Il ne répondait pas à l’image que l’on peut se faire d’un souverain. Il ne s’habillait pas comme un roi, il ne parlait ni ne pensait comme un roi ; il ne témoignait pas à ses princes et à ses seigneurs cette affection qu’éprouvent naturellement à leur endroit tout véritable roi. Il s’entourait d’hommes qui étaient dangereusement laborieux, dangereusement intelligents et lamentablement mal nés. Il avait toute espèce d’étrangers à son service et préférait même leur compagnie à celle d’honnêtes français.
Mieux qu’un roman ! La vie d’un d’extraterrestre parmi
les souverains français : un roi intelligent ! Un roi qui n’aurait
aucun des défauts, le complexe de supériorité, la morgue et l’étroitesse d’esprit
en particulier, que l’on associe au Français.
Il a fait passer la France de la féodalité à une « monarchie nationale ». En parvenant à écraser les grands féodaux qui menaçaient son pouvoir, il est parvenu à construire un édifice
suffisamment solide pour que l’incompétence de ses successeurs ne puisse le détruire. Pour cela il a utilisé des techniques étonnamment modernes. Bien
que bon militaire et extrêmement courageux, ses conquêtes ont été
essentiellement pacifiques. Il a exploité les faiblesses de ses adversaires, en
les enfermant dans des toiles d’alliances. C’est ainsi qu’il a défait Charles
le Téméraire, sans combat. Il a joué sur tous les tableaux. Il s’est entouré de
gens les plus compétents de son temps, parfois d’anciens ennemis dont il avait
pu juger la valeur. Il a tissé des alliances internationales, souvent avec
des aventuriers comme Warwick et Sforza, qu’il admirait. Il a dépensé sans
compter, soit pour soutenir les ennemis de ses ennemis, soit pour rendre
dépendants ceux qui pouvaient lui être utiles. (Mais pas pour lui, il n'aimait pas le luxe et vivait proche du peuple.) Il a monté un réseau de
renseignements sans équivalent. Mais, peut être plus étonnamment, il s’est
servi en maître de l’arme économique. Et ce pour enlever à ses adversaires la
capacité de trouver l'argent nécessaire à la guerre. Il a aussi été un souverain européen. Il a surtout été
prudent. Tout en contrôlant l’Italie, par exemple, il a su se garder de s’y
engager dans des aventures risquées.
Contrairement à ces successeurs, il ne s’est pas comporté
comme s’il était le souverain le plus grand de son temps. Au contraire, il
semble avoir considéré que les puissances qui l’entouraient étaient fort
dangereuses. C’est ainsi qu’il est parvenu à les manipuler.
MURAY KENDALL, Paul, Louis XI, Pluriel, 2014.
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