en a pas toujours été ainsi. L'idéal anglo-saxon, Oxbridge, c'est l'homme épanoui, qui cultive ses talents sportifs et sociaux, tout autant qu'intellectuels. Le polytechnicien était aussi bâti sur ce modèle : c'était un homme d'action, un militaire, bon en tout, y compris en lettres. L'idéal grec. La tête remplie à craquer a remplacé la tête bien faite, l'esprit sain dans un corps sain. Est-ce durable ?

mercredi 11 janvier 2017

La gauche sans le peuple

J'entendais un socialiste, que je n'ai pas eu le temps d'identifier, dire "la gauche sans le peuple, c'est le moralisme", "le peuple sans la gauche, c'est le populisme". 

Louable remise en cause. Mais vision du "peuple" étrange. Apparemment tous les Français ne font pas partie du "peuple". Lutte des classes façon 19ème ? La gauche nouvelle aurait-elle deux siècles de retard ? Le changement ne fait que commencer ?

Post truth et arroseur

J'entendais ce matin que les Républicains et les Démocrates avaient utilisé un ancien espion anglais pour récolter des informations compromettantes sur M.Trump et sur ses relations avec les Russes. Ils ont découvert que M.Poutine détiendrait sur lui de quoi le faire chanter. John Le Carré pour les nuls. 

Cela montre surtout que les "élites" ont employé les procédés qu'ils reprochent à M.Trump. Comme la droite grecque, lorsqu'elle a dénoncé les agissements de la gauche, elles ne se sont pas rendu compte que ce type de révélation leur nuit beaucoup plus qu'à lui. Elles montrent, effectivement, qu'il n'y a pas de vérité. Or, le fond de commerce de l'intellectuel, c'est la science, la vérité.

C'est ça, un socialiste français ?

Jeanne Bordeau fait la liste des mots qui ont marqué le quinquennat de M.Hollande. Ce quinquennat a ressemblé à des sables mouvants. Tout ce qu'a fait, dit, ou même "semblé" M.Hollande, s'est retourné contre lui. C'est le mécanisme de la dépression. La dépression s'explique par des hypothèses fausses sur le monde qui guident un comportement, et le font échouer.

"C'est ça, un socialiste français" est la phrase que je retiens. Je me demande s'il n'y a pas derrière cela une explication de la mauvaise image qu'ont les élites. Elle tient à la disjonction entre leur comportement et leurs propos.

François Mauriac

Hasards d'un rangement. J'ai lu un recueil de quelques romans de François Mauriac. (La toge prétexte, Le baiser au lépreux, Le fleuve de feu, Plongées.) Je voyais François Mauriac en statue du commandeur. Une manif pour tous gaulliste, de l'Académie française et qui aurait, par dessus le marché, reçu le prix Nobel. Quelqu'un de suprêmement ennuyeux. Je tenais cela de la rumeur, mais aussi de France Culture, qui a donné la parole à Anne Wiasemski, sa petite fille, et à la mère de cette dernière. 

Faux. Ses textes ne sont  pas sans humour, et ses personnages débordent d'appétit pour la vie. En fait, il me semble décrire, comme beaucoup d'artistes, le combat de l'homme et de la société. Une société catholique de province, dont la bien-pensance infecte produit massivement l'hypocrisie, et écrase le faible. Ici, on ne naît pas saint, au contraire, on le devient. Ses héros sont condamnés par la société. Ils n'ont même pas la possibilité de se révolter. S'ils trouvent une forme de rédemption, c'est parce qu'ils parviennent à aller au delà des apparences et des souffrances, à pénétrer le sens ultime de la religion.

mardi 10 janvier 2017

L'état de l'Amérique

La presse américaine continue à se demander pourquoi M.Trump a été élu. Article du New York Times.

Si l'on compare cette élection à la précédente, Mme Clinton a gagné un nombre significatif de voix chez les diplômés riches. Quant à M.Trump il a gagné, par rapport à M.Romney, des électeurs chez les pauvres, y compris "non blancs".

