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mardi 30 juin 2015

Raté grec ?

Crise grecque : pourquoi n'y a-t-il pas eu d'intermédiation ? Pourquoi a-t-on laissé les négociateurs s'affronter ? Le hasard fait que j'ai beaucoup joué les intermédiaires, entre dirigeants et employés, acquéreur et acquis..., sans le faire exprès... J'ai observé les phénomènes suivants :
  • Systématiquement, il y avait incompréhension. Et cette incompréhension conduisait à une prédiction auto réalisatrice destructrice. Curieusement, cette incompréhension était toujours extraordinairement banale et stupide. Exemple : l'entreprise était deux fois trop grosse du fait d'un terme, "plate-forme", dont personne ne savait ce qu'il signifiait. Mais que chaque unité essayait de construire, en concurrence avec les autres. Autre exemple : un dirigeant parlait de mesures d'économies, ses employés dépensaient à plein tube. D'ailleurs, quasiment nulle part, je n'ai rencontré d'entreprise connaissant la stratégie de son dirigeant. Cela m'a fourni longtemps un exercice amusant : je disais à mon client : voici ce que votre entreprise pense qu'est votre stratégie. Voilà ce qu'elle fait pour la mettre en oeuvre. Mine déconfite.
  • L'intermédiaire est un confident. On lui dit ce que l'on croit honteux. Le "déchet toxique". (Par exemple, je ne sais pas ce que je devrais savoir, où je suis incompétent, mais, vus mes énormes diplômes, je perdrais la face si j'occupais une autre place.) Là aussi, il s'agit d'une forme d'incompréhension. Souvent avec soi. Car nos erreurs sont humaines, alors que nous les croyons diaboliques. (Mais ça pourrait devenir de moins en moins vrai : la prédiction est auto réalisatrice, là aussi...)
  • L'intermédiaire est un catalyseur. J'ai appelé, dans mon livre 1, sa technique la "méthode navette". Il discute avec tous indépendamment. Il voit le dessous des cartes. Mais, surtout, il révèle à chacun que l'autre n'est pas tel qu'il le croit. Il est bien plus amical qu'on ne le pense. Ou, plus exactement, il a des intérêts qui sont complémentaires aux siens, pas antagonistes. Une fois que l'humeur n'est plus au conflit, il peut réunir les uns et les autres autour d'une table. Il leur propose une formulation rationnelle de leur problème collectif. Ils travaillent à sa résolution comme s'il ne s'agissait plus d'eux, mais d'un problème qui leur est extérieur. Le problème de la collectivité. 
Tout ceci ne semble-t-il pas bien correspondre à la crise grecque ? 

Le français en perte de subtilité ?

Le Masque et la Plume, de France Inter, m'a fait découvrir le zeugma. C'est une figure de style que semble désapprouver l'émission. Cela ressemble à une faute de logique. Il s'agit d'attacher à un terme deux compléments qui ne correspondent pas au même sens du dit terme. Par exemple, "il descendit du train et son adversaire".

Seulement, en regardant les exemples que donne wikipedia, je ne les trouve pas du tout maladroits. "Vêtu de probité candide et de lin blanc" (Victor Hugo, Booz endormi). Ce type de figure de style était courant jadis. En poursuivant l'article, je me rends compte qu'il existait un grand nombre de figures de style, anciennes. Elles transgressent la logique. Et ce pour la bonne raison que le sens est évident, et, mieux, qu'elles donnent un sens nouveau à la phrase.

Et si la logique était le degré 0 de l'intelligence ? Et si l'intelligence, c'était la liberté ? Celle de comprendre, et de jouer avec, les liens de complicité qui se créent spontanément entre les êtres humains ? 

lundi 29 juin 2015

Grèce : rien ne va plus ?

Cette fois-ci, c'est la bonne ? Crise grecque ? Lors de l'élection du gouvernement grec, j'avais prévu que les prochains mois seraient un drame, avec des coups de théâtre, comme dans toute négociation. Puis, j'ai cru, avec quelques autres, que le gouvernement grec était fait "d'amateurs". Je n'ai pas la prétention de savoir ce qui s'est passé. Mais mon intuition me fait dire que j'ai eu à la fois raison et tort. 

J'aurais tendance à croire que les négociateurs grecs ont commis des erreurs. Ils se sont crus supérieurement intelligents. Je soupçonne qu'ils avaient une tactique. Ils ont voulu jouer la crise. Et, aussi, au bon (Tsipras) et au mauvais (Varoufakis). Mais le problème des tactiques, c'est qu'elles rendent sourd. Le bon négociateur doit avoir un sixième sens. Il doit savoir comprendre quand il ne doit pas aller trop loin. Or, en face d'eux il y avait peut-être des gens qui auraient pu les appuyer pour peu qu'ils aient fait une proposition un tant soit peu crédible. En outre ils semblent s'être comportés de manière insupportable, autrement dit grecque. Or, la logique de la vie en groupe est de respecter les règles communes. Même la France commence à le comprendre. 

Uber : guerre de religion ?

L'autre jour, on discutait grève des taxis à côté de moi, au café. Surdiplômés, type MBA, cool. Ils s'offusquaient de l'attitude des taxis, et louaient les vertus d'Uber et des siens. Ils voulaient quitter la France, invivable. L'un pensait aller à Barcelone. L'autre l'enviait. Deux arguments m'ont frappé :
  • Le taxi Uber est, en quelque sorte, "respectueux", alors que le taxi ordinaire est revendicatif. Apparemment aucun des deux ne savait qu'Uber était hors la loi
  • Les "réseaux sociaux" partageaient leur point de vue, disaient-ils. 
Serait-on en face d'une guerre culturelle ? Une élite internationale face à une société traditionnelle ? Avec les réseaux sociaux dans un rôle que je n'avais pas perçu. Le réseau social, auquel j'ai beaucoup de mal à trouver le génie qu'on lui prête, serait-il vu par cette élite comme quelque chose de miraculeux ? L'expression du bien. De la "vraie démocratie". Ou peut être une arme révolutionnaire, annonce de l'avènement du marché sur terre ? Cela expliquerait-il pourquoi elle les utilise autant ? Pourquoi les fonds d'investissement y placent autant d'argent ? Idéologie plus que rationalité économique ? à creuser. 

J'ai pensé aux printemps arabes. La "vraie démocratie" et ses réseaux sociaux ont fait long feu. Au mieux ceux-ci sont maintenant utilisés par des (d'autres ?) religieux fanatiques. Les perdants de la globalisation. Phénomènes identiques en Europe ? 

dimanche 28 juin 2015

L'influence de l'environnement sur l'homme

J'étais très inquiet pour mes étudiants. Ils se préparent à être des contrôleurs de gestion. Pourtant je les ai trouvés totalement impréparés à l'entreprise, lors des cours. Voire un brin soviétiques. Et pourtant, miracle, une fois dans l'entreprise, ils semblent excellents. En tout cas, ils m'en ont fait de très intelligentes analyses.

Hypothèse : l'individu s'adapte à son environnement. Mes étudiants sont scolaires à l'université, parce qu'elle est scolaire, et des pros dans leur entreprise, parce que la situation s'y prête. Ce qui me révèle peut-être que je suis décalé : je ne suis pas (ou plus : j'appartenais à l'ancienne équipe) dans l'esprit du Master. 

Le préjugé mal de notre temps ?

Un jeune cadre : "j'ai pris un job chez X, qui ne me motivait pas, pour chercher de la sécurité. Avec un chef qui n'arrivait pas à déléguer et mauvais". Je me suis dit : qu'est-ce qu'une analyse de ce type peut avoir comme conséquences ? Imaginons que l'hypothèse soit juste : comment travailler avec un mauvais chef ? Et si elle est fausse ? Effectivement, l'histoire a une triste fin. Exemple, parmi d'autres.

Problème général, je soupçonne : nous avons d'énormes préjugés. Les jeunes particulièrement. Cela tiendrait-il à ce que nous vivons à une époque où la morale est reine ? Une période de bien et de mal. Du coup, ces préjugés conduisent à la prédiction auto-réalisatrice. Un comportement inefficace dont les conséquences renforcent les prémisses. 

Que faire ? Doute. L'autre est imprévisible a priori. Mais pas a posteriori. Si l'on observe son comportement, on verra apparaître la logique qu'il suit. Et, pour commencer, il faut chercher à savoir ce qu'il attend de nous.

samedi 27 juin 2015

Etat donneur d'aide ?

Renault Type AG 9 CV 1910.jpg
« Renault Type AG 9 CV 1910 » par Lglswe — Travail personnel.
Sous licence 
CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.
L'autre jour, Xavier Emmanuelli expliquait que la question des réfugiés était là pour durer. La France ne pourrait pas leur fermer éternellement ses portes. Un peu avant, Robert Badinter disait, dans une interview, qu'avec 6m de chômeurs la France n'avait plus les moyens de leur fournir un asile. 

