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vendredi 24 octobre 2008

Culture et changement (suite)

Une idée de Minter Dial : une entreprise s’implantant dans un pays donné, quelles vont être les règles que suivent ses changements, celles de sa nation d’origine ou celles de son pays d’accueil ? Observations :

  • IBM des années 80. Très clairement, il y avait des règles communes à la société. Mais IBM Allemagne, avec qui j’ai beaucoup travaillé, était indéniablement une entreprise allemande.
  • Je me souviens aussi de filiales de GE Capital : GE y installait un contrôle de gestion. Si l’équipe dirigeante atteignait les objectifs financiers qu’on attendait d’elle, elle était félicitée, sinon elle était remplacée.
  • J’ai discuté avec un dirigeant d’Essilor, et j’en ai tiré le même sentiment : les unités nationales semblaient partager des règles globales tout en étant, localement, totalement adaptées à la culture de leur nation. Un extrait d’un compte-rendu :
(...) si la conception de la stratégie est partagée, ce n’est pas le cas de sa mise en œuvre, qui est laissée à l’initiative individuelle : « Ce n’est pas militaire », par exemple, ça ne ressemble pas au processus de décision de Hoya « je décide à Tokyo, j’applique partout ailleurs ». « Chez nous non, le dirigeant allemand décide seul ». « Ça dépend beaucoup de la personnalité du dirigeant » : c’est un processus qui laisse une considérable latitude aux compétences entrepreneuriales des patrons locaux : « chacun a trouvé sa manière d’entrer dans son marché ». Question de personnalité, mais aussi de marché : les marchés nationaux se ressemblent peu. Par exemple, en France, la distribution est dominée par des réseaux d’indépendants, qui donnent l’impression d’un manque d’homogénéité (deux magasins d’un même groupement se ressemblant peu), mais est très efficace (ce sont les opticiens qui gagnent le mieux leur vie en Europe).
Le fait que les dirigeants soient libres ne signifie pas qu’ils ne sont pas contrôlés : « ils sont cooptés », ils partagent de mêmes valeurs (par exemple attachement au groupe) et ont démontré leur compétence. Par ailleurs, on les juge à long terme, pour pouvoir éliminer ce que leur performance peut devoir à la chance (qui peut expliquer une ou deux années de bons résultats).
« il y a des valeurs fortes, des règles générales, pas de règles locales ».
Et le Président ? « Son rôle est de faire que le système fonctionne », et en particulier que le long mécanisme de gestation stratégique de la société traite des bons sujets : « son souci est l’agenda du comité exécutif », « il ne s’y décide rien », mais il faut « que les bons sujets remontent ».
  • Par contre, j’ai vu des nations qui souffraient : par exemple une filiale allemande d’un groupe français, qui se plaignait du manque de qualité des pièces qu’on lui envoyait et de l’incompréhensible manque de conscience professionnelle français. J’ai eu même l’impression que les employés allemands avaient honte de travailler dans la société. Que leurs clients allemands (les constructeurs automobiles) les considéraient avec mépris. Comme des Français.
  • Il y a aussi de multiples exemples de filiales étrangères qui se dissolvent très rapidement, parce qu’elles sont laissées à elles-mêmes, considérées avec peu de respect (cas fréquent des unités « délocalisées »)…
  • Le football, pour finir : on arrive à constituer des équipes qui gagnent, en mélangeant n’importe quelles nationalités, ou presque. Par contre la culture qui domine l’équipe est celle de l’équipe, pas de ses joueurs. Une équipe anglaise joue à l’anglaise, même si ses joueurs sont étrangers.

Je soupçonne que les cultures nationales ont pas mal de flexibilité. Par exemple la culture française trouve à la fois normal le licenciement et l’emploi à vie. L'homme, lui aussi, arrive assez bien à s'intégrer à une nouvelle culture. Mais on ne peut pas faire faire n'importe quoi à cette culture. Les règles du changement dépendent donc probablement beaucoup plus de la culture locale que de la culture du groupe. Ses dirigeants ne peuvent pas le piloter par décrets. La culture dominante ne peut pas entrer en conflit avec certaines valeurs nationales (le cas de l’équipementier automobile).

Je crois que les intégrations qui marchent sont celles qui proposent un « projet d’entreprise », des lignes directrices dans lesquelles toutes les nations peuvent se reconnaître. Des valeurs qui peuvent être interprétées avec les valeurs de ces nations. Mais qui ne prétendent pas régler le détail de la vie de l’homme qui, elle, obéira toujours à la culture dans laquelle il est plongé.

Compléments :

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