Il y a quelques temps j’ai été sollicité pour signer une pétition en faveur d’Amazon. Son activité de vente de livres sur Internet avait été condamnée par la justice française pour ne pas faire payer les frais de livraison à ses clients. (Je n'ai probablement pas bien compris : ses concurrents semblent avoir les mêmes pratiques, mais n’intéressent pas la justice…) Amazon ayant été attaqué par le syndicat des libraires, j’en suis arrivé à m’interroger sur le sort des membres de cette profession.
Il me semble qu’il y en a de moins en moins. Dans le Quartier latin, par exemple, ils sont souvent remplacés par des magasins de vêtements. Comment sauver le libraire français ? Je me suis souvenu des études de marché que je menais il y a quelques années. Qu’est-ce qui faisait qu’une boutique (marchand de journaux, pharmacie…) vendait ?
- Massivement la publicité.
- Mais tout aussi spectaculairement la personnalité de son patron. Ce dernier facteur expliquait des ordres de grandeur de 30%. Parfois énormément plus : une boutique reprise suite à une faillite employait 5 personnes, et dans une région économiquement sinistrée. Grâce à lui des distributeurs de presse ne perdaient pas de ventes en dépit d’implantations de grandes surfaces…
Une étude que j'avais faite pour le Syndicat de la Presse Quotidienne Régionale lui a d'ailleurs fait penser que le seul moyen de défendre les ventes de ses titres était de favoriser l’implantation de marchands de journaux dynamiques.
Conclusion ? Et si le libraire souffrait d’une concurrence indirecte d’autres professions qui savent mieux attirer que lui le chaland ? Et si le libraire était la victime indirecte du fait que le livre est moins bien promu que, par exemple, le vêtement ? Illustration de ce que l’économiste Joseph Schumpeter a appelé la Destruction créatrice, avatar de la sélection naturelle de Darwin ?
Et si la véritable nature du danger pour l’entreprise n'était pas directe mais indirecte ? Les entreprises partagent les mêmes ressources (notamment les revenus de la population). Il suffit que certaines les monopolisent ou les détruisent, pour que d’autres en soient privées. C’est cela qui force l’entreprise à se remettre en cause en permanence, à innover. C’est aussi cela qui fait qu’il n’est pas réellement dangereux pour l'économie qu’une entreprise soit en monopole. Et si, paradoxalement, les concurrents directs d’une entreprise n'étaient pas ses ennemis, mais ses alliés ? Le libraire a intérêt à ce que nous continuions à lire des livres. Pour cela ils doivent être promus par des acteurs puissants.
- Joseph A. SCHUMPETER, Capitalism, Socialism, and Democracy, Harper Perennial, 3ème edition, 1962.
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