Dans la même veine, Hervé Kabla s'étonne que les taxis soient en grève. Qu'ils protestent contre Uber. Mais, pourquoi n'ont-ils pas fait leur transformation numérique ? Or, un conducteur de taxi, ou même le patron d'une compagnie de taxis, a-t-il le temps et la formation pour concevoir un concurrent d'Uber ? Sa grève n'est-elle pas un appel à l'aide ? 

Poor Economics conclut que, pour sortir l'homme d'une situation difficile, il lui faut un "coup de pouce" ("nudge"). N'est-ce pas à la société de le donner ? N'est-ce pas, d'ailleurs, ce qu'a tenté de faire la flexisécurité ? Et si l'Etat était impuissant parce que les outils qu'il utilise sont obsolètes ? Et s'il se transformait, de providence, en donneur d'aide ? 

Centrale de Navajo : rêve américain ?

Navajo generating station Page 2.jpg
"Navajo generating station Page 2". Via Wikimedia Commons.

Trois cheminées, au milieu du désert. 15 tonnes de charbon à la minute. 16m de tonnes de dioxyde de carbone partent dans l’atmosphère chaque année, et de l'oxyde d'azote, du mercure, du plomb... La centrale thermique de Navajo a quelque-chose de fascinant. C'est un désastre écologique. Et pourtant aucun homme politique n'ose s'y opposer.

Car cette énergie sert à pomper une partie de l'eau de la rivière Colorado (1,85km3 d'eau) et à l'expédier 540km plus loin, et 1000m plus haut. C'est cette eau qui a permis aux villes de Phoenix et de Tucson de se développer dans un désert. Le rêve de ceux qui l'ont conçue n'était pas seulement d'installer des êtres humains, mais de construire un cadre de vie idéal où l'on puisse jouer au golf et dépenser l'eau sans compter. Ils ont voulu dire que la nature n'existait pas.

Voilà comment l'Américain considère le monde, et comment il pense bien de s'y comporter ?

(L'article de Scientific American dont j'ai tiré ces données est ici. Wikipedia en parle aussi. Quant aux Navajos, ils ressemblent aux travailleurs de la révolution industrielle : la centrale qui a détruit leur environnement leur donne de petits boulots.)

vendredi 26 juin 2015

L'entreprise est elle inculte ?

Comme chaque année, mes élèves ont fait un exercice d'anthropologie dans l'entreprise qui les employait. Il s'agit de repérer les aspects de sa culture qui jouent sur sa capacité à changer. Je tire de leurs travaux une conclusion : la culture d'entreprise est en train de disparaître. 

Ce qu'ils observent, ce sont des entreprises de plus en plus hétéroclites. Elles sont constituées de tellement de sous unités, ayant chacune leur culture, que l'on ne peut pas parler de culture globale. Et elles sont coiffées par une holding financière. Encore une autre culture. Ces rapports montrent aussi deux forces de transformation. Ce sont les fonds d'investissement, qui poussent à un développement en marche forcée. Pour eux les entreprises sont des comptes de résultat. Et les réductions permanentes de coûts, qui rendent le travail de plus en plus compliqué à faire. Ce n'est pas l'enfer que l'on décrit parfois. Ces entreprises grandissent, s'étendent rapidement. Ce qui apporte une forme de fierté. Mais, le travail y est de plus en plus difficile. On jongle avec de plus en plus d'assiettes... Ce n'est pas tenable, et le personnel se renouvelle vite. Plus inattendu, on découvre que, quelle que soit la culture de l'entreprise, l'Anglo-saxon occupe les strates les plus élevées de la hiérarchie. Sorte d'aristocratie de naissance ?

Vers l'entreprise d'individus ?
Le stade ultime de la transformation paraît l'entreprise d'individus. Le modèle type : celui du cabinet de conseil, avec ses consultants à tout faire. L'entreprise américaine, vaste holding, est proche de ce modèle. On y change vite et bien. Sans beaucoup d'arrières pensées. Les personnels se sont fait une raison. Les plus habiles y trouvent leur compte, d'ailleurs. Ils font leur carrière en sautant de restructuration en restructuration. Étrangement, c'est exactement la vision d'Hayek. Il disait que la société n'existait plus. Qu'elle se recomposait sans arrêt. Eh bien, c'est ce qui se passe. Les entreprises se recréent en permanence.  La question qui se pose alors est : comment constituer un savoir-faire, un "avantage concurrentiel", au milieu d'un chaos ? 

Si, dans cette analyse, il reste des sociétés à culture, elles semblent en voie d'extinction. Ce sont de vieilles entreprises. Elles pensent être protégées par une compétence qui a fait ses preuves. Elles opposent leur inertie au changement. Cela ne peut par durer. Certaines, d'ailleurs, sont passées aux mains de groupes étrangers. Elles se doutent que des moments difficiles se préparent. Alors, elles en veulent à leur chef, qui, pensent-elles, les a trahies. 

Comment changer un dinosaure en oiseau ?

Hausrotschwanz Brutpflege 2006-05-24 211.jpg
Jeunes dinosaures
« 
Hausrotschwanz Brutpflege 2006-05-24 211 » par Stefan-Xp — Travail personnel.
Sous licence 
CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.

Les évolutions des espèces ne procéderaient par mutation génétique massive. L'espèce aurait en elle plusieurs possibilités de développement. Elle passerait de l'une à l'autre par des modifications modestes. Elles portent sur les mécanismes d'expression des gènes et pas sur les gènes eux-mêmes.

Ainsi, il semble que deux innovations majeures ont permis de changer le dinosaure en oiseau, en peu de temps. D'une part, une réduction de taille spectaculaire. Elle se serait faite en stoppant le développement du dinosaure quasiment à sa phase embryonnaire (un embryon de dinosaure ressemble à un oiseau). D'autre part, le bec. Il serait la fusion de deux os, qui constituaient le museau du dinosaure. Fusion qui semble être relativement facile à produire et à défaire. 

Quand ce genre d'innovation a un effet heureux, par exemple il fait découvrir à l'espèce une nouvelle niche écologique (l'oiseau explore le sommet des arbres), alors s'ensuit une foule d'innovations supplémentaires. 

L'article dont j'ai tiré ces idées. 

jeudi 25 juin 2015

L'apprentissage comme phénomène de groupe

Depuis que j'enseigne, une chose me frappe. Dans une classe, je ne vois pas des individus, mais un comportement de groupe. Un exemple. Je donne des exercices à faire sur un blog. Cela inquiète. Quelqu'un finit par se lancer. En quelque sorte, il choisit une façon de faire l'exercice. Ce n'est jamais celle que j'attendais. Et il est immédiatement imité par le reste de la promotion. Si bien que, comme pour les meubles, chaque année l'exercice a un style nouveau. 

Illustration de théories bien connues ? Le changement est provoqué par un leader. On le suit. "Validation sociale" dit Robert Cialdini : nous tendons à calquer notre comportement sur celui des autres. 

Mais il y a plus subtil. Certains élèves, tout en suivant les règles que le groupe a fixées, parviennent à faire passer un message qui leur est propre. Une interrogation. Curieusement, c'est cette interrogation que j'attendais d'eux. Au fond, ils ont réussi à me parler sans pour autant sembler fausser compagnie au groupe. 

Je reconnais là ce que j'ai observé dans l'art. Et particulièrement dans les sociétés à fort ritualisme, comme la Chine. Le grand artiste, ou même le grand penseur ou le grand scientifique, parvient à utiliser les règles sociales pour nous dire ce qui le trouble. C'est une remise en cause de la société, supposée apporter une réponse définitive aux problèmes de l'homme. C'est l'expression de la liberté ?

Les secrets du métier d'acheteur

L'acheteur est une innovation récente. Il a déferlé sur le monde. Et si le secret de son succès tenait au concept mystérieux de "valeur" ? Justification :

Le principe du concept d'acheteur me semble le suivant. Imaginons qu'un homme choisisse les vêtements de sa femme. Il en résulterait de grosses économies. Et un pur gaspillage. Puisque sa femme ne les portera pas. Il en est de même de l'acheteur. C'est parce qu'il ne comprend pas la valeur réelle de ce qu'il achète qu'il semble économe. Mais il est nuisible à long terme. 

Le conseil montre ce que laisse son passage. Quelqu'un me disait avoir gagné un appel d'offres à 50% du prix de ses concurrents. Raison : une idée particulièrement efficace. Pourtant, on lui a demandé de réduire de 25% ses tarifs journaliers. Inacceptables. Et voilà ce qui explique le nouveau modèle économique du conseil. Il place maintenant dix personnes incompétentes là où il y en aurait besoin d'une expérimentée. Mais ce n'est pas grave, car ce monde n'a rien de très intelligent à faire. Il fait le travail du client. Car, dans la grande entreprise, on ne travaille plus. On emploie des prestataires. 

