LORENZ y aborde un sujet sensible (voir les articles précédents de Christophe): la dégradation des espèces.
Instinct et société
Instinct et société
LORENZ nous dit que tout n'est pas programmé par la phylogenèse et que l'homme est influencé par l'apprentissage et l'éducation ce qui lui évite d'être le jouet irresponsable de ses instincts. Aussi, toute vie sociale ou culturelle suppose que l'homme apprenne à dominer ses instincts.
Mais le pouvoir qu'exercent la raison et le sens des responsabilités n'est pas illimité, il est juste suffisant chez un être normal pour lui permettre de s'insérer dans la communauté socio-culturelle.
L'homme selon LORENZ, reste un être de civilisation et ses impulsions naturelles et leur contrôle conscient, imposé par la société, forment un système unique à l'intérieur duquel ces deux facteurs sont complémentaires.
Une légère dose de plus ou de moins provoque des perturbations plus facilement que ne le pensent la plupart des gens inclinés à croire à la toute puissance de la raison humaine et de l'éducation.
LORENZ nous précise, au passage, qu'il vaut mieux prévenir que guérir, c'est à dire qu'il est beaucoup plus aisé d'éviter l'acquisition d'un trouble que de le soigner.
Dans ce même chapitre, LORENZ évoque un courrier reçu d'un spécialiste du droit comparé , Peter SAND, qui a découvert qu'il existe des grandes similitudes de structures entre différents systèmes juridiques à travers le monde, il donne plusieurs explications :
- l'existence d'un droit naturel,
- des échanges entre les cultures (comportements acquis par imitation),
- une nécessité écologique (adaptation au milieu, à l'infrastructure)
- des expériences individuelles.
Ce spécialiste du droit, après avoir lu LORENZ lui avoue que ce "travail austère", l'a convaincu que "ce mystérieux sentiment qui permet de discerner le bien et le mal provient essentiellement de comportements innés caractéristiques".
LORENZ conclut que ce sentiment inné de la justice datant de la phylogenèse est destiné à prévenir l'infiltration d'éléments asociaux dans la société.
Autodomestication
Jusque là ces travaux nous montrent combien l'homme a été bien équipé pour faire face à ses responsabilités.
Jusque là ces travaux nous montrent combien l'homme a été bien équipé pour faire face à ses responsabilités.
C'est là que LORENZ évoque le risque chez l'homme, des dégâts que cause le phénomène de domestication qu'il a observé chez de nombreuses espèces et par exemple chez les poissons élevés en piscicultures, qui perdent leur dispositions génétiques à s'occuper de leurs petits.
Il remarque que ce sont les mécanismes les plus hautement sophistiqués et donc les plus récents qui se dérèglent le plus facilement, tandis que les instincts universellement partagés, s'accoupler et se nourrir, s'hypertrophient.
LORENZ note que l'amour maternel, le dévouement à la famille et à la société mais également le besoin de s'alimenter ou de se reproduire sont aussi des comportements programmés de l'instinct.
La domestication provoquerait des modifications génétiques et des comportements comme la précocité sexuelle, la jeunesse persistante, l'intolérance au déplaisir, une carence du sentiment de responsabilité qui traduisent une immaturité sociale de l'individu affecté d'un manque de considération pour les autres.
Ces derniers traits sont ceux des petits enfants et pardonnables pour leur âge. En revanche l'homme mûr se caractérise par le travail patient en perspective d'atteindre un but éloigné, la prise de responsabilité et les égards pour autrui.
L'individu infantilisé est irréfléchi, il se dresse contre l'ordre social, et partant contre ses parents tout en souhaitant bien être entretenu par cette même société et ses parents.
Lorsqu'on observe notre société actuelle, avec peut être, le prisme déformant de la presse, on note des inquiétudes grandissantes sur l'hypersexualisation des enfants, l'obésité croissante, l'immaturité nouvelle des collégiens et lycéens en panne d'autonomie dans leurs devoirs, les caractéristiques de la génération Y (tout tout de suite), le terroriste individuel... ne peut on y voir la confirmation des alertes de LORENZ sur le risque de domestication qui menace l'homme?
Et tout comme LORENZ, il faut préciser déjà que "la jeunesse moderne ne souffre nullement d'un manque de sentiment social et moral elle n'est pas aveugle aux vraies valeurs, les jeunes sentent bien que quelque chose est pourri, non seulement au royaume du Danemark mais bien davantage dans beaucoup d'Etats".
Suivons donc l'adage rappelé par LORENZ " prévenir plutôt que guérir". Nous empêcherons que ces petites diodes rouges allumées par LORENZ ne se transforment en un point rouge de sniper embusqué prêt à tuer.
Retrouvons le sens des responsabilités et de l'effort patient en perspective, le respect d'autrui et abandonnons la course à la consommation.
C'est certainement le changement primordial.
Quelques observations:
RépondreSupprimer- La théorie de l'autodomestication est fort intéressante.
- J'ai aussi entendu parler de l'idée selon laquelle on retrouvait toujours les mêmes "structures" au sein du vivant, elle contredit la théorie de Darwin qui veut que la vie avance de manière aléatoire. L'existence de structures s'explique probablement par le fait que la vie est faite de "systèmes" qui ne peuvent pas prendre n'importe quelle configuration (de même qu'il n'y a qu'un nombre fini d'atomes ou de molécules).
- je ne suis pas convaincu que les jeunes soient particulièrement dégénérés, il me semble plutôt que ce sentiment est propre à toutes les sociétés et à tous les âges... Il ne faut pas oublier que ce qui atterrait Lorenz, en 1970, c'était nous: toi et moi, et nos petites familles matérialistes. Or, je nous trouve très bien...
- quant à la conclusion qu'il existe un "droit naturelle", elle me paraît extrêmement dangereuse. Cette idée était dans la tête des néoconservateurs lorsqu'ils se sont lancés dans une croisade dont le premier domino a été l'Iraq. Ils la devaient officiellement à Léo Strauss, un disciple d'Heidegger (on retrouve toujours les mêmes). Mais cette idée est aussi vieille que le monde occidental, c'est elle qui nous fait croire qu'il y a des bons (une race élue) et des mauvais et qu'il faut liquider les seconds. C'est contre elle, à mon avis, qu'ont surgi les Lumières, qui forment le fondement de notre société actuelle.
Bref, je soupçonne que le concept de droit naturel est bien plus dangereux pour la survie de notre espèce que le consumérisme.
D'ailleurs, comme je le disais dans un précédent billet, on n'a pas besoin d'un droit naturel unique pour vivre heureux. Chaque société humaine peut conserver ses règles à elle sans chercher à les imposer aux autres. Le tout est que ces sociétés soient encadrées par une fédération qui utilise leurs différences comme moteur. C'est aussi une idée des Lumières, formulée par Kant, et que Lorenz a été incapable de comprendre, alors qu'il se disait son successeur...