Howard S.Becker est un sociologue qui étudie les « déviants ».
C'est-à-dire les gens qui n’obéissent pas aux normes de la société. (BECKER, Howard S. Outsiders, Editions Métailié, 1985.) Il y a dans ce travail des choses excellentes et d’autres
que je juge indignes d'un « scientifique ».
Le plus intéressant, à mon goût,
vient d’une observation de Malinowski. Les normes sociales ne font pas l’objet
d’une application systématique. Elles peuvent être transgressées sans que rien
ne se passe. Pour que la sanction se déclenche, quelqu’un doit y avoir un intérêt.
Au fond, c’est comme cela que fonctionne la justice.
Howard Becker examine deux groupes de déviants : les
musiciens de jazz et les fumeurs de Marijuana.
Les premiers, auxquels il appartient, ont constitué une
société à part. Elle a ses rites. Une sorte de non conformisme obligatoire. Elle méprise le reste des mortels. Son
dilemme est que, pour gagner de l’argent, elle a besoin de sacrifier au goût du
public, donc de faire de la mauvaise musique, du « commercial ».
La Marijuana serait aussi une question de communauté. Qui
fume, qui ne fume pas ? C’est le hasard qui fait le choix, semble-t-il. Va-t-on
continuer ? C’est la communauté qui en décide : c’est elle qui
apprend à l’individu à transformer des sensations a priori désagréables en quelque-chose de désirable.
Là où le livre ne me va plus, c’est lorsqu’il s’intéresse
aux « entrepreneurs de morale »,
ceux qui décident des lois, et à ceux qui les font appliquer, les forces de l’ordre.
Car Howard Becker affirme qu’il est capable de prendre le point de vue de ceux
qu’il étudie. Or, il fait apparaître les entrepreneurs de morale comme des
vieilles filles frustrées, et les flics comme des corrompus ! Et les
choses se gâtent encore plus lorsqu’il s’en prend à ses amis de gauche qui lui reprochent
de ne pas fonder son travail sur des principes moraux, à savoir que la société
est le mal. Car, c’est exactement ce qu’il fait : pour lui, le pouvoir est
malfaisant : « l’effet
principal de (ma) théorie (a été) de concentrer l’attention sur (le drame de la
déviance) et sur quelques protagonistes relativement peu étudiés : ceux
qui sont assez puissants pour que leurs accusations de déviance portent, c'est-à-dire
la police, les tribunaux, les médecins, le personnel des écoles et les parents ». (Curieusement, il ne met pas les universitaires dans cette liste, alors qu'ils forment la pensée d'une société !) Avec lui la déviance devient un concept arbitraire. Une
arme du fort contre le faible. Du coup le véritable déviant n’est pas celui que
la société considère comme tel, mais la société elle-même !
Ce qu’il oublie, c’est que, à l'origine du concept de déviance, il a des
morts et de la souffrance. Et une menace contre la société. Et que, sans la
société, nous ne sommes rien. Durkheim et Merton (conformité) ont très bien parlé du sujet. Dommage
qu’il ne les ait pas compris.
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