vendredi 1 février 2008

Société Générale et contrôle culturel

Les malheurs de la Société générale (sur lesquels je n’ai aucune idée) s’associent bizarrement dans mon esprit à un certain nombre d’enquêtes qui ont eu lieu aux USA : sur Enron, sur l’explosion d’une raffinerie de BP, sur la chute de la navette Columbia…

  • À chaque fois elles ont conclu à un problème culturel : la culture de l’entreprise donnait de mauvais conseils à ses employés (généralement elle leur faisait prendre des décisions exclusivement en termes économiques). Le mot « culture » est ici employé dans le sens que lui donnent les ethnologues : ce sont les règles (essentiellement implicites), qui guident le comportement des membres du groupe.
  • J’ai rencontré récemment plusieurs gestionnaires de portefeuilles. Tous étaient conscients des risques qu’ils courraient (certains géraient des portefeuilles plus gros que celui de Jérôme Kerviel), et de la possibilité de l’erreur humaine. Tous étaient émus des malheurs de la Société Générale. Tous ne pouvaient pas s'empêcher de parler de leur expérience. Sans exception, eux et leurs collègues avaient commis ou failli commettre une grave erreur au début de leur carrière (des pertes de dizaines de millions d’euros semblent courantes). À chaque fois c’était un supérieur hiérarchique, un « ancien » respecté, qui avait détecté l’erreur et l’avait utilisée comme apprentissage. Ça semblait presque un rite de passage. Par exemple, on m’a raconté l’histoire d’un dirigeant qui observait en permanence l'attitude de ses collaborateurs : s’il les voyait préoccupés, il les convoquait dans son bureau. À chaque fois il avait vu juste : ils étaient en passe de faire une erreur grave.
Bref, une culture fiable est le fait d’une relation étroite entre hommes, d’une entraide permanente, mais aussi d’un renforcement régulier de ses principes fondateurs. Quel est le rôle du dirigeant dans la construction d’une telle culture ?
  • D'après certains observateurs, le dirigeant compétent qui prend la direction d’une société bâtit son contrôle de gestion. Il met en place les mécanismes qui lui permettent de s’assurer que ses personnels réagiront comme ils doivent le faire en face d’un aléa. Qu’il le veuille ou non, le dirigeant crée une culture à son image.
  • Le Dr Chatman, de l’Université de Californie à Berkeley, observe au sujet de la faillite de la société Enron :
Si la culture de la société accepte la tricherie comme un moyen d’avancement, elle tendra à conserver des employés qui sont à l’aise avec l’idée de tricher, y compris vis-à-vis de leur société.

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