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jeudi 26 juin 2008

La malédiction du moyen

J'ai rencontré une société de conseil en systèmes d’information qui propose à ses clients des résultats (gains de performance) et non des moyens (consultants en régie). Mais elle a besoin de consultants coûteux pour cela. Ils n’entrent pas dans les grilles tarifaires des acheteurs des grandes sociétés. Ce qui semble lui fermer ce marché.

Sa parade : en améliorant la performance de ses clients existants, elle découvre des besoins non identifiés. En attaquant le marché par ces besoins, elle n’a plus de concurrents. Pourquoi ? Parce que leur stratégie est de trouver des consultants peu coûteux, pour satisfaire les acheteurs, pas de comprendre les besoins de leurs clients. L’acheteur est révélateur d’un problème passionnant :

  • L’acheteur n’a pas de vision globale des intérêts de l’entreprise (la « fin », le « résultat »). Pour faire son travail il doit les approximer par le « moyen » : le coût du consultant. Il aboutit donc à une solution peu efficace.
  • L’acheteur est un représentant du modèle hiérarchique (ou bureaucratique). L’entreprise hiérarchique divise la mission de l’entreprise en tâches élémentaires (acheter), et donne un « programme » pour le réaliser (chercher le moins disant). C’est la procédure taylorienne. Cette coupure entre l’objectif global et l’objectif particulier amène l’individu à prendre le moyen pour la fin.
Ce type d’organisation a une raison d’être : il permet de construire rapidement une entreprise avec des personnels peu qualifiés. Mais dès qu’il entre en concurrence, il doit se complexifier. L’individu doit prendre en compte dans ses décisions les intérêts du groupe. Comment y parvenir ? En réunissant les représentants des intérêts constitutifs de l’entreprise et en leur faisant simuler les impacts de la décision collective. Non seulement ils prennent ainsi une décision efficace, mais encore ils intègrent dans leur logique un peu de celle de leurs collègues. J’ai appelé « ordinateur social » les techniques qui conviennent à ce type d’exercice. Le « mode projet » fréquent dans l’industrie automobile, en est un cas particulier.

Pour en savoir plus :
  • Sur l’inefficacité de l’organisation classique de production et sur les moyens de la réformer : WOMACK James P., JONES Daniel T., ROOS Daniel, The Machine That Changed the World: Based on the Massachusetts Institute of Technology 5-Million-Dollar 5-Year Study on the Future of the Automobile, Scribner Book Company, 1995.
  • Le sociologue Rober K. Merton a appelé déplacement de but l'effet pervers auquelle se prête l'organisation bureaucratique. Ses membres sanctifient les moyens qu'ils doivent mettre en oeuvre (ritualisme), ce qui les amène à aller contre les intérêts de l'entreprise. MERTON, Robert K., Social Theory and Social Structure, Free Press, 1968.

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