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jeudi 18 janvier 2018

Antiquité, territoire des écarts

L'anthropologie étudie l'antiquité. Ce que l'on en dit depuis trois siècles au moins est totalement faux ! Par exemple, le "théâtre" est une invention récente. L'antiquité n'avait rien d'équivalent. D'où des textes d'un "théâtre" grec qui n'ont aucun sens. Surtout pas celui que nous leur donnons. Autre cas, élémentaire : le voyage d'Ulysse. Il illustre la "métis", un terme intraduisible, dont la définition est peut-être l'Odyssée ! En ces temps, on voyageait beaucoup. L'hospitalité était nécessaire. L'Odyssée est l'histoire d'une succession de mauvais hôtes, et de la façon de se sortir habilement d'affaire, la métis. Le livre multiplie les exemples tout aussi surprenants.

Pourquoi "écarts" ? Parce que l'antiquité nous fait faire un pas de côté, et nous regarder de l'extérieur. Nos débats n'ont rien d'universel. Nous utilisons des "catégories", comme le théâtre, la sexualité, l'immigration... qui nous sont propres. Elles sont incompréhensibles à une autre culture. Ou, plutôt, pour en approcher le sens, celle-ci doit employer notre mot et lui associer les expériences qui s'y rapportent. La particularité de notre culture est qu'elle est "ethnocentrique". D'une part, elle interprète le passé, comme une étape du progrès dont nous sommes le faîte, alors que chaque culture était un système qui avait sa logique propre. D'autre part, elle juge ce qui s'y passait, avec ses valeurs, alors qu'elles n'avaient pas cours alors, et que l'on ne s'en portait pas plus mal.

Nous sommes atteints par une fossilisation effrayante de la pensée. Les philosophes en sont les artisans. L'homo n'a plus rien de sapiens. Peut-être même d'homo. Si l'on parle autant d'intelligence artificielle, est-ce parce qu'il n'y a plus d'intelligence ? Car la réelle intelligence n'a rien à craindre de la machine ?

Un ouvrage qui fait perdre le nord. A lire tant que nous en avons encore la faculté.

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