A mes débuts chez Dassault Systèmes, je trouvais mes algorithmes dans les articles des chercheurs. Et je les adaptais. C'est ainsi que j'ai conçu et programmé un système de base de données "nested relational", de zéro, et avec toutes les fonctionnalités que l'on trouve aujourd'hui dans ce type de systèmes. Plus tard, lorsque je suis devenu consultant, j'ai découvert que l'ingénieur était un "chef", qui faisait concevoir les produits de son entreprise par des prestataires. Curieusement, cela ne lui avait pas percuté la tête que réaliser un appel d'offres ne donne aucun avantage sur sa concurrence. Mais il restait encore à inventer l'acheteur... 

mercredi 24 juin 2015

Mobilisation du capital humain = relance de la croissance ?

Francis Mer dit que la solution à la crise est le capital humain. On peut modéliser le cercle vicieux qu'il cherche à enrayer ainsi. Le contrat social d'après guerre : prospérité contre taylorisme. L'homme comme machine. Puis, après la chute de l'URSS, l'homme devient un coût. On le réduit ou l'élimine. Or, c'est l'homme qui crée. Donc, on a tué la poule aux oeufs d'or. Le capitalisme s'est tiré dans les pieds. Cependant ce raisonnement est qualitatif. 

Je soupçonne que la croissance est liée à une explosion créative. C'est ce qui s'est passé plusieurs fois. C'est aussi le modèle de développement de l'entreprise à succès. Cela demande des conditions particulières. Un capital de connaissances, et une forte stimulation, notamment. (Une guerre, par exemple ?) Or, le modèle de Francis Mer me semble proche de celui de l'Asie. Un modèle qui fonctionne par amélioration continue. Plutôt propre à la répartition qu'au changement ? 

Donc, mobilisation du capital humain moins propice à la croissance, on en a perdu la recette ?, qu'à l'édification d'une société où l'homme est considéré comme un homme ?


La Grèce facteur d'unité européenne ?

"La Grèce est le seul exemple connu d'un pays vivant en pleine banqueroute depuis le jour de sa naissance". (La Grèce contemporaine, Edmond About, 1858.)

Présentation du contenu d'un chapitre :
Observations générales sur la situation financière de la Grèce. - La Grèce vit en pleine banqueroute depuis sa naissance. - Les impôts sont payés en nature. - Les contribuables ne payent point l'Etat, qui ne paye point ses créancier. - Budget d'exercice et budget de gestion. - Les ressources du pays ne se sont pas accrues en vingt ans. 
L'incurie grecque serait-elle culturelle ? La Grèce, ayant été incapable de se suffire à elle même, vit aux crochets de la puissance qui la domine, depuis l'empire romain ? Si oui, faut-il protéger cette culture si particulière et si ancienne, et créer une zone protégée, un parc naturel, une réserve ?

En tout cas, France Culture semble avoir trouvé un intérêt à conserver la Grèce dans l'euro. Payer ses dettes force la zone à toujours plus de solidarité. La Grèce nous contraint à l'altruisme.

(Texte transmis par un ami : édition plus récente sur Gallica.)

PS. Article de Jean Quatremer allant dans la même direction : la Grèce était déjà en faillite à son entrée dans l'UE ; aujourd'hui, c'est un handicap facteur de cohésion. 

mardi 23 juin 2015

Francis Mer : le Capital sera humain ou ne sera pas

Dans une courte note, Francis Mer analyse les changements que notre monde a subis, et comment le sortir de ses difficultés présentes. C'est très bien écrit, très simple à comprendre, et quelque peu révolutionnaire. Voilà ce que je retiens :

Le Capitalisme fonctionne à vide
Le naufrage soviétique et le choix du capitalisme par les Chinois font croire aux Américains que leur idéologie a vaincu. La Chine, par le faible coût de sa main d’œuvre et la taille de son marché, permet au capitalisme occidental de rompre l’équilibre établi chez lui. Il transfère la valeur du producteur vers le propriétaire. D’abord, ce phénomène est masqué par l’endettement. Il en résulte la domination de l’économie par la finance. A son tour, elle transforme l’entreprise. Sa seule motivation devient la valeur de son action. Elle la fait grimper artificiellement en réduisant ses fonds propres, donc en se fragilisant. Les politiques n’interviennent pas. Ils craignent de désavantager les entreprises de leurs nations. Mais, lorsque le système craque, l’Etat doit sauver les coupables en se chargeant de leurs dettes. Les entreprises sont désormais en mode survie. Elles gèrent à court terme. Elles n’investissent plus. Ce ne sont plus des entreprises. Du coup, tout le monde épargne. Et cette épargne ne sert qu’à rembourser les dettes de l’Etat. Le système est désamorcé, il tourne à vide ! Et cela n’est pas prêt de s’arrêter. Car la globalisation pérennise cette situation : il y a pléthore de main d’œuvre bon marché, et le savoir-faire pour l’exploiter. Tout ceci met en péril le modèle culturel européen. D’autant qu’il est aux prises avec un déséquilibre jeunes / vieux explosif.

Comment réagir ? 
L’Europe a démontré qu’elle était la bonne dimension pour résoudre les problèmes nationaux. Son intégration doit repartir, en urgence. Or, il y a, effectivement, des valeurs européennes partagées. Et un modèle européen. Il faut aussi une remobilisation entrepreneuriale. Les dirigeants doivent prendre conscience de leurs responsabilités sociétales. Ils doivent redevenir des entrepreneurs. Et comprendre qu’il existe un levier de croissance puissant et totalement insoupçonné : le potentiel humain. De là partira un cercle vertueux. Pour tout le monde. Mais pour cela, il faut tuer la doxa de l’actionnaire roi. Il faut un nouveau droit des entreprises. Il doit donner le rôle qu’il mérite à l’employé. Il doit débarrasser le dirigeant de la menace de l’activiste. Le dirigeant doit désormais rendre autant des comptes au capital humain qu’au capital financier. Enfin, la logique du droit social ne doit plus être de protéger un salarié sans défense, mais de créer les conditions de son succès et de celui du collectif. La responsabilité du politique est de faire évoluer la gouvernance des entreprises dans cette direction. Par ailleurs, pour mobiliser le potentiel humain, l’organisation hiérarchique doit disparaître au profit d’une communauté apprenante en réseau. La révolution numérique peut catalyser cette transformation. Enfin, le monde étant dirigé par le chiffre, il faut une comptabilité de la connaissance et du capital humain. Ce n’est qu’ainsi que l’homme ne sera plus gaspillé. 
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« Quarto Stato » par Giuseppe Pellizza da Volpedo — Associazione Pellizza da Volpedo. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons.

FN, Syriza français ?

Hier matin, France Culture se demandait pourquoi la France n'avait pas de Syriza ou de Podemos. Je retiens deux idées :
  • Il n'y a pas eu de rigueur en France. La protection sociale a amorti le choc de la crise. Il n'y a pas de chômage massif, comme en Espagne ou en Grèce, par exemple. 
  • Syriza et Podemos sont anti-système. Or, les partis d'extrême gauche, qui auraient pu jouer leur rôle en France, ont tous participé au gouvernement (par exemple M.Mélenchon a été ministre). Le seul parti qui réponde à cette définition est le FN. C'est lui qui récolte les bénéfices du mécontentement de la société. 

lundi 22 juin 2015

Extinction de masse

La sixième extinction de masse bat son plein, dit Le Monde. Elle est causée par l'homme. Elle semble surtout aller particulièrement vite. On parle d'années, alors que ces prédécesseurs avaient demandé des millions d'années. Apparemment, l'homme serait le prochain sur la liste.

Ce qui m'a rappelé ce que dit Nassim Taleb : l'espérance de vie d'une espèce est fonction de son ancienneté. Plus elle est récente, plus elle est fragile. 

Comment réagissons-nous ? On essaie de sauver ce qui peut l'être. Mais, curieusement, on ne se demande pas ce qui, dans notre action, produit cette hécatombe. Cela semble être la modification des conditions de vie... Peut-être que si nous parvenions à comprendre comment les faire évoluer sans les détruire, nous résoudrions la question de la survie de notre propre espèce ? 

Changement, écosystème et chaos

Comment se reconstitue un écosystème après une explosion nucléaire ? C'est imprévisible. Le hasard a le dernier mot. Sauf, si les conditions sont très hostiles. Alors, il arrive qu'il n'y ait qu'une solution possible. Un autre article conclut aussi qu'à conditions identiques, résultats différents. Et là, sans explosion nucléaire. On retrouve les résultats de la théorie du chaos. 

Comme quoi, le hasard joue un rôle infiniment plus grand dans notre vie que nous ne le pensons. Et la composition d'un écosystème est beaucoup moins fixe qu'on ne le dit. 

dimanche 21 juin 2015

Moleac : la pharmacopée chinoise sauve le cerveau ?

