Je cite souvent Von Bertalanffy qui disait, comme probablement beaucoup de scientifiques d'après guerre, que sans une
science des sociétés nous allions vers le chaos. Or, non seulement nous ne
l’avons pas conçue, mais nous avons affirmé avec Hayek, qu’il n’y avait pas de
société. Et ceux qui auraient pu être les scientifiques dont nous aurions eu
besoin ont été aspirés par les banques. Comment faire évoluer la science dans
ces conditions ? Mai, au fait, que serait une science des sociétés ?
J’en suis arrivé
à croire que ce serait une science dont les principes seraient à l'opposé de ceux de la science telle que nous la pratiquons.
- Nous ne sommes pas des nains sur des épaules de géants. Ce n’est pas l’individu qui fait l’histoire. C’est (en dehors des forces naturelles), l'action collective de l'humanité. Et elle est réglée par une forme d’inconscient. Et c’est pour cela que, paradoxalement, le « laisser faire » des économistes n’est rien d’autre que la défense des intérêts des « possédants » : sans action humaine, il ne se passe rien.
- Le monde ne peut pas être décrit. C’est parce que nous faisons des hypothèses sur lui et que nous agissons en fonction d’elles que nous commettons des erreurs fatales. Cette idée, qui donne de bons résultats en physique, ne marche pas dans le domaine humain. Car elle a des conséquences auto-réalisatrices. Nous nous enferrons dans l’erreur. Une science de la société est une science qui fait l’hypothèse de la complexité du monde. C'est-à-dire qu'il ne peut être connu. Mais ce n’est pas pour autant que nous ne pouvons pas agir. (Ne nous trouvons-nous pas souvent dans des lieux inconnus ? Cela nous gène-t-il ?)
- Un des objectifs de cette science des sociétés doit être d’éliminer la souffrance de l’humanité. Or, mon expérience me laisse penser qu’il en faut peu pour réussir. Pour cela, il faut comprendre ce que veulent ses membres, ce qu’ils cherchent à faire, et ce qui les bloque (d’où souffrance). Avec un peu de négociation, on parvient à contenter tout le monde. Pas besoin de grandes modélisations. Cette méthode est la dialectique des Grecs. Elle revient régulièrement dans notre histoire (cf. Hegel et Marx – qui me semblent en faire un contre emploi positiviste). Justification. Lorsqu’une société dysfonctionne, c’est parce que certains de ses principes constitutifs se contredisent. Il faut alors repérer ce qui ne va pas et chercher à « transcender » l’opposition.
- Mais, au fait, pourquoi une science erronée a-t-elle pu survivre aussi longtemps ? Parce qu'en menaçant de détruire la société, elle la force à évoluer. Ce qui peut avoir des effets bénéfiques. Mais au prix d’une énorme souffrance humaine (phénomène du deuil produit par un changement subi). Est-il possible d’éliminer totalement ce mode de changement par agression ? Au moins on en atténuera l’attrait en rendant la société plus mobile qu’elle ne l’est aujourd'hui. Par exemple en installant des sortes d’Instituts Pasteur du changement social, et en apprenant à la société des techniques de conduite du changement, qui lui évitent de le subir.
- Finalement, je crois qu’un critère de succès pour cette science est qu'elle soit appliquée de manière "non totalitaire". Ses principes doivent se diffuser d’eux-mêmes, parce qu’ils font réussir (= rendent heureux) ceux qui les appliquent.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire