Paul Krugman, qui vient de recevoir le dernier prix Nobel d’économie, a la particularité d’écrire des livres compréhensibles. Il retrouve ainsi les habitudes de Smith, Pareto, Say, Schumpeter, Hayek…
J’espère que cela va encourager ses collègues à abandonner leurs équations. Depuis qu’ils appellent « théorèmes » leurs résultats, ils pensent détenir la vérité, alors que leurs théorèmes découlent d’hypothèses qui n’ont aucun rapport avec la réalité ; et que, comme l’a compris la physique, on ne peut rien prétendre si cela n’a pas fait l’objet de quelques prédictions « falsifiables », qui n’ont pas été prises en défaut (voir L’économie n’est pas une science) ; et que les hypothèses que cachent ces équations sont auto-réalisatrices : elles nous poussent à prendre des décisions qui les valident.
Il me semble que la démocratie réelle est une démocratie athénienne (Changer de changement) : un débat d’idées contradictoires qui génère de nouvelles idées qui dépassent ces contradictions (apparentes) et qui rallient l’unanimité. Il n’est pas possible d’avoir un tel débat si ceux dont dépendent notre avenir masquent l’idéologie qui les dirige sous le voile de la complexité.
Compléments :
Le comportement de nos économistes modernes ressemble à celui des médecins de Molière. Les mathématiques ont remplacé le Latin ? Les médecins de Molière étaient de mauvais latinistes, les économistes sont de mauvais mathématiciens. Long Term Capital Management est un hedge fund : arbitrage des écarts de rendement entre obligations et produits dérivés. Il a été fondé par MM. Merton et Scholes, à partir du modèle financier à qui ils doivent le prix Nobel 97. En septembre 1998, LTCM a connu une crise qui aurait emporté l’ensemble des places financières mondiales si de grandes banques mondiales, entraînées par la Réserve fédérale américaine, n’étaient intervenues. Problème ? Le modèle ne prenait pas en compte la possibilité d’une illiquidité du marché. L’analyse faite par Bouchaud et Potters (Théorie des risques financiers, collection Aléa Saclay, 1999) du CAPM, base de la théorie financière actuelle, semble montrer que les hypothèses prises par lui ont pour principal avantage de simplifier les calculs :
les fondements théoriques de cette définition du risque sont de plusieurs ordres (…) les calculs utilisant la variance sont relativement élémentaires (…) le théorème de la limite centrale (…) semble fournir une justification solide et générale ». Une autre conséquence de ces hypothèses, lors du krach de 87 : la stratégie proposée par Black-Scholes correspond à « vendre une certaine fraction de son portefeuille lorsque le marché baisse », fraction fixée par la théorie de Black Scholes. Or « lors du krach de 1987, cette stratégie s’est révélée totalement inefficace (la situation de krach étant l’extrême inverse d’un univers gaussien). D’autre part, la généralisation de cette pratique a eu un effet déstabilisant sur le marché (puisqu’une baisse entraîne alors mécaniquement des ordres de vente), qui a contribué, d’après la commission Brady, à amplifier le phénomène du krach.
Une hypothèse fondamentale de l’économie et des sciences du management est que l’homme est mauvais : GHOSHAL, Sumantra, Bad Management Theories Are Destroying Good Management Practices, Academy of Management Learning and Education, 2005, Volume 4, n°1. Autre hypothèse fondamentale : Utilitarisme.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire