Dans un précédent billet je parle d’Hannah Arendt qui se
demande ce que signifie « juger ». Voici mes idées sur le sujet.
Ne pas se faire
rouler dans la farine. Ou plutôt réduire à l’état animal. C’est l’idée première
des Lumières. Remettre en cause les lois, prétendument de la
nature, que l’on cherche à nous imposer, pour nous réduire en esclavage. Hannah
Arendt semble attribuer ce mode de jugement à Socrate, et penser qu’il est
exclusivement destructeur. En fait, il force à la création ! Il est
impératif de reconstituer ce qui a été détruit, sous peine de ne plus pouvoir
vivre. Jugement douloureux, tout de même.
Apprendre du passé. Faire ce
dont la France a horreur : se demander pourquoi elle a collaboré
pendant la guerre ; pourquoi elle a eu un comportement aussi lâche, auparavant ; mais aussi ce qu’a été la colonisation, et pourquoi la décolonisation a été un
tel désastre, alors qu’elle était portée par de si bons sentiments. Dans tous
ces cas, juger, ce n’est pas condamner. Car, ce qui est en jeu, ce n’est pas
tel ou tel, mais la nature humaine. Juger, c’est apprendre. Hannah Arendt
semble apprendre deux choses du passé. Des comportements individuels
exemplaires, qui doivent nous inspirer. Ou des projets sociétaux qui ont
échoué, mais qui, s’ils réussissaient un jour, pourraient transformer notre vie.
Quant à moi, je crois qu’il faut surtout apprendre de nos erreurs. Persévérer
est diabolique.
Et le jugement esthétique de Kant ? Chester Barnard explique que le « leader »
du changement est capable de relire le code de lois d’une société pour en
donner une vision inattendue et enthousiasmante. Les grands conquérants
semblent avoir ce don. La Révolution française a peut-être été un tel moment (d’ailleurs
Kant la cite). J’y vois, aussi, ce qui sépare Bill Gates et Steve Jobs. Ils répondent à la même fonction (ordinateur). Mais, chez l’un c’est
soviétique et chiant, chez l’autre c’est génial. C’est peut-être là que se
trouve l’esthétique. Il existe de mauvais projets (destructeurs de l’humanité),
et de bons projets. Mais, dans ces derniers, il y en a qui sont tristes à
pleurer, et d’autres qui nous font vibrer. La politique (la vraie) est une oeuvre d'art ?
Hannah n'a pas tout vu ?
Est-ce tout ? Le travail de ce blog, au fond, est de distinguer l'émergence de nouveaux systèmes. C'est-à-dire de "structures", d'ensemble de règles du jeu, qui vont nous contraindre, et transformer notre vie. C'est tout le combat de The Economist, qui cherche à nous convaincre que le "libre échange" est une loi de la nature. Comme une pendule arrêtée, sa solution à nos maux est immuable : démantelez les lois de la société, car elles bloquent le bon exercice du marché. Pour moi, juger c'est avant tout comprendre ce qui se cache derrière les mesures "de bon sens" avec lesquelles on nous lave le cerveau.
Veut-on une société à la Dickens? L'homme est-il également respectable ?... Une fois les systèmes démasqués, choisir entre eux est peut-être une question d'esthétique.
Hannah n'a pas tout vu ?
Est-ce tout ? Le travail de ce blog, au fond, est de distinguer l'émergence de nouveaux systèmes. C'est-à-dire de "structures", d'ensemble de règles du jeu, qui vont nous contraindre, et transformer notre vie. C'est tout le combat de The Economist, qui cherche à nous convaincre que le "libre échange" est une loi de la nature. Comme une pendule arrêtée, sa solution à nos maux est immuable : démantelez les lois de la société, car elles bloquent le bon exercice du marché. Pour moi, juger c'est avant tout comprendre ce qui se cache derrière les mesures "de bon sens" avec lesquelles on nous lave le cerveau.
Veut-on une société à la Dickens? L'homme est-il également respectable ?... Une fois les systèmes démasqués, choisir entre eux est peut-être une question d'esthétique.
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