Mon enquête sur les dessous du numérique m’a amené à
demander à un spécialiste de m’expliquer ce qu’était le modèle de
Airbnb...
Internet a permis d’étendre le marché de la location au-delà de l’offre traditionnelle, au logement du particulier. Un point critique pour le développement de ce marché était d’assurer un minimum de sécurité à la transaction. C’est ce qu’a apporté, en partie, Airbnb. (Airbnb n’est ni seul sur ce marché, ni le premier à y être entré.)
Cette sécurité est, d’abord, financière. L’offreur de
logement est payé un jour après que le locataire soit entré dans les locaux.
Ensuite, il y une « pseudo »
sécurité quant à la qualité du logement et du locataire. En effet, il y a un
système d’évaluation et de commentaire sur l’un et l’autre qui apparaît sur le
site de Airbnb. En fait, comme ailleurs, peu de personnes font des
commentaires.
Le système est assez compliqué à utiliser. Rançon de
l’amateurisme des propriétaires, il est difficile de savoir si une offre est
acceptée, et même, une fois qu’elle l’est, s’il ne va pas y avoir changement d’avis !
Ce qui peut arriver alors que l’on a acheté son billet d’avion… La tactique gagnante
consiste à faire des offres à plusieurs propriétaires en espérant que sur
l’ensemble l’une sera retenue.
Quand à la qualité du produit : « le service est donné par le propriétaire. Il
peut être fantastique. Ou la photo a été retouchée avec Photoshop, ce qui est
souvent le cas... Il n’y a aucun contrôle. Ils partent du principe que si ce
n’est pas bon, ça se saura. » Globalement « l’expérience client », « n’est pas géniale ».
« C’est du moyen / bas de gamme. » « Les locataires récurrents préfèrent louer par l’intermédiaire d’agences
qui garantissent une qualité de service. »
Mon interlocuteur a l’impression qu’il serait facile de
faire de Airbnb un excellent produit. Mais « ils ne sont pas dans la valeur pour leurs clients mais pour eux. »
« Ils sont dans une logique de ratissage. Internet permet de fluidifier le marché en étant global et
monopolistique. Ils cassent tout. »
« Ils sont très arrogants. Ils sont
dans l’esprit, je surfe et je bouffe tout ce que je peux. » « Ils sont très riches et ont de très bons
lobbyists. » « Ils ont tellement de moyens, ils écrasent tout. »
C’est ainsi que Airbnb a séduit le gouvernement français et la mairie de Paris « en acceptant de collecter la taxe de séjour auprès du propriétaire, ce qui
lui a permis d’éluder la question du paiement de la TVA de 20%, qu’ils n’acquittent
pas contrairement aux acteurs locaux, et de la détention de la carte d’agent
immobilier. »
Y a-t-il création de valeur ? Pas simple d’y voir
clair. D’un côté, c’est une attaque de l’hôtellerie. De l’autre, cela développe
probablement le tourisme, avec tout ce qui va avec, voyages, restauration…
Airbnb « a
plus une attitude de développement à tout crin en volume sans chercher à
garantir la qualité du service pour les clients et au mépris des législations
locales (pas de vérification de la légalité du loueur) » que la
volonté de la création d’une entreprise durable. Et ce probablement parce que l’opportunité
qu’exploite Airbnb va vite disparaître. « Actuellement, il n’y a pas assez d’appartements pour les gens qui
veulent voyager. Ce ne sera pas le cas dans dix ans ». Airbnb est donc
dans une logique d’essorage du marché. Il prend 17% de la transaction « pour un service extrêmement limité, la
valeur du service fourni est plutôt de l’ordre de 10%, voire quelques pour cent
pour des sites d’annonces qui ne gèrent pas les fonds. » Il devrait y
avoir consolidation du secteur. Airbnb pouvant être acheté par un acteur plus
gros.
Que restera-t-il une fois que la poussière sera
retombée ? Difficile de le dire. Il est possible qu’il y ait banalisation
dans la médiocrité. L’hôtellerie traditionnelle étant réservée aux gens très
riches.
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