Un lecteur de mon billet sur la médecine chinoise me parle de Moléac. Il se trouve qu'Hervé Kabla a enquêté sur la question il y a des années. Il a même interviewé le fondateur de la société. (Article de l'Usine Nouvelle, en complément.)

L'idée de Moleac est plus facile à mettre en oeuvre que la mienne. Il s'agit de transformer les médicaments traditionnels chinois en médicaments modernes. Et, pour commencer, on a découvert de quoi réparer le cerveau après un AVC... Probablement, quelque chose que l'on aurait été incapable de comprendre avant les récentes recherches sur la plasticité du cerveau... 

Après les chercheurs de musée, les chercheurs de tradition ?  

Faites de la musique... bon conseil ?

A chaque fois que j'entends France Musique parler de jeunes musiciens, ce qui est fréquent, je pense que l'offre doit largement dépasser la demande. Y a-t-il beaucoup de monde qui écoute de la musique classique ? En quoi la culture de l'aristocratie d'il y a quelques siècles devrait-elle encore nous parler ? 

Cela illustre les défaillances du marché. L'homme est un mouton (principe de "validation sociale" de Robert Cialdini). L'influence sociale guide ses choix de carrière. Après vingt ans de déformation par différents conservatoires, il découvre que le marché est saturé. Mais que peut-il faire d'autre que ce qu'il a appris ? 

Comment évitons-nous cela, d'ordinaire ? Le terme à la mode est "nudge" (origine : ce livre). La société nous donne un petit coup de pouce quand il le faut. Si j'en crois ce que j'entends, cela demeure le cas pour les classes supérieures. Les enfants y sont fermement pris en main. Mais, plus bas, les enfants sont laissés aux modes du moment.  

samedi 20 juin 2015

Prélèvement à la source : qu'est-ce que ça cache ?

Sirviendo cerveza.jpg
« Sirviendo cerveza » par Laia Solanellas. Sous licence CC BY 2.0 via Wikimedia Commons.

J'entends parler de prélèvement à la source. (Mesure que n'aime pas un chroniqueur de France Culture.) Qu'est-ce qui se cache derrière cette réforme devenue urgente ? Article du Point :
François Hollande a donné mercredi en conseil des ministres son feu vert pour l’instauration du prélèvement à la source à compter de 2018. Une date qui n’est pas choisie au hasard, car elle reporte la réforme après l’élection présidentielle de 2017. Une manière d’éviter l’impopularité des couacs qu’entraînera inévitablement cette réforme. La mise en place du prélèvement à la source est, en effet, faussement simple et le contribuable sera perdant.
Mais pourquoi mettre en oeuvre une réforme qui aura beaucoup d'effets pervers ? Pour couler le prochain gouvernement ? Mais M.Hollande sera-t-il candidat en 2022 ? En fait, cette réforme serait un "écran de fumée", selon Le Point, visant à masquer le fait que M.Hollande ne réforme pas le système fiscal français. 

(Ce qui confirmerait la réputation "d'enfumeur" de M.Hollande ?)

PS. Il semblerait qu'il y ait là une stratégie gouvernementale. France Culture (le 23 juin) donnait d'autres exemples, comme celui d'une attaque de Nutella par Mme Royal. Objet : masquer son absence d'action. Pour notre gouvernement, faire du bruit, c'est agir. (Ou nous faire croire qu'il agit.)
PS2. Décidément France Culture s'intéresse à la question. Apparemment, tout ceci ferait partie du plan de réélection de M.Hollande. C'est subtil. Sa stratégie : affronter Marine Le Pen au second tour. Pour cela, il a besoin de M.Sarkozy au premier. C'est pourquoi il chercherait à faire voter une loi qui éliminerait M.Juppé, pour raison d'âge. Voilà un président pour qui l'intérêt de la nation passe avant tout ?

Les trois strates d'une culture

Une culture se divise en trois strates, selon Edgar Schein (la terminologie n'est pas la sienne) :
  1. « Ce que l’on fait ». Les comportements collectifs. C’est ce sur quoi porte le changement. 
  2. « Ce que l’on dit ». Comment explique-t-on ce que l’on fait. C’est souvent hypocrite. Par exemple une compagnie pétrolière se dira défenseur de la nature. Mais on n’a pas le droit d’en rire. Tabou. 
  3. « Ce que l’on pense ». L’inconscient collectif. C’est ce qui guide réellement les actes. Par exemple, une entreprise américaine que j'ai rencontrée, se disait une grande famille, appelait ses employés « associés ». Et, pourtant, à la première baisse de rentabilité, elle les a licenciés. 
Et voici comment on utilise cette analyse dans la formulation du changement. Le changement doit s’appuyer sur « ce que l’on pense ». Par exemple l’intérêt individuel dans le cas précédent. Mais il devra être formulé selon « ce que l’on dit ». Un moyen puissant de trouver « ce que l’on pense » est de rechercher les différences (paradoxes) entre « ce que l’on fait » et « ce que l’on dit ». Pourquoi licencie-t-on nos associés ? S’il y a différence, c’est que le comportement s’explique par autre chose que « ce que l’on dit ». Si l'on arrive à le comprendre, on peut parvenir à faire changer l'entreprise sans effort. Wu wei.

(Série anthropologie et culture.)

vendredi 19 juin 2015

MM.Macron et Sarkozy : même combat ?

Ryan Heath de Politico, s'étonne que M.Sarkozy s'oppose à M.Macron :
SARPOCRISY 1: As members of Les Républicains stormed out of the French Parliament in reaction to the government’s decision to use the a constitutional decree to push ahead with the “Macron Law” on liberalization of French economy, some in the party, including Nicolas Sarkozy himself, seem to have been hit by a peculiar case of amnesia. Or is it “Sarpocrisy”? The former French president was in 2007 quoted saying: “We must take down the barriers that exist in some regulated professions and furthermore, we need to put an end to benefits resulting from unfair market positions.” Which is what the Macron law was about… See more at http://bit.ly/1LdsOOB h/t Antoine Sander.
SARPOCRISY 2: It was the same Sarkozy who in 2007 commissioned a report on the “liberation of French growth,” led by Jacques Attali. The rapporteur for the work was no other than… Emmanuel Macron himself! The new law project borrows heavily from the 2007 report — of which Sarkozy said he supported 313 of the 316 propositions, such as more Sunday trading. Now that the law has Macron’s rather than Sarkozy’s name on it, the tune has changed. http://bit.ly/1IiStzj
Je ne savais pas que M.Macron avait été rapporteur de la Commission Attali. Ce qui confirme ce que j'ai vu en étudiant les changements de ces dernières décennies : de gauche ou de droite, ils partent des mêmes idées. Pensée unique. Pour le reste, tout est une question d'habileté politicienne ? Y compris le choix d'un camp ? 

Le paradoxe, outil de décodage d'une culture

Etudiant stagiaire. En arrivant le matin, il salue ses collègues. Il remarque que l’un d’entre eux va immédiatement se laver les mains. Doit-il mal le prendre ? Mais, un jour, il remarque que l’homme fait de même avec le chef du service. Il se souvient alors qu’on lui a dit qu’il a subi une grave opération. Et s’il devait avoir une hygiène parfaite pour éviter une infection ? 

Voici la technique du paradoxe, qui permet de collecter un faisceau d’indices. Et d’en tirer des hypothèses sur la logique d’un comportement. Elle consiste à repérer des comportements « bizarres ». Cette « bizarrerie » révèle qu’ils ne suivent pas la logique que vous leur prêtiez. Si vous parvenez à trouver la bonne logique, vous comprendrez le comportement. Et vous saurez en faire un appui dans le changement. 

Dans cet exemple, il s'agit d'un comportement individuel. Mais ça marche aussi avec un comportement collectif. Comme on va le voir, avec une modélisation un peu plus sophistiquée.

(Suite de la série anthropologie et changement...)

jeudi 18 juin 2015

Sauver Twitter

Apparemment Twitter serait sur une mauvaise pente. La publicité ne parviendrait pas à lui faire gagner de l'argent. Solution proposée par Matt Yglesias : faire payer un abonnement en fonction du nombre de suiveurs. Les peu suivis, ne paieraient rien. 

Logique : beaucoup de gens qui twittent veulent se faire de la publicité. Mais il n'y a peut-être pas qu'eux. Il doit y avoir aussi des petits jeunes qui ont beaucoup d'admirateurs. Cela pose aussi la question de la tarification : combien faudrait-il faire payer le petit nombre d'utilisateurs à gros suivisme ? Hervé Kabla a publié un article sur la question de la répartition des suiveurs par compte. Apparemment 4% des comptes actifs auraient plus de mille suiveurs. Mais quelle est la proportion de comptes actifs ? Sur 300m d'utilisateurs, cela doit faire quelques millions de comptes. Pour obtenir un chiffre d'affaires d'un milliard d'euros, il suffirait donc de les faire payer, en moyenne de l'ordre de 100 à 1000€ / an. Pourquoi pas quelque-chose de l'ordre de 0,1€ par suiveur et par an, à partir de 1000 suiveurs. (Au prorata temporis.)