Les statistiques économiques sont excellentes. Qu'est-il arrivé ? Fait sans précédent dans une démocratie occidentale, l'espérance de vie du pauvre est en recul, net. Le graphique ci-dessous traduit, peut-être, mieux que les statistiques économiques, la perception qu'a le pauvre de sa situation :



Vive la sélection ?

On ne parle que de sélection. En particulier à l'université. Connaissant mes vues paradoxales, un universitaire m'a demandé d'écrire sur le sujet. Ce que je n'ai pas fait. Spontanément, "sélection" me fait penser Tour de France et dopage, voire expériences nazies... 

Mais, faut-il aller aussi loin ? "Elite" est devenue une insulte aux USA, dit The New York Times. On y estime que la "méritocratie" produit un contentement de soi qui rend stupide. 

lundi 9 janvier 2017

Léo Marjane

France Musique m'a fait découvrir Léo Marjane. Elle est morte à 104 ans. Elle avait été un star des années 30 / 40, apparemment de la taille d'Edith Piaf, ou de Maurice Chevalier, qui voulait l'épouser. D'ailleurs elle fréquentait la famille royale anglaise. Une vidéo de YouTube la montre lors d'une visite en Belgique. Cela ressemble à l'accueil d'un chef de gouvernement. Avec, en plus, marée populaire. Personne, aujourd'hui, ne produirait un tel effet, et de loin.

J'ai demandé à YouTube si quelques-uns de ses airs ne me seraient pas parvenus de mes parents ou grands parents. A deux titres près, dont je n'ai reconnu que le titre et pas la musique, non. Ce qui m'est le plus familier sont ses reprises d'airs étrangers "beyond the rainbow" et "Bei mir bist du schön" (en fait c'est du Yiddish : "Bei Mir Bistu Shein"), avant guerre.

Comment expliquer une pareille éclipse ? Sa gloire a atteint son zénith pendant la guerre. En ces temps on ne pardonnait pas de s'être si bien entendu avec l'occupant.

Brexodus

Brexodus ou Brexit ? Le départ, houleux, de l'ambassadeur anglais auprès de l'UE semble confirmer que le gouvernement de Mme May ne parvient pas à s'organiser pour le Brexit, et qu'elle-même n'a pas la poigne de Mme Thatcher. Que le dit ambassadeur ait été remplacé, immédiatement, montre que l'Angleterre ne manque pas de hauts fonctionnaires compétents qui sont prêts à servir l'intérêt général même s'il contredit leurs convictions. (Y a-t-il encore des gens de cette espèce en France ?)

dimanche 8 janvier 2017

Facebook est-il un média ?

Grand débat aux USA, depuis quelques temps. Facebook est-il un média ? Si Facebook était un média, il devrait contrôler ses contenus. Exit le déviationnisme qui a fait élire M.Trump. Apparemment, M.Zuckerberg, qui lui était opposé, serait en faveur de cette idée. J'entendais France Culture s'en réjouir.

Mais, M.Zuckerberg est un patron exceptionnel, un homme de gauche. Et si Facebook tombait entre les mains d'un patron normal ? France Culture a-t-il songé à cette éventualité ?

La philosophie comme art de la conversation

"Un dilettantisme philosophique, servi par un langage d'initiés, se détourne des grands problèmes humains, comme il se détourne du bon sens. C'est un jeu stérile et compliqué, ou des abstractions réalisées servent de pièces sur l'échiquier métaphysique. " (Article "philosophie", L'évolution humaine, des origines à nos jours, Quillet, 1951.)

Jugement que porte Achille Ouy sur la philosophie de son temps, en particulier celle de Sartre. Jugement qui n'a probablement pas beaucoup vieilli. Sartre en est alors à sa période existentialiste. Et cette observation explique peut-être sa conversion au Marxisme : la société lui a fait comprendre qu'il s'était détaché d'elle, et il a cherché une idée, on ne se refait pas, pour se rendre à nouveau intéressant.

