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dimanche 3 mai 2009

Rousseau, discours sur l'inégalité

ROUSSEAU, Jean-Jacques, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes précédé du Discours sur les sciences et les arts, Le Livre de Poche, 1992.

Les confessions de Rousseau m’ont fâché avec lui pour plus de trois décennies, jusqu’à ce que je découvre, en rédigeant un livre, que la France n’était qu’un système de classement des uns par rapport aux autres, par nature un système inégalitaire. Ça contredisait « liberté, égalité, fraternité ». Rousseau ayant justement écrit sur l’inégalité, je me suis demandé si son œuvre ne méritait pas un peu de considération. 

Plusieurs choses m’ont surpris dans ce livre :

L’état de nature

A l’époque, il était une figure obligée de se demander comment l’homme en était arrivé là où il en était. L’émergence de l’idée d’individu s’accompagnait de son mythe fondateur, la création de la société par l'individu. On imaginait que l’homme avait toujours été isolé, et on se demandait pourquoi il avait construit une société. (Il semble plutôt que l’homme a toujours vécu en société et que l’invention de l’individu soit récente.)

Rousseau se tire très intelligemment de l'exercice. Il ne part pas de l’homme seul, mais de la communauté « primitive », et il imagine les étapes qui la transforment en un état « civilisé ». Et son raisonnement semble loin d’être ridicule.

La société rend l’homme laid

Il prend à contrepied le contrat social. La société force l’homme à être laid, et elle installe une inégalité qui n’existe pas dans « l’état de nature ».

En fait, la nature de l’homme ne change pas. Seulement, dans une petite communauté, l’homme n’a besoin que de son instinct pour vivre. Les relations sociales sont naturellement mues par la compassion. Plus exactement, l’homme est important pour l’homme, alors qu’en société c’est la société qui compte, l’individu est secondaire.

La société rend l’homme intelligent (d’ailleurs il redevient stupide pour peu qu’il sen éloigne). Elle lui apporte les arts, les sciences et les lettres. Mais tout ceci ne lui apprend que l’hypocrisie, l’apparence, et la superficialité. Pire, avec la domination du luxe (de l’économie), la science annonce la fin de la civilisation, qui ne sait plus reconnaître les vertus qui étaient nécessaires à son maintien.
Jusqu’alors les Romains s’étaient contentés de pratiquer la vertu ; tout fut perdu quand ils commencèrent à l’étudier.
On a de tout avec de l’argent, hormis des mœurs et des citoyens (…) des esprits dégradés par une multitude de soins futiles (ne) s’élèvent jamais à rien de grand.
Je vois partout des établissements immenses où l’on élève à grands frais la jeunesse pour lui apprendre toutes choses, excepté ses devoirs.
Comment on en est arrivé là

Rousseau imagine la naissance de la société, avec l’invention de la propriété, qui crée riches et pauvres (= ceux qui sont restés comme avant, dans l’état de nature), puis vient la nécessité de collaborer pour obtenir ce que l’individu seul ne pouvait pas acquérir, d’où faibles et puissants. Les lois alors sanctifient le statu quo, donc une abjecte inégalité.
qu’un enfant commande un vieillard, qu’un imbécile conduise un home sage et qu’une poignée de gens regorgent de superfluités, tandis que la multitude affamée manque du nécessaire.
La jalousie naît de la différence, et le pouvoir, qui est là pour faire respecter les lois (contrat social), en profite pour diviser et asservir. Retour à l’égalité, dans l’esclavage.

Espoir ?

Pour éviter une aussi fâcheuse fin, et retrouver un peu de l’état de nature, Rousseau conseille de se méfier de la science, elle corrompt tout sauf les esprits exceptionnels, qui d’ailleurs la réinventent plus qu’ils ne l’apprennent. Que ces hommes conseillent les gouvernants et que chacun des autres redécouvre la vertu au fond de lui-même :
Ô vertu ! (…) tes principes ne sont-ils pas gravés dans tous les cœurs (…) rentrer en soi-même et d’écouter la voix de la conscience (…) tentons de mettre entre eux et nous cette distinction glorieuse (…) que l’un savait bien dire et, l’autre, bien faire.
Un livre rafraîchissant

Suis-je d’accord avec tout ce que dit Rousseau ? En particulier, je ne suis pas très sûr que l’on ait beaucoup à gagner à se replier sur soi, ni que l’on puisse imposer un changement majeur à la société. Mais je trouve ce livre rafraichissant, étonnamment actuel. C’est peut-être plus le discours du bon sens que de la raison.
Ils évaluent les hommes comme des troupeaux de bétail. Selon eux, un homme ne vaut à l’État que la consommation qu’il y fait.

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