Nouvelles de la semaine :
Je prépare une conférence sur les Limites à la croissance (cf. mon
dernier billet). Je dois lire des textes éprouvants.
Hot, Flat et Crowded
reprend l’argumentaire de Limits to
Growth en les illustrant. On y voit que ce qui a mis des siècles à se
construire, voire l’histoire de l’humanité, se fait maintenant en l’espace
d’années. Par exemple, le développement des pays émergents se calcule en
« Amériques », et entre deux voyages de l’auteur une ville inconnue
de nous, en Chine au Qatar ou ailleurs, se dote d’un ou deux Manhattan.
Ce qui m’amène à me demander pourquoi Limits to Growth n’a pas réussi à nous alerter plus tôt. Etait-il efficace de dénoncer la
croissance ? Après tout, n’est-elle pas soutenue par les plus
puissants lobbys terrestres ? The Economist ne répète-t-il pas
« croissance, croissance » ? N’en est-il pas de même de toute
notre presse ?
D’ailleurs, est-ce réellement la croissance qui est en
cause ? N’est-ce pas plutôt notre propension à la destruction ainsi que le
dit Cradle to Cradle ? La presse
économique anglo-saxonne n’affirme-t-elle pas à longueur de colonnes que la
crise (la destruction) est bonne, parce qu’elle élimine les faibles et laisse
la place aux pousses du renouveau (les « start up ») ? Or, ce
raisonnement est faux : un monde rasé ne peut pas renaître.
On en revient à la notion de résilience – la capacité d’un
système à résister à la destruction sans perdre l’essentiel, plus exactement à
se réincarner. Comment rendre l’humanité
résiliente ? Mes idées du moment :
1) La résilience est un choix. Que voulons-nous
conserver ? Quel est notre essentiel ? Est-ce simplement se maintenir
en vie, acheter des conserves, un fusil et un vélo ? Ou avons-nous besoin
d’un minimum de société ? 2) Ce qui nous est nécessaire est notre
« capital », une fois qu’on le connaît (en espérant que ce soit
possible), il faut mesurer comment il se porte.
Bref, il s’agit de faire croitre la résilience de notre société. Le concept s’étend
d’ailleurs à l’individu et à l’entreprise. Cette dernière, par exemple, ne se
demandera plus si son chiffre d’affaires a cru, mais si elle est devenue plus
résiliente – c'est-à-dire si elle a augmenté son espérance de vie.
A noter une variante de ces thèmes. Cette semaine New Scientist
s’intéressait aux conséquences des inégalités. Des chercheurs
débouchent (Why egalitarian societies
died out) sur un résultat surprenant. Ce qui fait la force d’une société
inégalitaire est sa faiblesse. Une
société inégalitaire est non durable. Sa classe dirigeante ne perçoit pas
les menaces du fait de son isolement. Du coup, cette société épuise les
ressources qui lui sont nécessaires, et est forcée de partir sans cesse à la
conquête de nouveaux territoires. Ce serait ainsi qu’elle auriat éliminé les
sociétés égalitaires, qui furent longtemps la règle. En outre, elle
est résistante à l’aléa, puisque ce n’est pas celui qui dirige qui les subit.
Un autre article (The
physics of our finances) analyse la répartition
de nos revenus. Apparemment les revenus de 90% de la population suivent une
courbe de Maxwell-Bolzmann. Cette courbe donne la distribution des vitesses des
particules d’un gaz. Sa transposition à la société semble signifier que nos
revenus sont l’équivalent de la vitesse des particules et qu’ils se font et se
défont lors des interactions sociales (équivalent des chocs entre particules).
10% de la population échapperait à ce phénomène. Ses revenus suivraient une
courbe de Pareto. Cela s’expliquerait parce qu’ils peuvent « économiser ».
Ont-ils réussi à s’extraire du monde des chocs ? Mystérieux.
