Rencontre de William Aulet, directeur du Martin Trust
entrepreneurship Center du Massachussetts Institute of Technology (MIT). Homme très simple et franchement sympathique,
et entrepreneur à succès. Il ne connaît rien de la France, mais est surpris que
personne dans l’auditoire n’ait entendu parler de Jeremy Lin. Pour lui le monde
est un village américain.
Il vient de publier un livre, « Disciplined
Entrepreneurship », qui me semble très bien. (Parce qu’il l’a conçu comme
les miens ?) Il est parti de son expérience, qu’il a formalisée à la
lumière de la science. Il utilise les travaux académiques, les sciences
humaines en particulier, comme « outils », et non comme méthodologies
fermées à suivre aveuglément. Surtout, dit-il, il ne faut jamais oublier qu’entreprendre
est extrêmement difficile. Ce n’est pas une partie de plaisir.
MIT est une formidable usine de création d’entreprises. Le « mile
carré » (2,5km2) du campus produit un PIB qui le place au 11ème
rang mondial. Les étudiants de Bill Aulet sont presque exclusivement des
immigrés. Les WASP sont quasiment inexistants. Faudrait-il avoir « le
ventre vide » pour lancer une entreprise ? Qu’est-ce qui motive l’entrepreneur,
d’ailleurs ? « Hack the system »,
être plus fort que la société, ses lois et ses conventions. C’est un « pirate » (« It’s more fun to be a pirate, than to join
the navy » : « creative
irreverence »). Ce qui, lorsque l’on y réfléchit bien, est
extraordinairement inquiétant. Et un peu contradictoire, comme on va le voir
maintenant. En tout cas, cette observation est critique pour comprendre comment
on peut enseigner l’entrepreneuriat. On sélectionne un état d’esprit. Ensuite
on lui apporte les compétences dont il a besoin. Et ce en situation réelle. « L’enseignement est contextuel. » Ce
qui fait qu’il est extrêmement difficile de faire croître l’offre de formation avec la demande.
Qu’est-ce qui fait qu’un pays produit des entrepreneurs, lui
demande-t-on ? D’abord la culture. Certaines cultures ne s’y prêtent pas
du tout (comme celle de l’Arabie Saoudite). Ensuite, la formation. Quoi que. L’entrepreneur
est avant tout un rebelle. Le meilleur élève de la classe, lui, n’a rien de ce
qu’il faut pour cela. Son art est de faire plaisir. Les réseaux d’entraide jouent
aussi un rôle extraordinairement important. D’abord, comme soutien émotionnel.
Ensuite parce que la concurrence nuit à l'entrepreneur. Toutes les
idées lui sont utiles. Les frontières sont ses ennemies. Au fond, il n’a pas de
patrie. En troisième lieu, l’Etat.
(Surprise de l’auditoire, fait de surdiplômés, employés par des multinationales.)
L’Etat fournit le cadre, juridique notamment, sans lequel l’entreprise ne peut
pas exister. Tout le reste est secondaire. Y compris le marché, ou le
financement, que l’on trouve toujours lorsque l’on est bon. (Mais le
financement initial est important.) Et y compris l’innovation. Seule une
minorité de projets issus du MIT partent d’une innovation technologique.
Parmi les ennemis de l’entrepreneuriat ? Les
incubateurs. Ils maintiennent en vie des projets sans avenir. Il faut des accélérateurs :
avec eux, ça explose, ou ça casse. Extrêmement vite. Ce qui permet, dans le
second cas, de repartir sur une meilleure idée. Mais il y a pire. Goldman
Sachs, qui détourne le talent de missions utiles pour la société. (Bizarre, je trouvais que Goldman Sachs partageait l'esprit pirate du MIT - et qu'il avait formidablement manipulé le système par ses innovations !)
Le site, épatant, du livre de Bill Aulet : http://disciplinedentrepreneurship.com/.
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