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jeudi 4 septembre 2008

Comment gagner en productivité ?

Discussion avec un jeune dirigeant d’une unité de production. Ses équipes gagnent 5% de productivité par an. Son ex grand patron aurait aimé des gains « à deux chiffres ». Cadences infernales ?

De tels gains sont anormaux. L’économiste Robert Solow a mesuré une tendance mondiale à long terme était 1 %. Les constructeurs automobiles, reconnus pour leur dureté, demandent généralement à leurs sous-traitants 2%. Ceux-ci ne savent pas les atteindre. L’innovation et l’ajout permanent de nouvelles fonctionnalités (airbags, électronique, etc.) aux voitures, la croissance des normes de sécurité... les sauvent : ils brouillent les bases de comparaison.

C'est louche. D'ailleurs le dirigeant observe que ses équipes atteignent leur objectif chaque année, sans grande difficulté. Mais pas plus. Elles en ont sous la pédale. Il y a probablement d'énormes gains à réaliser. Comment y parvenir ? Reconcevoir le processus de fabrication. Seul moyen d’avoir l’information nécessaire : y faire participer ceux qui le connaissent le mieux, les employés. Que va-t-on trouver ? Une idée tellement simple que personne ne l’avait vue. D’ailleurs, c’est déjà arrivé. Il y a quelques temps mon interlocuteur s’est inquiété d’une bizarrerie. Normal ou symptome d'une grosse inefficacité ? En en discutant avec un ouvrier, il a compris qu'un abaque était inadapté : il datait de vingt ans. Les matériaux employés avaient changés entre-temps. Il a reconstruit l’abaque empiriquement. Transformation radicale de la productivité de l’équipe. Aucun investissement.

Exemple de la perversité du mode de management français. Parce qu’il est « top down », jamais le dirigeant n’a ce type d’informations. C’est pourquoi il veut imposer des gains de productivité par la force. Et on ne lui en lâche que le minimum. Si ses équipes allaient au fond de leur potentiel, on continuerait à leur demander 5% de productivité annuelle. Leur travail deviendrait invivable.

Les Japonais ont trouvé une parade : respect del’ouvrier. D’où le processus suivant. Le management se comporte comme un entraîneur avec un champion. Il lui fixe des défis, qu’il pense qu’il peut relever (dans notre cas, la productivité doit probablement pouvoir être doublée). L’ouvrier n’y voit pas une tentative d’exploitation, mais une marque d’estime. La réflexion commune management / ouvrier conduit à une transformation des processus de travail de l’employé. La fonction de celui-ci évolue, s’enrichit. Il est heureux, bien dans sa peau. Considéré. Le management trouve dans cette collaboration une meilleure connaissance des capacités de son « champion », qui se sont développées.

Références :
  • Une discussion de la productivité de Robert Solow : STIROH, Kevin J., Is There a New Economy?, Challenge, Vol. 42, No.4, Juillet-Août 1999.
  • Sur l’état d’esprit contre productif du Français (le management n’est pas en cause dans l’affaire, si l’ouvrier devenait manager, il se comporterait comme un manager de carrière), sa comparaison à celui du Japonais : Le changement peut tuer.

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