Le suiveur pourrait aussi payer pour des tweets exclusifs, me suis-je dit.

(Par ailleurs, la loi de distribution des suiveurs serait log-normale, pour ceux qui cherchent une tarification plus précise...)

La culture, clé du changement

L'anthropologie est une question de culture. Et la culture détient les clés du changement... Suite de mes réflexions.

Un étudiant étranger m’écrivait il y a quelques temps (notamment) : Pensez-vous que certaines entreprises sont plus enclines que d'autres à changer ? Pourquoi ? Pensez-vous que certaines cultures acceptent plus facilement le changement ? Vos expériences à l'étranger ? 

Ce sont les vieilles entreprises qui ont la plus grande capacité à changer. Pourquoi ? Parce qu’elles ont rencontré beaucoup de crises. Elles ont dû beaucoup changer. Elles ont emmagasiné beaucoup d’expérience. Leur culture du changement est riche. C'est à dire qu'elles possèdent une grosse bibliothèque de règles qui leur permettent de se transformer.

Si l’on a l’impression que les vieilles entreprises changent difficilement, c’est parce que l’on contrarie leur nature. C’est un peu comme si l’on jetait à l'eau quelqu’un qui ne sait pas nager. Elles ne s’opposent pas au pourquoi du changement mais au comment. Si on sait les comprendre, les entreprises peuvent faire quasiment n’importe quoi. Il en est de même des peuples. 

Exemple. Les cultures nationales. Chacune a son mode de changement. Ce qui paraît évident à un Allemand par exemple ne l’est pas pour un Français, et inversement. En Allemagne, le changement, c’est d’abord se mettre d’accord sur un plan d’action. Ensuite l’appliquer impeccablement. C’est aussi le cas des pays nordiques. La France a une culture de l’exploit. Cela sous-entend de tous une grosse capacité d’improvisation. Cela donne l’impression de l’amateurisme. Mais ça peut produire des résultats spectaculaires. L’Allemand pense avant d’agir. La pensée du Français est stimulée par l’action. Tortue et lièvre. 

Exception : si l’entreprise a connu le succès trop longtemps, elle s’endort. Ou si, par exemple, pour augmenter sa rentabilité, on l’a transformée en une bureaucratie d’exécutants. Une autre dimension de la question est l’envie de changer. Les entreprises ou les nations sont comme les hommes, elles ont une sorte de caractère. Certaines sont endormies, ou ont peur, d’autres pas. Cela varie au cours du temps. 

mercredi 17 juin 2015

Loi sur le renseignement : anti Charlie ?

Que penser de la Loi sur le renseignement ? Résumé de l'Express :
Le projet de loi du gouvernement sur le renseignement, qui doit notamment permettre de mieux lutter contre les réseaux djihadistes, élargit les capacités d'écoutes et instaure une forme de surveillance de masse sur internet. Ce qui en fait un texte controversé. Si la société civile, les acteurs du web et même d'éminents spécialistes se montrent très critiques sur ses dangers potentiels, il est soutenu par une large majorité de députés. 
Cela ressemble à une copie de la loi américaine. Étrange que cela arrive maintenant chez nous, avec quinze ans de retard, alors qu'elle semble avoir échoué aux USA. Y avait-il un puissant lobby, qui attendait le moindre accident pour pouvoir nous espionner ? (Et que l'équipement des Américains faisait baver d'envie ?) Aurait-il exploité l'attentat Charlie, pour faire triompher 1984, et liquider l'esprit Charlie ? Ce qui me frappe surtout est l'absence totale de débat. L'encéphalogramme de l'Assemblée nationale semble celui du godillot. Le gouvernement ne paraît avoir aucun contre-pouvoir. A moins que cela ne s'explique par le fait que c'est un texte de droite, auquel seule la gauche peut s'opposer ? 

L'anthropologie, ou le changement sans effort

Les hommes et les organisations suivent des règles. Parmi celles-ci se trouvent les moyens de les faire changer. C'est ce que constate l'anthropologie. Dommage que l'on ne l'ait pas compris. Nos changements réussiraient un peu plus souvent. 

Parmentier fait planter un champ de pommes de terre. La troupe l’encercle. Voyant ceci, le peuple juge que la plante est de grande valeur. Il la vole. Ce que voulait Parmentier. Les sociétés obéissent à des règles. C'est règles sont ce que les anthropologues appellent "sa culture". Si on les connaît, on peut les faire changer sans efforts.

On peut aussi les utiliser pour les détruire. Le Roman des trois royaumes, une chronique de la Chine du troisième siècle, montre comment. On y voit des généraux placer leurs adversaires dans des circonstances qui transforment leurs forces en handicaps. Mais ce sont les Anglais qui ont été les maîtres de cette discipline. Ils ont utilisé les caractéristiques des sociétés qu’ils voulaient coloniser ou réduire à l’impuissance (l’Europe continentale) pour les transformer en chaos. De Chypre au Sri Lanka, en passant peut-être par l'Union Européenne, beaucoup de nos conflits actuels semblent venir de là. Cependant, la destruction n’est guère créatrice. On gagne peu à diriger une société en conflit. Sans compter que cela peut se retourner contre soi. Comme cela a été le cas avec la malencontreuse décision de l’Angleterre de réarmer l’Allemagne après la première guerre mondiale. C'est d'ailleurs peut-être pour cela que l'Angleterre veut quitter l'UE, aujourd'hui. Elle a été victime des changements qu'elle y a faits. 

La suite de cette série s’intéresse aux techniques qui permettent d’utiliser la culture au bénéfice de l’intérêt collectif. Des techniques issues de l’anthropologie.

(LOUO, Kouan-Tchong, Les Trois Royaumes, Flammarion, 1992.)

mardi 16 juin 2015

Sommes-nous devenus délicats ?

IRM. J'ai eu l'impression de revivre 2001 Odyssée de l'espace, en ambiance techno. Boum, boum, boum... Mais ce qui m'a le plus surpris est l'attitude du personnel soignant. Elle me semble avoir évolué en quelques décennies. En effet, alors que l'examen est relativement bénin, le principal désagrément étant l'injection d'une sorte de colorant, il m'a semblé s'attendre à ce que je sois inquiet. Ce qui était inquiétant. 

D'où cela vient-il ? De la société, qui craint de plus en plus de souffrir ? Des médecins, de plus en plus prévenants ?...

Faut-il avoir peur du traité de libre échange avec les USA ?

L'Amérique négocie un traité de libre échange avec la Chine et un autre avec l'Europe. Une fois de plus ce traité ne provoque aucun débat chez nous. Notre démocratie est dans un état inquiétant. Pourtant, il agite les Allemands et les Américains. Les Allemands s'inquiètent de tribunaux qui permettraient à l'entreprise d'imposer ses intérêts aux démocraties. Les Américains ont peur du chômage et des délocalisations. Car, ils ont constaté que la libéralisation des échanges ne leur avait été guère favorable.

Quelle est la motivation de ces mesures ? Un intérêt économique démontré ? Pas évident : ce que l'on aplanit ce n'est pas des droits de douane mais des normes culturelles. Un baroud d'honneur des idéologues du libre échange ? Peut-être en ce qui concerne l'Europe. Mais pour les USA, il semble surtout que ce qui intéresse M.Obama, ce soit le Pacifique. (Il paraît nous considérer comme des "has been".) Il est en guerre avec la Chine, et veut lui imposer sa loi. Sa stratégie : s'il construit une puissante alliance avec les pays de la région, la Chine devra se plier à ses lois. Ce qui explique que le petit peuple ne se retrouve pas dans ses manœuvres. D'autant qu'il a choisi, pour "conduire le changement", la démarche du donneur de leçons, si j'en crois Paul Krugman. Ce qui explique peut-être que les élus démocrates lui aient fait mordre la poussière

lundi 15 juin 2015

La médecine chinoise est-elle l'avenir de la nôtre ?

Je me suis émerveillé de la médecine chinoise. En effet, la psychologie a découvert récemment que l'homme appartenait à un groupe, et que cela était la cause majeure de ses maux psychologiques. Elle est devenue systémique. Or, la Chine le savait depuis plus de trois mille ans. Et elle avait porté cette idée bien plus loin que nous. Ce qui laisserait entendre qu'elle pourrait être notre avenir. 