(L'existentialisme de Sartre est athée, comme celui d'Heidegger, c'est donc un nihilisme, note Achille Ouy. Ce qui explique peut-être que Camus, lui, soit resté existentialiste : comme Kierkegaard, c'était un mystique, il croyait qu'il y avait quelque chose au delà de la raison.)

samedi 7 janvier 2017

La fin du monde

Certains physiciens expliquent l'univers par l'homme. Si nous pouvons le comprendre, en trouver les lois, c'est parce qu'autrement nous n'aurions pas pu y vivre. En même temps, l'homme est destructeur. Non seulement, il détruit la nature, mais il détruit sa propre société. Schumpeter parle de "destruction créatrice". Les MBA en ont déduit que "l'élite globalisée" devait accélérer au maximum la destruction pour stimuler la création.

La question qui se pose, comme dans l'homme au cerveau d'or, est : et si la "destruction créatrice" épuisait la "compréhensibilité" du monde par l'homme ? Sa capacité à y vivre ?

Que sais-je ?

Que sais-je ? disait Montaigne. Il n'était pas honnête. Il avait ses certitudes. « Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition. » Les Essais partent de l'hypothèse que les hommes se ressemblent, et qu'il suffit d'en connaître un, Montaigne, par exemple, pour les connaître tous.
Un monde d'incertitude totale, est-il possible ? Il demeure une certitude : si l'on cherche, on trouve... Le monde est, par nature, compréhensible. Si, d'aventure, un jour il ne l'est plus, nous serons dans le lac.

vendredi 6 janvier 2017

Méfions-nous de notre jugement

Je me souviens d'un film tiré d'un livre de John Le Carré, qui parle d'une affaire entre Soviétiques et Américains - comme d'habitude. Les Américains pensent avoir trouvé une taupe qui les informera sur ce que savent les Soviétiques. C'est un piège. L'enjeu en est la liste de questions que se posent les Américains. Elle révèle ce qu'ils savent. C'est une règle général, dit le psychologue. Notre jugement révèle nos a priori. Nous sommes aveugles à la réalité ! C'est effrayant, non ?

J'ai observé que le changement est lié, presque toujours (toujours ?), à ce problème : il s'agit de créer des conditions pour que des personnes comprennent que ceux qu'elles considèrent comme des ennemis pensent comme elles. Nos ennemis sont nos amis vus de dos.

jeudi 5 janvier 2017

Exhausteur, métier d'avenir ?

Dans un billet, je disais que l'on était passé de l'hypothesis driven au data driven. (et du français à l'anglais). Je développe, et m'interroge : révélateur d'un changement social ?...

Pour prévoir le résultat d'élections, les instituts de sondage partent d'une hypothèse : il y a dans la population e1 électeurs qui comptent voter pour le candidat c1, e2 électeurs qui comptent voter pour le candidat c2, etc. Ensuite, par un tirage aléatoire on estime ces valeurs. On applique pour cela la théorie des probabilités. Cela ressemble à : sachant qu'il y a b boules blanches et n boules noires dans un saladier, si je tire t boules, combien en trouverais-je de noires et de blanches ? Avant le "data driven", il y avait "l'hypothesis driven". Cela avait des conséquences :

La fin des certitudes ?
Le cas des primaires des Républicains en montre une première. La population qui allait voter était inconnue. Du coup, les sondeurs savaient qui gagnerait si les adhérents républicains votaient (M.Sarkozy), ou si c'était le pays (M.Juppé), mais pas ce qui se passerait dans les conditions de la primaire. Mais surtout, on n'est plus dans le modèle des boules de couleur. Nous sommes devenus des caméléons, nos couleurs changent sans cesse, y compris celle de l’abstention. Les électeurs sont, d'une certaine façon, clientélistes. Désormais, ce qu'il faut comprendre, ce sont les "couleurs émergentes", ce qu'il y a de nouveau. 

