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dimanche 6 janvier 2019

Respect

Saint Exupéry dit que le soldat qui salue un capitaine ne salue pas l'homme mais l'institution. Je me demande s'il n'y a pas tout le problème de notre société moderne dans cette idée.

Je me souviens, qu'au début des années 60, la radio annonçait les nouveaux "millionnaires". Personne ne s'en offusquait. Je crois que le principe de la société d'alors était le mérite. Si quelqu'un réussissait, il le devait à son mérite. Pratiquement, le mérite consistait à s'élever dans la hiérarchie sociale. Les Kopa, les Killy, les Cerdan, les Poulidor, les Piaf, les Maurice Chevalier... aussi bien les sportifs que les artistes étaient des pauvres, qui n'avaient pas pu profiter de l'ascenseur social de l'éducation (alors que, souvent, ils en avaient les capacités), et avaient trouvé une autre façon de réussir. Une fois leur carrière faite, ils se révélaient souvent des entrepreneurs avisés. C'était des gens intelligents. Même les privilégiés devaient subir un rite initiatique. Ils n'étaient pas fils de banquiers, mais normaliens, ayant réussi des études difficiles, puis, partis d'un poste d'enseignant des plus humbles, ils avaient produit une oeuvre intellectuelle admirée, et ils s'étaient élevés dans la hiérarchie de l'éducation nationale. Nous ne les admirions pas, nous nous admirions.

C'était la France de Napoléon qui correspondait peut-être le mieux à cette époque. Napoléon et ses généraux, qui parfois étaient des nobles, s'étaient élevés grâce à des actes de bravoure insensés. Vidocq, dont on reparle, était un autre exemple : la rédemption par le talent. Même les Fouché et autres Talleyrand, manoeuvriers louches, étaient admirables par leurs capacités. C'était aussi le temps de la science et d'une société organisée par la raison, du triomphe de l'intelligence.

Quant à aujourd'hui, la confusion viendrait de ce que ceux qui occupent les anciennes positions d'autorité (président, PDG, médecin, chercheur...) croient qu'ils le doivent à leurs mérites, alors que le reste de la société pense qu'ils sont les produits d'un système fautif. Le projet de la médecine n'est plus de soigner, mais de s'enrichir. Ce n'est plus le désir de servir la nation qui porte l'énarque, mais la volonté de puissance. Le sportif est un gladiateur. Il est vil. La sélection faite par l'éducation nationale est biaisée.

Personne ne pourra prétendre au respect tant que nous n'en aurons pas pour nos institutions ?