Erreur. Un groupe humain est différent des hommes qui le composent. La théorie de la complexité (Théorie de la complexité) explique que lorsque l’on réunit un grand nombre d’individus, on voit apparaître des propriétés « émergentes ». Mettez ensemble des automobilistes et le code de la route, le « trafic routier »… surgissent. Ce que crée le groupe, c’est ce que Governing the commons appelle « capital social », et ce que l’ethnologie nomme « culture », c'est-à-dire des règles partagées, majoritairement implicites, qui orientent le comportement collectif (politesse, code de la route…).
La culture [est] un ensemble de mécanismes de contrôle, plans, recettes,règles, instructions (ce que les ingénieurs appellent « programmes »), pour diriger le comportement. (Clifford Geertz)Ces règles s’empilent d’année en année, de siècle en siècle, et rendent le groupe de plus en plus efficace. Elles sont transmises au nouveau membre (nouveau né, nouvel employé), quasiment sans qu’il s’en rende compte. Avec une efficacité étonnante. C’est comme cela qu’un peuple peut avoir un « caractère » (Sarah Palin et Gregory Bateson) et qu’une équipe de football joue à l’anglaise, à la française, à l’allemande, même si ses joueurs sont d’une autre nationalité.
Donc, contrairement à ce qu’a cru la Nouvelle économie, Internet ne peut réduire la société à l’état d’atomes. En fait, les applications Internet (Web 2.0 d'aujourd’hui) font exactement le contraire. Au lieu de dissoudre le tissu social, elles le reconstituent. On construit des réseaux sociaux là où ils étaient impossibles à créer (éloignement géographique). Et on profite d’une partie de leurs remarquables propriétés. Notamment du fait que, comme la société, ils sont à feedback positif : plus ils comptent de personnes, plus ils sont utiles à leurs membres, plus ils sont attirants…
Par contre, si vous avez la possibilité de réunir un groupe, ne passez pas par Internet, vous transformeriez l’or en plomb.
Compléments :
- Un livre qui expliquait que la Nouvelle économie n’avait rien de nouveau et que l’économie d’Internet respectait les sciences économiques classiques : SHAPIRO, Carl, VARIAN, Hal R., Information Rules: A Strategic Guide to the Network Economy, Harvard Business School Press, 1999.
- Geertz, Clifford, The Interpretation of Cultures, Basic Books, 2000.
- Pourquoi la société nous a fait croire qu'elle n'existait pas : Norbert Elias.
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