Toujours sur ce sujet, je me suis demandé pourquoi le
Dialogue du désespéré (mon avant
dernière note, sur l’Egypte) semblait si moderne. Pourquoi, lors des périodes
de chaos a-t-on l’impression, en Egypte, en Chine, ou aujourd’hui, que
personne
n’est à sa place ? L’explication est, peut-être, que les périodes de chaos
correspondent à une destruction des règles sociales. Ce sont des affrontements
entre individus. Ceux qui atteignent les positions les plus en vue, ne sont
donc pas les plus dignes de les occuper, mais ceux qui ont su asservir le moyen
à
la fin. Comme
le disait Charles Gide (cf. mon billet sur le Solidarisme), dans un jardin
réglé par le laisser-faire, ce qui gagne est la mauvaise herbe ?
The Economist illustre assez bien ces questions.
Un article traitant des
fonds
d’investissement, pour commencer (
Too big to veil). Ils y a quelques années, ils ont été pris d’un coup de folie.
Ils ont surenchéri pour s’emparer de multinationales. Mais le crime paie. Ils
ont été sauvés par le faible niveau des taux d’intérêt, résultant de
la crise. Il leur a permis
de renouveler leurs dettes. Surtout, ils ont utilisé leurs participations comme
des vaches à lait, qu’ils ont essorées par des miracles d’ingénierie
financière. Par exemple, ils leur ont imposé des frais de gestion colossaux et
les ont endettées pour se verser des dividendes. Qu’en restera-t-il une fois
qu’ils les auront revendues ? Le capitalisme à son meilleur ? En tout
cas, c’est celui qu’aiment les Républicains américains, puisqu’ils y ont choisi
leur représentant aux prochaines présidentielles.
The Economist confirme aussi une des intuitions de ce blog (Supply chain fragmentation). Les « chaînes logistiques » ont
transféré le savoir-faire occidental aux émergents. Jamais auparavant des
nations n’avaient pu construire aussi aisément une base industrielle. Les
dirigeants de multinationales et les fonds d’investissement ont ainsi profité
des faibles salaires de l’Est et des connaissances patiemment accumulées par
l’Ouest.
Une conséquence ? Huawei,
le plus grand équipementier télécom mondial, ne serait-il pas la créature du PC chinois ? Et s’il
utilisait les infrastructures qu’il construit à des fins militaires ? En
fait, la question ne se pose pas. Tous les composants télécom sont fabriqués en
Chine. (The company that spooked the
world.)
Au tour du Japon,
maintenant (Japanese lessons). Depuis
l’éclatement d’une bulle immobilière, il vit un long hiver économique. L’Europe, dit The Economist, suivrait son
exemple, entrainant avec elle l’Angleterre. Reprenant ma réflexion de la
semaine dernière, je me demande si le Japon est aussi bête que l’affirme The
Economist. Ce journal veut que le Japon laisse la destruction créatrice faire
son travail rédempteur. Et si le Japon avait décidé, avec Limits to Growth, que le modèle de développement qu’on lui propose
n’était pas durable ? Et s’il avait un peu raison ? Après tout son chômage
est de 4,5%.
Une note, enfin, sur l’université
américaine, que la nôtre copie servilement : elle est victime d’une bulle spéculative. (The college-cost calamity)
Il y a longtemps que ce blog n’analyse plus la logique de nos gouvernants.
Je vais refaire cet exercice :
F.Hollande semble
vouloir se rapprocher de « red Ed » Milliband, leader du parti
travailliste anglais et fléau de Dieu, selon The Economist. Est-ce un coup de
semonce à D.Cameron, une réponse à son invitation faite à nos entrepreneurs de
venir sur son île ?
D’une manière générale, je me demande si la stratégie de
F.Hollande n’est pas celle du contre-pouvoir.
Sans s’opposer désagréablement à Mme Merkel, par exemple, il parle amicalement
avec le SPD, l’Espagne et l’Italie.
