Je suis arrivé à la République de Weimar par Paul Ricoeur. Il semblait dire
qu’une conséquence inattendue de Weimar avait été le mouvement de masse et le
nazisme… Démocratie : concept à manier avec précaution ?
Ce livre ne répond pas à ma question. Comme on le fait
souvent dans le monde anglo-saxon, il analyse brillamment la production
intellectuelle de l’époque. Je ne suis pas
sûr que cela ne rate pas une partie de l’action. En tout cas, je ne suis pas
convaincu que la République de Weimar ait été un « suicide », comme
le dit le titre. Au contraire, j’ai l’impression qu’elle aurait pu réussir.
En fait, elle naît sous des auspices effroyables.
L’Allemagne est en proie à des forces de dislocation terrifiantes. Je lisais
que la gauche française d’avant guerre (avec Keynes) estimait que le traité de
Versailles était inique. Car la France était aussi, voire plus, responsable du
conflit que l’Allemagne. Or, ce que dit ce livre est que l’Allemagne était déjà
aux prises, avant 14, avec une pensée totalitaire. Elle estimait que sa
« Kultur » devait dominer le monde, parce qu’elle était supérieure
aux autres. Et qu’elle devait retrouver sa place, volée par le progrès
anglo-saxon. Cela débouche sur une formidable pulsion de mort. Elle se retrouve
dans l’œuvre de Heidegger, notamment. C’est de la confrontation avec le néant
que va naître l’éclair de génie qui va transformer le monde, et lui donner un
sens.
Mais ce n’est pas tout. Les démocrates qui prennent le pouvoir
en 18 sont de dangereux amateurs. Alors que l’armée est discréditée, ils s’allient
à elle pour écraser, dans le sang !, les Spartakistes, leur aile gauche. Son
honneur est restauré, elle pourra désormais miner la démocratie et préparer en
toute sérénité un coup de force. A cela s’ajoute le fait que l’intellectuel
confonde démocratie et critique systématique. Donc qu’il tire contre son propre
camp, et le discrédite.
Pourtant, cela a failli marcher. Et c’est, peut-être, une
grande leçon. Il semble qu’il y ait eu deux facteurs favorables au maintien du
régime. Le premier, c’est la prospérité. Elle tue dans l’œuf tous les
mouvements de contestation. Le second, c’est Stresemann. C’est un homme
politique qui ne vient pas du camp républicain. Mais il se prend d’amitié pour
la démocratie, et lui apporte son talent, et son pragmatisme. Malheureusement,
il meurt en 29.
Ce qui met le feu aux poudres, ce sont les pacifiques
Américains. La croissance allemande est dépendante des capitaux étrangers. La
crise de 29 les assèche. Mais, là encore, tout n’est pas perdu. La prise de
pouvoir de Hitler ne s’est pas passée comme je le pensais. Car, après des
élections réussies, il subit un revers. On croit alors que ses carottes sont
cuites. Il envisage le suicide. Mais voilà qu’un politicien traditionnel croit
pouvoir l’utiliser… On connaît la suite.
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