L’esprit du temps
On y entraperçoit l’Allemagne du début du 20ème siècle, une Allemagne romantique, convaincue de son destin tragique. L’angoisse existentielle la parcourt, une angoisse de fin de millénaire : plus de certitudes, « désenchantement du monde ». On a compris que ni la science ni la religion ne peuvent montrer le sens de la vie. En parallèle on assiste à la montée irrésistible d’une bureaucratie déshumanisée de fonctionnaires rationalistes.
Mais la « jeunesse » pense avoir trouvé la réelle source de certitude. C’est dans la vie, dans l'être, qu'est la vérité (non dans les idées). Elle croit qu’elle va la découvrir par une « expérience vécue », une expérience exceptionnelle vécue en « communauté » sous la direction d’un chef visionnaire et providentiel. On demande au professeur d’être ce chef.
Weber n’est pas d’accord. C’est à chacun de chercher son dieu, sa vocation. Au mieux la communauté se transformera en secte. Mais il ne se distingue de la jeunesse que dans la nuance. Il pense que, au moins, quelques-uns ont reçu un destin, un don, une « vocation », qu’ils doivent assumer. En particulier le « chef », figure centrale du livre, possède charisme et vision dont a besoin la bureaucratie pour trouver une âme.
(Surprenant. N’a-t-on pas dans les thèses de la jeunesse celles du nazisme ? La guerre n’aurait-elle pas été « l’expérience vécue » par la communauté dirigée par un chef visionnaire, dans laquelle chacun devait découvrir la vérité ultime ? N’est-ce pas aussi une explication des thèses d’Heidegger, qui demande à la philosophie de chercher sa vérité dans l’expérience humaine ? Mais, il me semble parler d’expérience individuelle.)
Nationalisme
La traductrice soulève un autre problème fondamental pour l’histoire des idées. Celui du nationalisme.
Pour Weber, les grandes nations ne peuvent être que des bureaucraties, elles sont trop grosses pour être des démocraties. Par contre, c’est de l’affrontement de leurs cultures que naîtra la culture mondiale. Elles ont donc l’écrasante responsabilité de défendre au mieux leurs valeurs.
(Bizarrement, on retrouve cette théorie chez de Gaulle, ce qui laisse penser qu’elle était largement partagée.
(Bizarrement, on retrouve cette théorie chez de Gaulle, ce qui laisse penser qu’elle était largement partagée.
La guerre aurait-elle été vue comme une sorte de jugement de Dieu, devant créer la culture mondiale, à partir des cultures les plus valeureuses, comme dans la mythologie germanique ? Cette civilisation avait un ennemi : le monde slave. Le texte ne dit pas pourquoi.)
Le scientifique et le politique
Le thème du livre, brièvement.
- La science fournit des solutions à des problèmes bien posés, elle parle de moyens, pas de fins. C’est à l’homme de trouver ce qui doit le guider. Une fois qu’il l’aura trouvé, la science lui dira comment l’atteindre.
- La question du politique c’est l’Etat, qui est un « groupement de domination », qui a « le monopole de la violence ». D’où le problème éthique du politique : son moyen d’action est la violence. Deux modèles possibles : une démocratie avec chef ou sans chef. La première est inspirée par un dirigeant « charismatique », la seconde est purement mécanique. Pour être un « chef » (donc un homme politique), il faut avoir de la volonté, savoir parler au peuple, posséder une « cause », et le sens des responsabilités par rapport à cette cause, mais aussi une capacité de recul et de prise de décision judicieuse. Il faut aussi combiner éthique de la conviction, l’éthique des valeurs, qui pave l’enfer de bonnes intentions, et éthique de la responsabilité, qui est naturelle au politique et qui justifie le moyen par la fin. Enfin, le « chef », le « héros », doit pouvoir « supporter l’échec de toutes les espérances ».
Comment voyait-il l’avenir, en 1918 ? « d’abord une nuit polaire »…
Max Weber, Le savant et le politique, La Découverte, 2003.
Compléments :
- Ma référence à de Gaulle : François Bayrou.
- Heidegger pour les nuls.
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