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lundi 14 mars 2011

Censure et journalisme

Dans une conversation avec une journaliste du Figaro, il  y a quelques mois. J’ai abordé, par hasard, la question de l’élimination des qualifications intermédiaires par les systèmes d’information. Brutalement, j’ai eu l’impression de sentir le soufre. J’ai argué qu’il n’y avait là rien de révolutionnaire, que toute la presse anglo-saxonne en débattait, et que The Economist, par exemple, n’avait rien d’un journal trotskyste… Heureusement, un de ses amis, qui vit aux USA et qui se trouvait être arrivé entre temps, a confirmé mes dires. En tout cas une telle nouvelle ne pourrait jamais être imprimée par le Figaro.

J’ai eu le même type d’aventure avec Le Monde. Avant que les suicides de France Télécom aient les conséquences qu’on leur connaît, j’avais fait remarquer à une autre journaliste que les techniques qui semblaient y avoir été utilisées ressemblaient à celles des cabinets de conseil en stratégie anglo-saxons. (Elles ont fait l’objet de nombreuses publications.) Et que ces techniques ayant pour conséquence la dislocation du lien social – cause de la résistance au changement, c’était un facteur favorable au suicide de gens fragiles. J’ai vite compris que celui qui écrirait ce type de choses se retrouverait au fond de la Seine avec du béton aux pieds. J’ai prudemment remballé mes idées subversives.

Je trouve plusieurs paradoxes fascinants dans ces observations. 1) Ne s’attendrait-on pas à ce que les journalistes lisent les journaux étrangers ? 2) pourquoi ai-je eu l’impression d’être dangereux, alors que je ne faisais que citer des sources anciennes que n’importe qui peut vérifier ?

En fait, je crois que le problème est général. Nous jugeons en fonction d’un ensemble d’idées reçues qui définissent ce qui est bien ou pas. Nous ne pensons pas. Et la presse ne fait que diffuser ces idées reçues. C’est une forme de censure.

Mais elle n’interdit pas le changement. Elle impose simplement qu’il soit exprimé d’une façon qui ne heurte pas ce qu’Edgar Schein a appelé les « valeurs officielles ». D’ailleurs, il existe dans la société des personnes dont le rôle est d’être écoutées. Un leader d’opinion patenté (cf. l’ami de la première journaliste) fait évoluer les idées reçues. 

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