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lundi 31 août 2009

Retour à De Beers

Un commentaire concernant Prix du diamant s’étonne que je m’en prenne à la science économique. Après tout le monopole du diamant n’a-t-il pas un comportement de monopole ? Retour sur le comportement des monopoles :

  • Les livres d’économies ne parlent que d’un seul type de monopole : celui dont l’unique obsession est de gagner beaucoup d’argent. Tous les monopoles n’ont pas cet objectif. L’éducation nationale, l’hôpital ou l’armée sont des monopoles, mais ne cherchent pas à maximiser leurs revenus (le coût est une contrainte). Ils ont une autre mission que le profit, d’autres valeurs qui les guident. Du coup, comme je le fais remarquer régulièrement, ils sont efficaces économiquement parce que leurs personnels ne sont pas vénaux : leurs coûts de fonctionnement sont faibles.
  • Les monopoles du diamant eux aussi n’ont rien à voir avec les monopoles des livres de cours. Car ils font quelque chose de bizarre : au lieu d’agir sur l’offre, seulement, en réduisant leur production, ils interviennent sur la demande. Pour cela, ils investissent à très long terme dans une énorme campagne de marketing très subtile, qui va beaucoup plus loin que de la publicité explicite : elle a fait un usage massif des leaders d’opinion que sont les stars de cinéma (chaque idylle étant l’occasion d’un cadeau en diamants). Le monopole réel ne cherche donc pas à maximiser ses revenus à court terme, mais à assurer sa situation de monopole (à long terme) en manipulant les critères de décision implicites de la population, notre inconscient. C’est une forme de totalitarisme.

Il y a un peu plus d’une décennie, j’ai repéré un exemple du même type. Les chimistes allemands ont cherché des débouchés pour leur PVC. Ils ont visé le marché des fenêtres, qui alors étaient en bois. Ils n’ont pas fait que de la publicité, ils ont surtout voulu s’acquérir les bonnes grâces des architectes et des artisans (ils ont d'ailleurs transformé quelques-uns de ces derniers en fabricants de fenêtres en PVC). Dans le cadre d'une enquête, j’ai demandé à un échantillon du marché final (nous) quels étaient les critères de choix d’une fenêtre, et quel était le meilleur pour y répondre : bois ou PVC ? à chaque fois c’était le PVC. La bataille du bois était perdue. Curieusement, des amis m’ont expliqué ensuite que mes critères de choix n’étaient pas complets, qu’il manquait notamment des critères environnementaux, qui, eux, étaient massivement favorables au bois.

Compléments :

  • Ceci n’a rien de nouveau, ou de choquant, comme semble le penser le commentaire : ce n’est autre qu’une illustration parfaite de remarques faites il y a plus d’un demi siècle par l’économiste J.K Galbraith, qui fut le conseiller de plusieurs présidents américains, et n’a rien d’un anarchiste. D'ailleurs, mon propos n'est pas de dénoncer le comportement de l'économie, ou de tel ou tel monopole, mais d'identifier la logique de ce comportement, pour pouvoir agir en fonction.
  • Le monopole est un phénomène rare. Les entreprises tendent à se regrouper en oligopoles. Ces oligopoles parviennent à se coordonner, sans avoir besoin d’une entente formelle (cf. la stratégie moutonnière de l’industrie automobile). Un autre vieux classique de l’économie : The Logic of Collective Action.

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