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samedi 23 août 2008

Entreprise auto adaptable

Troisième note sur Governing the commons, et sa confrontation avec mon expérience.

Governing the commons ne parle pas de techniques de conduite du changement (à une exception près). Pourquoi? Pour commencer, une brève introduction au contenu de mes livres : 

Tir au journal

Voici ce que j’ai appelé les « gestes qui sauvent » dans mon second livre :

  • Une idée clé : le mal actuel des entreprises est que leurs dirigeants prennent des décisions et ne s’inquiètent pas de leur mise en œuvre. Il arrive ce qui arrive aux satellites qu’on ne contrôle pas : d’infimes écarts initiaux non corrigés s’amplifient, quasi infiniment. 
  • La solution ? Tir au journal : une fois la stratégie lancée, expédier un « électron libre » dresser un bilan de ses résultats. Modifier le cap en fonction de ce qu’il a constaté. En fait, le changement est une question de contrôle, pas de direction. Si vous savez contrôler la mise en œuvre de votre stratégie, elle peut-être stupide, vous vous en rendrez-compte, vous comprendrez votre erreur, et vous prendrez des mesures appropriées.

Ce contrôle doit être permanent. Dans sa forme la plus simple, il demande essentiellement qu’une personne prête un peu d’attention à la réalité humaine de l’entreprise : des dysfonctionnements ne seraient-ils pas en train d’apparaître ? Une technique un peu plus systématique : faire parler ses collègues de leurs mécontentements.

Cellules d'Animation du changement

Le Tir au journal ? On peut rêver mieux. Ne pourrait-on pas faire juste du premier coup ? Une suggestion : « cellules d’animation du changement ». De quoi s’agit-il ? 

De repérer les personnes qui savent faciliter le travail de leurs collègues (animation du changement), et de les constituer en une équipe informelle qui va être responsable de construire le savoir-faire en conduite du changement de la société. Le mécanisme est simple : elle apprend des changements auxquels elle participe. Plus il y a de changements, plus elle est compétente.

J’ai observé que les techniques fondamentales sont très vite assimilées par ceux qui participent à un changement. Plus exactement, j’ai remarqué qu’ils en retirent l’idée que, s’ils sont confrontés à une difficulté, ils doivent la traiter en groupe. (Jusque-là l’individualisme régnait.) Il n’en faut pas beaucoup plus pour les rendre autonomes. Ils sont ensuite capables de mener des changements dans leur environnement immédiat, apparemment impossibles jusque-là.

Cercle vertueux : changement après changement, l’entreprise devient de plus en plus flexible, et les changements de plus en plus rapides et faciles.

L'entreprise : bien public à changement rapide ?

Governing the commons ne parle pas de la nécessité d’équipes de conduite du changement qui puissent intervenir à tous les niveaux de gestion d’un bien commun. Les structures d’administration qu’il décrit sont hiérarchiques, chaque niveau de la hiérarchie semblant évoluer de manière relativement autonome. 

Je crois qu'il n'en parle pas parce que l’entreprise est un bien commun qu'il n'étudie pas. 

Une nappe phréatique n'évolue pas rapidement. L'entreprise, elle, doit subir très fréquemment des changements qui en modifient la nature (par exemple installation de nouveaux procédés de fabrication).  D’où besoin de techniques de changement rapides, qui fassent bouger l'ensemble de l'édifice comme un seul homme.

Compléments : 

  • Les techniques nécessaires aux cellules d'animation sont le sujet de mon livre Conduire le changement: transformer les organisations sans bouleverser les hommes.
  • Je me demande si le résultat d'un changement réussi, le fait que ceux qui y ont participé s'approprient les techniques utilisées et s'en servent n'est pas un exemple du phénomène d’auto organisation décrit par Elinor Ostrom (Governing the commons).

Annexe : comment éviter le piège de l'attaque personnelle

Le Tir au journal résulte souvent en des critiques: « Les commerciaux vendent n’importe quoi », « l’usine a une politique de zéro stock stupide »… Danger : une attaque personnelle n’a aucune chance d’aboutir. Surtout, les problèmes de l’entreprise ne sont presque jamais humains (les employés incompétents sont rapidement éliminés), mais organisationnels ! 

Le dysfonctionnement organisationnel se manifeste dans l'incapacité des membres de l'entreprise à faire correctement leur travail. Et on prend la conséquence pour la cause, la victime pour le coupable. Si vous dérapez dans un virage, n’accusez pas vos pneus, mais votre conduite. 

Une technique pour éviter ce piège :

  1. Ne censurez pas les critiques personnelles : c’est le moyen le plus efficace que l’homme a trouvé pour parler de ses problèmes. Pour vous c'est la façon la plus rapide de savoir que quelque chose ne va pas.
  2. Mais traduisez-les avant de les évoquer dans votre diagnostic. « Feedback neutre » : présentez le problème à résoudre à partir d’observations incontestables : « nous avons un problème avec notre processus logistique, nous avons eu trois réclamations cette semaine, le P-DG de la société X menace de changer de fournisseur ».
  3. Puis « mathématisez » la question à résoudre : description du processus logistique afin de voir ce qui doit être amélioré. Question à vos collègues : que peut-on améliorer pour éliminer notre problème ? 
Au lieu d'accuser, à tort, telle ou telle personne, et de susciter une réaction de (légitime) défense, vous avez fait de la question un problème organisationnel d'élimination d'un danger collectif. 

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