La réforme des chambres de commerce est probablement typique d’une réforme à la française.
Les chambres de commerce ont été créées par des réseaux d'entreprise pour promouvoir leurs intérêts communs (la première chambre date de 1599, à Marseille). Au cours des ans, l'adhésion des entreprises à une chambre est devenue obligatoire. Et elles se sont elles-mêmes constituées en réseau, en établissant des noeuds régionaux et nationaux. (Il existe aussi des chambres de commerce à l'étranger.)
Le gouvernement a décidé qu’il était rationnel qu’elles soient gérées comme l’État français, c'est-à-dire (pour commencer ?) que la région dirige le « territoire ». Ainsi on réaliserait de grandes économies. D'ailleurs la contribution de l'Etat au budget des CCI a été immédiatement réduite. Curieusement il semble aller de soi qu'un tel changement ne peut qu'améliorer les services des CCI, puisque rien n'est fait pour s'en assurer.
De quel type de changement parle-t-on ? Quel en est la complexité ?
- Les CCI aujourd’hui ressemblent à des PME, ou plutôt à des mutuelles ou à des coopératives. Avec un conseil d’administration puissant (constitué de notables de l’économie locale) et un directeur général, révocable ad nutum comme dans l’entreprise. Son rôle est de mettre en œuvre les décisions du conseil. Leurs équipes sont d’un niveau de qualification très supérieur à celui que l’on trouve dans des entreprises de taille équivalente.
- Il s’agit donc de fusionner ces unités pour réaliser des synergies et constituer l’équivalent d’une grande entreprise de plusieurs milliers de personnes. L’équipe de la CRCI qui jusque-là avait un rôle de coordination et de représentation, pas de management, doit donc prendre le pouvoir sur des « PME » pilotées par de vrais patrons, et les fusionner. Elle doit réaliser dans le même mouvement les fameuses synergies, entre des processus hétérogènes (systèmes d'information, centres d'appels, systèmes de paie, tarifications... pas uniquement entre CCI, mais aussi entre les écoles, aéroports, ports... qu'elles administrent). Et qui dit grande entreprise dit recrutement de managers adaptés à ce type de structure (DRH, etc.). Mais les salaires de la CCI ne sont pas ceux de l’entreprise… D'ailleurs il n'y a que l'Etat qui ne sache pas que l'on doit investir pour obtenir des gains de productivité. Il prélève dès maintenant une part des économies qui ne peuvent qu'être réalisées.
- Cette structure fonctionnant de haut en bas, à l’image de l’État français, ne risque-t-elle pas d'oublier sa mission séculaire d'aide de proximité à l'entreprise, et, devenue inutile, d'être liquidée ?
Dans le monde de l’entreprise faire réaliser par une « holding » de managers sans expérience la fusion d’une dizaine de PME d’un coup, et sans investissement, serait inconcevable. Le plus bizarre est que certaines CCI pourraient réussir.
Ainsi les CCI d’Auvergne ont trouvé un arrangement élégant : elles ont constitué un conseil d’administration qui réunit le DG de la région et les DG des territoires. Chacun continue à piloter sa CCI, tout en ayant un rôle fonctionnel régional. Ainsi elles ont évité la plupart des pièges signalés plus haut : l’ancrage reste local, pas de lutte de chefs et de résistance au changement, pas besoin d’engager une star du management pour conduire le changement et des dirigeants fonctionnels chers, et ça ne coûte rien puisque l’on reconduit les structures existantes. Tout ce monde peut paisiblement réfléchir à la stratégie de sa région, et à la réduction progressive de ses coûts structurels par synergie. Changement à « effet de levier » ?
Compléments :
- Le rôle que pourraient jouer les CCI si elles survivent au changement.
- Une introduction à ce qu'est une chambre de commerce. Curieusement la France semble pionnière du concept, avec la Belgique.
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