D'ailleurs, la médecine chinoise a eu des milliers d'années pour se mettre au point. Cependant, est-elle réellement efficace ? Ceux qui sont les premiers entrés en contact avec la civilisation chinoise ne semblent pas avoir été frappés par sa santé. En fait, le peu que je vois de cette médecine montre de très importants aspects culturels. On y parle de réincarnation (le rêve vient de la vie avant la vie), des "cinq éléments", le corps est infiniment divisé en Yin et Yang... Est-ce la santé du patient qui la motive ? Ou l'équilibre social ? Or, l'équilibre social est bien plus important pour l'homme que sa santé. Sans société l'homme n'est rien. La médecine peut donc avoir une fonction, comme la magie, qui n'est pas son objet évident. Par exemple d'éviter à l'homme de prendre peur et de troubler l'ordre public. Ou encore affirmer la supériorité de la civilisation chinoise. (La médecine peut, aussi, faire vivre une classe de parasites, comme à l'époque de Molière.)

C'est peut-être là que la démarche scientifique occidentale a un intérêt. En cherchant à savoir ce qui est culturel (et donc non transférable) ou non, on pourrait, qui sait ?, faire évoluer notre médecine. 

Crise de la médecine

Le Malade imaginaire, vu par Honoré Daumier.
« Le Malade imaginaire » par Honoré Daumier — art database. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons.
Depuis que je suis adulte j'ai eu à faire quatre fois appel à la médecine. A chaque fois le processus a été identique. Première étape, le généraliste. Diagnostic faux. Dramatiquement. Par exemple un "volvulus du cæcum" (occlusion intestinale liée au détachement de l'intestin) a été diagnostiqué à répétition comme une appendicite. Un interne me disant même que c'en était une en dépit du fait qu'il n'y avait aucun de ses symptômes... Finalement, quelqu'un de compétent voit de quoi il s'agit. Mais la dite personne est de plus en plus difficile à trouver. Peut-être parce qu'elle est en voie de disparition. En outre il faut la chercher. Et elle est de mieux en mieux cachée. Ou de plus en plus rare. J'en déduis que la médecine est sur une mauvaise pente. 

Et si c'était une question d'état d'esprit ? De motivation du médecin ?
  • Il affirme. Le médecin est supposé savoir. Et il est, de plus en plus, assisté par ordinateur. Qu'aurions-nous à gagner à ce qu'il écoute ? D'automate, il deviendrait homme. Et l'homme est capable d'apprentissage. Le médecin s'améliorerait sans cesse. Et la médecine avec. 
  • La médecine est obnubilée par l'argent. Le gouvernement donne un très mauvais exemple. Il ne parle que de réduction de coûts. C'est d'ailleurs pour cela qu'il échoue (cf. la réforme en cours de l'APHP) : s'il partait du besoin, il concevrait un système efficace. (Cf. la réinvention de certaines procédures de soin par les Indiens.)
  • Impossible de trouver un médecin en mai. Urgences vacances. Nos "libéraux" ont les vices de l'assisté. 
  • Les critères de sélection du médecin ne semblent pas bien corrélés à l'exercice du métier. Arbitraires ? Leur rôle : protéger les privilèges d'une corporation? Lui permettre de s'accaparer un savoir qui devrait être, pour ses bases, public ? 
Des idées de réforme ? 

dimanche 14 juin 2015

Le charme discret de M.Poutine ?

Lorsque j'écoute la radio, M.Poutine est l'incarnation du mal. Cependant, je découvre petit à petit qu'il y a beaucoup de gens qui semblent l'apprécier. Je me suis demandé quelle était la rationalité de ce choix. Une idée, parmi d'autres :

Nous devons peut-être les Trente glorieuses à l'URSS. Les USA, ayant peur que nous devenions des cocos, ont voulu que le petit peuple occidental soit prospère. En 89, la menace ayant été écartée, ce dispositif est devenu inutile. Le petit peuple n'avait plus de champion. Par conséquent, il ne servait plus à rien de lui donner un emploi ou une protection sociale. Les forces du marché devaient être libérées pour produire une répartition des richesses plus conforme à la justice naturelle. (Ce qui me semble être la pensée de The Economist, qui se réjouit que la jeunesse soit individualiste, en bave, et rejette toute protection sociale, alors qu'elle était vue comme une conquête par les générations précédentes.)

Alors, M.Poutine, Robin des bois d'un peuple qui a perdu ses défenses ? Vers une nouvelle forme d'Internationale ? (à creuser)

Le socialisme peut-il entraîner le capitalisme dans sa chute ?

M.Clinton démantèle le New Deal et la réglementation qui protégeait son pays d'un retour de 29. M.Schröder liquide l'héritage de Bismarck, et M.Blair l'Etat providence anglais, le modèle de l'Europe d'après guerre. Le socialisme français est postmoderniste donc ouvertement "anti Lumières". En quelques décennies, le socialisme s'est suicidé. Conséquences ?

L'histoire mondiale de ces derniers siècles pourrait s'expliquer par l'affrontement de deux idées concernant l'homme. (Thèse de Marshall Sahlins, ici.)
  1. Il existe deux types d'hommes. Les vrais et les animaux. L'Angleterre le pense. Et ce dès que ce pays prend sa forme moderne, au Moyen-âge. Le capitalisme, vu comme la concentration de ce que la vie a de bon entre quelques mains, en découle. C'est explicitement la doctrine du néoconservateur moderne. 
  2. L'homme est un. Il partage une qualité commune : "l'humanité". Idée des Humanistes puis des Lumières et des radicaux, qui gouvernent la 3ème et 4ème République. Concept central : "liberté". L'homme est libre lorsqu'il pense par lui-même. Ce qui signifie qu'il se dégage de l'obéissance aveugle à des "coutumes". Car leur objet est généralement de lui faire servir des intérêts qui ne sont ni les siens, ni ceux de l'humanité ("aliénation"). 
Le socialisme sauve le capitalisme
Le socialisme (Marx) est un détournement de la seconde idée selon le principe de la première. C'est celui qui produit, qui crée. Le propriétaire est un parasite. D'où une "lutte des classes".

Il semble que notre société, nos "acquis sociaux", résulte de cette idée :
  • Bismarck, pour museler le risque insurrectionnel, invente les régimes sociaux. 
  • Les USA, pour endiguer la tentation soviétique, vont faire profiter le peuple d'un cocon de protection et de prospérité. 
Pour Donald Sassoon, sans le socialisme le capitalisme n'aurait pas vécu. Et il semble effectivement vrai qu'en le forçant à distribuer, un peu, ses gains, il a créé un marché colossal et multiplié les capacités productives du monde. Et il lui a épargné des révoltes. 

La fin du capitalisme ?
La petite entreprise face à la grande, le travailleur précaire face au CDI, le subalterne face au supérieur, le malade face au bien portant, le jeune face au retraité, n'importe quelle nation face aux USA... Quasiment tout le monde est faible par rapport à quelqu'un. Et, il n'y plus personne pour défendre leur cause... Comment cela va-t-il se finir ?

Retour au modèle anglais féodal, ou athénien, ou même américain des origines ? Modèle "Mad Max" : îlots d'humanité décadente entourés de barbarie ? Ou, plus simplement, le capitalisme a tué ce qui lui permettait de vivre ?

(SASSOON, Donald, One Hundred Years of Socialism: The West European Left in the Twentieth Century, New Press, 1998. Par ailleurs, l'émergence des "deux idées" est peut-être liée à l'invention de l'individualisme. Auparavant les sociétés étaient "holistes", probablement. Au sens où l'homme se voyait comme membre d'un tout, et pas comme une entité autonome. C'est plus ou moins l'idée de Marshall Sahlins, qui, en outre pense que notre modèle culturel est fondé sur l'idée que l'homme est porteur du mal.)

samedi 13 juin 2015

Portrait du Français en résistant au changement

Il y a quelques temps, j'ai assisté à une des grands actes de bravoure de la vie d'une copropriété : le changement de syndic. J'y ai aperçu les caractéristiques culturelles du changement en France. 

Je ne sais pas s'il s'en était rendu compte, mais le syndic s'était attiré le mécontentement de l'immeuble. Il opposait à toute demande son inertie. Il était en position de force. Car nous étions divisés. Et il est compliqué de remplacer un syndic et un conseil syndical, fait de bénévoles, a peu de temps pour les démarches nécessaires. Mais il a trouvé plus fort que lui. Avec un sens du dévouement inattendu, une nouvelle présidente s'est mise, comme si elle lui appartenait, à s'occuper des affaires de l'immeuble. Puis, avec le zèle de l'ingénieur, elle a épluché les comptes du syndic, depuis 2007. Ce qui a permis de repérer des anomalies. Par exemple, 20.000€ dormaient sur un compte depuis 20 ans, au moins. Aussi, les services de la ville ont demandé à ce que d'éventuels incendies ne puissent pas remonter des parkings (la ventilation fonctionne à l'envers de ce qu'il faudrait). Rien n'a été fait... La présidente s'est mise à calculer les coûts réels du syndic, en allant jusqu'à y inclure le prix des photocopies. Et a procédé à un appel d'offres. Il y avait mieux (en particulier notre syndic n'était pas informatisé) et bien moins cher. 