Les démocrates furent victimes de leurs hypothèses. Ils pensaient que certains électeurs ne voteraient jamais pour M.Trump, et que l'électeur voulait un président compétent. Or, si l'on regarde les sondages d'après vote, on voit deux bizarreries. Même l'électeur qui a voté pour M.Trump ne le considère par compétent. Ce qu'il voulait, c'était du changement. Par ailleurs, contrairement aux élections précédentes, le mécontentement avait cru dans le camp des votants du parti au pouvoir plutôt que dans celui de ceux de l'opposition. 

De la certitude au doute et du sondeur à l'exhausteur
Le "data driven" n'est qu'un effet d'un changement social. Notre monde est devenu incertain. Nous entrons dans l'ère du doute ! Avant de décider, il faut étudier la question, avec humilité. Ce qui va demander, pour commencer, une révision déchirante aux instituts de sondage. En effet, par définition même, le "sondage", l'échantillonnage, ne fonctionne plus. Il faut collecter une information exhaustive et systémique. Le sondeur doit devenir exhausteur.

Elite disruptée

J'assistais il y a quelques temps à un débat. Deux grands patrons en avaient contre le principe de précaution. Ils voulaient inscrire dans la constitution un "principe d'innovation". (Les juristes qui étaient présents leur ont suggéré de lire la constitution : son principe est l'innovation, l'initiative individuelle, autrement dit la liberté.)

Curieusement, ceux qui en pincent pour l'innovation en termes économiques, la goûtent moins en termes politiques. A l'époque du Brexit, ses opposants disaient : c'est le statu quo ou le chaos. Partout, d'ailleurs, on reproche à ceux qui veulent le changement d'être dangereux, car inexpérimentés. Ce qui est juste, mais pas rédhibitoire.

Et si le peuple était un entrepreneur ? Comme l'entrepreneur, Monsanto par exemple, il prend des risques. Cela tourne parfois très très mal. Mais il a aussi de grandes forces, qui lui permettent de retourner une situation mal partie. Comme l'entrepreneur c'est plus l'impulsion qui est importante pour lui que la nature du changement. Il pourra l'influencer. Et, peut-être, lui-aussi, croit-il aux vertus de la "disruption" ? Il apprécie tellement ses bénéfices, qu'il estime qu'il ne doit pas être le seul à en profiter ?

mercredi 4 janvier 2017

Trump et STX

Au moment où l'on s'inquiète de l'avenir du chantier STX, son acquéreur va-t-il le liquider pour éliminer un concurrent ?, M.Trump pousse Ford, apparemment enchanté, à mettre un terme à la délocalisation d'une usine au Mexique. Il se trouve que je suis tombé sur une interview de Mme Le Pen par la BBC. Elle dit que l'élection de M.Trump est l'annonce d'un changement. Les faits semblent lui donner raison. 

J'ai lu que le New Deal avait été décrété en réaction aux succès des différents fascismes du moment. Pour survivre, la démocratie devait, elle-aussi, montrer qu'elle pouvait fournir des emplois. Et pour cela, s'en remettre aux lendemains qui chantent des théories est rarement suffisant. Roosevelt l'avait compris.

70 et 68

La biographie de George Sand rappelle une vérité que l'on a peut-être oublié : en ces temps là, l'existence de l'ouvrier était abjecte. L'enfant travaillait dès qu'il le pouvait, dans des conditions déplorables, ce qui nuisait gravement à sa santé, à sa croissance, et à sa vie. Ce qu'a montré 70 et la Commune, c'est qu'il n'y avait pas que cette France là, qui était essentiellement parisienne. La France de l'époque était rurale, et pas fondamentalement mécontente de son sort. 

Problème de changement, qui s'est produit à répétition depuis, notamment en 68 ? Pour qu'il réussisse, il ne doit pas considérer uniquement certaines parties de la population, mais son intégralité.

mardi 3 janvier 2017

Facebook et le data driven

On reproche à Facebook d'avoir fait élire Donald Trump. Facebook désinforme. 

