Ça a mis le temps mais c’est là et ça éclate même en lettres de néon dans Le Figaro de ce matin par la voix d’André Santini, secrétaire d’État à la Fonction publique : la culture générale va être chassée des concours administratifs.La culture générale ne sert à rien et elle est un facteur de discrimination à l’égard des classes défavorisées qui n’y ont pas accès. En outre, l’élève Nicolas Sarkozy aurait été victime de la Princesse de Clèves, et voudrait achever le travail de la révolution. On comprend mieux son amour du désert culturel américain. Au moins, là, c’est du simple. Du Rambo.
Le gouvernement poursuit l’œuvre réformatrice des soixanthuitards : je n’aime pas, donc ce n’est pas bien. Intentions pleines de bons sentiments. Curieux tournant de l’histoire humaine. Les sociologues disent qu’un des piliers de l’édifice social est la « validation sociale » : nous tendons à être des moutons de panurge. Apparemment pas nos gouvernants. Comme le Neocon américain, ils ont la certitude de détenir la vérité. Au diable les ringards qui les ont précédés ! Grande innovation sociale : l’individualisme.
Oui, mais Corneille, Madame de Lafayette, Platon et Socrate, c’est quand même sacrément dépassé ! Le moyen pour quelques sadiques frustrés de faire souffrir l’enfance.
Pour comprendre Madame de Lafayette, le duc de Saint Simon, ou Platon, il faut se mettre dans leurs baskets. Décodage, reconstruction de leur époque, de leurs repères intellectuels. Ce travail d’exégèse est le fondement de toute religion : les textes religieux doivent être traduits pour chaque génération. Alors, ils nous parlent de notre vie. Et ils nous disent des choses formidablement intéressantes.
La culture a un rôle : nous préparer à exister. Erin Brokowitch, c’est l’individu solitaire qui fait triompher les valeurs sociales (le bien) de l’égoïsme individualiste (le mal – ici représenté par une multinationale). Le Cid, c’est le conflit entre l’aspiration individuelle et l’obligation sociale, et sa résolution. Tartuffe, les médecins de Molière, c’est l’hypocrisie et ses tactiques perverses (mais brillantes !), ce sont les Bobos, les consultants, les scientifiques du management. La vie est un éternel recommencement. La culture est là non seulement pour nous donner les solutions que nos ancêtres ont trouvées à nos problèmes, mais aussi pour nous entraîner à les appliquer. Regarder un film, c’est vivre la vie de ses personnages, et apprendre de leur expérience. Les feuilletons américains suintent de bons sentiments.
Notre gouvernement n’élimine pas la culture. Il la remplace. Il brûle les livres pour couper les ponts avec une culture qu'il juge dangereuse.
Compléments :
- Éducation nationale : les bons sentiments m’ont tuée.
- Validation sociale : CIALDINI, Robert B., Influence: Science and Practice, Allyn and Bacon, 4ème édition, 2000.
- De l’individualisme : Norbert Elias.
- Deux autres brûleurs de livres : Mao et Qin Shi Huang Di (Le discours de la Tortue).
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