On devrait bien enseigner aux enfants l'art d'être heureux. Non pas l'art d'être heureux quand le malheur vous tombe sur la tête ; je laisse cela aux Stoïciens ; mais l'art d'être heureux quand les circonstances sont passables et que toute l'amertume de la vie se réduit à de petits ennuis et à de petits malaises.Livre dont on parle peu alors qu'il annonce, ou dépasse, les travaux modernes sur le sujet. Propos sur le bonheur, c'est la systémique avant l'heure (qui est à l'origine de l'évolution moderne de la psychologie, en particulier du coaching), ou le développement personnel, et même les neurosciences et l'économie comportementale qui est à l'origine du dernier prix Nobel. En outre, contrairement à beaucoup d'auteurs modernes, Alain ne parle pas de théorie, mais de pratique : entre le début (1907), et la fin (1929) de la rédaction des Propos, il a traversé l'enfer de 14. Le malheur lui est tombé sur la tête.
En fait, ce n'est pas un livre, mais une suite d'articles. J'imagine qu'ils ont dû être publiés dans des journaux. C'est à la fois facile à lire et un peu aride. Un Alain américain aurait conçu une "méthode". Et c'est ce qui aurait fait son succès. Mais les temps ont changé. L'Alain américain écrierait pour un marché, et pour de l'argent, alors que le nôtre s'adressait probablement à une élite d'égaux, à qui l'on ne donne pas de leçons.
Donc ? Idée tellement évidente qu'on l'ignore. Notre "rationalité" est influencée par notre physiologie. Si je suis en bonne santé, je vois la vie en rose. Ou, plus pratique : si vous broyez du noir, c'est probablement que votre corps souffre de quelque dysfonctionnement caché. Ensuite, grand principe de systémique : si ça va mal, c'est certainement que vous faites l'envers de ce qu'il faudrait. C'est la logique du paradoxe. Si vous n'arrivez pas à vous lever tôt, imposez vous de vous lever tard. En particulier, la raison est inefficace pour changer notre comportement. On ne se change pas avec de bonnes résolutions. Ce n'est pas parce que l'on pense bien que l'on agit bien, mais parce que l'on agit bien que l'on pense bien. D'où l'importance du conditionnement par le rite. "C'est par la règle que l'on se donne que l'on est heureux."
Les Propos annoncent le combat des neurosciences. Nous pensons que notre cerveau détient la raison, le vrai. Or, c'est un chien fou. Son incontrôle cause notre malheur, et menace l'humanité d'une fin prématurée. Si nous voulons un développement durable, il faut parvenir à maîtriser notre cortex. Et, pour cela, il faut ne pas prendre pour argent content ce qu'il nous dit.
Le temps est compté.
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