Il me semble que c'est une question de "data driven" mal compris. L'algorithme de Facebook fait comme celui d'Amazon. S'il constate que vous regardez quelque chose ou avez des liens avec quelqu'un, il vous en ressert de plus en plus. C'est ainsi qu'il va vous inciter à reprendre contact avec vos "ex" ou à acheter, pour Amazon, des produits dont vous n'avez pas voulu. Et si Facebook vous identifie comme un facho, il va vous envoyer de la nouvelle pour facho. 

Le vrai "data driven", comme je le disais précédemment, lui, ne vous enfonce pas dans vos vices, mais vous pousse à la remise en cause. Qu'est-ce que cela signifie, en pratique ? Il va identifier des anomalies dans ce que vous faites. Par exemple, vous êtes un écolo, et un collectionneur de vieilles bagnoles qui consomment du 20l aux 100. Ensuite, il va vous donner les moyens d'enquêter. Par exemple, comment se sont guéris ceux qui furent atteints de mon mal ?

La philosophie comme arme de combat

Je découvre la "jeune gauche hégélienne". Une poignée de blancs becs miséreux a transformé le monde.

De très jeunes intellectuels bourgeois Allemands, "les docteurs allemands", s'emparent de la pensée de Hegel. Ils y voient l'explication du monde. Ils en font une arme de combat, en la sortant de son contexte. Ils cherchent à gagner Proudhon à leur cause. Car il tourne autour des mêmes idées qu'eux. Marx vaincra. On ne se souvient que de lui, aujourd'hui. Il n'a pas gagné par la justesse de l'argument, mais parce que le moyen a justifié la fin. Il a su trouver des slogans qui ont frappé les esprits, et il a discrédité ses adversaires par des manœuvres peu avouables. Ce qui leur a été fatal, me semble-t-il, surtout, est qu'ils croyaient que les idées se suffisaient à elles-mêmes.

lundi 2 janvier 2017

Post truth

Depuis quelques temps, on parle de "post truth". Pour M.Trump, et son électorat, la vérité des faits et des preuves ne compte pas. Post truth c'est anti raison.

Le procédé n'a rien de nouveau. C'est celui de la religion. C'est aussi un moyen de cohésion sociale. On dit ainsi que si la science chinoise n'a pas tiré les conséquences qui découlaient de ses travaux scientifiques, c'était pour ne pas ébranler son édifice social. Le jugement Galilée, c'est la même histoire. Lors de l'affaire Dreyfus, l'armée défendait un coupable au motif des intérêts supérieurs de la nation. Et il en est de même avec l'entreprise : son intérêt vaut bien quelques entorses à l'objectivité lorsqu'il s'agit de ses comptes ou des bénéfices de ses produits.

Récemment, le "post modernisme" est devenu la doctrine de la gauche, aux USA et en France. Le post modernisme s'oppose à la pensée des Lumières, à la science et au "progrès". Il dit que le langage est une arme au service du bien. Le terme "post truth" illustre, d'ailleurs, cette idée. En effet, son efficacité vient non d'une démarche scientifique, puisque ceux qui la formulent sont eux-mêmes dans la "post truth" et refusent la science, mais de son sous-entendu désobligeant. Nous vivons désormais au delà de la raison. Et nous le devons, pour beaucoup, à nos intellectuels, qui ont scié la branche sur laquelle ils étaient assis.

Red soft power

La disparition d'un chœur de l'Armée rouge a été l'occasion d'évoquer son rôle. Il participait à la propagande soviétique. Il donnait du régime une image amicale. En fait, me suis-je dit, la guerre froide a été bien plus une question de "soft power" que de bombes atomiques...

Les Indiens d'Amérique auraient été décimés par les virus occidentaux. Et s'il en avait été de même ici ? J'entendais Daniel Cohn-Bendit dire qu'il avait été le défenseur de la contre-culture américaine en 68, contre les maoïstes et autres trotskistes. Et si c'était cette contre-culture, et sa révolte contre l'autorité et son désir de jouissance immédiate, qui avait séduit le monde, et l'avait converti aux valeurs américaines ? Quant à l'establishment américain, il était vacciné pour lui résister ? 