Le syndic contre-attaque. Il envoie une lettre recommandée aux copropriétaires, présidente exclue. Il dénonce les agissements du conseil syndical, accusé d'incompétence, voire de malversations. Or, tout était erroné, ce qu'il était facile de démontrer... Lors de l'assemblée générale où se joue son sort, le syndic ne cesse de faire de l'obstruction. Il faut attendre plus de deux heures quinze pour régler la question. Qu'avait-il à y gagner ? Jamais il n'a traité les copropriétaires comme s'ils étaient des clients...

Cependant le syndic eût quelques alliés. Un petit groupe de copropriétaires âgés s'est fait fort de critiquer la gestion (bénévole) de la copropriété. Curieusement, en annonçant des vérités qui n'en étaient pas. Voilà le Français qui se donne de l'importance par la critique ? Mais qui est un rien ridicule, lorsqu'il sort de son cercle complice ?
Superdupont.jpg
"Superdupont". Licensed under Fair use via Wikipedia.

Le changement en France
Inertie dynamitée par la rationalité économique. Le client n'existe pas. Ou c'est un ennemi. Caractéristiques françaises. Mais qu'y a-t-il derrière tout cela ? Peut-être ce que Tocqueville a dit, jadis. Chacun d'entre nous vit dans une bulle, qu'il administre selon notre bon plaisir. Le syndic pensait probablement connaître son métier, et nous considérait comme des incapables. La même modélisation s'applique aussi à ses "alliés" ?

La transformation numérique comme mode de management

Ce qu'il y a de formidablement frustrant dans la "transformation numérique" est que c'est une "mode de management". ("Management fad" en anglais.) Et que, depuis que je travaille, j'en ai subi plus d'une par an. Mon premier employeur ayant été un précurseur du domaine. Et j'ai été aux premières loges de la bulle Internet. Or, la société n'apprend pas. Elle est toujours aussi stupide. 

C'est toujours la même chose. Un discours tonitruant qui cherche à faire passer des vessies pour des lanternes. On va tout casser, il faut faire comme ceci ou cela, faire des vidéos car Google leur donne la préférence..., à moins d'être un sinistre crétin. L'avenir est écrit. A chaque fois les mêmes artistes de la parole, les cancrelats, envahissent les médias. Ils n'ont strictement aucune expérience concrète, ce sont souvent, même, des oisifs, et pourtant ils savent tout. Ils sont convaincus. Ils ont été touchés par la grâce divine, qui a le bon goût de servir leurs intérêts. Ensuite arrivent les énarques et notre élite. Ils connaissent encore moins le sujet que les charlatans précédents. D'ailleurs, depuis qu'ils ont réussi leurs concours ils ne font plus grand chose de leur esprit. Ils se baignent dans le rayonnement de leur supériorité intellectuelle. Mais ils sont convaincus que nous sommes en retard. Qu'il y a une rupture numérique ou quelque-chose d'équivalent. Et que les freins au progrès, c'est notre bêtise. C'est ce qu'on leur a enseigné à l'ENA.

Et cela échoue. Mais ces gens n'ont jamais tort. Alors, leurs erreurs ne leur apprennent rien. Ils sont prêts à sauter sur la prochaine stupidité. Mais ce n'est pas le plus grave. Tout ceci détruit notre société. Cela coûte des emplois et des vies. Et pourtant, les moutons ne réagissent pas. Ils se laissent tondre. 

vendredi 12 juin 2015

Fragile BTP français ?

"2025 pourrait bien être l’âge d’or du secteur du BTP mondial", dit un article. Mais l'entreprise française en profitera-t-elle ? Me suis-je demandé. 

En effet, la demande est tirée par les pays émergents où se créent aussi de formidables champions. Surtout, l'article donne une image inquiétante des groupes français. Leur chiffre d'affaires est en baisse. Et ce parce que le marché français est en recul. Ce qui laisse entendre qu'ils demeurent très liés à celui-ci. Mais aussi qu'ils dépendent de la commande publique : en effet, pour redresser leurs affaires, ils comptent sur des projets publics comme le Grand Paris ! (30md€, rien que pour les transports... espérons que ce sera un investissement productif.)

Cela pose aussi la question de l'hypocrisie du patronat français. Il n'a pas de mot trop dur pour l'inefficacité de l'Etat, mais il s'en nourrit. Mais, peut-il avouer sa dépendance ?  

La transformation numérique n'est pas un changement

Le problème de la transformation numérique ? C'est un changement d'ordre 1. Elle cherche à améliorer l'existant, mais non à transformer radicalement la société, c'est à dire à rendre possible ce qui ne l'était pas. 

En fait, c'est même un changement d'ordre 0, une destruction. En effet, comme l'explique The Economist, elle joue sur l'inertie de la société. Le temps que la société réagisse, l'entreprise numérique a fait un bénéf. Mais elle le fait au détriment de la durabilité de l'humanité. Le numérique n'apporte rien à l'information ou la publicité, par exemple. Il ne fait que déglinguer ce qui existe sans lui substituer quelque chose d'équivalent voire de mieux. Un de ses principes, par ailleurs, est ne pas payer pour ce qui lui est nécessaire. C'est ainsi que Google ou Amazon cherchent à éviter les impôts. Mais, sans eux, pas de formation de leurs personnels, d'entretien des infrastructures qui leur sont utiles, de justice ou de démocratie... Si l'expertise devait être ubérisée, par exemple, le résultat en serait la destruction de la formation dont a besoin l'expert. Si bien qu'au bout de quelques années, il n'y aurait plus d'experts. En fait, c'est un jeu de dupes. Le principe de notre société est l'intérêt individuel. Dès que l'économie allemande a commencé à se sentir menacée par le numérique, elle a réagi. Les gens du numériques sont, donc, probablement eux-mêmes instrumentalisés pour servir d'autres intérêts. Comme hier la finance, il y a certaines limites qu'on ne leur laisse pas franchir. Malheureusement, pour le moment, il n'y a personne pour défendre l'intérêt collectif, et les faibles, qui sont en grande majorité. 

Un changement d'ordre deux consisterait, justement, à renverser l'organisation de la société. A profiter de sa dimension collective et systémique. Pourquoi n'y parvenons-nous pas ? Parce que nos esprits sont prisonniers d'un système dominant, l'individualisme.

jeudi 11 juin 2015

Médecine chinoise et changement

Si j'en crois le billet précédent, il y a beaucoup en commun entre la médecine chinoise et les techniques de conduite du changement. Comme les groupes humains, le corps a un langage muet, en quelque sorte. Et ses maladies sont systémiques. Elles résultent de "blocages". Comme en systémique, il y a une notion d'effet de levier. La guérison passe par faire le contraire de ce que l'on se croit, inconsciemment, devoir faire. Se soigner, c'est pratiquer, sur soi, la conduite du changement !

En fait, la maladie chinoise dépend essentiellement de notre rapport à la société. Ou, peut-être, à la réalité. Par exemple certaines maladies résulteraient de deuils mal faits. Cette réalité non acceptée conduirait à des comportements pathologiques. On retrouve les résultats (récents) de la psychologie systémique, mais généralisés à tous les maux du corps. 

Je pense qu'il y aurait de nombreux intérêts à étudier scientifiquement la médecine chinoise :
  • Si ce qu'elle dit est juste, la médecine occidentale, qui soigne le corps comme s'il était une machine, l'isole du monde, et s'en prend aux symptômes plutôt qu'aux causes, doit faire beaucoup de dégâts. (A moins que l'individu ne soit particulièrement résistant.)
  • Le changement mal mené, qui provoque le refus et la souffrance, doit aussi entraîner beaucoup de maladies. 
  • Les prévisions de la médecine chinoise sont relativement précises et pourraient être testées. En conséquence, il devrait être possible de l'intégrer dans la démarche scientifique classique. 
Plus généralement, cela me fait penser qu'au moment où notre science arrive au bout de sa lancée et de son arrogance, elle pourrait trouver un nouveau souffle en se branchant derrière des savoirs que jusque-là elle considérait comme primitifs. D'ailleurs, elle n'a pas qu'à leur prendre. Elle peut certainement beaucoup leur apporter. Notamment en améliorant leur efficacité. 