Il y a quelques temps on me faisait remarquer qu’il n’avait
rien à nous dire de motivant. J’ai répondu que ce n’était pas le moment de
faire des phrases, alors que personne ne sait où aller. La bonne tactique
en « environnement incertain » est celle du « soleil
d’Austerlitz ». Il faut construire ses forces afin de pouvoir saisir les
occasions favorables quand elles se présenteront.
Quant aux USA,
j’ai l’impression que leur présidentielle va voir s’affronter deux losers. M.Romney vient de rendre
visite à ce qu’il considère les alliés les plus solides de l’Amérique, à
savoir : l’Angleterre, la Pologne et Israël. Retour à
l’ultralibéralisme de Bush ?
Quant à B.Obama son immobilisme est confondant. Une réforme
de la santé et puis rien, sinon du golf. Ne croirait-il pas que l’avenir du
monde tient en quelques décisions et que personne n’a eu l’intellect suffisant
pour les concevoir, avant lui ?
Pour terminer, mes malheurs avec le progrès. Je reprends là où je
les avais laissées mes aventures avec mon
mobile, la semaine dernière. Donc, toujours pas d’Internet, mon iPhone est
coupé du monde. Je téléphone au centre d’appels SFR. Après une vingtaine de minutes et quelques
manipulations tout entre dans l’ordre. Mais, à peine mon téléphone posé, je
découvre que mes « applications » Apple ont disparu. Et, surtout, que
le logiciel de synchronisation PC / iPhone n’indique pas mon numéro de
téléphone, mais celui lié à la
carte SIM envoyée lors du dernier épisode. Nouvel appel. Une
heure de discussion. Cette fois-ci les téléopérateurs sont échec et mat. Après m’avoir
suggéré quelques manipulations hasardeuses, on décide de m’envoyer une nouvelle
carte SIM, vierge cette fois. On recréera à nouveau ma ligne. Je suis inquiet
et ennuyé. Mais que puis-je faire d’autre ?
Il se trouve que j’ai profité de la discussion pour demander
comment modifier mon « code Pin ». L’un de mes interlocuteurs ne sait
pas, l’autre si. En appliquant ses recommandations j’aperçois une rubrique
appelée « mon numéro ». Ce numéro n’est pas le mien. Mais je peux le
modifier. Et cela résout le problème, moyennant la réacquisition de mes
« applications » Apple. (Heureusement que je n’avais que des
applications gratuites ?)
Mais je n’en ai pas fini avec les merveilles de la
technologie et ses sociétés admirables.
Un de mes PC est arrivé installé avec Desktop de Google. Pour une raison que j’ignore,
il a disparu, mais Outlook continue à le réclamer. Une désinstallation ne
résout pas la question.
Je décide, en désespoir de cause, de le réinstaller. Surprise,
je trouve sur Internet un texte à la
Lionel Jospin qui explique que Google a abandonné ce logiciel
au motif que d’autres ont fait mieux. Encore !
J’en viens maintenant à mon antivirus. McAffee, utilisant mes coordonnés bancaires, a renouvelé mon
abonnement. Voulant changer de PC – celui-ci étant devenu fort lent (merci
Microsoft ?), je décide de profiter des 60 jours que me laisse McAffee
pour résilier mon contrat. Mais comment faire ? Jeu de pistes : il
faut aller sur le site de McAffee, trouver la bonne option, et là se met en
place un logiciel de « chat » par lequel on échange des messages avec
une opératrice au nom slave. Apparemment, je serai remboursé. Mais il faut que
je désinstalle l’antivirus, sans quoi il n’arrêtera pas de m’insulter. Ce que
j’essaie de faire. Sans beaucoup d’effets apparemment.
Que je suis petit par rapport à toutes ces multinationales. Retour à un capitalisme
viril auquel ne peut survivre que le fort, sans foi ni loi ? Je me répète.