Un directeur général quitte une grosse association. Son
travail a consisté à la faire entrer dans les temps modernes. Il lui a apporté,
notamment, les pratiques de l’entreprise privée. Il a aussi renouvelé ses
sources de revenus. Le tout en peu de temps et dans des conditions difficiles. Au
moment où il part, il découvre un spectacle curieux. Les membres du conseil d’administration
et ses anciens collaborateurs s’emparent de ses projets, et se disputent ses
fonctions. Chacun étend ses prérogatives, on recrute, on investit… selon son
bon plaisir et sans prendre en compte les contraintes de la réalité, ou même du
droit. Mais tout ne se passe pas comme prévu. Les ambitions rencontrent vite
celles des autres et se contrarient. Brutalement, on se met à regretter le
directeur général. Et s’il n’avait pas été qu’un sadique ? Et si les
contraintes qu’il mettait aux projets individuels avaient une raison ? Et
si, sans arbitre, il ne pouvait y avoir de jeu ?
En écoutant cette histoire, je me suis demandé si elle n’était
pas une métaphore de celle de notre société. On nous a dit (un de mes
instituteurs en tête) que nous devions libérer notre génie. Toutes les
contraintes étaient scélérates. Nous avons haï les détenteurs du pouvoir. Ah
que le monde serait meilleur, si l’on était à leur place. C’est ce qui nous est
arrivé. Et aujourd’hui nous sommes effrayés par notre propre irresponsabilité. Mais
il n’y a plus personne pour nous protéger de ses conséquences.
Mais aussi, ne
peut-on pas reprocher à Charles de Gaulle et à sa génération d’avoir conçu une
société d’irresponsables ?
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