Martin Seligman est un des plus grands psychologues contemporains. Il a inventé un test qui mesure l'optimisme. Son résultat est corrélé au succès. Les travaux qui l'ont fait connaître portent sur la vente d'assurances. Mais il a aussi étudié le sport et l'école. Ce que sélectionne la compétition, ce n'est pas le talent, mais la capacité à aimer l'adversité. On pourrait en dire de même de la politique.
L'optimisme ? C'est être stimulé par la difficulté. Le pessimisme, c'est l'inverse.
Initialement, j'ai retrouvé chez Martin Seligman une observation que j'avais faite. Une entreprise qui réussit un changement devient optimiste. C'est spectaculaire. Je donne, maintenant, l'optimisme comme objectif au changement. Mais ce n'est que lorsque j'ai appliqué ses idées à mon cas, que j'en ai compris la portée.
La pratique du pessimisme
Je veux me laver la tête. La bouteille de shampoing que j'ai à portée de main est vide. J'ai jeté la bonne ! C'est Alzheimer. Je m'ébroue, je regarde autour de moi : rien. Plan B : la savonnette ? C'est alors que je me rappelle que, la semaine dernière, j'ai utilisé mon autre salle de bain. La bouteille y est.
Histoire que me racontent des ingénieurs de Dassault. Bug dans la programmation du système de pilotage d'un prototype. Lors d'un essai en vol, l'avion entre en résonance. Mais le pilote ne perd pas son calme. Tout son esprit est concentré sur la recherche d'une solution. Il la trouve.
Le pessimiste invente des explications invraisemblables. Résultat : il se donne des limites qui n'existent pas. Il croit qu'être président de la République, champion olympique, ou, simplement, heureux ce n'est pas pour lui. Mais, surtout, cela touche les petits riens de la vie : une machine que l'on ne répare pas, ou sa santé qu'on laisse s'étioler. Le pessimiste se racornit. "Cela marchera, ou ça dira pourquoi", répétait ma mère. L'optimiste, lui, sait qu'il suffit de vouloir pour pouvoir. Et, si l'on en croit Martin Seligman, notre pilote d'essais ne se sent jamais aussi heureux qu'en danger !
Subir le test
Je suis hors des limites du test de Martin Seligman. De très loin. Juste : lorsque je rencontre la moindre difficulté, je perds mes moyens. Avant de lire Martin Seligman, le phénomène était inconscient. Pourquoi ai-je survécu ? Parce que certaines choses semblent évidentes. Mais aussi parce que, lorsque j'oublie que j'ai peur, mon cerveau repart. (Cf. anecdote du shampoing.) Par exemple, il suffisait que je sorte d'une salle d'examen pour qu'il fasse des miracles. Il travaille, d'ailleurs, très bien la nuit. Le matin je déborde d'idées. Et, à chaque fois que j'ai vu de prêt la mort, j'ai retrouvé une parfaite lucidité. Je me souviens même avoir pensé que mes soucis étaient finis. Ouf. Autre curiosité ? Parfois, croire que quelque chose est facile, à tort, me permet de le résoudre aisément. Mais, parfois, si ça résiste un rien, je décide que, vraiment, je suis nul. Bloqué. Encore plus étrange : je suis incapable de lire ce qui m'inquiète. Jadis c'était les énoncés de math, maintenant ce sont les feuilles d'impôts.
Le pessimisme a donc des effets contre-intuitifs et quelques-fois bénéfiques. Mais il y a plus important : il y a l'espoir. Encore une contradiction. Je doute de moi, absolument, et pourtant je suis confiant en l'avenir. L'espoir est ce qui vous maintient en vie. C'est cela aussi le test de Martin Seligman.
Soigner la dépression
Bien que timide, j'étais à l'aise à l'oral. Jusqu'à ce que je me mette, pourquoi ?, à douter. Mes peurs m'ont envahi. Le pessimisme est un mal qui ronge l'espoir. S'il réussit : "learned helplessness". Quand vous soumettez un être à des chocs aléatoires, il se convainc que le monde n'a aucun sens. Il se couche, et se laisse périr. Mais, le mal a son traitement. Martin Seligman a montré que l'on pouvait "apprendre" à être optimiste. Lorsqu'un événement survient, nous l'interprétons inconsciemment, un acte en résulte. S'il est incorrect, échec et dépression. Donc, retraçons la cause de l'action qui a mal tourné, et demandons-nous si nous n'aurions pas pu penser autre-chose, et ce qui en aurait résulté. La réussite provoque une satisfaction. Persévérer permet de se recoder.
Me suis-je recodé ? Cet exercice est compliqué. Ou je suis trop nul pour le réussir. Mais, ce qui compte n'est pas la méthode, ce sont les leçons qu'elle sous-entend. La première est que les limites du possible sont fixées par notre inconscient. Le possible est à inventer ! La seconde est que, pour le créer, il faut se considérer de l'extérieur. Les psychologues parlent de position "meta". On devient son objet d'observation. Voilà qui change le sens de la vie ! Merci Martin.
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