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dimanche 22 juin 2008

Terrorisme et Angleterre

Vus de loin les pays anglo-saxons sont paradoxaux. Il semblerait que la guerre contre le terrorisme les ait amenés à renier les valeurs les plus fondamentales de leur culture. L’Angleterre, par exemple :

On y parle de délais de garde à vue, pour les suspectés de terrorisme, de 42 jours (on a envisagé 90 jours). On a tenté d’y réduire l’usage du jugement par jury populaire. On y a parlé d’étendre le prélèvement d’ADN à toute la population (aujourd’hui, l’ADN de toute personne arrêtée, même à tort, est conservé). Les systèmes de surveillance sont omniprésents.L’Amiral Lord Alan West, sous-secrétaire d’état à la sécurité, a déclaré, il y a un an, que la guerre contre le terrorisme demandait d’être un peu « unBritish », c'est-à-dire délateur.

Or la liberté de l’individu est la valeur fondamentale, fondatrice, du pays. La garantie de ce droit remonte à la nuit des temps (au moyen-âge, et même avant), à une époque où personne d’autre ne s’en préoccupait. Et tout ce qui va avec (notamment le jugement par jury populaire) est un sujet d’immense fierté, et de grand chauvinisme, dont on retrace avec émotion la bataille difficile et finalement victorieuse.

Ce qui m'amène à deux remarques :

  1. « L’unBritishness ». Elle est ce que le sociologue Robert K. Merton a appelé une « innovation ». Quand on ne sait pas résoudre un problème, on triche. C’est dangereux. Alan West explique ainsi que les personnes qu’il s’agit de dénoncer « essaient de détruire les valeurs auxquelles nous tenons » (ma traduction de « our way of life »). Si l’Anglais devient « unBritish » n’ont-ils pas réussi ? Chester Barnard définit « l’executive » comme étant, justement, celui qui sait résoudre un problème en respectant les règles qui gouvernent l’entreprise. Il fait de « l’executive » l’ossature de l’entreprise. Clairement il doit aussi être l’ossature du changement que doit subir l’Angleterre pour qu'elle triomphe du terrorisme sans perdre son âme.
  2. Le contrôle policier. La société anglo-saxonne est une société individualiste, le lien social y est faible. Pour maintenir dans le rang des individus laissés à leurs instincts, il faut avoir recours aux caméras, à l’ADN, aux gardes à vue... Et ces moyens mécaniques ne sont pas efficaces, parce qu’ils ne font pas le poids face à l’intelligence humaine. Pour que l’homme ne cherche pas à trahir le groupe il faut qu’il en partage les valeurs.

Pour en savoir plus :

  • Le journal The Economist s’interroge sur les libertés civiles en Grande Bretagne : Mary Poppins and Magna Carta (19 juin 2008).
  • La cours suprême américaine a récemment jugé que les détenus de Guantanamo avaient droit, comme tout être humain, à l’habeas corpus. De manière surprenante John McCain, candidat à la présidence du pays, a dénoncé violemment le choix des juges. Pourtant la cours suprême est un des piliers les plus respectés de l’édifice culturel américain. (Stuck with Guantanamo, dans la même édition.)
  • Alan West : Terror fight 'may take 15 years' (8 juillet 2007) sur le site Web de la BBC.
  • Sur l’histoire du système judicaire américain : LEVY, Leonard Williams, The Palladium of Justice: Origins of Trial by Jury, Ivan R. Dee Publisher, 2000.
  • MERTON, Robert K., On Social Structure and Science, The university of Chicago press, 1996.
  • BARNARD, Chester, The Functions of the Executive, Harvard University Press, 2005.
  • Sécurité d’un pays et risque interne pour une entreprise sont des problèmes équivalents : le comportement de certains de ses membres menace l’intérêt de l’ensemble. Voir aussi Toyota ou l’anti-risque, Chester Barnard juge le dirigeant et Société Générale et contrôle culturel.

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