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mercredi 11 mars 2020

Le bon gouvernement de Pierre Rosanvallon

"Nous ne sommes pas gouvernés démocratiquement". Que faudrait-il pour que nous le soyons ?

La révolution a cru à la loi. Il suffirait de quelques lois bien choisies, pour que chacun puisse vaquer à ses affaires. C'est en ces temps que l'on a émis l'idée (qui est revenue récemment) que ce pourrait être le marché qui ferait la loi. Il y a eu ensuite le parlementarisme, qui a été bien moins une réussite chez nous qu'en Angleterre. Corrompu et inefficace dans les moments de crise, il a cédé la place à un règne de l'exécutif de plus en plus affirmé. Curieusement, avec le général de Gaulle, la France a lancé une mode mondiale de l'exécutif fort. Un pays est désormais vu comme un "système de variables et de flux à optimiser" en permanence. Son existence est une succession de crises.

Malheureusement, cet exécutif n'en fait qu'à sa tête. On ne peut plus parler de démocratie. "Les citoyens veulent être écoutés, reconnus pour ce qu'ils sont, informés, traités avec respect, associés aux décisions (, ils) veulent (...) des gouvernants qui fassent leur travail avec compétence et dévouement, qui aient le souci prioritaire de servir l'intérêt général et pas leur carrière." Ils aspirent à une façon de gouverner caractérisée par "la lisibilité, la responsabilité et la réactivité". Ils attendent du gouvernant "le parler vrai, et l'intégrité".

Je retiens deux idées nouvelles, peut-être. La condition nécessaire et suffisante pour qu'un président gouverne est que la nation ait confiance en lui. Sa responsabilité est de maintenir cette confiance. S'il la perd, même pour de mauvaises raisons, il doit partir.
Quant au changement, il tient à "un nouveau type de rapport à l'avenir pour faire reculer l'emballement des promesses". Il faut renoncer à nos illusions "messianiques" et "penser la démocratie à partir des problèmes de sa mise en oeuvre et des risques permanents de la voir se dégrader en gouvernement oligarchique". La démocratie doit faire un "travail sur elle-même" : "la démocratie est le régime qui implique une discussion permanente sur ses concepts et son vocabulaire (...) une exploration des contradictions". Si l'on y parvient, cela "pourrait ouvrir la voie à une appréhension plus lucide des conditions de réalisation d'une société d'égaux".

Les révolutionnaires pensaient que ce qu'il fallait pour être heureux était la liberté et l'égalité, et que, pour les garantir, il suffisait de quelques règles. Comme eux, Pierre Rosanvallon semble dire que, dans notre nation, à exécutif fort par nécessité, ce qui compte est la démocratie, pas le projet politique. Ce qui demande de se méfier sans cesse des risques de trahison de ses principes. Un appel au citoyen, pour qu'il sorte de sa léthargie ? En tout cas, ce n'est pas un programme facile à mettre en oeuvre. Pierre Rosanvallon n'est pas un homme politique !

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