Perceptual mapping

Le perceptual mapping est une technique que l'on n'utilise plus, à tort. Il s'agit de chercher, par rapport à une question donnée, qu'est-ce qui influence une décision. La population se regroupe alors en segments, chacun ayant son "idéal". Le jeu est, pour une entreprise, de rapprocher son offre de l'idéal qui lui convient le mieux. La difficulté est que l'on ne travaille qu'avec des perceptions pas avec du mesurable. 

Jusqu'ici les partis politiques rendaient inutilisable cette technique. Ce n'est plus le cas. Tentative... Trois candidats semblent toucher des idéaux. M.Mélenchon, avec une sorte de gauche pure et dure, ouvrière, révolutionnaire, M.Macron, du côté radical, M.Fillon, la France conservatrice. Mme Le Pen pourrait souffrir d'un positionnement anti-système, à un moment où le système a disparu. Quant à l'électorat restant du PS, son idéal me semble ressembler plus à Mme Hidalgo, qu'à M.Montebourg, trop proche de M.Mélenchon.

dimanche 1 janvier 2017

Fragile France ?

J'entends la radio se lamenter de l'état de la France. Au contraire, je rencontre beaucoup de gens pleins de volonté de bien faire, et de potentiel. Et pourtant, ils vivent parfois dans des conditions précaires. Pourquoi ce dit potentiel ne se révèle-t-il pas ? Peut-être bien parce qu'il n'est pas conscient d'exister. Et que le discours ambiant est celui de la faiblesse et de la division. Mais il suffit que le succès montre le bout de son nez, pour que le pays se transforme comme un seul homme. Pisse-vinaigres compris.

Ghetto

Le ghetto serait-il une caractéristique de la transformation de notre société ? On parle bien sûr des ghettos de banlieue. Mais il y a aussi le ghetto de parvenus. Parvenu, cadre supérieur d'une multinationale, d'une cinquantaine d'années, qui a évité le licenciement. Son salaire s'est aligné sur celui de son équivalent américain. Il s'est installé dans une zone résidentielle à allées privées. Comme jadis l'on achetait des indulgences, le parvenu peut être de gauche. Voire écologiste.

Quant à moi, je suis dans un ghetto pour classe moyenne basse. En 30 ans, les conditions de vie s'y sont dégradées doucement. Les trains ne fonctionnent plus, et les avions passent en rase-motte. La mairie préfère à ces sujets compliqués la question de la sécurité : je triple la police municipale, et je l'arme. Et, ici "le maire" construit un centre culturel, dit un panneau. Le populisme est la pente naturelle du politique ?

Concert de nouvel an

Comme chaque année, je vais écouter le concert de nouvel an, en regrettant qu'il n'y en ait que pour les Strauss et leurs valses. C'est curieux, d'ailleurs, que l'on en revienne à l'époque des valses. Elle n'a duré que quelques décennies, mais on a le sentiment d'un paradis perdu. Alors que l'empire austro-hongrois était un équilibre particulièrement instable. 

Une caractéristique de l'histoire humaine ? Elle semble marquée par des poussées de créativité. Par exemple, la Grèce, qui nous a donné matière à réflexion pendant des millénaires, n'a duré que peu de temps, justement le temps de son crépuscule. Mais d'autres civilisations que l'occidentale semblent avoir été plus calmes. Par exemple, les anciens Égyptiens auraient peu évolué, et auraient eu conscience d'avoir atteint un optimum humain. Quant aux Chinois, leur histoire semble être faite de périodes de créativité et de stabilité. Finalement, une particularité de l'Occident, serait-elle d'être à la recherche permanente du changement ? Parce que la culture occidentale est stimulée par le risque ? D'où quelques lendemains qui déchantent ? D'où un besoin de concerts de nouvel an ?