Dis moi où tu as mal, je te dirai pourquoi

Voilà un livre de médecine chinoise. Une médecine qui semble avoir 3000 ans d'avance sur Freud. Son idée principale est que la maladie est l'expression des malaises de l'être, généralement dans son rapport au monde. Moins on l'écoute, et plus il va chercher à s'exprimer bruyamment. Jusqu'à provoquer des maux aussi graves que le cancer. Pour la soigner il faut :

Ne pas la nier. 
Démarrer une enquête. 
Le langage de la maladie se décode. Chaque partie du corps a une signification symbolique correspondant à sa fonction. Par exemple, le bras symbolise l'action. L'épaule est le rapport à l'action. Si vous avez un problème à l'épaule c'est que vous avez une difficulté de passer à l'action. Si c'est à droite, c'est Yin, cela a à voir avec une femme. Si c'est à gauche, Yang, c'est avec un homme. 
Arrivé là, rien n'est gagné. Il faut trouver ce que vous vous refusez à faire, et qui vous bloque. Approche systémique. Si vous y parvenez, il se passera une forme de miracle. La maladie disparaîtra. 

(ODOUL, Michel, Dis-moi où tu as mal je te dirai pourquoi, Albin Michel, 2002. Merci à Dominique Delmas, qui m'a parlé de ce livre.)

mercredi 10 juin 2015

Le mensonge, paradoxe de la démocratie

Nos gouvernements nous mentent. Or, ils sont supposés nous représenter. Etre nos élus, en quelque sorte nos serviteurs. Ils le font parce qu'ils estiment que nous nous opposons à notre bien. Si nous savions pourquoi ils nous réforment, nous le refuserions. Voici une des conclusion de la série de billets sur communication et changement

Mais n'est-ce pas une prédiction auto-réalisatrice ? C'est parce que nous savons que l'on nous ment, mais aussi que tous les changements du gouvernement ratent !, que nous sommes méfiants, et que nous faisons rater le changement ! Et si nos politiques s'interrogeaient sur ce que démocratie veut dire ? 

(Un second paradoxe est la légitimité d'une telle pensée. En quoi un homme politique peut-il estimer qu'il possède des capacités significativement supérieures à celles de la nation ?)

Communication et changement : une question d'état d'esprit

Communication et changement : billet de conclusion. On est parti des certitudes d'une diplômée, on a vu M.Sarkozy rater, et M.Delwasse réussir. Puis la technique du stretch goal. Quel enseignement tirer de tout cela ? 

Pour bien communiquer, il faut respecter l'autre
Ce qui explique notre mode de communication est la façon dont nous voyons « l’autre ». Si nous tendons à cacher nos intentions, à mener le changement « en douce », c’est parce que nous pensons que, si  l’autre comprenait nos intentions, il s’y opposerait. Et cela parce que c’est un être inférieur et / ou malveillant. Ou parce que nous avons mauvaise conscience. C'est une prédiction auto réalisatrice. D’autant que, comme les objectifs du changement ne sont pas affichés, il est impossible de contrôler qu’il les atteint vraiment ! Nous nous sommes piégés. 

L’attitude opposée consiste à considérer que l’homme est intelligent, complexe… et dangereux ! Et surtout que l’organisation est un système. Et le secret d'une communication qui marche, c’est le déchet toxique : ce qui fait peur à tous. Voila ce qui déclenche l'effet de levier du changement d'ordre 2.

mardi 9 juin 2015

Le crépuscule de Martine Aubry

France Culture parlait du crépuscule de Martine Aubry. Qui a vécu par le glaive... Une fois de plus. 

Martine Aubry est le héros de mes livres. Les 35h sont un exemple quasi caricatural de la façon dont la France mène le changement. A savoir 
  • La disjonction entre notre esprit linéaire, "réductionniste", et la nature systémique des organisations. Passer de 39 à 35h, c'est réduire de 10% le temps de travail. Or, il y a 10% de chômeurs. Donc cela devrait liquider le chômage. Or, le chômage est inchangé. Exemple d'homéostasie. La loi des 35h a produit un gain de productivité similaire aux lois Schröder.
  • Les vices du "changement dirigé". Le changement dirigé est la technique de conduite du changement associée à la technocratie. Et au totalitarisme. C'est elle qui est utilisée systématiquement par l'entreprise et l'Etat. Le haut, éclairé, impose au bas, inculte. Ce qui entraîne le "phénomène de l'agence". Il vient de ce que celui qui a le pouvoir est celui qui met en oeuvre le changement. Il peut en faire ce qu'il veut. Dans ce cas, seules les grandes entreprises étaient armées pour transformer la mesure en quelque-chose qui leur convenait : la fin d'acquis sociaux gênant la productivité. Aussi bien l'Etat que les PME ou les syndicats n'étaient pas de taille à lutter avec elles. 
Le plus surprenant est que Mme Aubry avait peut-être touché quelque chose de juste. Les pays occidentaux à faible chômage ne semblent pas le devoir à l'augmentation des heures travaillées, mais à une répartition de ces heures. Ce qui permet d'en abaisser le prix. 

Quand à son "crépuscule", il semble venir, selon France Culture, de cette nature autoritaire. Elle lui a fait imposer les 35h sans consultation, et sans se préparer d'appuis. Aujourd'hui, elle l'isole de la société. Peut-être aussi n'a-t-elle plus les moyens d'exprimer ses désirs, par la seule façon qu'elle connaisse : l'ordre ? Forme de dépression ? 

Communication et changement : le stretch goal

Communication et changement : vous rêvez d'égaler Serge Delwasse ?

Voici une technique qui peut vous rendre service. Les universitaires l’appellent le « stretch goal ». Le stretch goal correspond au changement systémique d’ordre 2. Définir un stretch goal c’est répondre à trois questions :
  1. Objectif du changement. Quantitatif et symbolique. Il traduit indirectement la raison profonde de la transformation. 
  2. Analyse objective et indiscutable de la situation actuelle. L’organisation doit dire : nous avons été compris. 
  3. Raisons (indirectes) qui feront le succès du changement. Ces raisons sont de deux ordres. Tous les groupes humains ont réussi des changements. Ils ont une façon particulière de procéder. Le changement nouveau doit s’inscrire dans ces usages. En second, il faut expliquer les moyens que vous lui apportez pour réussir le changement. 
Et voici ce que cela signifie. Oui, vous connaissez la réalité. Vous avez trouvé le déchet toxique, le levier du changement. Oui, vous avez compris ce qu’il fallait faire pour l’utiliser. Oui vous nous proposez un changement qui est dans nos cordes. Et oui, vous nous apportez les moyens pour réussir.

Le stretch goal pour les nuls
Comment construire un stretch goal ? En partant des questions du bas. Il faut comprendre les changements qui ont réussi dans l’entreprise. Et les processus culturels qui leur correspondent. Il faut savoir ce que les gens disent, ce qui pourrit leur vie. Ce dont ils rêvent. Et alors, si vous avez un minimum de talent, et d’empathie, vous saurez comment formuler le changement. Et de quel dispositif vous avez besoin pour donner le coup de pouce dont a besoin la culture du changement de l’entreprise.

lundi 8 juin 2015

Les satellites militaires américains dépendent de fusées russes

Problème aux USA. On n'a plus le droit d'y acheter des fusées russes. Elles sont fabriquées par un ami de M.Poutine. Il est sanctionné. Or, les satellites militaires américains en dépendent. (L'article du New York Times.) Apparemment, un lobbying efficace devrait permettre de lever l'interdiction. 
The Pentagon’s position, however, has powerful support from the nation’s intelligence chief and two of the most influential defense contractors, Boeing and Lockheed Martin. And it appears to be prevailing, even as the United States has imposed a raft of financial and travel sanctions against Russian officials, including those overseeing that country’s defense industry, in order to deter further aggression by Mr. Putin in Ukraine.
Exemple de la folie gestionnaire qui s'est emparée de l'entreprise ? Pour réduire ses coûts (et augmenter les dividendes de ses actionnaires), elle est prête à pactiser avec le diable ? Et peut-être bien, aussi, à perdre un savoir-faire critique ? 

Communication et changement : effet de levier et déchet toxique

Communication et changement. Après les mésaventures Sarkozy, le succès Delwasse... 

Serge Delwasse doit redresser une entreprise qui va mal. Il a peu de temps. Diagnostic éclair : ce n’est pas une question de chiffre d’affaires. Ouf, ça va être facile. Eh bien non. L’entreprise n’arrive pas à respecter ses engagements et ses coûts. Et rien n’y fait. Un jour, il a une illumination. Il enlève les portes intérieures de la société. Ses équipes sont offusquées. Vous pensez que nous ne travaillons pas ensemble ? C’est faux. Et pour lui prouver son erreur, elles collaborent. Et l’entreprise devient rentable.

L'effet de levier est dans le déchet toxique 
Serge Delwasse a un esprit systémique. A chaque mission, il procède de même. Il identifie le déchet toxique. Et il l’attaque frontalement. Il sait que c’est là que se trouve le levier du changement. Et voilà le secret du changement d’ordre 2 ! Tant que, comme nos gouvernants ou dirigeants, vous ne pratiquerez pas l’attaque du déchet toxique, vos changements rateront. 

Mon prochain billet explique comment faire du Delwasse, sans être Delwasse...