Mireille Delmas-Marty, professeur au Collège de France, analyse les dernières réformes pénales. C’est extrêmement déprimant :
Des décisions sont prises sur l’inspiration de l’instant, sans aucune réflexion quant à leur conséquence, aux conditions de leur application ou à leur cohérence avec l’esprit de nos lois. Extraits :
- Nous mettions alors en garde le législateur contre les effets pervers de l'accumulation de réformes partielles, ajoutant de nouvelles règles qui ne s'accompagnent ni des moyens adéquats ni d'une réflexion d'ensemble sur la cohérence du système pénal : "Ce rapiéçage, parfois même ce bégaiement législatif, paraît irréaliste et néfaste."
Vaine mise en garde, car l'accumulation continua, à raison de deux lois en 1993, puis de nouveaux textes presque chaque année. La seule réforme d'ensemble (loi du 15 juin 2000) aura été aussitôt affaiblie par la même majorité (lois du 15 novembre 2001 et 4 mars 2002), puis par la nouvelle majorité élue en 2002 (lois 2004, 2006, 2007...).
- Une loi de 2007 tente de résoudre le problème en créant une collégialité mais, pour des raisons budgétaires, elle a été reportée à une échéance plus lointaine (2010, puis 2011).
- le projet de loi constitutionnelle, adopté par le Parlement en 1999, avait prévu une procédure de nomination des magistrats du parquet sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), mais il n'a jamais été soumis au Congrès
Ce que me frappe n’est pas tant que l’état semble chercher à condamner l’indépendance de la justice (avec attaque corrélative des droits de l’homme), que le formidable sentiment de bazar dans la gestion du pays qui ressort en négatif des recommandations de l’article (le soulignement est de moi) :
Une première garantie consiste à redéfinir la notion de politique pénale. Il ne s'agit pas de renoncer au principe selon lequel cette politique relève du gouvernement, mais au contraire de la rendre plus lisible en renouant avec la tradition des grandes circulaires qui ne sont pas la simple paraphrase des lois nouvelles mais se fondent sur des évaluations, quantitatives et qualitatives, indiquent les objectifs à moyen et long termes, évitant de répondre à chaque fait divers par une loi nouvelle. Il serait nécessaire aussi d'organiser, sur le modèle proposé en 1999, un débat annuel au Parlement, précisément pour annoncer les objectifs, évaluer les résultats et faire comprendre une politique parfois difficile à suivre (comme, par exemple, l'accumulation de textes en matière de récidive depuis la loi de 2005).
Au moins puis-je terminer sur quelque chose de positif. On a là ce que devrait faire un gouvernement : bâtir un premier mécanisme qui identifie les problèmes à résoudre, et un second qui les résolve. Un processus collectif dont on soit sûr qu’il reflète la rigueur scientifique et l’intérêt général et pas les lubies de tel ou tel.
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