Essais de Camus. Son premier livre, en ce qui concerne Noces, dont la version initiale a été publiée en 1936. Tous les thèmes de son oeuvre à venir sont déjà présents. Mais c'est avant tout une déclaration d'amour à l'Algérie et à ses humbles.
Certes, la vie est difficile. Mais elle n'est pas absurde, elle ne fait que nous poser des "énigmes". C'est l'amour de la vie qui nous donne la force de les affronter, et l'observation du (petit) peuple, toujours digne dans l'adversité, et de la nature, qui nous aident à les résoudre. Voilà qui s'oppose frontalement à ce que l'Occident considère comme le progrès : la nature remplacée par l'oeuvre de l'homme, la ville, et une marche vers l'absolu d'un hypothétique paradis, justifiant toutes les turpitudes, et les totalitarismes.
Dommage que le centenaire de la naissance de Camus ait raté. Car il y avait des idées extrêmement fortes ici. Les écologistes, par exemple, auraient pu se reconnaître dans cette vision de la nature comme inspiration de l'action. C'aurait aussi été l'occasion de débattre de la nature du peuple. Et si ce qui le caractérisait était la mesure, l'amour de la vie, et la dignité ? On aurait pu, encore, parler de l'Algérie. Elle n'est pas dans ce livre comme on nous la présente. Ceux que l'on considère maintenant comme des colons, se voyaient comme des Algériens de souche, de même qu'il y a des Bretons et des Parisiens. Loin d'exploiter les populations autochtones, ils vivaient ensemble, une vie apparemment très dure, qui se terminait prématurément, avec l'épuisement de leurs forces physiques. Ils ressemblaient à des Américains qui n'auraient pas exterminé les Indiens. Et qui n'auraient pas cherché la fortune. Des Québécois, donc.
(Camus, Albert, Noces suivi de l'Eté, Folio, 2015.)
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