Comme de temps à autres, ce blog ouvre ses billets à Serge Delwasse. Aujourd'hui, il réforme le permis de conduire :
Le ministre de l'Intérieur vient d'annoncer une réforme du
permis de conduire centrée sur deux axes : l'externalisation de l'examen
théorique d'une part, et l'avancement de l'âge de la conduite accompagnée
d'autre part. Immédiatement, les syndicats d'examinateurs ont... appelé à la
grève ! nous ne sommes pas en France pour rien. Pourtant, cette nouvelle
réforme sera, une fois de plus, bien inutile. Nous proposons ici de réellement
transformer ledit permis de conduire.
La quadrature du Cercle
Le monde a changé. Si l'on vit très bien - par exemple à
Paris - sans voiture, il est difficile de vivre sans le permis. Celui qui n'a
pas de permis est perçu comme un infirme, voire un (quasi-)délinquant privé de
son permis pour des motifs peu avouables : vitesse, alcool, drogue. Et pour
travailler, en province, il faut être autonome. Il importe donc que le permis
soit le moins cher possible, rapide et
D'un autre côté, la société souhaite, à raison, des routes
plus sûres. On a donc successivement rallongé la durée de l'examen, augmenté le
nombre d'heures de conduite pour passer in fine à 20, augmenté objectivement la
difficulté du théorique. On parle maintenant de rajouter une épreuve de
secourisme...
Enfin, l'Etat ne souhaite pas augmenter significativement le nombre
d'examinateurs. Economies obligent..
Les chiffres sont violents
En 2011, par exemple :
- 740 000 personnes ont atteint l'âge de 18 ans (source
insee)
- 85 000 permis ont été invalidés ou annulés (source
ministère de l'intérieur)
- 742 000 permis B ont été délivrés,
- pour un coût moyen de 1500 euros (source insee)
- avec, en moyenne 35 heures de conduite et de 1 à 9 mois
- et un taux de réussite à l'examen de 55%
Certains vont se former en Lozère, où les délais sont plus
courts et le trafic moins complexe qu' à Paris, d'autres en Espagne. Ce sont néanmoins
environ 80 000 personnes qui se sont retrouvées sur le marché du travail sans
permis. Si l'on multiplie par 45, durée moyenne d'une carrière, on parle d'un
déficit à terme de permis de 3,5 millions. A comparer avec les 450 000 (source
ONISR, 2010) conducteurs réguliers... sans permis.
Une réforme inutile de plus
Que propose le ministre ?
- externaliser l'examen ou employer des retraités - sorte de
réservistes du ministère de l'intérieur : artifice permettant de ne pas
embaucher, mais ne générant aucune économie réelle
- réduire la durée de l'examen pour passer de 12 à 13 par
jour : certes, mais pourquoi l'avoir augmenté il y a 10 ans ?
- passer la conduite accompagnée de 16 à 15 ans. Type même de
la mesurette qui n'aura aucun effet.
Il faut donc trouver de nouvelles idées, j'en propose deux.
Offrir le théorique à tous
Jusque dans les années 60, l'école, quand on la quittait, vous donnait
les armes nécessaires pour vous débrouiller dans la vie : vous saviez lire,
écrire, compter.
Jusqu'en 1996, beaucoup de jeunes passaient le permis lors
de leur service militaire.
Aujourd'hui, les jeunes ne font plus leur service, et on ne peut se débrouiller
dans la vie sans savoir conduire. Par ailleurs, l'examen théorique est le type
même de l'examen difficile, totalement anti-instinctif, où le bachotage et la
concentration sont indispensables. C'est donc à l'école - en fait le collège -
de prendre cette formation à sa charge. Sur quel modèle ? Les établissements
passent des contrats avec une ou plusieurs auto-écoles. Ainsi ces dernières ne
perdent pas de chiffre d'affaires. Et l'examen est inclus dans le brevet (passé
en moyenne à 16 ans). Ainsi, on ne trouverait plus de gens, sachant conduire
mais roulant sans permis pour cause de théorique trop difficile.
Apprendre la conduite sur simulateur
Comment faire ? Agréer un ou plusieurs logiciels, tournant
sur un PC avec un ou deux écrans.
Quel impact ? Les 30 heures actuelles pourraient passer à 40, dont 30 de
simulateur. Le coût du permis serait divisé par deux. Les moins doués
pourraient "faire du rab", à un tarif raisonnable. Le taux de
réussite à l'examen n'en étant qu'amélioré. Les auto-écoles verraient leur
chiffre d'affaires baisser sensiblement, mais pas leurs marges, le coût
marginal de l'heure de simulateur étant quasi-nul (un instructeur pouvant
superviser plusieurs élèves à la fois.
Pas possible ? Si l'on peut apprendre à piloter un avion de chasse, un A380, un
TGV, voire un pétrolier, sur simulateur, il me semble difficile de soutenir que
ça ne serait pas possible pour une voiture. Cela vaut en tous cas le coup
d'essayer...